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Le rôle croissant de la Chine dans le commerce mondial du bois

W. Lu

Wenming Lu est professeur et directeur, Division de la coopération internationale, Chinese Academy of Forestry, Beijing (Chine).

Grâce à son économie en plein essor, à son immense marché intérieur et à sa main-d’œuvre à faible coût, la Chine est apparue ces dernières années sur la scène mondiale comme un géant du commerce des produits du bois – un changement dont l’effet d’entraînement pourra influencer le monde entier.

La Chine jouit d’une croissance économique dynamique depuis l’adoption de réformes et l’ouverture du pays au monde extérieur en 1978. Malgré des variations annuelles, le produit intérieur brut (PIB) a connu un taux de croissance très élevé pendant un quart de siècle; il dépassait 10 pour cent au début des années 90 et, depuis la crise financière asiatique de 1997 et la récession économique mondiale, il a fluctué entre 7 et 9 pour cent environ, atteignant 9,5 pour cent en 2004.

Au début du nouveau millénaire, le Gouvernement chinois a lancé son grand programme de développement occidental qui a déterminé la mise en place d’une infrastructure massive dans l’ouest du pays. En juillet 2001, Beijing a obtenu d’héberger les jeux olympiques de 2008, ce qui a directement et indirectement stimulé le développement des infrastructures à Beijing et dans de nombreuses autres villes. En novembre 2002, le Gouvernement chinois a mis l’accent sur le relèvement des niveaux de vie de l’ensemble du pays. La croissance économique accélérée et la hausse des revenus ont entraîné une augmentation de la consommation de bois pour le développement des infrastructures, la construction immobilière, la décoration d’intérieurs et la fabrication de mobilier.

Du fait de cette croissance, conjuguée à une grave pénurie de disponibilités intérieures de bois, la Chine joue maintenant un rôle d’une importance grandissante dans le commerce mondial du bois. Avec un couvert forestier de 17,5 pour cent en 2000 (FAO, 2001), la Chine est pauvre en ressources forestières et, depuis 1998, sa production de bois a été limitée par le Programme de protection des forêts naturelles qui a interdit l’exploitation de toutes les forêts naturelles dans le sud-ouest et réduit la récolte dans celles du nord-est. Les importations de bois ont crû rapidement depuis 1999 pour satisfaire la demande croissante.

La Chine est désormais le principal importateur de bois industriel et le deuxième principal importateur de produits forestiers du monde, et le taux de croissance de ces importations reste élevé. Les principaux produits importés sont les grumes industrielles, les sciages et le contreplaqué. Les importations de panneaux de fibres et de particules à base de bois ont également enregistré une hausse. La Chine importe aussi de très grandes quantités de pâte et de papier chaque année, produits qui représentent un équivalent de bois rond plus élevé que les produits ligneux.

Pour réduire le déficit des disponibilités et les importations de bois, le Gouvernement chinois a lancé un programme de plantations forestières en 2000. Il est escompté que, d’ici 2015, le programme aura contribué à la production de 133 millions de mètres cubes de grumes par an, ce qui pourrait satisfaire 40 pour cent de la demande intérieure de bois. Cette récolte, associée à celles provenant des plantations déjà existantes et des forêts naturelles encore exploita­bles, pourraient permettre à la Chine d’équilibrer l’offre et la demande intérieures de bois à l’avenir.

Grâce à ce programme, ainsi qu’aux politiques offrant des incitations pour la mise en valeur forestière, de nombreuses entreprises, en particulier les entreprises privées, ont investi ces dernières années d’importants capitaux dans de grandes plantations et industries de transformation. La Chine a rapidement développé ses industries de transformation du bois, devenant ainsi un important exportateur de produits ligneux à valeur ajoutée, compétitifs quant aux prix et de haute qualité, dans le secteur du meuble principalement mais aussi du contreplaqué. En 2003, la valeur marchande totale des importations de produits forestiers s’élevait à 15,5 milliards de dollars EU alors que celle des exportations s’établissait à 12,2 milliards. Les produits forestiers figurent parmi les 10 principales importations et exportations. Il est estimé que leur valeur marchande pourrait trouver un point d’équilibre d’ici cinq ans car l’exportation des produits ligneux à valeur ajoutée croît plus rapidement que l’importation des produits ligneux primaires. Sous l’angle de la valeur marchande, la Chine a déjà abandonné sa position d’importateur net pour acquérir celle d’exportateur net de produits ligneux.

À l’heure actuelle, la Chine est le principal importateur mondial de bois rond industriel – mais son programme de plantations forestières, lancé en 2000, devrait permettre à la Chine d’équilibrer la demande et l’offre intérieures de bois
P. SIGAUD

IMPORTATION DU BOIS COMME MATIÈRE PREMIÈRE

Dans les importations de bois en Chine, les grumes font l’objet de l’accroissement le plus marqué. En 2003, le pays importait près de 27 millions de mètres cubes de bois rond industriel (figure 1). Bien que, cette année-là, les importations de grumes n’étaient guère plus élevées qu’en 2002, le volume de bois importé dépassait de 50 pour cent environ celui de 2001. Ce revirement est spectaculaire si l’on considère que les importations de bois de 1993 s’élevaient à moins de 6 millions de mètres cubes. Les exportations de grumes, par ailleurs, étaient si faibles qu’elles pouvaient être considérées comme négligeables, n’atteignant même pas 700 000 mètres cubes en 2003.

Les résineux sont importés en plus grande quantité que les feuillus. La Fédération de Russie est la principale source de grumes importées, fournissant près de 60 pour cent du total – environ 95 pour cent de résineux qui consistent principalement en mélèzes (Larix sibirica en particulier) et en pins sylvestres de Mongolie (Pinus sylvestris var. mongolica en particulier). Suit la Nouvelle-Zélande qui fournit principalement le pin de Monterey (Pinus radiata). Les feuillus importés viennent dans une large mesure d’Asie du Sud-Est et d’Afrique occidentale.

Le deuxième principal produit ligneux importé est le bois de sciage dont les importations ont atteint près de 7 millions de mètres cubes en 2003, alors que la production de la Chine s’était élevée à 12 millions de mètres cubes environ cette année-là (figure 2). La tendance de la croissance des importations de sciages est semblable à celle des grumes; en 2003 le volume était à peu près le même qu’en 2002 mais beaucoup plus élevé qu’en 2001 et deux fois celui de 1993 (environ 3 millions de mètres cubes). Les exportations de sciages, moins de 700 000 mètres cubes en 2003, sont également négligeables. Les feuillus représentent environ 75 pour cent des sciages importés, et proviennent principalement des pays d’Asie du Sud-Est comme l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande, alors que les résineux importés sous forme de sciages viennent en majeure partie des États-Unis et de la Fédération de Russie.

Trois principales raisons expliquent la croissance limitée des importations de grumes et de sciages entre 2002 et 2003. D’abord, la production intérieure était plus élevée en 2003 qu’en 2002 après une baisse progressive de six ans due au Programme de protection des forêts naturelles. L’accroissement de la production est attribuable à la maturation des plantations industrielles, pendant que l’exploitation des forêts naturelles a continué à diminuer légèrement. En deuxième lieu, il n’y a eu pratiquement aucune augmentation dans les importations de grumes de la Fédération de Russie, notamment en raison des spéculations des commerçants en 2002 qui ont déterminé un important stock excédentaire. La Fédération de Russie était la principale source de croissance dans les années précédentes. Troisièmement, la dévaluation de la devise chinoise – qui est alignée sur le dollar des États-Unis – par rapport aux autres devises a également eu sa part.

1
La production et le commerce de bois rond industriel de la Chine entre 1993 et 2003 (millions de m3)

2
La production et le commerce de sciages de la Chine entre 1993 et 2003 (millions de m3)

Grumes russes importées à Suifenhe, un important poste frontalier; à la Fédération de Russie sont imputables 60 pour cent des grumes importées par la Chine
B. YU


CROISSANCE DE L’INDUSTRIE DE TRANSFORMATION DU BOIS

L’essor économique rapide et la forte demande de bois ont stimulé l’expansion des industries de transformation du bois dans de nombreuses parties du pays. Le gouvernement encourage les sociétés nationales aussi bien qu’étrangères, notamment les entreprises privées, à investir dans l’industrie forestière grâce à des systèmes préférentiels de taxation et des politiques foncières favorables. Malgré la surcapacité générale des usines de transformation dans le monde entier, de nombreuses entreprises internationales, y compris certaines des grandes sociétés de renommée mondiale du secteur forestier, investissent encore beaucoup dans les industries forestières et les plantations de Chine. Les industries des panneaux, et de la pâte et du papier en particulier se développent à un rythme accéléré. Au cours des 10 dernières années, la Chine a crée un certain nombre de grands complexes industriels forestiers, comme les fabriques de contreplaqué dans les Provinces de Hebei, Zhejiang et Shandong et de meubles à Guangdong et dans d’autres provinces côtières.

La Chine est en train de devenir un grand producteur de panneaux, avec une production totale de près de 42 millions de mètres cubes en 2003, soit un accroissement net par rapport à l’année précédente (figure 3). Ce volume est presque aussi élevé que la production totale de panneaux des États-Unis en 2002. Grâce à sa croissance dynamique dans ce secteur, la Chine devrait pouvoir remplacer les États-Unis comme principal producteur de panneaux d’ici quelques années.

Parmi les trois principaux types de panneaux fabriqués (contreplaqué, panneaux de fibres et panneaux de particules), le contreplaqué est le produit le plus prometteur sous l’angle de la croissance de la production et des exportations, bien que sa production soit considérée comme une industrie en régression par certains pays asiatiques. La production chinoise de contreplaqué en 2003 s’élevait à 22 millions de mètres cubes, soit plus de la moitié de la production totale de panneaux la même année et presque le double des 12 millions de mètres cubes de l’année précédente. La Chine était un importateur net de contreplaqué pendant les années 80 et 90, mais elle est désormais un exportateur net. Par rapport aux 3 ou 4 millions de mètres cubes importés annuellement au début des années 90, les importations de contreplaqué sont tombées à moins de 2 millions de mètres cubes au cours des trois dernières années, alors que les exportations de ce produit ont accusé une hausse pour atteindre 2,4 millions de mètres cubes en 2003. La compétitivité quant aux prix de la production de contreplaqué comme industrie à fort coefficient de main-d’œuvre est responsable de la croissance dynamique des exportations de ce produit. Les panneaux de fibres à densité moyenne (MDF) deviennent aussi très attrayants pour les investisseurs en raison de la forte demande de ce type de panneau dans la fabrication de mobilier et de revêtements de sol.

La Chine est aussi désormais l’un des principaux producteurs mondiaux de papier et de produits à base de papier, sa production dépassant les 45 millions de tonnes en 2003 (figure 4). Les industries de la pâte et du papier continuent à se développer, avec de gros investissements dans ce secteur réalisés au cours des dernières années ainsi qu’une bonne valeur marchande. L’Asia Pulp and Paper Co. Ltd a investi dans une douzaine d’usines de papier dans le delta du fleuve Yangtze près de Shanghai, et une grande usine de pâte dans la Province de Hainan avec une capacité annuelle de 600 000 tonnes a amorcé une production d’essai. StoraEnso, UPM-Kymmene et International Paper investissent aussi dans d’importants projets de production de pâte et de papier. C’est ainsi qu’en quelques années la capacité aura crû considérablement, réduisant dans une certaine mesure la dépendance de la Chine vis-à-vis des importations de pâte et de papier.

Cependant, à présent, la Chine importe encore une quantité assez importante de pâte et de papier. La consommation de papier par habitant est encore très faible, mais sa demande croît rapidement grâce à la croissance économique dynamique du pays. En 2003, la Chine a importé près de 7 millions de tonnes de pâte et 10 millions de tonnes de papier. Ces deux chiffres pourraient atteindre en équivalent de bois rond plus de 66 millions de mètres cubes, résultat bien meilleur que le total des produits ligneux. Le commerce de la pâte et du papier en 2003 a connu un taux de croissance haut et stable de15 à 20 pour cent environ par rapport à l’année précédente. La Chine importe aussi de grandes quantités de vieux papiers pour satisfaire la forte demande de fibres ligneuses destinées à la fabrication de papier, car le pays utilise encore 80 pour cent de fibres non ligneuses pour la pâte. En 2003, la Chine a importé 9,4 millions de tonnes de vieux papiers, soit plus de 37 pour cent de plus que l’année précédente.

Le produit qui offre le plus de promesses pour les exportations chinoises est le mobilier. Bien que les tarifs frappant ses importations aient baissé nettement d’une année à l’autre grâce à la libéralisation des échanges entre les pays de la l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) et les négociations pour l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) au cours des années 90, les exportations de meubles de la Chine font encore l’objet d’une croissance dynamique (figure 5). En 1990, lorsque les tarifs sur les importations de meubles atteignaient 78 pour cent, la valeur de leurs exportations n’était que de 48,5 millions de dollars EU. En 2003, la Chine a exporté pour 7,3 milliards de dollars de meubles, dont plus de la moitié étaient en bois. Il est escompté que la valeur des exportations de meubles de la Chine atteindra 9 milliards de dollars en 2004, chiffre qui se rapproche de celui du plus grand exportateur mondial de meubles, l’Italie, dont la production atteint à l’heure actuelle 10 milliards de dollars. Les meubles seront donc la force motrice qui assurera l’équilibre de la valeur marchande des produits forestiers en Chine dans un proche avenir. La destination principale des meubles exportés sont les États-Unis, suivis du Japon et quelques pays européens.

3
La production et le commerce de panneaux à base de bois de la Chine entre 1993 et 2003 (millions de m3)

4
La production et le commerce de papier et de carton de la Chine entre 1993 et 2003 (millions de tonnes)

5
Augmentation de valeur des exportations de meubles de la Chine (millions de $EU)


LE MARCHÉ CROISSANT DE LA CHINE

Pays le plus vaste du monde avec une population de 1,3 milliard d’habitants, la Chine est un gigantesque marché, y compris pour les produits forestiers. La consommation de bois rond industriel se partage de façon à peu près égale entre la construction immobilière et la décoration d’intérieurs, la fabrication de meubles, les logements ruraux et les infrastructures agricoles, la fabrication de pâte et de papier et d’autres utilisations. Le bois de sciage et le contreplaqué servent principalement à la construction immobilière et aux intérieurs, et la fabrication de mobilier, alors que les panneaux de fibres (dominés actuellement par les MDF) et les panneaux de particules sont utilisés en premier lieu pour la fabrication de meubles et, de plus en plus souvent, pour les revêtements de sol.

La consommation, à l'instar des industries elles-mêmes, se concentre surtout dans les régions économiquement développées, notamment le long des côtes, bien que les ressources forestières, en particulier les forêts naturelles, se situent pour une large part dans le nord-est et le sud-ouest.


CONCLUSION

Les importations totales de tous les produits à base de bois et de fibres ligneuses de la Chine, calculées en équivalents de bois rond industriel, se sont élevées à plus de 100 millions de mètres cubes au cours des deux dernières années (figure 6). Bien que le pays doive encore équilibrer la valeur marchande de ses produits forestiers, il ne fait pas de doute qu’elle joue un rôle croissant dans le commerce mondial des produits forestiers et qu’elle est maintenant un important consommateur mondial de ces produits. Les coûts de la main-d’œuvre étant encore assez faibles, le mobilier et le contreplaqué sont très compétitifs, ce qui a d’importantes répercussions pour les pays qui exportent actuellement des produits vers la Chine ou d’autres pays vers lesquels la Chine exporte aussi.

En mai 2003, le Gouvernement chinois a formulé une résolution visant à accélérer la mise en valeur forestière où sont clairement définis la stratégie de développement à long terme du secteur forestier, les objectifs et les mesures d’incitation. Le gouvernement est certain que la Chine peut être et sera autosuffisante vis-à-vis de sa demande de bois d’ici 10 à 15 ans, lorsque ses plantations seront à même d’assurer une production suffisante et durable de bois. L’industrie forestière de la Chine devrait pouvoir se développer plus rapidement grâce à l’expansion dynamique de ses capacités de fabrication due aux politiques encourageantes du gouvernement, à la croissance économique accélérée, à la demande croissante de tous genres de produits forestiers, aux disponibilités intérieures accrues de bois grâce à l’investissement dans les plantations, au renforcement des capacités nationales de fabrication et à la qualité améliorée du produit. Cette expansion de l’industrie suivra entièrement le jeu des mécanismes du marché. Il est escompté qu’elle déterminera la stabilisation, voire la réduction, des importations de produits forestiers, ou du moins une baisse annuelle du taux de croissance des importations après 2015. Par ailleurs, il en résultera probablement une hausse des exportations de produits à valeur ajoutée, notamment de meubles et de contreplaqué, produits à fort coefficient de main-d’œuvre. Néanmoins, dans le long terme, même si la Chine deviendra autosuffisante en produits forestiers, elle continuera à importer des produits particuliers, comme les feuillus tropicaux à grand diamètre pour les meubles de haute qualité, le contreplaqué et les intérieurs, ainsi que la pâte et le papier pour la fabrication de papier de qualité supérieure.

6
Importations totales de produits à base de bois et de fibres ligneuses de la Chine (millions de m3 en équivalent bois rond)

Bibliographie

FAO. 2001. Évaluation des ressources forestières mondiales 2000 – rapport principal. Étude FAO: Forêts no 140. Rome.

FAO. 2004. FAOSTAT forestry data. Disponible à l’adresse suivante: faostat.external.fao.org/faostat/collections?subset=forestry

China Technical Association of Paper Industry (CTAPI). 2004. Almanac of China Paper Industry 2004. Beijing, Chine.

General Customs Administration of the People’s Republic of China. 2004. China’s Customs Statistical Yearbook. Beijing, Chine.

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