Obstacles à la qualité - Exemple d'analyses
On a effectué une étude afin d'identifier les raisons pour lesquelles les agriculteurs récoltaient le tabac à un stade extrêmement précoce; cette pratique entraînait une grave détérioration de la qualité de la feuille. L'étude a mis en lumière une certain nombre de contraintes qui, selon les agriculteurs et la direction, influaient sur l'immaturité de la récolte. Les raisons qu'ils ont invoquées pour la mauvaise récolte (indiquées ci-dessous en italique) sont indiquées et accompagnées d'un résumé de l'évaluation de chacune des contraintes perçues figurant dans l'étude.
Explications non valables
Récolter les feuilles avant qu'elles ne soient volées. Un seul cas de prétendu vol de tabac a été découvert pendant l'enquête. Toutefois, aucun des 127 villages faisant partie du projet n'avait de gardes de nuit fixes dans les champs, alors que c'était le cas pour les melons d'eau dans une zone voisine. L'absence de gardes indiquait que les agriculteurs considéraient que le vol n'était pas un problème. C'est la direction qui se plaignait des vols et non les techniciens de terrain ou les agriculteurs eux-mêmes. L'enquêteur en a conclu que la direction avançait cette excuse pour dissimuler son manque de planification et de coordination.
Après de fortes pluies, les feuilles subissent un réchauffement suivi d'un refroidissement. Des précipitations prolongées pendant les dernières étapes du développement du produit cultivé peuvent entraîner un faux effet de maturité. Dans toute la zone où se déroulait le projet, les conseils de l'agronome sur la façon dont il fallait manipuler le tabac mouillé ont été totalement ignorés, tant par la direction que par les agriculteurs.
Plus les feuilles sont vertes, plus le tabac est lourd. Les agriculteurs supposaient que les rendements de la production diminueraient lorsque les feuilles deviendraient jaunes. Au contraire, les rendements obtenus avec du tabac récolté encore vert sont légèrement inférieurs à ceux obtenus avec des feuilles ayant atteint leur pleine maturité.
Récolter avant l'arrivée de grands vents ou d'averses de grêle évite d'avoir des feuilles abîmées. La variété recommandée avait la caractéristique d'être cassante, et les agriculteurs se sont inquiétés du fait que le vent puisse arracher prématurément une ou deux feuilles. Cependant, à part quelques rafales localisées, le risque de dommages causés par le vent a été considéré comme étant insignifiant. En revanche, le problème des gros grêlons était plus grave; une averse de grêle peut anéantir tout une récolte, en particulier lorsque les plantes ont atteint leur développement maximal. Il était quasiment impossible de prévoir les averses de grêle locales; on a donc considéré que ce n'était pas une excuse valable pour avancer la récolte. Le fait que la grêle ou de grands vents endommagent les feuilles ne peut être accepté que comme une «catastrophe naturelle» et on devra prendre les mesures qui s'imposent pour lutter contre ses effets.
Explications partiellement valables
Récolter le tabac lorsqu'apparaît la tâche indiquant la maturité. Dans le parler local, la «tâche indiquant la maturité» indique une infection de la feuille, causée en général par des maladies fongiques. Les agriculteurs éprouvent partout le besoin de récolter leurs cultures dès le premier signe de maladie. Il est possible d'acheter et d'utiliser les feuilles de tabac endommagées par une maladie bien qu'on les classe normalement dans une catégorie inférieure. Il s'agissait essentiellement d'un problème de gestion: soit les contrôles avant l'infection étaient insuffisants, soit la direction et les agriculteurs ne savaient pas bien s'occuper de ce type de tabac.
Imminence de la récolte du maïs. La récolte du maïs coïncide normalement avec les trois dernières semaines de la récolte du tabac qui sont importantes. La demande de main d'uvre familiale atteignant son maximum à cette époque de l'année, il est possible que les agriculteurs aient préféré terminer la récolte du tabac avant d'entreprendre celle du maïs. Naturellement, ces pratiques augmentent la possibilité de récolter ensemble les quatre à six meilleures feuilles du haut, toutes à un stade d'immaturité.
Explications valables
Besoin accru d'espace dans les séchoirs vers la fin de la saison. Dans certains villages, l'espace était mal organisé dans les séchoirs à tabac, ce qui entraînait une demande excessive d'espace les quelques dernières semaines de la récolte. Cette situation a montré que les vulgarisateurs auraient dû allouer les quotas de tabac en fonction de la capacité de chaque village à traiter sa production plutôt qu'en fonction de sa compétence à faire pousser cette culture.
Désir des agriculteurs de semer leur blé d'hiver avant les premières gelées. Ce facteur a été l'explication la plus courante donnée par les agriculteurs et la direction locale. Une directive de l'administration locale stipulait que le blé d'hiver devait être semé pendant une certaine période. La loi ordonne que tout le maïs, le tabac et autres cultures de rente poussant sur des terres destinées à la production du blé doivent être récoltés à une date stipulée. Il y avait un manque de communication entre l'administration et la régie des tabacs.
Directive arbitraire visant à fermer les séchoirs. Les agriculteurs étaient très préoccupés par la fermeture probable des centres d'achat avant la fin de la saison avant qu'ils ne soient prêts à vendre leur production. Un agriculteur trouvé en train de récolter les huit meilleures feuilles du haut bien avant leur maturité, a déclaré que les séchoirs «fermaient dans une semaine», à peu près le temps qu'il lui faudrait pour sécher ses feuilles.
Parmi les neuf explications sur lesquelles a porté l'enquête trois d'entre elles étaient entièrement justifiées. L'organisme qui gérait le projet a été jugé responsable de ces contraintes. Un mélange de mauvaise organisation, de conflits de priorités entre les organismes publics et d'ignorance de ce qui faisait la qualité de la part de tous les participants entraîna l'arrêt du projet au bout de sept ans.