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Arts et traditions Mbuti – une culture née de la forêt

Les populations Mbuti de la forêt d’Ituri en République démocratique du Congo décorent leurs tissus à base d’écorce avec des images abstraites qui expriment la vie, le mouvement, le son et la forme de leur monde forestier.

Pour la population Mbuti de la forêt d’Ituri dans le nord-est de la République démocratique du Congo, une société nomade de chasseurs-cueilleurs, la forêt est sacrée. Elle est la source de leur existence – leur dieu, parent et sanctuaire. Les Mbuti sont des bamiki bandura, «enfants de la forêt», imbus depuis leur naissance d’une riche tradition symbolique qui met l’accent sur la valeur suprême de la ndura, ou le «caractère forestier». Les Mbuti parlent et chantent avec respect et gaieté de la forêt et à la forêt. Ils chantent des chansons qui évoquent le «portage des feuilles» et les «abeilles». Les chansons les plus appréciées sont celles sans paroles, chantées pour réveiller la forêt et l’inciter à se réjouir par la seule beauté du son. Les danses réalisées à des fins rituelles ou pour le seul plaisir comprennent la danse mimétique de la «chasse à l’éléphant» ou celle de «l’abeille», destinées à attirer le gibier et les vivres et exprimer leur gratitude après leur obtention.

Les Mbuti fabriquent des tissus à base d’écorce préparés par les hommes et peints par les femmes comme vêtement rituel pour les festivals, les célébrations et les rites de passage, y compris les cérémonies de mariage et d’enterrement et les initiations à la puberté. Tant les tissus d’écorce peints qui enveloppent un enfant Mbuti dès sa naissance, que ceux formant un couloir à travers lequel les jeunes garçons «renaissent» pendant les rites de la puberté, sont conçus, à l’instar de la forêt, comme un ventre de femme (ndu).

Les hommes préparent les tissus en extrayant la partie interne de l’écorce d’environ six différentes espèces d’arbres. Pour obtenir une surface à texture fine, ils l’écrasent avec un maillet d’ivoire ou de bois qui pourrait être orné d’incisions linéaires ou en forme de croix. Après le traitement, ils obtiennent un canevas fibreux et souple de différentes nuances naturelles de blanc, ocre ou brun rougeâtre. Par des immersions dans la boue ils produisent des fonds rouge sombre ou noirs.

Les femmes préparent les teintures et les peintures qu’elles tirent d’une grande variété de racines, fruits et feuilles récoltés dans la forêt. La peinture est appliquée à l’aide de brindilles, de ficelle ou avec les doigts. Ce complexe processus de préparation et de peinture d’un tissu à base d’écorce est une activité sociale, et les Mbuti l’apprennent dès leur jeune âge.

Les peintures qui ornent ces tissus d’écorce représentent le monde des Mbuti; ce sont des expressions abstraites des humeurs et des aspects de la forêt. Les artistes transforment les signes du visible (la géométrie fractale des arbres) et de l’invisible (les feuilles pliées, les subtiles modulations des sons des insectes) en un langage visuel unique. Les peintures sont l’expression de la perception qu’ont les Mbuti de la forêt: le cœur spirituel et symbolique de leur culture. Les artistes combinent une variété de motifs biomorphiques (les papillons, les oiseaux, les taches des léopards) avec des dessins géométriques qui donnent l’impression de mouvement, de son et de forme dans le paysage forestier: la lumière filtrant à travers les arbres, le bourdonnement des insectes, les traces des fourmis et l’enchevêtrement des lianes. Des carrés hachurés, imitant peut-être la texture de la peau des reptiles, sont la représentation sténographique des tortues, des crocodiles et des serpents.

Les «silences» visuels ou les vides dans les dessins sont particulièrement appréciés et conformes aux concepts Mbuti du son et du silence. Dans la pensée Mbuti le silence n’est pas l’absence de son – car la forêt «parle» toujours – mais la quiétude (ekimi), l’absence de bruit. Le bruit (akami) est synonyme de conflit. Le son a des propriétés spirituelles et magiques. Il fait partie intégrante du monde Mbuti, non seulement comme une toile de fond acoustique, mais comme un moyen de faciliter la communication avec autrui et avec la forêt elle-même

Source: Adapté de V. Drake Moraga. 1996. An eternity of forest – paintings by Mbuti women. Essay and introduction to the exhibition, Berkeley Art Museum, Berkeley, Californie, Etats-Unis. Document Internet: www.bampfa.berkeley.edu/exhibits/mbuti/brochure.html

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