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Chapitre 2

Conditions préalables essentielles
à la réussite en agriculture contractuelle

On ne doit rien entreprendre en agriculture contractuelle
tant que certaines conditions préalables essentielles
ne sont pas remplies.
Ce chapitre les examine sous les titres: rentabilité, milieux physique
et social et appui des pouvoirs publics.

UN MARCHÉ RENTABLE

Le promoteur

  • Doit avoir identifié un marché pour la production envisagée
  • Doit s'assurer que l'approvisionnement de ce marché peut être bénéficiaire sur le long terme

L'agriculteur

  • Doit être sûr que les revenus potentiel sont plus attractifs que ceux procurés par les autres activités et que le degré de risque est acceptable
  • Doit avoir la preuve que ces revenus potentiels sont basés sur des estimations de rendement réalistes

MILIEUX PHYSIQUE ET SOCIAL

Principaux facteurs

  • Le milieu physique doit convenir en général, et en particulier au produit envisagé
  • Les services d'utilité publique et les communications doivent être adaptés à l'agriculture(par ex. les routes d'accès), et à l'agroalimentaire (par ex. l'eau et l'électricité)
  • La disponibilité des terres et leur régime d'occupation - il faut que les agriculteurs contractuels aient accès sans restriction aux terres qu'ils cultivent
  • La disponibilité des intrants - il faut que les sources d'intrants soient assurées
  • Les considérations sociales - les attitudes et pratiques d'ordre culturel ne doivent pas être en contradiction avec les obligations des agriculteurs prévues par le contrat et la direction doit être à même de comprendre parfaitement les pratiques locales

SOUTIEN DES POUVOIRS PUBLICS

Rôle d'habilitation et de réglementation

  • Un droit des contrats et des lois générales sont nécessaires ainsi qu'un système juridique efficace
  • Il faut que les pouvoirs publics soient conscients des conséquences possibles et non intentionnelles des réglementations et n'aient pas tendance à trop réglementer
  • Les pouvoirs publics devraient fournir des services tels que les services de recherche et, dans certains cas, de vulgarisation

Rôle en faveur du développement

  • Les pouvoirs publics peuvent prendre des mesures visant à mettre en contact le secteur de l'agro-alimentaire et les agriculteurs adéquats

Introduction

En agriculture contractuelle, la première des conditions préalables est que tout investissement puisse être rentable. Après avoir identifié un marché potentiellement lucratif, le promoteur estime ensuite si les agriculteurs contractuels d'une région, dans un pays donné, peuvent approvisionner ce marché avec profit. Pour ce faire, il procède à une évaluation du milieu social et physique de la zone sous contrat envisagée et du soutien potentiel que les pouvoirs publics sont susceptibles de fournir. Les conditions préalables sont examinées dans les sections suivantes dont les titres sont:

UN MARCHÉ RENTABLE

Bénéfice pour le promoteur

La décision du promoteur d'investir dans un marché donné doit être au départ fondée sur le fait de savoir que, sous certaines conditions, il sera lucratif. Toutefois, l'agriculture contractuelle n'est alors qu'une possibilité commerciale parmi tant d'autres sur le marché. Un marché doit pouvoir rester rentable à long terme. Dans le cas des cultures arboricoles, par exemple, les prix ont tendance à être cycliques. Une analyse de viabilité économique, faite quand les prix sont élevés, donnerait des résultats très différents de ceux obtenus au bas de la courbe des prix. Une «analyse de sensibilité» est donc nécessaire pour assurer que la production peut être lucrative, même lorsque les prix sont bas.

L'exportation de produits horticoles vers les marchés d'Europe de l'Ouest, du Japon et des Etats-Unis est très concurrentielle. Sous réserve des garanties concernant la qualité et l'approvisionnement, les importateurs achètent les produits agricoles en fonction de leur prix. Un fournisseur peut, à cause de l'agriculture contractuelle ou autre, perdre subitement des marchés si les normes de qualité ne sont pas constantes et si les livraisons deviennent imprévisibles. Les sociétés intéressées par les exportations horticoles à prix élevé doivent être aussi certaines qu'elles peuvent répondre aux normes de qualités en vigueur et aux éventuelles exigences à venir. Par exemple, si les importateurs commençaient à demander des produits agricoles «organiques», avec quelle facilité les fournisseurs et les agriculteurs s'adapteraient-ils à cette demande?

Bénéfice pour l'agriculteur

Lorsque, ni les promoteurs ni les agriculteurs avec lesquels ils ont passé des contrats, ne peuvent réaliser des bénéfices financiers consistants et attractifs, l'entreprise échoue. Il y a donc une autre condition préalable indispensable. Le promoteur doit s'assurer que les agriculteurs auront des revenus nets supérieurs à ceux qu'ils auraient obtenus dans d'autres activités, avec le même risque ou un risque inférieur. Les promoteurs devront calculer des rendements réalistes afin de prévoir si la production des agriculteurs est rentable aux prix qu'ils peuvent payer. Ces calculs seront basés sur l'expérience des agriculteurs dans le domaine choisi, les données de leur passé cultural, la fertilité du sol et, parfois les essais en champ. Une fois les estimations faites et les coûts de production connus, les promoteurs pourront plus facilement calculer la structure des prix qui est rentable pour les deux parties. Des revenus garantis, réguliers et attractifs devraient encourager les agriculteurs à s'engager sur le long terme.

Les promoteurs doivent savoir que les résultats des rendements des parcelles expérimentales sont normalement bien supérieurs à ceux obtenus dans les champs des agriculteurs. Les agronomes d'Indonésie ont remarqué que le rendement des haricots de soja cultivés sur des parcelles expérimentales est plus de deux fois supérieur à celui obtenu par les petits exploitants11. Les administrateurs expérimentés de projets d'agriculture contractuelle font habituellement une estimation des rendements en se basant sur la moyenne de la production des trois à cinq années précédentes. A mesure que l'on introduit de nouvelles technologies et que la gestion agricole s'améliore, le rendement moyen augmente. Lorsque l'on introduit une nouvelle culture, on estime les rendements d'après ce que l'on sait du produit agricole cultivé dans un milieu semblable et d'après les résultats des essais en champ.

LES MILIEUX PHYSIQUE ET SOCIAL

Les principaux facteurs qui ont une incidence sur les projets agro-alimentaires sont les suivants:

Le milieu physique

Pour que tout investissement agricole réussisse, il faut que deux conditions multidimensionnelles soient remplies. Premièrement, une condition d'ordre général: la topographie, le climat, la fertilité du sol doivent être adéquats et l'eau disponible. Deuxièmement, le milieu physique doit convenir au génotype de la plante spécifique ou de l'animal pour lequel il y a une demande de marché. L'interaction de tous ces facteurs détermine les rendements, la qualité et la rentabilité de la production.

Les services d'utilité publique et les communications

Une condition majeure pour investir dans les zones rurales est l'existence d'un système de communications adéquat qui comprend les routes, les transports, le téléphone et autre services de télécommunication. Un approvisionnement fiable en eau et en électricité est indispensable à l'agro-alimentaire et à l'exportation de produits frais. Il est également important que les acteurs de l'agriculture contractuelle, qu'ils soient employés directement par le promoteur ou qu'il s'agisse des agriculteurs eux-mêmes, puissent bénéficier de services médicaux et éducatifs.

Les promoteurs devront s'assurer que l'on peut facilement transporter les produits de l'exploitation agricole et livrer les intrants aux agriculteurs. Le réseau des routes principales est peut-être adéquat sans qu'il en soit de même pour celui les routes d'accès aux exploitations. Ce fait est particulièrement important quand il s'agit de produits agricoles périssables qu'il faut transformer sans tarder après la récolte (thé, palmier à huile, sucre, par exemple) ou entreposer dans un endroit approprié (fleurs coupées, par exemple). Lorsque les moyens de transport locaux sont inadéquats, les promoteurs doivent voir si les problèmes peuvent se résoudre ou choisir d'autres zones. On charge parfois des groupes d'agriculteurs d'assurer l'accès aux champs aux transporteurs de la société. Avant d'initier un projet quelconque, le promoteur, les agriculteurs et les organismes des pouvoirs publics devront établir qui assurera l'accès et qui entretiendra les routes d'accès. Au Kenya, l'accord passé entre les sociétés sucrières et les agriculteurs stipulait qu'elles avaient le droit de construire des routes d'accès sur les terres de ces derniers, ce qui a inévitablement soulevé le ressentiment des propriétaires terriens.

Encadré 3
Analyse du milieu physique et social

Un exemple d'enquête sur le milieu physique et social nous vient de Bali où une société indonésienne avait projeté de cultiver du tabac sous contrat. Suite à une enquête générale sur les facteurs énumérés ci-dessus, on a recommandé que le projet se déroule uniquement dans deux des sept sous-districts de la «régence» (province). Cette décision était fondée sur l'analyse qui suit.

Soutien des pouvoirs publics:

  • Enthousiasme de la part des responsables de la régence et du service provincial de l'agriculture.
  • Des réseaux routiers et de communications adéquats.
  • Deux systèmes d'irrigation établis depuis longtemps - un système traditionnel entretenu par les agriculteurs et un système plus perfectionné, construit et contrôlé par la régence.

Conditions générales:

  • Une communauté paysanne réagissant bien et ouverte au progrès qui a manifesté un grand désir de cultiver les produits agricoles et d'entrer en contact avec le promoteur.
  • Des sols limoneux friables avec le niveau désiré d'acidité.
  • Une altitude suffisante qui offrait les variations de température souhaitées.
  • Une concurrence minimale de la production de cultures à forte valeur commerciale orientées vers le tourisme à l'instar de celles cultivées dans les autres sous-districts.
  • Peu de signes du virus de la mosaïque du tabac.
  • Accès adéquat à la terre des agriculteurs, soit comme propriétaires soit comme fermiers.

Il existe une condition préalable à l'exportation des cultures horticoles sous contrat: l'existence de vols réguliers pour le transport aérien; les légumes frais et les fleurs coupées dépendent de l'espace alloué au fret pour arriver sur les marchés internationaux. A moins que les quantités ne soient assez importantes pour justifier d'affréter des avions, les exportateurs dépendront de l'espace disponible sur les vols commerciaux. Le nombre de vols commerciaux est fonction du nombre de passagers désireux de se déplacer, ce qui est sujet à de rapides fluctuations. Plusieurs pays qui ont connu des coups d'état ou des troubles sociaux ont vu leur industrie du tourisme s'effondrer du jour au lendemain; ce qui, à son tour, a entraîné des annulations de vol et la perte de marchés pour les exportateurs.

La disponibilité des terres et leur régime d'occupation

L'agriculture contractuelle implique une grande diversité de modes de propriété et d'accords de tenure de la terre. Les agriculteurs contractuels doivent avoir un accès sans restriction à la terre qu'ils cultivent. La direction doit connaître et comprendre ce mode d'accès pour la culture et pour qu'il soit acceptable dans le cadre du contrat.

Dans la majorité des projets, les promoteurs passent directement des accords avec des agriculteurs qui sont propriétaires de leurs propres terres ou jouissent de droits coutumiers dans le cadre d'un système de propriété communautaire. Cependant dans un seul projet, il peut y avoir une grande diversité de modes de jouissance de la terre: le droit de propriété absolu, la location de terres domaniales, la location de la propriété du promoteur, ou des accords informels avec les propriétaires. Même si la jouissance n'a pas de base légale, qu'elle est coutumière ou saisonnière, les cultures faisant l'objet de contrats à court terme, telles que le maïs, le tabac et les légumes frais, sont souvent possibles.

Malgré la nature occasionnellement flexible de la concession des terres selon la coutume, le principal facteur qui fait maintenant autorité en agriculture contractuelle, est le loyer exigé par le propriétaire. Dans un projet, les loyers dépendaient du caprice des propriétaires respectifs. Leur montant était très inégal car influencé par la nature des relations entre le propriétaire et l'agriculteur. Certains loyers étaient relativement bas, beaucoup étaient raisonnables et d'autres très surévalués. Dans ces cas-là, il peut être nécessaire que les promoteurs interviennent pour négocier des loyers normaux au nom de tous les agriculteurs.

Disponibilité des intrants

Dans la plupart des projets d'agriculture contractuelle, les promoteurs recommandent, procurent ou distribuent la totalité ou la quasi-totalité des intrants matériels. Les promoteurs doivent avoir l'assurance qu'ils pourront organiser l'approvisionnement de tous les intrants nécessaires aux agriculteurs et à leurs propres besoins en matière de transformation. Tous les intrants devront être identifiés et commandés bien à l'avance, soit localement, soit de l'étranger. Les projets d'agriculture contractuelle demandent des niveaux d'intrants différents selon la nature de la culture et le degré de sophistication des agriculteurs. Pour des cultures telle que le tabac blond de Virginie séché à l'air, les agriculteurs nécessitent un grand nombre d'intrants structurels et matériels: séchoirs, hangars de triage, combustible, engrais, semences importées, pesticides et avances pour la culture. Ne pas pouvoir en disposer peut entraver sérieusement la chaîne de production et entraîner de graves pertes financières pour les parties concernées. De même, le fait que la direction ne fournisse pas à temps les aliments aux éleveurs de volailles et de porcs peut avoir des conséquences importantes pour les agriculteurs.

Encadré 4
La culture en opposition avec le travail

Selon la coutume, la communauté ethnique des Duses de Sabah interdit, en cas de décès, à quiconque de se rendre dans les champs ou les jardins du mort pendant une certaine période. On appelle cela maganakan. Les Duses croient que si des visiteurs pénètrent dans la ferme du mort, toutes les cultures périront. Les vulgarisateurs ont été menacés de violences et ont risqué un procès pour avoir transgressé ce tabou.

Considérations sociales

De nombreuses communautés rurales se méfient de l'agroalimentaire et sont fortement influencées par les pratiques traditionnelles. Normalement, les sociétés conventionnelles sont plus conservatrices en ce qui concerne leur ambitions et leurs besoins matériels. Il y a souvent de grandes disparités dans les attitudes culturelles vis-à-vis du travail. Avant tout projet, la direction doit comprendre les comportements culturels de ceux avec qui elle œuvre. Elle doit aussi être particulièrement attentive à la possibilité de conflits lorsque plus d'un groupe culturel travaille dans le cadre du contrat.

Il est toujours possible que le succès économique d'un projet d'agriculture contractuelle ait des répercussions sociales qui compromettent son succès à long terme. Ce fait peut se produire, par exemple, parce que l'opportunité d'y participer est limitée à un certain nombre d'agriculteurs. Si ceux-ci sont choisis en fonction de la taille de leurs exploitations et de leurs ressources, l'agriculture contractuelle peut augmenter les disparités économiques préexistantes et soulever le ressentiment des exclus. En Inde, on craint que l'agriculture contractuelle n'ait conduit à un bouleversement des accords de tenure précédents, les petits exploitants louant actuellement des terres à de gros exploitants détenteurs de contrats.

APPUI DES POUVOIRS PUBLICS

Les pouvoirs publics doivent jouer un rôle important si l'on veut que l'agriculture contractuelle réussisse. Un cadre juridique adapté et un système juridique efficace en sont les conditions préalables. De plus, les pouvoirs publics peuvent faire beaucoup pour encourager le succès en développant des liens entre les investisseurs et les exploitants. Ils peuvent également jouer un rôle pour protéger les agriculteurs en leur garantissant que les promoteurs potentiels sont crédibles financièrement et du point de vue de la gestion. Le rôle des gouvernements et de leurs organismes régionaux est double; ils ont un:

Rôle d'habilitation et de réglementation

L'agriculture contractuelle dépend d'accords juridiques ou informels passées par les parties contractantes (chapitre 4). Ceux-ci, à leur tour, doivent être étayés par des lois appropriées et un système juridique efficace. Les lois correspondantes peuvent être classées en trois catégories selon leurs fonctions: d'habilitation, de réglementation économique ou coercitives12. Dans le contexte de l'agriculture contractuelle, l'aspect d'habilitation de la loi est peut-être le plus important. La législation s'appliquant aux contrats permet en particulier aux transactions commerciales d'évoluer et se substituer au troc. La possibilité légale d'attribuer la personnalité morale à un groupe d'individus a également été cruciale pour le développement du commerce. Un exemple classique est la société à responsabilité limitée. Cependant, dans le contexte de l'agriculture contractuelle, un promoteur passant un accord avec une coopérative doit également avoir l'assurance que cette coopérative repose sur une base juridique solide.

Les gouvernements doivent être conscients des incidences des lois et des décisions politiques sur le développement de l'agro-alimentaire et de leur influence sur l'agriculture contractuelle. Aux Philippines, par exemple, des chaînes de restauration rapide avaient importé des frites congelées. Il était possible de cultiver sur place la variété de pomme de terre requise pour ces frites, mais on ne pouvait plus se la procurer car le gouvernement avait imposé des restrictions sur les semences. Les sociétés s'adressèrent au gouvernement. Il finit par lever l'interdiction, ce qui permit de mettre sur pied deux projets d'agriculture contractuelle pour alimenter l'industrie de la restauration rapide en pleine expansion. Ainsi, une simple réforme de politique générale fut finalement profitable aux promoteurs et à un grand nombre de petits agriculteurs13.

Il est souhaitable, même si ce n'est pas une condition préalable, que les gouvernements jouent un rôle d'arbitre ou de médiateur dans les conflits. Par exemple, le gouvernement du Malawi a établi des directives pour résoudre les conflits relatifs aux contrats agricoles et a proposé les services du Ministère du travail comme médiateur. De même, beaucoup de pays grands producteurs de sucre ont des établissements de droit public qui font office d'arbitres entre les planteurs de canne à sucre et les sucreries. Au Canada, des milliers de cultivateurs de pommes de terre, dépendant d'un seul acheteur, négocient les prix et les conditions du contrat par le biais des bureaux de l'Agence de la pomme de terre du Nouveau Brunswick14. Tous les cultivateurs de pommes de terre sont tenus de s'affilier à cette organisation.

Des habilitations gouvernementales en faveur de l'agriculture contractuelle peuvent également porter sur:

A l'échelon national, la disponibilité de services spécialisés fournissant un soutien institutionnel à la production, à la transformation et à la commercialisation est une condition préalable. Des services administratifs tels que les contrôles de quarantaine, les laboratoires de phytopathologie, les stations de recherche sont importants pour l'agriculture contractuelle. Ces services sont particulièrement nécessaires aux sociétés qui investissent dans les cultures d'exportation à forte valeur commerciale ou dans l'agrobiologie.

Dans la plupart des pays, il n'existe pas de législation réglementant précisément l'agriculture contractuelle. Si l'on adopte une législation, l'idéal serait qu'elle soit fondée sur la capacité de l'industrie à s'auto-réglementer. Cependant, les gouvernements ont parfois tendance à établir trop de règlements. Cela est souvent le cas lorsque le promoteur est une institution paraétatique ou une agence gouvernementale. Les lois kenyanes, par exemple, autorisent le promoteur paraétatique à accorder des licences aux agriculteurs pour la production de thé sous contrat à des conditions très strictes. Elles portent sur des points tels que l'autorisation d'éliminer les théiers, la lutte contre les ravageurs et les maladies, la plantation de théiers non autorisés, la culture faite selon des normes non approuvées, et le droit de l'institution paraétatique d'accorder ou de refuser une licence pour planter du thé. Bien que de tels règlements puissent produire des effets contraires, on peut affirmer que les gouvernements doivent voter des lois pour protéger les agriculteurs qui sont la partie plus faible du contrat. Cela s'applique surtout lorsque les agriculteurs sont les locataires des promoteurs et ont peu de sécurité.

Les hommes d'affaires, en particulier ceux qui s'occupent d'exportations, se plaignent fréquemment d'une réglementation et de procédures bureaucratiques excessives. La simplification de la documentation officielle pourrait avoir un impact positif sur l'attitude des investisseurs potentiels.

Le rôle en faveur du développement

A mesure que l'agriculture contractuelle prend de l'importance, les gouvernements doivent peut-être réaffecter les ressources allouées au développement à sa promotion. Par exemple, le gouvernement philippin, aidé par un projet de la FAO, a favorisé l'agriculture contractuelle pour les petits agriculteurs qui recevaient des terres dans le cadre de la réforme agraire. Un des traits les plus caractéristiques de ce programme a été l'opération «rencontres de marché». On a organisé des forums où les entrepreneurs du secteur agro-alimentaire avaient la possibilité de rencontrer les représentants des agriculteurs pour discuter de leurs exigences. Ces forums étaient suivis de discussions plus précises qui se déroulaient directement entre les promoteurs et les coopératives ou les organisations d'exploitants. En 2000, le programme a permis à un minimum de 27 sociétés d'établir des contrats avec les agriculteurs. L'action du Département de la réforme agraire englobait la diffusion d'informations relatives au marché, en particulier sur des produits pour lesquels il y avait une demande commerciale que l'agriculture contractuelle était susceptible de satisfaire. Le Département a également accepté d'agir en tant qu'arbitre en cas de conflits15.

Un autre exemple de promotion d'agriculture contractuelle vient d'Inde. Le bureau régional d'une banque d'Etat a organisé une réunion de banquiers, de dirigeants du secteur agro-alimentaire et du service de vulgarisation gouvernemental afin d'étudier la possibilité de créer des liens avec le marché pour les produits agricoles. Un gros producteur de volailles a passé un contrat pour cultiver du maïs et du soja à des fins alimentaires avec 2 200 agriculteurs de 164 villages. Un accord tripartite a été signé par les agriculteurs, la société et les banques qui, de ce fait, assurent le financement16.

Lorsque les agriculteurs contractuels sont organisés en coopératives ou en groupes, les pouvoirs publics peuvent jour un rôle important en agissant pour renforcer les compétences administratives de ces organisations. Bien que les résultats des coopératives agricoles dans les pays en développement aient été au mieux marginaux, améliorer la capacité de gestion d'une coopérative devrait, en théorie, augmenter sa performance commerciale, le transfert de la technologie aux agriculteurs et sa compétence en matière de commercialisation.

Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer en garantissant que les sociétés qui se proposent d'investir dans l'agriculture contractuelle sont de bonne foi et proposent des accords de partenariat à long terme avec les exploitants, plutôt que des opérations à court terme qui peuvent leur laisser des dettes très importantes. Les promoteurs doivent avoir démontré leur solidité financière, avoir des compétences confirmées en matière de gestion, et une expérience de la technologie. Avant de promouvoir et de lancer un projet, les promoteurs doivent créer une structure administrative et de gestion adaptée et acheter ou louer un terrain pour les bureaux; les installations de transformation et les transports doivent être organisés à l'avance. Certains projets peuvent nécessiter un investissement de capitaux considérable et une infrastructure sophistiquée à l'instar de celle requise pour le raffinage du sucre, la fabrication du tabac et les conserves de légumes.

INVENTAIRE DES CONDITIONS PRÉALABLES

Les tableaux 1a et 1b (voir pages 46 et 47) donnent des exemples théoriques d'inventaire des conditions préalables à dresser par les promoteurs avant de négocier avec les agriculteurs. Le tableau 1a indique que le climat socio-politique est favorable à l'agriculture contractuelle. L'attitude positive des responsables des communautés locales est particulièrement importante. L'inventaire tel qu'il est représenté par le tableau 1b montre que les déterminants physiques essentiels de la productivité, les données de la productivité antérieure de l'agriculteur, et la demande confirmée du marché, rendent l'entreprise attrayante. En outre, de bonnes températures, un ensoleillement adéquat, et un système d'irrigation fiable sont des avantages supplémentaires. Bien que, dans l'exemple, l'on s'inquiète que certains agriculteurs ne soient pas des locataires permanents, la majorité des exploitants ont soit la propriété pleine et entière, soit des baux de longue durée, éléments positifs pour la stabilité d'un contrat.

Tableau 1a
Exemple d'un inventaire des conditions préalables à l'agriculture contractuelle - Évaluation socio-politique

COMPOSANTE

QUALITÉ

REMARQUES

 

F

A

I

 

Climat politique

       

National

 
 

Stabilité politique du pays. Appui déclaré pour le projet.

Régional-district

 
 

Appui modéré pour le projet.

Village-communauté

   

Attitude positive des responsables locaux descommunautés.

Installations d'utilité publique & services

Routes

 
 

Bien entretenues mais réseau routier limité.

Transport public

   

Le promoteur fournit le transport concernant le projet.

Téléphones

   

Insuffisant. Le projet doit pourvoir à ses propres communications.

Alimentation en électricité

   

Raccordé au pour la transformation réseau électrique national.

Alimentation en eau

 
 

Adéquate pour le projet.

Hôpitaux & santé

 
 

Un hôpital et deux dispensaires.

Ecoles

   

Une école secondaire et deux écoles primaires.

Organismes des

 
 

Réponses positives des pouvoirs publics départements pour la vulgarisation et la recherche.

Services de quarantaine

   

Bien situés et bien administrés

.

F = Favorable A = Adéquate I = Insuffisant

Tableau 1b
Exemple d'inventaires des conditions préalables
à l'agriculture contractuelle - Évaluation physique et sociale

COMPOSANTE

QUALITÉ

REMARQUES

 

F

A

I

 

Identification du marché

       

Produit manufacturé

   

Demande assurée pour le produit manufacturé.

Produit frais

 
 

Demande suffisante de produits frais de qualité intermédiaire.

Milieu physique

       

Facteurs climatiques généraux

 
 

Adéquat, absence de gelées durant la saison, ensoleillement à 80%.

Précipitations

   

Irrégulières et imprévisibles.

Eau naturelle disponible

   

Suffisante pour la culture.

Irrigation

   

Bon système d'irrigation pour le projet.

Fertilité du sol

   

Sols parfaitement adaptés à la culture.

Topographie

 
 

Seul un faible pourcentage d'exploitations ont des pentes raides érodées.

Végétation naturelle

   

Pas d'effet sur la végétation naturelle ni sur la culture prévue.

Milieu rural et social

       

cultures associées en mélange

 
 

Pratique de cultures intercalaires et en relais.

Productivité dans le passé

   

Communauté paysanne très productive.

Influences culturelles

   

les obligations d'ordre culturel ne font pas obstacle au projet.

Tenure de la terre

       

Agriculteurs propriétaires

   

58% des agriculteurs cultivent leur propre terre.

Agriculteurs locataires

 
 

32% des agriculteurs ont des baux de longue durée.

Agriculteurs de droit coutumier

   

10% des agriculteurs cultivent des terres selon un mode de tenure temporaire relevant du droit coutumier.

F = Favorable A = Adéquate I = Insuffisant

11 Roling, N. en Beets, W., 1990: 256.

12 FAO, 1999.

13 Panganiban, D.F., 1998:19-20.

14 Glover, D. et Kusterer, K., 1990: 89.

15 SARC-TSARRD, 1998.

16 NABARD, 1999: 56.

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