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2. EXEMPLES DE GESTION DE PPE

L'étude de plusieurs exemples choisis dans divers pays nous montre une évolution du niveau de gestion des PPE.

Celui-ci dépend essentiellement de quatre éléments:

2.1. Ruisseaux et rivières du Burundi et du Rwanda

2.1.1. Le milieu naturel et son écologie

Nous nous intéresserons aux plateaux du Centre et de l'est de ces deux pays, qui appartiennent au bassin fluvial du Nil. La région présente un relief de collines parfois très escarpées dont l'altitude est comprise entre 1 000 et 2 000 m d'altitude. Les températures moyennes varient de 15 à 20 °C tandis que la pluviométrie se situe entre 1 000 et 1 500 mm par an. Les précipitations se répartissent à peu près uniformément tout au long de l'année, avec cependant une période relativement sèche de juin à septembre. Une multitude de petits cours d'eau sillonne la région et alimente un réseau de marais encombrés de végétation dense et plusieurs petits lacs.

La forêt recouvrait la plus grande partie des collines, mais très tôt, le déboisement a été entrepris pour libérer des pâturages nécessaires aux troupeaux des pasteurs Tutsis (environ 15 % de la population), aux cultures des paysans Hutus (85 % de la population). Les Batwas (Pygmées), largement minoritaires, sont restés en marge du reste de la société, vivant sur les derniers lambeaux de forêt.

Compte tenu des traditions alimentaires locales, le poisson des cours d'eau a longtemps été négligé par les agriculteurs et par les éleveurs; aussi, les Batwas, peu nombreux étaient les seuls à exploiter cette ressource limitée et difficile à exploiter.

La pêche était organisée au niveau d'un village avec la participation de l'ensemble de la population. Plusieurs journées étaient nécessaires pour préparer le poison à partir de plantes sauvages. En effet, l'utilisation de substances toxiques naturelles était la seule méthode de pêche pratiquée; lorsque les vieux du village avaient décidé l'organisation d'une journée de pêche, certaines personnes étaient chargées d'aller ramasser les plantes toxiques en forêt, puis préparaient le poison qui se présentait sous la forme d'une pâte végétale pliée dans de feuilles de bananiers. Cette substance pouvait se conserver quelques jours seulement. Le matin de la journée choisie pour la pêche, la population du village se répartissait tout le long de la section de rivière propice à cette action. En amont, le poison était déversé; les poissons, anesthésiés ou tués, étaient récoltés à la main ou à l'aide d'épuisettes, tandis qu'en aval, le cours d'eau était barré par un filet chargé de récupérer les poissons qui auraient échappé à la vigilance des pêcheurs.

Ce genre d'action permettait de capturer tous les poissons d'une portion de rivière, même très difficile d'accès, où les autres techniques employées en Afrique (nasses, filets, hameçons) auraient été sans doute inefficaces. La densité de population étant faible, les pêches collectives n'étaient organisées qu'une fois par an sur la même section de rivière; dans ces conditions, le repeuplement des eaux pouvait s'effectuer dans des conditions satisfaisantes.

A partir des années 50, la pression démographique a fait évoluer les traditions, en particulier celles se rapportant à l'alimentation et à la pêche. Les agriculteurs se sont mis à leur tour à pratiquer la pêche. Donc, les cours d'eau ont été empoisonnés de plus en plus fréquemment et les stocks halieutiques n'ont pas pu se renouveler et ont même pratiquement disparu par endroit.

Les risques sanitaires liés à l'eau sont limités dans ces régions d'altitude au climat tempéré. En particulier, il n'y a ni malaria, ni bilharziose le long des ruisseaux.

2.1.2. Les institutions

Dans les deux pays concernés, les chefs traditionnels ont été remplacés par des fonctionnaires. Les services des pêches, étant donné la faiblesse de la ressource actuelle et potentielle que représente la pêche dans les ruisseaux et les rivières, ne s'en occupent pas. Il en est de même pour les divers organismes de coopération.

2.1.3. Valeur technique

La pêche traditionnelle au poison végétal pratiquée dans des régions difficiles d'accès par des populations riveraines peu nombreuses, présente un intérêt certain, grâce à sa simplicité de mise en oeuvre. Malheureusement, dès que la fréquence de cette pratique augmente et ne permet plus aux stocks halieutiques de se régénérer, elle transforme rapidement les cours d'eau en un désert biologique. Il faut donc la bannir absolument, d'autant plus que les traditions se perdant en partie, certains ne savent plus préparer les poisons traditionnels, et utilisent à leur place des pesticides agricoles dangereux.

Cet exemple montre qu'une technique, valable dans un contexte humain bien particulier, peut devenir néfaste lorsque les conditions socio-économiques changent.

2.1.4. Conclusion

Nous avons ici un niveau de gestion très bas: un stock halieutique naturel est prélevé par un groupe de riverains lorsque le besoin s'en fait sentir. Rien n'est aménagé pour tenter d'obtenir une production régulièrement espacée dans le temps.

La protection du stock ne provient que de la limitation des captures dans l'espace et dans le temps. Cela est valable dans des régions faiblement peuplées, mais conduit inévitablement à l'épuisement des stocks lorsque la pression démographique s'accroît.

2.2. Forêt inondée: Cameroun, République centrafricaine, Gabon, Guinée equatoriale, Zaïre

2.2.1. Le milieu naturel et son écologie

Les régions d'Afrique centrale recevant des précipitations annuelles supérieures à 2 000 mm sont naturellement couvertes de forêt dense. Dans les plaines, la faiblesse des pentes et la végétation ralentissent l'écoulement de l'eau qui persiste longtemps sur place, créant des zones marécageuses parfois très étendues. Nous prendrons comme exemple précis, la région de Batouri, à l'est du Cameroun, près de la frontière avec la République centrafricaine. Le principal cours d'eau est la Kadéï, affluent du fleuve Zaïre. Le sous-sol formé de gneiss et de granite, donne par décomposition des sols acides, latéritiques, pauvres en sels minéraux. Les déchets végétaux de la forêt sont dégradés en humus; dans ces conditions, les eaux de ruissellement sont acides et chargées en tanins, donc peu productives au niveau du phytoplancton; la faible pénétration de la lumière solaire en forêt accentue ce phénomène. La faune ichtyologique riche et variée dépend principalement de la forêt pour couvrir ses besoins: insectes, végétaux, etc. (Matthes, 1991).

La population de ces régions est faible et répartie en villages situés le long des quelques pistes en des points protégés des inondations. L'activité principale est l'agriculture: manioc, taro, bananes, café, cacao. Quelques chèvres, volailles et porcs sont élevés au village, mais l'essentiel des protéines animales consommées provient du gibier et du poisson. En effet, la plupart des paysans pratiquent la chasse ou la pêche lorsque les travaux des champs leur en laissent le temps. Les meilleures périodes de pêche correspondent aux hautes eaux (juillet à septembre et décembre à février), mais cette activité se pratique toute l'année en fonction des besoins. Les hommes vont seuls en forêt inondée; ils utilisent des nasses tressées avec des matériaux locaux, des palangres appâtées ou non et parfois des filets maillants, bien que ces engins soient peu pratiques et très vite dégradés dans ce milieu. Outre les poissons, ces pêcheurs capturent aussi des tortues, parfois des crocodiles et des serpents. Dans certains cas, des substances toxiques sont utilisées; il est important de souligner que les poisons végétaux traditionnels rapidement dégradés, sont remplacés par des pesticides agricoles dangereux. Les femmes peuvent pêcher pendant les basses eaux, dans les mares et les ruisseaux, jamais en forêt; elles utilisent surtout des épuisettes sans manches.

L'équipement de pêche est acheté à la ville voisine chez un commerçant qui dispose parfois d'un ballot de filet et de quelques boîtes d'hameçons vendus au détail avec un fort bénéfice.

Les riverains étant peu nombreux et tous de même origine, on ne mentionne pas de conflits sérieux. La répartition des biefs est faite par le chef du village. L'eau étant présente partout en toute saison, il n'existe pas de conflits pour son utilisation.

Les risques sanitaires liés à l'eau, encourus par les pêcheurs occasionnels sont les mêmes que pour tous les habitants de la forêt: essentiellement la malaria; mais ils sont aggravés par l'isolement des populations, le manque de dispensaires et les difficultés de communication.

2.2.2. Les institutions

La caractéristique première des villages de forêt est leur isolement; le chef en est le seul responsable permanent. Les divers services administratifs se trouvent au chef-lieu, souvent inaccessible pour les riverains une partie de l'année.

Le Ministère de l'élevage, de la pêche et des industries animales est l'administration de tutelle de la pêche; en dehors du chef-lieu où se trouve la délégation départementale, il existe deux ou trois postes de pêche placés sur les pistes empruntées par les vendeurs de poisson. Ces postes de pêche ont plusieurs fonctions; le recensement des pêcheurs et la vente des permis, la vulgarisation de techniques et d'équipements nouveaux, ainsi que, le contrôle sanitaire du poisson et la perception de la taxe de contrôle. Ces postes, peu nombreux, s'addressent surtout aux marchand(e)s de poisson et aux pêcheurs travaillant sur la rivière en pirogue et utilisant des filets maillants, qui n'entrent pas dans le cadre de cette étude.

Nous remarquerons cependant que l'efficacité de ces postes est limitée: il est pratiquement impossible d'effectuer simultanément deux actions antagonistes telles que la vulgarisation et la perception de taxes.

Les pêcheurs occasionnels de la forêt, qui travaillent seuls et sans embarcation, ne sont pas recensés et ne bénéficient d'aucun encadrement. De plus, lorsqu'une action est entreprise en faveur de la pêche par le gouvernement et/ou une agence de coopération bilatérale pour la fourniture d'équipement, ces pêcheurs n'en bénéficient pas.

2.2.3. Valeur technique

Il est bien évident que la pêche pratiquée sur de vastes surfaces par des hommes isolés, disposant d'un équipement limité à quelques nasses, des hameçons et une ou deux pièces de filet maillant, respecte l'environnement, exception faite de l'utilisation de pesticides qui doit être absolument bannie.

La pêche en forêt prélève un stock halieutique mal connu, mais qui est probablement le dernier encore sous-exploité du continent; des inventaires d'espèces existent, mais par contre, les évaluations de production restent très vagues. La forêt inondée constitue le milieu de reproduction et de croissance de nombreuses espèces qui n'apparaissent dans les rivières qu'à certaines époques. A ce titre, il est fondamental de protéger la forêt pour maintenir actives les pêcheries des grands fleuves d'Afrique centrale. La difficulté d'accès aux zones de pêche constitue d'ailleurs la meilleure protection de ce milieu.

Des évaluations précises des stocks halieutiques de forêt devraient être réalisées avant toute action de développement de la pêche. Pour l'instant, les pêcheurs travaillent essentiellement pour leur propre consommation. Mais, à mesure que des routes sont construites, que le déboisement s'intensifie, de nouvelles zones leur sont accessibles, des marchands plus nombreux viennent leur acheter leurs prises et les poussent à augmenter leur effort. Cela permet indéniablement d'améliorer le niveau de vie des populations de la forêt, mais jusqu'où peut-on aller?

2.2.4. Facteurs limitatifs

Ce genre de pêche à pied se pratique dans toutes les forêts inondées d'Afrique centrale. Les difficultés de communication et d'accès aux zones de pêche, le mode de vie extrêmement précaire des populations concernées, le manque de relations commerciales avec les villes, font que cette activité se limite à couvrir les besoins des riverains. Les techniques de capture n'ont pas évolué; ce sont pratiquement les mêmes partout: nasses traditionnelles, hameçons, filets maillants, parfois substances toxiques naturelles et de plus en plus malheureusement, pesticides agricoles. Bien qu'elles soient efficaces, le problème fondamental demeure le transport du poisson du lieu de capture jusqu'au village, et ensuite, en cas de surplus, le procédé de conservation non performant.

2.2.5. Gestion de la ressource

On ne peut pas parler ici de gestion de la ressource; les riverains vont à la pêche lorsque les activités agricoles leur en laissent le temps. La quantité de poisson capturée est en rapport avec les besoins de la famille et s'il y a un surplus, le pêcheur doit être capable de ramener les captures au village tout seul, ce qui limite forcément la quantité.

La pêche en forêt constitue une activité complémentaire de l'agriculture, fondamentale pour la qualité de l'alimentation des populations concernées. Les stocks halieutiques sont ici probablement sous-exploités; un développement de ce genre de pêche ne sera possible que si les moyens de communication entre les zones de capture et les régions fortement peuplées sont améliorés. La connaissance de la productivité de ces ressources halieutiques est pour l'instant insuffisante pour que l'on fasse des prévisions d'augmentation de captures.

2.2.6. Conclusion

Dans l'exemple étudié, un stock halieutique complexe est exploité dans un milieu isolé. Le stock est ici doublement protégé: d'une part, les pêcheurs peuvent difficilement atteindre les zones de pêche; d'autre part, les mareyeurs éprouvent de grandes difficultés pour aller auprès des pêcheurs et ensuite transporter le poisson vers le consommateurs.

2.3. Mares de la région du Sourou, Burkina Faso

2.3.1. Le milieu naturel et son écologie

Quoique peu élevé (quelques reliefs ayant une altitude de 500 à 1 000 m) et relativement peu arrosé (pluviométrie comprise entre 1 400 mm dans le sud-ouest et 500 mm dans le Nord), le Burkina Faso possède un réseau hydrographique assez important, surtout dans sa partie méridionale. Les cours d'eau se rattachent aux trois bassins principaux du Mouhoun (ex Volta noire), de la Comoé et du Niger (Deceuninck, 1989).

Il existe plusieurs lacs naturels, dont le plus grand a une superficie de près de 1 000 ha (Lac de Bam) mais dont la majorité, les “mares”, a une surface inférieure à 100 ha.

Le pays étant très peu accidenté, le plaines d'inondation représentent pour l'ensemble du pays de 150 000 à 200 000 ha au cours de la saison des pluies (CILLS, 1977).

Pour faire face à la longue saison sèche le gouvernement a mené une politique de gestion de l'eau très active. Ainsi, plus de 300 barrages dont la superficie varie de quelques hectares à plus de 10 000 ha, ont été construits (Deceuninck, 1989).

L'évapotranspiration est un paramètre très important dans un pays où l'absence de relief est marqué, la profondeur des mares et des plaines d'inondation à leur niveau maximum se situe entre 3 mètres et quelques centimètres, et la saison sèche a une durée de 7 à 9 mois par an. Cette évapotranspiration varie de 1 500 mm dans le sud-ouest à 2 200 mm dans le Nord; cela indique une grande variabilité du niveau des plans d'eau, grands et petits, qui sont, dans leur majorité temporaires.

Les paramètres que nous venons d'énoncer montrent qu'il existe dans le pays, surtout dans la partie sud-ouest, de nombreux petits plans d'eau. Par ailleurs, dans un pays où la production annuelle de poisson est de l'ordre de 7 000 t et les importations de 4000 t alors que les besoins dépasseraient 100 000 t/an, le gouvernement fait des efforts pour améliorer les captures nationales et développer la pisciculture. Dans ce but, la Direction de la Pêche et de la Pisciculture (Ministère de l'environnement et du tourisme) a demandé l'assistance technique et financière d'organismes internationaux et bilatéraux, ainsi que d'ONG, pour préparer et exécuter des projets de développement de la pêche.

Nous prendrons comme exemple de gestion de PPE, la mare de Kou et la région de Bossora. Ce choix a été dicté par les facteurs humains, très différents d'un endroit à l'autre.

La mare du Kou se trouve dans une dépression de la plaine du Kou, affluent du Mouhoun, à environ 30 km au Nord-ouest de Bobo-Dioulasso. Elle est alimentée par l'eau résiduelle d'un périmètre rizicole irrigué à partir de la rivière. Sa superficie, qui était de 200 à 250 ha suivant la saison, a été réduite à une centaine d'hectare par suite de l'ouverture d'un canal d'irrigation en 1985, qu'il est prévu de fermer (Corsi et Coenen, 1988).

Un groupement de 21 pêcheurs professionnels bukinabés exploite ce plan d'eau; ils étaient 28 avant l'ouverture du canal. Tous ces pêcheurs résident dans le village situé à proximité de la mare. lls disposent d'un bon équipement composé de filets maillants, d'éperviers, d'hameçons et de nasses. Ils ont bénéficié d'un crédit pour acheter leur matériel et l'ont remboursé en totalité.

Le village de Bossora se trouve dans une région relativement aride, à 84 km au nord-est de Bobo-Dioulasso, à proximité du fleuve Mouhoun. Durant la saison des pluies, de grandes zones de la vallée sont inondées, créant plusieurs mares dont certaines sont permanentes (Corsi et Coenen, 1988). Les habitants sont en majorité des agriculteurs. Parmi eux, une trentaine pratiquent la pêche pendant la saison des pluies.

A 5 km du village se trouve un campement Bozo qui constitue un point de transit pour de nombreux pêcheurs nomades opérant le long du fleuve Mouhoun. Pendant l'hivernage, environ 45 pêcheurs professionnels exploitent les mares de la plaine d'inondation à partir de ce campement et migrent ailleurs lorsque le stock halieutique est épuisé. Seuls quelques Maliens restent toute l'année sur place et pratiquent l'agriculture.

Les rapports entre les deux communautés sont conflictuels, principalement à cause de la répartition des points de pêche très réduits en saison sèche (Vincke, 1990).

Dans les deux zones étudiées, les principales maladies liées à l'eau sont présentes et la situation des riverains à ce sujet est aggravée par leur isolement dû au mauvais état des pistes, surtout pendant l'hivernage (saison des pluies, de Juin à Septembre).

2.3.2. Les institutions

Par l'intermédiaire de divers projets de développement, le gouvernement poursuit son objectif de stimuler l'intérêt des pêcheurs burkinabés. Dans cette optique, les pêcheurs de la mare de Kou ont reçu un crédit pour acheter des équipements et ils l'ont rapidement remboursé. Les résultats positifs du groupement s'expliquent par plusieurs facteurs: un encadrement efficace est assuré par un agent des Eaux et Forêts. De plus, la structure sociale du groupement, relativement autonome, n'est pas entravée dans ses actions, par l'organisation traditionnelle du village. Au contraire, les membres du groupement sont ouverts aux techniques nouvelles.

Dans ces conditions, les captures, qui étaient de 11 698 kg en 1987, sont passées à 22 434 kg en 1988, soit plus du double du potentiel estimé à 10 t pour 100 ha exploitables. Il semble donc que l'effort de pêche actuel est excessif, exercé par un trop grand nombre de pêcheurs (Vincke, 1990). Il faut cependant noter que la productivité de cette mare est probablement supérieure à la moyenne régionale car l'eau de la rivière traverse un périmètre agricole où elle s'enrichit en éléments nutritifs avant d'arriver ici.

Un suivi rigoureux du stock halieutique est donc indispensable pour organiser la gestion de la mare et réduire éventuellement l'effort de pêche afin de parvenir à un équilibre à long terme de l'exploitation.

C'est ainsi également que, parmi les occasionnels du village de Bossora, 14 d'entre eux ont été organisés en groupement en 1988 et ont reçu un crédit d'équipement d'un projet, ce qui ne simplifie pas les relations avec les Bozos. De plus, les remboursements du crédit ne s'effectuent pas au niveau et à la fréquence prévus. L'encadrement de ces pêcheurs très dispersés par un seul agent des Eaux et Forêts ne résidant pas sur place est insuffisant; de ce fait, on ne dispose pas de données fiables sur les captures et il n'y a pas d'estimation globale du potentiel de cette zone qui est très dépendant des conditions pluviométriques, et donc très variable d'une année à l'autre.

Pourtant, si l'on veut parvenir à une gestion équilibrée de la ressource, il est indispensable d'améliorer les connaissances sur le stock halieutique et d'organiser son exploitation avec tous les riverains concernés. Les pêcheurs burkinabés occasionnels sont insuffisants pour gérer la zone à eux seuls; les Bozos, par contre, ont tendance à capturer la totalité du poisson présent dans un site avant d'aller ailleurs. Cette technique n'est acceptable que dans les PPE temporaires qui reçoivent de nouveaux poissons à chaque inondation. Une action de sensibilisation visant à améliorer la gestion du plan d'eau ne pourra donner des résultats positifs que si tous les riverains se sentent également concernés, et donc si le campement Bozo est intégré au programme de développement au même titre que les Burkinabés du village.

2.3.3. Valeur technique

La gestion des mares se fait au jour le jour sans prévision à long terme, par deux groupes de pêcheurs totalement opposés: d'une part, les professionnels Bukinabés (Kou) et Bozos (Bossora), et de l'autre, les occasionnels Burkinabés (Bossora).

Les profesionnels bien équipés sont très efficaces et si aucune réglementation n'est appliquée, ils travaillent jusqu'à épuisement de la ressource.

Les occasionnels pratiquent surtout une pêche de subsistance et s'ils sont seuls à travailler sur un PPE, ils sont incapables de porter les captures au niveau maximum soutenable et laissent le stock sous-exploité.

Les deux difficultés majeures dans ce mode de gestion sont tout d'abord de faire vivre et travailler en bonne harmonie deux populations antagonistes et ensuite d'adapter les équipements aux réalités: il sont insuffisants chez les occasionnels et trop performants chez les professionnels.

Par ailleurs, la commercialisation du poisson devrait être réalisée en priorité sur les marchés locaux; seuls d'éventuels excédents devraient pouvoir être vendus en ville.

Un programme de sensibilisation organisé directement par le gouvernement ou par l'intermédiaire d'un projet ou d'une ONG doit expliquer la situation et préparer un plan de gestion acceptable par tous, c'est-à-dire qui permet la pratique de la pêche au bénéfice. Ensuite, lorsque tous les riverains concernés ont compris l'intérêt d'une telle action, la réglementation peut être appliquée.

2.3.4. Facteurs limitatifs

Ils se situent au niveau de la gestion. Les PPE considérés étant surexploités, le problème consiste à maintenir les captures au niveau maximum soutenable par l'application d'une réglementation ménageant les intérêts apparemment contradictoires de tous les riverains. La solution ne peut être trouvée que par la concertation entre les divers groupes concernés de telle sorte que la réglementation doit être élaborée par les pêcheurs eux-mêmes avec l'aide des techniciens.

2.3.5. Les éléments de gestion qui permettent d'éviter la surexploitation sont connus: suivi statistique des captures, réglementation des mailles des filets, réduction du nombre d'engins de capture et des pêcheurs, permis de pêche payants, périodes de fermeture de la pêche, etc.

L'application de ces mesures, par contre, est toujours problématique; il est généralement nécessaire d'atteindre l'épuisement quasi total des stocks halieutiques pour que les pêcheurs comprennent la nécessité de prendre des mesures restrictives.

2.3.6. Conclusion

Dans les “mares” du Sourou des stocks halieutiques naturels sont exploités par de bons pêcheurs professionnels avec des méthodes modernes. Il n'existe aucune véritable action en faveur de la conservation des stocks; le niveau des captures est supérieur à la productivité du milieu, ce qui conduit à une dégradation de la situation. Toute forme de gestion devrait nécessairement limiter l'activité des pêcheurs et viendrait à l'encontre des intérêts immédiats des riverains.

2.4. Petits lacs du Rwanda et du Burundi

2.4.1. Le milieu naturel et son écologie

Les nombreux petits cours d'eau provenant des collines alimentent tout un réseau de bas-fonds marécageux encombrés par une épaisse végétation de papyrus. Par endroits les vallées se resserrent rendant possible la création de barrages naturels constitués au départ d'amas végétaux arrachés aux marais au cours des crues, et par la suite, colmatés par le sédiment transporté par l'eau.

Certains de ces lacs sont relativement anciens et possèdent une ichtyofaune composée d'un nombre limité d'espèces de petite taille (une trentaine); c'est le cas des trois lacs dont nous allons étudier la gestion: le lac Ihema, 90 km2, à l'est du Rwanda, tout près de la frontière tanzanienne, les lacs Cohoha, 60 km2 et Rweru, 80 km2, tous deux situés sur la frontière entre le Rwanda et le Burundi. Les barrages naturels successifs existant le long des rivières et la végétation des marais constituent d'excellents filtres pour la plus grande partie des sédiments provenant des montagnes environnantes; l'eau des lacs est donc très limpide et acide par suite de dépôts de débris de papyrus. Par ailleurs, les barrages naturels représentent des barrières infranchissables pour les poissons, ce qui explique la pauvreté relative de ces lacs comparée à la richesse faunistique du lac Victoria (plus de 200 espèces différentes dont beaucoup sont endémiques) alors que tous font partie du bassin fluvial du Nil.

Les rivages des trois lacs sont en partie constitués par des marais couverts de papyrus, ce qui les rend très variables et difficiles d'accès. Le fond est en grande partie recouvert de déchets végétaux en décomposition; seules quelques zones présentent un rivage ferme et un fond sableux ou sablo-vaseux peu profond pouvant servir de frayère aux espèces nidicoles. Ces diverses caractéristiques déterminent différents biotopes occupés par des peuplements spécifiques. L'ichtyofaune naturelle du lac Ihema (Plisnier et al., 1988) comprend une majorité de Cichlidae du groupe Haplochromis qui ne sont pratiquement pas exploités. Elle comprend aussi Clarias gariepinus, qui est le seul prédateur de grande taille, ainsi que Schilbe sp., Synodontis sp. et Gnathonemus sp. Le manque relatif de poissons d'intérêt commercial et en particulier de planctonophages a conduit à l'introduction de divers tilapia au cours des années 50 (T. nilotica, T. macrochir et T. rendalli) qui se sont bien acclimatés et ont produit des hybrides. La situation est comparable dans les lacs Cohoha et Rweru (avec cependant quelques caractéristiques propres à chacun de ces milieux).

Les populations riveraines sont très importantes autour des lacs Cohoha et Rweru, tous deux étant situés dans des régions agricoles où la surface moyenne des exploitations est inférieure à ½ hectare. Les cultures principales sont le tabac et le café qui procurent quelques revenus aux paysans, mais leur permet difficilement d'acheter des aliments de bonne qualité compte tenu de la pauvreté des marchés locaux. Dans ces conditions, de nombreux paysans consacrent une partie de leur temps à la pêche. Ainsi, les pêcheurs occasionnels opérant sur le lac Cohoha sont estimés à une centaine et ceux travaillant sur le Rweru à 250–300. Ces chiffres sont très approximatifs pour plusieurs raisons; tout d'abord les pêcheurs ne sont pas vraiment recensés par les administrations des pêches des deux pays concernés et ensuite, ils travaillent indifféremment de part et d'autre de la frontière quelque soit leur origine. Enfin, comme tous les occasionnels, ils pratiquent la pêche lorsque les travaux des champs leur en laissent le temps. Le poisson qui n'est pas vendu sur place est commercialisé dans le pays offrant les cours les plus élevés, généralement le Rwanda.

La situation autour du lac Ihema est totalement différente car le lac se trouve en totalité dans un parc national où la circulation des personnes est strictement contrôlée. Un centre de pêche a été ouvert par l'administration de tutelle; compte tenu des résultats d'une étude scientifique préalable, quatre-vingt pêcheurs ont été installés sans leurs familles. Tous les débarquements de poisson se font au même endroit sous contrôle d'un fonctionnaire.

L'engin de pêche le plus fréquent dans les trois lacs est le filet maillant (50 mm de maille officiellement) qui permet de capturer principalement des tilapia et des silures qui sont les poissons ayant la plus grande valeur marchande, mais laisse inexploité le stock d'haplochromis qui est peu estimé. Une exploitation rationnelle d'un peuplement ichtyologique varié nécessite l'emploi d'équipements adaptés à chaque espèce. Dans cette optique, plusieurs expériences ont été réalisées. Dans les années 60, un chalutier privé de 50 chevaux a travaillé dans le lac Rweru; les captures de tilapia vendues à Bujumbura ont été excellentes pendant les premières années mais après une dizaine d'années, le stock a été épuisé et l'armateur du bateau a cessé son activité. Dans le lac Ihema des essais récents de chalutage au moyen de deux pirogues motorisées ont permis d'obtenir de grosses prises d'haplochromis; la senne tournante et coulissante manoeuvrée à partir d'un seule pirogue donne des résultats semblables. Ces deux techniques en sont encore au stade expérimental sous contrôle scientifique.

Dans les lacs Cohoha et Rweru il existe depuis 1987 au Burundi quatre coopératives (deux par lac) utilisant chacune une senne de plage. Ces engins, au début permettaient d'attraper un mélange d'espèces de tailles variées, mais leur utilisation a été arrêtée à cause de leur action destructrice.

Ces exemples ont été choisis dans une région où il n'existait pas ou peu d'activité de pêche. Seule la pêche dite “coutumière” était pratiquée par quelques pêcheurs utilisant des pirogues monoxyles et exploitant le stock halieutique naturel peu important. L'introduction des tilapia a modifié la situation.

Nous avons vu qu'un petit chalutier a été utilisé dans le lac Rweru jusqu'à épuisement du stock. L'armateur Européen a organisé une affaire commerciale relativement prospère au début avec l'accord des autorités. Les riverains n'ont que très peu bénéficié de l'entreprise car la production était vendue dans la capitale, et il faut souligner que durant les années 1960, le poisson était inconnu par la plupart des paysans des deux pays concernés. Ce n'est que progressivement que ces populations ont appris à consommer du poisson, surtout des petits pélagiques séchés provenant du lac Tanganyika, situé à 200 km du lac Rweru.

Au cours de la même période, des filets maillants ont été mis en vente dans le commerce local, ce qui a permis à des agriculteurs de diversifier leurs activités au moment où la pression démographique devenait de plus en plus forte. La pêche s'est ainsi développée dans les lacs Cohoha et Rweru sans suivi statistique fiable de part et d'autre de la frontière. Les estimations de potentiel ont été réalisées en comparaison avec d'autres lacs “similaires”, en tenant compte de la biomasse d'Haplochromis qui demeure inexploitée (et qui représenterait 80% du total au Cohoha et 35% au Rweru). De plus, les maillages sont généralement trop réduits (35 mm) pour permettre la préservation des stocks halieutiques.

L'intensité de l'effort de pêche varie beaucoup en fonction des relations entre les deux pays riverains; de plus le commerce du poisson est orienté vers les marchés les plus rémunérateurs, ce qui est très changeant. La consommation de poisson demeure faible au niveau local sauf autour des lacs.

Les pêcheurs accusent souvent leurs collègues de l'autre berge de venir voler leurs filets la nuit. Les informations précises manquent à ce sujet. Autre motif de discussion: les utilisateurs de filets maillants accusent les pêcheurs à la senne de leur prendre les meilleures zones et de détruire les frayères, ce qui est exact. Ce problème semble réglé par l'interdiction récente des engins traînants.

L'évolution de la gestion du lac Ihema a été totalement différente. Le lac est inclus dans le parc national de l'Akagera et se trouve sous contrôle de l'Office Rwandais du Tourisme et des Parcs Nationaux (ORTPN). Mis à part le personnel du parc et de l'hôtel voisin, il n'y a pas de population riveraine. Jusqu'en 1980, les seules captures de poissons étaient le fait de braconniers tanzaniens traversant la frontière est, toute proche. En 1981, un projet de développement de la pêche a été organisé sur un site bien délimité, avec 80 pêcheurs autorisés à résider sur place sans leur famille, et uniquement pendant les campagnes de pêche. Cette organisation sévèrement contrôlée permet d'obtenir des données de production fiables et de gérer la pêcherie conformément aux recommandations des scientifiques. Mais, dans ce cas, il n'existe pas de population riveraine. On se rapproche des conditions de travail et de vie existant dans les campements de pêcheurs nomades du Sahel qui vont d'un marigot à l'autre en fonction du niveau d'eau et de la disponibilité en poisson.

Les risques sanitaires encourus par les riverains des trois lacs situés à environ 1 350 m d'altitude sont relativement limités; cependant, la bilharziose existe et il faut signaler le danger que représentent les hippopotames et les crocodiles pour les pêcheurs et leurs filets.

2.4.2. Les institutions

Dans les deux pays concernés, les gouvernements ont mis en place des fonctionnaires chargés de l'administration auprès des populations riveraines des lacs Cohoha et Rweru. Cette situation est surtout effective au Rwanda qui a bénéficié d'un projet financé par la Banque mondiale. Mais, étant donné leur position excentrée, ces deux lacs ne bénéficient pas d'assistance technique directe de la part des deux services des pêches. Des techniciens viennent parfois en mission pour quelques jours. Il en est de même pour les quelques études scientifiques déjà réalisées; un spécialiste de l'Université de Bujumbura ou des consultants, font des prélèvements au cours d'un bref séjour sur place, mais il n'existe pas d'étude basée sur des observations régulières au cours d'un cycle d'au moins un an. En particulier, il n'existe pas d'étude des stocks halieutiques.

Le seul contrôle approximatif de la production est effectué au niveau des transports routiers et vise à collecter une taxe. Il n'est donc pas possible d'utiliser ces données pour estimer, même grossièrement, les captures de chacun des deux lacs.

Coté rwandais, la collecte des poissons et leur transport sur Kigali ont été organisés. Sur les rives burundaises, un projet de développement régional avec financement CEE a organisé les quatre coopératives de pêcheurs utilisant des sennes; ces engins ont été fournis à crédit en 1987. Il a existé jusqu'en 1989, au bord du lac Rweru, un campement de la pêche figurait parmi les activités de ce groupe. La majorité des pêcheurs/agriculteurs sont indépendants et achètent leurs filets dans le commerce local lorsqu'ils sont disponibles et lorsqu'ils ont de l'argent, c'est-à-dire au moment de la récolte du café et du tabac. Quelques artisans fabriquent des pirogues, en nombre insuffisant, en utilisant du bois local, cher et de mauvaise qualité.

La situation est totalement différente sur le lac Ihema. Sa situation enclavée au sein du parc national de l'Akagera fait que l'encadrement des pêcheurs par l'administration est effectif. Tous les paramètres de la pêcherie sont connus: nombre de pêcheurs, équipement utilisé, nombre de sorties de pirogues, captures, commercialisation. Les scientifiques et l'administration du centre de pêche travaillent ensemble, avec l'appui de la coopération bilatérale belge, ce qui devrait permettre de gérer le lac de façon optimale. Cependant, des problèmes humains apparaissent car les pêcheurs sont séparés de leurs familles. Dans un pays où la pression démographique est intense, le gouvernement craint de voir un noyau de population incontrôlable apparaître au milieu du parc si les familles des pêcheurs sont autorisées à venir sur place.

2.4.3. Valeur technique

L'exploitation des ressources halieutiques des lacs Cohoha et Rweru obéit à une logique économique ultra libérale. Celui qui peut se procurer des filets et une pirogue peut pêcher, ou peut faire travailler un pêcheur. Tant que le volume des captures le permet, les pêcheurs vendent leur poisson à des commerçants qui vont les écouler sur les marchés les plus rémunérateurs. Aucune politique rigoureuse de gestion de la ressource, qui est mal connue, n'est appliquée par les administrations concernées, même s'il existe un plan directeur des pêches et de la pisciculture au Burundi depuis 1988. Cela conduit à une surexploitation, à la diminution des captures, à l'arrêt partiel de l'activité des pêcheurs, puis à sa reprise, etc.

Une amélioration de cette situation ne pourrait provenir que d'une gestion en commun des deux lacs par les deux services des pêches concernés. On mesure ici l'importance que peuvent avoir depuis 1989, les recommandations du projet régional de planification des pêches continentales FAO RAF/87/099.

Le lac Ihema, par contre, est géré dans des conditions théoriquement idéales: une équipe de fonctionnaires formée dans ce but, est chargée d'exploiter un milieu naturel neuf, parfaitement contrôle, sur lequel existent de nombreuses données scientifiques; de plus, des spécialistes sont disponibles pour compléter ces informations si cela s'avère nécessaire. Les techniques de capture utilisées sont directement issues des travaux de recherche et suivent l'évolution des connaissances sur les stocks halieutiques. La commercialisation des captures s'effectue sur les marchés des villes où les prix sont les plus élevés. La pêcherie d'Ihema a été aménagée de toutes pièces en 1980. Un financement bilatéral a été nécessaire au départ sous la forme d'un don. ll faut espérer que la gestion du projet sera suffisamment rigoureuse pour maintenir l'équilibre financier et permettre à la pêcherie de poursuivre ses activités après la fin des financements extérieurs. Un autre facteur important doit être souligné; il s'agit de la situation artificielle dans laquelle sont placés les travailleurs de la pêcherie, qui ne sont pas de la région et sont séparés de leur famille. De plus, l'économie de la pêcherie est coupée de la région: les revenus des employés sont surtout dépensés par leurs familles dans leur région d'origine; les fournitures en équipement et en biens de consommation utilisées au campement proviennent de la capitale; les captures sont vendues à Kigali. Les habitants de la région ont protesté contre cette situation afin qu'une partie au moins du poisson soit vendue à la périphérie du parc.

2.4.4. Eléments de gestion pouvant être transférés ailleurs

D'après les trois exemples que nous venons d'étudier, il apparaît que la gestion d'un PPE pour que l'exploitation en soit équilibrée à long terme, doit respecter les facteurs humain, scientifique, technique et économique.

On peut considérer que dans les cas des lacs Cohoha et Rweru, il existe une mauvaise application des lois et des facteurs techniques, mais que les facteurs humains sont respectés. Dans le cas du lac Ihema, les facteurs scientifique, techniques et commercial sont traités dans de bonnes conditions; par contre, le facteur humain nést pas considéré à sa juste valeur.

Pour qu'un mode de gestion efficace puisse exister au niveau d'un PPE, il faut qu'il y ait une structure administrative compétente jouant un rôle de coordination des divers services techniques concernés. Cela a d'ailleurs été demandé par les deux gouvernements pour les lacs Cohoha et Rweru lors de la seconde consultation technique dans le cadre du projet RAF/87/099 (Kigali, novembre 1991). De plus, les riverains doivent être informés du potentiel offert par le PPE ainsi que de ses limites, et avoir la possibilité de prendre des initiatives concernant l'organisation des captures et la commercialisation.

2.4.5. Conclusion

Les petits lacs que nous venons d'étudier n'étaient le siège d'aucune activité traditionnelle de pêche. Les principales raisons en sont probablement la faible pression démographique jusqu'au début du siècle, le peu d'intérêt pour le poisson de la part d'une population dominée par des éleveurs et le manque de technologie de pêche en milieu lacustre.

L'introduction de diverses espèces de tilapia qui s'est avérée être un succès, a permis le développement de la pêche commerciale. L'investissement de base étant élevé, les riverains n'ont pas été concernés par ces opérations. De plus, le commerce du poisson a été orienté vers les villes.

Peu à peu, les riverains ont appris à pêcher et ont eu accès à certains équipements tels que filets maillants, sennes, pirogues. Les populations locales ont pris l'habitude de consommer du poisson, même les espèces de petite taille qui ont été longtemps négligées (Haplochromis spp.). Ces petits lacs constituent des milieux où la pêche est facile à pratiquer et autour desquels la demande pour le poisson est forte à présent.

Deux cas de gestion se présentent:

Tout d'abord les captures et le commerce du poisson sont entièrement libres. On observe une rapide augmentation de l'effort de pêche conduisant à la surexploitation et à un épuisement quasi total du stock halieutique.

Ensuite, l'administration peut dans certains cas décider du nombre de pêcheurs autorisés à travailler ainsi que du type et de la longueur des engins de pêche en fonction des recommandations des scientifiques. Les captures et leur commerce sont strictement contrôlés. Dans ces conditions, le stock halieutique est préservé.

2.5. Les deux barrages d'alimentation en eau potable de la ville de Bouaké, Côte d'Ivoire

2.5.1. Le milieu naturel et son écologie

La ville de Bouaké, au centre de la Côte d'Ivoire, se trouve dans une région au relief très monotone avec une végétation de savane arborée et quelques lambeaux de forêt sèche. Les précipitations annuelles de l'ordre de 1 200 mm sont réparties de fin mars à novembre. Les quatre mois de saison sèche au cours de laquelle souffle l'harmattan venant du Sahel provoquant une évaporation intense, nécessitent l'aménagement de réservoirs destinés à couvrir les besoins en eau. Ainsi, deux barrages ont été construits pour l'alimentation d'une agglomération en croissance rapide, abritant plusieurs centaines de milliers d'habitants.

Le plus ancien se trouve à la sortie sud de la ville, sur la rivière Kan; la digue a environ 150 m de longueur pour une hauteur maximale de 8 m, produisant un réservoir d'une cinquantaine d'hectares de superficie.

Le second est situé à 25 km à l'ouest de Bouaké sur la rivière Loka; une digue d'environ 300 m pour une hauteur maximale de près de 10 mètres, crée une retenue de plus de 200 hectares.

La saison sèche étant courte et les rivières permanentes, le marnage est faible dans les deux cas: deux mètres environ les années de pluviométrie moyenne.

La végétation immergée est importante dans la retenue de Loka. De nombreux arbres morts dépassent de la surface de l'eau, vestiges de la forêt qui persiste au nord du lac. L'eau est très riche en plancton et la concentration en oxygène dissous est faible en profondeur. Les poissons les plus abondants sont des tilapia et des silures provenant de la rivière Loka, mais aussi de la station de pisciculture des Eaux et Forêts située en contre-bas de la digue. Cinq agriculteurs-pêcheurs résidant au village voisin travaillent sur le lac avec une pirogue et des filets mailants (maille 30 mm). Ils posent les engins tôt le matin et les relèvent avant midi; des femmes les aident à leur retour pour trier le poisson et le ramener au village. Les captures sont faibles, 2 à 5 kg par sortie et par pêcheur, et les poissons n'excèdent pas 200 g pièce; tout est consommé au village car Loka est situé près de la route allant de Bouaké au lac de Kossou, sur laquelle circulent les mareyeurs approvisionnant le marché de la ville en gros poissons à relativement bas prix. La petite taille des poissons pêchés laisse à penser que le niveau de surexploitation est dépassé. Aux cinq agriculteurs-pêcheurs, il convient d'ajouter les amateurs de pêche récréative à la ligne et les enfants; les prélèvements opérés par cette activité sont probablement assez faibles.

La berge est de la retenue du Kan est située très près de certains quartiers de Bouaké, et ses eaux de ruissellement s'écoulent vers cette dernière. La rive ouest, par contre, est boisée. L'eau est riche en plancton près de la surface. Les poissons les plus courants sont les tilapia, les Clarias, ainsi que Heterotis niloticus, très fréquent le long des berges. Ces poissons proviennent de la population naturelle de la rivière Kan, mais aussi de la station de pisciculture voisine de l'IDESSA (ex-CTFT). L'Heterotis s'est très bien acclimaté; son nom local est “cameroun”, en souvenir de son pays d'origine. Trois pêcheurs occasionnels travaillent sur le lac avec des pirogues et l'aide d'un rameur, principalement à l'épervier, engin efficace pour capturer l'Heterotis qui atteint un poids unitaire d'un kg. Ils utilisent parfois le filet maillant pour pêcher des tilapia et des Clarias d'environ 200 g pièce. De nombreux pêcheurs sportifs, enfants et adultes, viennent se distraire. Les captures faibles dans l'ensemble sont destinées à la consommation familiale.

La pêche dans ces deux réservoirs est pratiquée par les riverains comme activité complémentaire ou même récréative. Les pêcheurs professionnels, étant donné la faiblesse des stocks halieutiques, ne sont pas intéressés par ces zones, d'autant plus que l'accès au réservoir de Kossou est facile (60 km de route asphaltée entre Bouaké et le point de débarquement principal). Aucun enjeu économique ne dépendant des deux PPE étudiés, il n'existe semble-t-il pas de conflit entre les divers pêcheurs occasionnels qui ont d'ailleurs toute liberté pour pratiquer cette activité, sans aucun contrôle des Eaux et Forêts.

Tous les plans d'eau de la région de Bouaké renferment des vecteurs de la bilharziose, les deux réservoirs ne faisant pas exception. La malaria est aussi très répandue, principalement en saison des pluies. Les barrages du Kan et de Loka servent à l'alimentation en eau potable de la ville; pour cette raison l'urbanisation des abords immédiats est contrôlée. Par contre, les cultures le sont moins, encore faut-il préciser que l'usage d'engrais chimiques et de pesticides est heureusement très limité.

2.5.2. Les institutions

Les deux barrages étudiés appartiennent à la SODECI (Société Des Eaux de Côte d'lvoire) qui les gèrent en vue d'approvisionner la ville de Bouaké en eau potable tout au long de l'année. Le volume des réservoirs est largement suffisant pour couvrir les besoins des habitants; des contrôles de qualité sont effectués régulièrement par les agents de la SODECI. Par contre, aucun suivi des stocks halieutiques n'est effectué par les administrations concernées (Eaux et Forêts et IDESSA) et l'accès des pêcheurs aux deux lacs est libre. La pêche n'étant qu'une activité marginale, aucun programme de développement n'est prévu ici.

2.5.3. Valeur technique

Aucune statistique de pêche n'existe pour ces deux barrages. Cependant, compte tenu de la petite taille des captures, il est probable que les stocks halieutiques soient surexploités. Le potentiel n'est pas évalué, ce qui serait pourtant indispensable pour établir une réglementation de la pêche visant à optimiser la production.

2.5.4. Facteurs limitatifs

Le potentiel halieutique est probablement réduit car les eaux sont stratifiées, peu oxygénées et acides près du fond. La gestion de la pêche n'a pas été prévue par la SODECI. A l'exception de déversement initial d'alevins, rien n'a été fait pour améliorer la production halieutique. Les pêcheurs ont libre accès à l'eau; leur nombre est limité uniquement par la faiblesse des captures.

2.5.5. Eléments instructifs

L'absence de programme de gestion et le libre accès des pêcheurs à la ressource, ont dans un premier temps empêché l'établissement de stocks halieutiques importants. Ensuite, le nombre de pêcheurs et le maillage des filets maintiennent ces ressources limitées à un niveau de surexploitation. Cette situation démontre la nécessité d'organiser la gestion des stocks halieutiques, aussi réduits soient-ils.

2.6. Réservoirs hydroélectriques de Bamendjing et de Mapé, l'ouest de Cameroun

Ces deux barrages situés dans les montagnes de l'ouest du Cameroun ne sont pas exactement des PPE par leur superficie, 33 000 ha pour Bamendjing et 50 000 ha pour Mapé. Le mode de gestion de ces deux ensembles situés à une centaine de kilomètres l'un de l'autre seulement, construits tous deux sur des affluents du fleuve Sanaga, diffère totalement à cause de leurs conditions socio-économiques distinctes.

2.6.1. Le milieu naturel et son écologie

Les sites des deux retenues, 1 150 m et 724 m d'altitude respectivement, présentent des reliefs assez tourmentés de collines, ce qui fait que les deux lacs sont parsemés de nombreuses îles et ont un rivage très découpé. Lors de la mise en eau, la végétation d'origine a été inondée, en particulier plusieurs zones de forêt dont il persiste en plusieurs endroits les traces; de nombreux arbres morts dépassent de l'eau.

La profondeur maximale au niveau des deux barrages est de 18 m et la profondeur moyenne est d'environ 5 m; le rôle premier de ces aménagements étant la régulation du débit du fleuve Sanaga au niveau de la centrale électrique d'Edéa en aval, on pratique des lâchers d'eau en saison sèche. De ce fait, le niveau d'eau des retenues varie beaucoup au cours de l'année, provoquant l'exondation de vastes surfaces généralement inondées. Pendant les périodes de basses eaux une épaisse couverture herbacée se développe, puis, lorsque le niveau remonte, ces énormes quantités de matières végétales se décomposent, maintenant près du fond une couche d'eau noire, humique, acide, probablement pauvre en oxygène dissous.

En surface, on observe que la quantité de plancton est importante. ll y a de nombreuses espèces de poissons mais l'essentiel des captures consiste en tilapia et silures. ll manque dans les deux lacs un petit pélagique et un prédateur (Matthes, 1991).

Les différences entre les deux lacs apparaissent au niveau des populations riveraines. Le lac de Bamendging est situé dans les provinces de l'ouest et du Nord-ouest; la population dense est constituée d'agriculteurs qui pratiquent la pêche de façon occasionnelle lorsque les travaux des champs leur en laissent le temps. Des pêcheurs professionnels du nord du Cameroun et du Nigéria voisin ont essayé de s'installer autour de ce lac au début de sa mise en eau; des conflits avec les autochtones sont apparus et finalement les pêcheurs ont été forcés de quitter la région. Seuls quelques uns ont pu s'installer dans des campements provisoires, sur des îles où ils ne restent qu'une partie de l'année.

La plupart des pêcheurs occasionnels locaux utilisent un matériel sommaire constitué d'un canot léger construit en tiges de papyrus et d'un épervier. Quelquesuns pêchent du bord avec une canne et une ligne. Le poisson ainsi capturé est en partie autoconsommé, et en partie vendu frais sur les marchés des villages. Les pêcheurs étrangers sont plus efficaces; ils opèrent en pirogue à partir de leur île et utilisent des filets maillants. Les captures, surtout des tilapia et des silures, sont fumées au campement et vendues à des commerçants venant des villes. Le matériel provient le plus souvent du Nigéria où les prix sont inférieurs à ceux du Cameroun.

Il y aurait environ un millier de pêcheurs occasionnels et professionnels confondus, à Bamendging. Le total des captures serait d'environ 500 t/an. Par suite du manque d'efficacité des autochtones le stock halieutique semble sous-exploité.

La situation du barrage de Mapé est totalement différente. Le lac est situé à la limite entre les provinces du Nord-ouest et de l'Adamaoua dans une région où la densité de population est relativement faible; c'est une zone de transition entre l'agriculture et l'élevage extensif. Dans ces conditions, la pêche dans le lac n'intéresse que très peu d'autochtones, ce qui a permis à 1 300 pêcheurs, en majorité étrangers (80%: Nigérians, Maliens, Nigériens) de s'installer sur le site. On estime que 60% de ces étrangers sont saisonniers et retournent dans leur pays au moins trois mois par an ou vont pêcher dans le nord pendant la saison des pluies. Ces pêcheurs sont très efficaces; ils utilisent des filets maillants et des palangres malgré la difficulté de poser et retirer des engins dormants longs au milieu des arbres morts immergés. Les captures seraient d'environ 1 500 t/an, en baisse constante. Des signes de surexploitation apparaissent: mailles des filets de plus en plus réduites (20 mm en 1991), poissons de petite taille. Cela provoque le départ progressif des pêcheurs étrangers.

Les pêcheurs sont organisés en groupements suivant leur origine et prennent en charge l'approvisionnement des campements en équipement de pêche et en produits d'usage courant ainsi que la commercialisation du poisson. Les responsables des groupements assurent les contacts avec l'administration et le règlement de problèmes qui pourraient surgir à propos de la répartition de zones de pêche et surtout du non-respect de la législation par certains.

Etant donné l'isolement de nombreux campements, les conditions sanitaires des pêcheurs sont parfois difficiles. La malaria et la bilharziose sont les affections les plus courantes.

2.6.2. Institutions responsables

Sur chacun des deux réservoirs, il existe deux postes de contrôle des pêches dépendant du Ministère de l'élevage, de la pêche et des industries alimentaires. Le rôle du personnel de ces postes (un ou deux fonctionnaires) est de recenser les pêcheurs et vendre les permis, vulgariser les techniques nouvelles, et de contrôler la qualité du poisson, percevoir la taxe de contrôle sanitaire, faire respecter la législation des pêches. Ici encore, la tâche du fonctionnaire est délicate; la même personne est chargée de vulgarisation, de répression et de collecte de taxes.

La compétence du personnel technique est difficile à évaluer dans ces conditions; par exemple, les pêcheurs occasionnels de Bamendjing n'adoptent pas d'équipement performant tel que le filet maillant prôné par le personnel du poste de pêche. Cela peut être dû, soit au manque de confiance vis-à-vis des collecteurs de taxes et agents de répression, soit au manque de moyens financiers; on peut aussi penser que le canot de papyrus et l'épervier sont des équipements bien adaptés à l'usage qu'en font des hommes qui sont avant tout des agriculteurs et ne vont à la pêche que lorsque les travaux des champs sont terminés et pour une durée limitée. L'utilisation du filet maillant ou de la palangre exige de la part du pêcheur, de longues heures de manipulations avant, pendant et après la pêche, ce qui est impossible pour des paysans.

La personnalité du fonctionnaire influe beaucoup sur la gestion du lac dont il a la responsabilité. L'un d'entre eux, bon diplomate, parvient à faire vivre ensemble sans heurts des pêcheurs d'origine diverses, à les recenser et à évaluer les captures. Tel autre s'intéresse surtout à la collecte des taxes. Celui-là semble totalement démotivé…

Il ne semble pas qu'il existe de coopération multi-institutionnelle autour de ces deux lacs. Les seuls fonctionnaires en poste sur place sont les responsables des postes de pêche. Il n'y a pas de suivi scientifique de ces milieux depuis la construction des barrages. Les seules initiatives concernent les groupements de pêcheurs dominés par quelques commerçants qui investissent dans la pêche en fournissant du matériel à des équipes de pêcheurs qui travaillent sous contrat pour eux. Il faut remarquer que ces commerçants dirigent toute la filière pêche, depuis la capture jusqu'à la vente en gros, en passant par l'équipement, les biens de consommation des pêcheurs dans les campements et le fumage du poisson; ils font preuve d'une redoutable efficacité.

2.6.3. Valeur technique

A Bamendjing, où la majorité des pêcheurs sont des occasionnels, une partie du stock halieutique demeure inexploitée. Par contre, à Mape où les pêcheurs sont tous des professionnels, ils y a surexploitation. Dans les deux cas, la gestion n'est pas adaptée à la situation et aussi, les connaissances scientifiques sur ces deux réservoirs sont insuffisantes.

Dans le premier cas, les riverains ont imposé un mode de gestion qui n'est pas le meilleur du point de vue des captures, puisqu'une partie des ressources est inexploitée; cependant, cette méthode semble convenir aux riverains qui partagent leur activité entre l'agriculture et la pêche, tout en connaissant les techniques utilisées par les pêcheurs professionnels. Il s'agit donc d'un choix délibéré, qui a aussi conduit à l'éloginement des étrangers.

Dans le second cas, les pêcheurs professionnels et leur équipement sont très performants; certains sont conscients des problèmes de surexploitation et désirent voir appliquer une législation destinée à préserver le stock halieutique. D'autres, au contraire, utilisent des méthodes interdites pour capturer du poisson jusqu'à épuisement du stock.

2.6.4. Facteurs limitatifs

Dans les deux exemples étudiés, l'amélioration de la gestion se heurte à un manque de connaissance scientifique des stocks halieutiques; les techniciens manquent d'arguments pour convaincre les pêcheurs d'adopter de nouveaux équipements ou bien de réduire leur effort.

A Bamendjing, l'augmentation des captures jusqu'à un niveau optimal nécessite la professionnalisation de certains pêcheurs occasionnels locaux ou bien, l'acceptation par les riverains de voir quelques pêcheurs professionnels étrangers s'installer parmi eux.

A Mape, la conservation des stocks halieutiques exige la mise en place d'une réglementation efficace: détermination des maillages des filets, limitation du nombre de pêcheurs et de filets. Quoiqu'il en soit, toute mesure de conservation doit être comprise et acceptée par les pêcheurs avant de pouvoir être appliquée.

Bien que cela soit mal connu, certains facteurs biologiques limitent probablement la productivité des deux réservoirs. Le premier de ces facteurs est l'importance de la végétation herbacée qui se développe sur la zone exondée en saison sèche. Ces grandes quantités de matières végétales sont ensuite inondées, se décomposent et acidifient l'eau; de plus, ce phénomène rend impropre une grande partie du fond des retenues à la nidification des cichlidés. Il semble possible d'améliorer la situation en brûlant l'herbe des zones exondées lors du début de la remontée de l'eau. Ces feux de contrôle seraient sans danger si on les provoquait dans les îles. Les surfaces ainsi libérées de leur végétation pourraient constituer des frayères pour les tilapia, et devraient être interdites à la pêche.

2.6.5. Principaux enseignements

Ces deux exemples mettent en évidence le fait que la plupart des pêcheurs connaissent leur métier et utilisent des techniques et des équipements adaptés à leurs besoins. Les facteurs humains sont plus importants que les facteurs techniques; la gestion d'un plan d'eau ne peut être optimisée qu'avec l'accord de toutes les populations concernées. La présence d'un leader compétant et respecté à la tête d'un groupement socio-professionnel permet de faciliter les contacts avec l'administration et de faire accepter des mesures parfois restrictives dans l'immédiat, visant à améliorer une situation à long terme.

2.6.6. Conclusion

Mapé et Bamendjing constituent des milieux neufs dans lesquels les stocks halieutiques proviennent des poissons existant dans les rivières avant la fermeture des barrages.

Comme souvent dans les cas d'aménagements créés à d'autres fins, les stocks halieutiques de ces deux retenues n'ont pas été étudiés, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. De plus, aucune action n'a été entreprise pour introduire des maillons manquants de la chaîne alimentaire: un petit pélagique, un prédateur et éventuellement Heterotis sp.

Deux catégories de pêcheurs se rencontrent autour de ces réservoirs artificiels; d'une part, des paysans-pêcheurs originaires de la région et peu efficaces dans cette nouvelle activité. D'autre part, des pêcheurs professionnels “allochtones” venant travailler pendant des campagnes de six mois, au cours desquelles ils surexploitent le milieu. Ils sont parfaitement organisés en groupement qui se chargent de toutes les activités des campements, depuis la fourniture de la nourriture et de l'équipement, jusqu'à la commercialisation du poisson, en passant par sa conservation par séchage et fumage.

Le désir de gestion des stocks halieutiques de la part des administrations concernées se heurte aux intérêts immédiats des pêcheurs qui redoutent d'éventuelles mesures de restriction de leur activité de la part des pouvoirs publics. Tous savent pertinemment que le niveau actuel des captures ne peut être maintenu.


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