Pour beaucoup de gens, l'exploitation forestière se réduit souvent au commerce du bois d'oeuvre tropical. Cependant, d'autres produits forestiers non ligneux (PFNL), tels que les plantes médicinales, représentent maintenant une opportunité pour une forme moins agressive d'exploitation forestière, et qui peut être aussi très rentable. Dans de nombreux laboratoires à travers le monde, on étudie l'action et la composition biochimique des plantes présentes en Afrique et des études scientifiques récentes sur l'activité et la toxicité de certaines plantes médicinales traditionnelles ont montré que celles-ci sont parfois aussi efficaces que les remèdes « occidentaux » importés par les pays en voie de développement.
Il ne fait aucun doute que l'exploitation des plantes médicinales africaines peut contribuer à la conservation et au développement des ressources forestières, grâce à une utilisation durable, tant dans des conditions in situ que ex situ, et à condition que la législation sur l'exploitation et l'aménagement des ressources de plantes médicinales soit respectée. Depuis plusieurs années, la société Plantecam a comme objectif de promouvoir la conservation des plantes médicinales camerounaises grâce à la culture et de former les communautés locales à la gestion des ressources sauvages.
Mots clés: plantes médicinales, exploitation forestière, Cameroun
Cet article se concentre sur 3 secteurs d'activité principaux :
· Le cadre de la recherche et l'identification des espèces;
· La récolte des produits et leur commercialisation;
· Une discussion sur les actions entreprises par Plantecam, pour assurer une gestion durable de Prunus africana et d'autres plantes médicinales.
Le cadre de la recherche
Les informations sur les plantes sont rassemblées grâce à des enquêtes ethnobotaniques approfondies, menées par Plantecam et complétées par une lecture attentive de la documentation existante, en particulier la pharmacopée traditionnelle. Une grande variété de catégories d'utilisation est étudiée, comme par exemple :
· La médecine vétérinaire (Tephrosia vogelii, Swartzia madagascariensis);
· La cosmétologie (Carapa procera, Aloe spp., Calophyllum inophyllum, Myrianthus spp., Pentasdema macrophylla, Allanblackia spp.);
· La diététique (Adansonia digitata, Carica papaya);
· La phytothérapie (Chrysanthellum americanum, Euphorbia hirta, Desmodium adscendens);
· La pharmacologie (Prunus africana, Pausinystalia johimbe, Strophantus gratus, Tabernanthe iboga, Fagara macrophylla, Phytostigma venenosum).
L'identification des espèces
Une fois que les utilisations possibles des espèces ont été établies lors des enquêtes ethnobotaniques, une identification faisant autorité est nécessaire. On collecte des échantillons et ensuite on les nomme, grâce à l'utilisation de clé de détermination et d'espèces préalablement identifiées. La détermination du nom des plantes permet une récolte futur et une mise en valeur de la ressource, en s'assurant que la même espèce, dont on sait qu'elle est utile, pourra être reconnue et à nouveau récoltée.
Les fiches d'identification
Pour chaque plante, une fiche d'identification est complétée. Elle contient les informations suivantes: phénologie, taxonomie, répartition naturelle, morphologie, forme de vie, possibilité de faire l'objet d'une domestication et une estimation du potentiel de ressources sauvages accessibles.
Plantecam organise la récolte et le commerce d'un certain nombre de plantes médicinales. Parmi celles-ci :
· Prunus africana (utilisée pour traiter certaines formes bénignes de l'hyperplasie de la prostate);
· Pausinystalia johimbe (un remède contre l'impuissance masculine d'origine organique);
· Voacanga africana (un hypertensif);
· Strophanthus gratus (un fortifiant cardiaque);
· Phytostigma venenosum (utilisé en ophtalmologie).
La cueillette de plantes médicinales est régie par l'obtention préalable d'un permis d'exploitation des espèces forestières, dont les conditions et qualifications requises sont définies dans Forêts, faune et régimes de pêches (Loi No 94/01 du 20 janvier 1994) et dans les directives d'utilisation de ce régime (Décret No 94/436 du 23 août 1994). La remise de ce permis s'accompagne d'un rapport décrivant avec précision les méthodes de récolte, correspondant à chaque structure végétative à exploiter. La société Plantecam utilise ce rapport pour l'écorçage de Prunus africana. Plantecam n'accepte la livraison de matières premières que des détenteurs d'un permis d'exploitation valable et n'accepte aucun matériel sans ce permis.
Avant de pouvoir entreprendre toute récolte, il est nécessaire d'avoir suivi les procédures suivantes:
· L'établissement d'un inventaire préliminaire, afin de déterminer le potentiel de ressources exploitables;
· La formation (théorique et pratique) des cueilleurs, pour qu'ils appliquent des méthodes d'exploitation et d'écorçage durables.
En ce qui concerne l'exploitation de Prunus africana, par exemple, une équipe pleinement fonctionnelle se compose d'un chef d'équipe, de prospecteurs, d'écorceurs et de porteurs. Cette équipe est supervisée par un chef de camp, dont le rôle est de fournir un rapport régulier sur les quantités récoltées, le nombre d'arbres écorcés et la qualité de l'écorçage, conformément au rapport. L'évaluation de cette activité d'exploitation permet de déterminer la durabilité des récoltes, grâce aux informations suivantes :
· Une estimation régulière du travail de terrain, suivant les normes du rapport. Cela permet d'évaluer la santé des arbres à long terme et le temps d'attente nécessaire avant une nouvelle exploitation.
· Un inventaire forestier général: par exemple, l'espèce Prunus africana a été inventoriée de manière intensive dans la région du Mont Cameroun. Cet inventaire a été entrepris en 1996 et 1997 par l'ONADEF (Office national pour le développement forestier) sur la demande de Plantecam et du «Projet Mount Cameroon». Les résultats obtenus ont donné une vue d'ensemble sur la densité de l'espèce Prunus africana et sur le rendement potentiel de l'écorce, permettant ainsi une exploitation durable des ressources restantes.
· Une étude des peuplements naturels de Prunus africana dans certaines régions clés du Mont Cameroun, avec comme objectif de déterminer le taux de régénération naturelle de l'espèce et donc sa production future.
Le commerce des plantes médicinales
Les matières premières (graines, écorces, etc.) font souvent l'objet de traitements tels que le broyage (dans le cas de l'écorce de Pausinystalia johimbe) ou l'extraction complète (par exemple l'espèce Prunus africana) avant d'être commercialisées. La transformation dans le pays producteur maximise les revenus de la population locale et c'est pourquoi des efforts sont entrepris dans ce sens pour augmenter autant que possible la valeur de chaque produit avant l'exportation. Tous les produits transformés dans l'usine Plantecam sans exceptions sont destinés à l'exportation. Le commerce des produits à base de plantes médicinales est contrôlé par la société-mère basée à Paris, le Groupe Fournier. Le département commercial de ce groupe s'occupe de tous les contrats et des négociations concernant la vente des matières premières et des produits transformés.
Pour s'assurer que les plantes médicinales sont exploitées de manière durable par la compagnie, Plantecam a entrepris d'importants essais de culture, dont l'objectif est la domestication de certaines espèces clés, ainsi que l'observation des méthodes d'aménagement de certaines d'entre elles dans la forêt naturelle. Ce programme comprend plusieurs composantes :
(i) L'inventaire et la sensibilisation des populations locales (chefs de village, exploitants de plantes médicinales, groupements d'intérêts communs, organisation non gouvernementales, communautés locales), grâce à des ateliers, des cours de formation pratiques pour la démonstration (en pépinières et en forêts), permettant une gestion prudente de la forêt naturelle et l'identification du potentiel de domestication de certaines espèces importantes;
(ii) La participation des communautés locales dans la protection et l'aménagement raisonné des forêts, suivant des accords d'exploitation, tels que celui qui a été signé avec certains villages selectionés, situés autour du Mont Cameroun. Les effets immédiats de cet accord sont :
· Le contrôle de la surexploitation illégale;
· L'amélioration du revenu des agriculteurs et la développement d'infrastructures sociales dans certains villages (exemple: la Maison Communale de Mpanja);
· L'approvisionnement de plants de Prunus africana et l'ouverture d'un marché garanti pour les récoltes futures de l'écorce issue des sources cultivées;
· Une exploitation contrôlée d'arbres sauvages, supervisée par la société Plantecam.
(iii) La production de plants d'espèces de valeur élevée, à travers la propagation d'une grande quantité de graines;
(iv) la distribution de plants destinés à des plantations et à des systèmes d'agroforesterie, à condition que les critères écologiques de chaque espèce soient pris en compte avant la plantation;
(v) La surveillance du matériel planté, tant dans les plantations que dans les systèmes agroforestiers;
(vi) Le partenariat avec les ONG (organisations non gouvernementales), le MINEF (Ministère de l'environnement et de la forêt), les institutions de recherche, telles que le Jardin Botanique de Limbe, afin de progresser dans la conservation des forêts et l'exploitation durable;
(viii) la promotion des cultures de Prunus africana, Voacanga africana, Strophanthus gratus, Phytostigma venenosum, grâce à un programme actif de vulgarisation;
(viii) La création d'un arboretum sur le site de l'usine, dans le but d'acclimater les plantes médicinales. Cet arboretum contiendrait une grande variété de plantes locales et exotiques.

Figure 1: Matériel de replantation produit dans la pépinière de Plantecam (Photo: T.S. Sunderland).
1. En résumé
Le développement durable de l'exploitation des plantes médicinales dépend d'une combinaison d'un certain nombre de facteurs :
· La recherche en agronomie, en biochimie et en pharmacologie;
· Une législation adaptée, permettant d'enregistrer les remèdes traditionnels bon marché destinées à la population locale (tisanes, capsules, extraits, sirops);
· La bonne application des mesures de politique forestière, en s'assurant que les taxes sur l'exploitation sont bien payées et redistribuées de manière équitable au profit des communautés rurales, ainsi qu'aux gestionnaires des forêts naturelles;
· L'existence de concessions à long terme aux exploitants de plantes médicinales, stimulant ainsi l'intérêt de la société à préserver la qualité des ressources de manière durable;
· La création de programmes de formation, destinés aux formateurs et aux vulgarisateurs, permettant une plus large diffusion des cultures de plantes médicinales et des pratiques agricoles associées (agroforesterie, système de culture stratifié);
· La mise à disposition d'informations permettant l'aménagement des plantes médicinales;
· La création d'une banque de données comprenant les aspects phytochimiques, pharmaceutiques, commerciaux et utilitaires de l'exploitation des plantes médicinales.

Figure 2: Confiscation d'un stock d'écorce de Prunus africana sur le Mont Cameroun (Photo: T.S. Sunderland).