COFI:FT/VIII/2002/Suppl.2




Point 4 de l'ordre du jour provisoire

COMITÉ DES PÊCHES

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE DU POISSON

Huitième session

Brême (Allemagne), 12 - 16 février 2002

COMMERCE ET SÉCURITÉ DE LA FARINE DE POISSON



Table des matières


HISTORIQUE

1. Lors de la vingt-quatrième session du Comité des pêches, qui s'est tenue à Rome du 26 février au 2 mars 2001, les pays d'Amérique latine et des Caraïbes se sont vivement inquiétés des restrictions visant le commerce et l'utilisation de la farine de poisson dans l'alimentation des animaux, décision suscitée par leur lien présumé à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Ces pays ont demandé à la FAO de suivre les recherches scientifiques menées sur cette question et sur la sécurité de la farine de poisson destinée à l'alimentation animale, et d'en tenir les États membres périodiquement informés. Ils ont également observé que cette interdiction commerciale leur semblait injustifiée. Il a été convenu que le sujet figurerait à l'ordre du jour de la huitième session du Sous-Comité du commerce du poisson du Comité des pêches.

2. En janvier 2001, le Secrétariat de la FAO a préparé, à usage interne, un document d'information actualisé sur la sécurité de la farine de poisson. Il a également continué à s'informer des recherches scientifiques dans ce domaine. Les observations suivantes sont fondées sur les connaissances actualisées disponibles à l'heure actuelle.

3. La farine de poisson est un produit pulvérulent solide, obtenu à partir de poissons ou de déchets de poisson dont sont extraites la majorité de l'eau et une partie ou la plus grande partie de l'huile. Le produit final est riche en protéines puisqu'il en concentre de 40 pour cent (dans le cas des déchets de poisson) à 72 pour cent (dans le cas de poissons entiers, tel le hareng). En comparaison, la farine de soja vendue en général sur le marché ne contient que 45 pour cent de protéines. De plus, les protéines de la farine de poisson contiennent une forte concentration de tous les acides aminés essentiels.

4. Les principaux pays producteurs de farine et d'huile de poisson sont le Pérou, le Chili, les États-Unis, l'Islande, le Danemark et la Norvège. Ces pays sont également les premiers exportateurs, les Pays-Bas et l'Allemagne participant au commerce international en tant que principaux réexportateurs. La Chine, le Japon, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France sont de gros importateurs de farine et/ou d'huile de poisson.

5. La farine de poisson sert surtout à alimenter la volaille, les porcs, les poissons et les animaux à fourrure, qui ont tous besoin de protéines de haute qualité. Elle joue un rôle primordial dans l'alimentation des jeunes animaux, notamment des poulets de chair au départ, des porcs sevrés de bonne heure et des poissons d'élevage. Outre les protéines qu'elle offre, la farine de poisson est un "facteur de croissance" nécessaire à l'élevage.

6. La farine de poisson intervient également dans l'alimentation humaine (dans les margarines et les huiles hydrogénées) ou est utilisée pour des produits non comestibles (vernis, agents de lubrification ou d'étanchéité, par exemple). Aujourd'hui, près de la moitié de toutes les huiles de poisson produites servent à l'aquaculture. L'huile de poisson sert également à certaines applications pharmaceutiques et médicales en raison de la présence importante d'acides gras polyinsaturés, composants censés posséder des propriétés antithrombose.

FARINE DE POISSON, ESB ET AUTRES QUESTIONS DE SÉCURITÉ

7. D'un point de vue épidémiologique, il n'a jamais été prouvé que la farine de poisson transmet l'encéphalopathie spongiforme aux ruminants et autres animaux, ni que les prions, transmis par les poissons ou les produits de la pêche, provoquent une variante de la maladie de Creuzfeld-Jacob chez l'homme.

8. Contrairement aux ruminants, de nombreux poissons sont carnivores. Les animaux aquatiques élevés commercialement sont des animaux à sang froid. Il faut également noter que la transformation d'un poisson entier ou de déchets de poisson en farine requiert un traitement thermique (la matière première est cuite à la vapeur, puis la pâte de poisson broyée est séchée à une température de 90_C ou moins). De tels processus peuvent avoir un effet néfaste sur de nombreuses protéines, mais cela n'a pas été étudié dans le cas du prion de l'ESB.

9. La salmonellose continue à être l'un des plus grands risques pour la santé humaine que pose l'utilisation de la farine de poisson. Avant d'être mise sur le marché, la farine est testée afin de veiller à ce qu'elle soit exempte de salmonellose. Lorsqu'elles sont présentes, les bactéries peuvent contaminer les produits laitiers et animaux, puis les êtres humains à leur tour. Cette grave maladie d'origine alimentaire touche plus particulièrement les personnes âgées et les jeunes enfants. Certains types de salmonellose peuvent également provoquer de graves maladies parmi les animaux d'élevage.

10. Le niveau de certains polluants chimiques, notamment de dioxines dans l'huile de poisson, est également de plus en plus un sujet de préoccupation. Selon de récents rapports, le taux de dioxines relevé dans la farine et l'huile de poisson d'origine européenne serait jusqu'à huit fois plus élevé que dans le cas de produits similaires provenant de régions non industrielles, comme les eaux au large du Pérou et du Chili.

DÉCISION DE L'UNION EUROPÉENNE DE SUSPENDRE L'UTILISATION DE LA FARINE DE POISSON

11. Fin novembre et début décembre 2000, la Commission de l'Union européenne a organisé plusieurs consultations pour savoir s'il fallait ou non interdire formellement l'utilisation de protéines animales (y compris la farine de poisson) dans l'alimentation de tous les animaux si les mesures prises pour contrôler ces protéines étaient insuffisantes. L'UE a finalement adopté la décision du Conseil 2000/776 du 4 décembre 2000: "Il est approuvé, par mesure de précaution, d'interdire temporairement l'utilisation de protéines animales dans l'alimentation des animaux, dans l'attente d'une réévaluation totale de la mise en _uvre de la législation communautaire dans les États membres. Comme cette interdiction pourrait avoir des retombées sur l'environnement si elle n'était pas correctement encadrée, il faut veiller à ce que les déchets animaux soient collectés, transportés, transformés, stockés et éliminés d'une manière sûre (...). Cette interdiction ne s'applique pas à l'utilisation de farine de poisson dans l'alimentation d'animaux autres que les ruminants".

12. La décision de l'Union européenne, applicable à partir du 1er janvier 2001, est encore en vigueur. Elle stipule en outre que la farine de poisson peut servir à l'alimentation d'animaux autres que les ruminants seulement si les conditions applicables aux usines de transformation du poisson, au transport, au stockage, à l'étiquetage et à la traçabilité des livraisons de farine depuis la production jusqu'à l'utilisation sont respectées (Décision de l'UE 2001/9/EC en date du 29 décembre 2000).

13. La suspension de l'utilisation de la farine de poisson dans l'alimentation des ruminants n'a pas de conséquences importantes sur le marché international du poisson. En effet, la perte du marché de l'UE ne représenterait que 70 000 tonnes. En revanche, l'interdiction d'utiliser d'autres protéines animales dans l'alimentation de tous les animaux a créé un marché potentiel d'environ 2 millions de tonnes pour remplacer les protéines animales interdites. Cette situation fait craindre une augmentation considérable du risque d'adultération de la farine de poisson avec de la farine de viande de mammifères ou d'os. La question s'aggrave dans la mesure où des techniques de routine fiables capables de détecter toute altération sont encore à l'étude.

14. En décembre 2001, les représentants de la Commission de l'Union européenne ont rencontré des représentants des producteurs de farine de poisson et des négociants européens. Ils ont souligné que les restrictions temporaires à l'utilisation de la farine de poisson dans l'alimentation des ruminants avaient été motivées par le souci de la Commission de l'Union européenne de garantir que cette alimentation était exempte de farine de viande et d'os. Compte tenu de la méthode analytique utilisée à l'heure actuelle et approuvée par l'UE (microscopie) pour détecter des fragments d'os, il est plus difficile d'effectuer une détection analytique de ces ingrédients. Les représentants de la Commission ont clairement exprimé qu'il serait nécessaire de respecter deux exigences avant que la Commission de l'Union européenne ne fasse des propositions pour lever la suspension temporaire:

      1. La promulgation d'une loi par le Parlement européen et le Conseil sur la proposition de l'UE d'une réglementation sanitaire pour les sous-produits animaux qui ne sont pas destinés à la consommation humaine;
      2. La mise au point d'une méthode validée capable de détecter la présence de farine de viande et d'os dans l'alimentation des ruminants, même en présence de farine de poisson dans le même aliment.

15. La réglementation proposée par l'Union européenne spécifiant les règles sanitaires relatives aux sous-produits animaux qui ne sont pas destinés à la consommation humaine renforce essentiellement des directives antérieures sur la production et la distribution de la farine de poisson et ne devrait poser aucun problème majeur à l'industrie. Toutefois, en fonction des recherches actuellement réalisées en Europe, il semble qu'aucune méthode analytique ne sera approuvée par l'UE avant juin 2003.

16. Par ailleurs, s'agissant des divers contaminants présents dans l'alimentation du bétail et dans ses ingrédients, l'UE adoptera, d'ici le 1er juillet 2002, une législation fixant le niveau maximum de dioxines comme suit: 6,0 ng/kg d'huile de poisson, 1,25 ng/kg de farine de poisson, 2,25 ng/kg d'aliments composés pour poisson. La Commission devrait se prononcer sur ces chiffres avant décembre 2006 et probablement inclure les biphényles polychlorés.

CONCLUSION

17. D'un point de vue épidémiologique, il n'a jamais été prouvé que la farine de poisson transmet l'encéphalopathie spongiforme aux ruminants et autres animaux, ni que les prions, transmis par les poissons ou les produits de la pêche, provoquent une variante de la maladie de Creuzfeld-Jacob chez l'homme.

18. La salmonellose est l'un des risques les plus importants que pose l'utilisation de la farine de poisson à l'homme. Le taux de certains polluants chimiques, notamment de dioxydes dans l'huile de poisson, est également de plus en plus préoccupant. Il est important de noter que l'on peut s'interroger sur la position de l'Union européenne, dans la mesure où celle-ci autorise le poisson dans l'alimentation humaine mais suspend l'utilisation de la farine de poisson, obtenue à partir de poissons entiers ou de déchets de poisson, dans l'alimentation animale.

19. L'interdiction d'utiliser la farine de poisson dans l'alimentation des ruminants, décidée par l'Union européenne et toujours en vigueur, risque de perdurer du fait des craintes de l'UE concernant une adultération possible de la farine de poisson. L'adoption d'une méthode validée capable de détecter la présence de farine de viande ou d'os dans l'alimentation des ruminants ne devrait pas intervenir avant juin 2003.

20. Dans le cadre d'une approche plus large basée sur l'analyse des risques liés à la sécurité du poisson et des produits de la pêche destinés à l'alimentation humaine, le Département des pêches de la FAO continuera à suivre de près les recherches scientifiques sur l'ESB et les dioxines. À l'heure actuelle, les ressources limitées sont toutefois consacrées à des activités de terrain portant sur les risques biologiques connus posés par la consommation de poisson et sur les obstacles au commerce des produits halieutiques, notamment dans les pays en développement.

MESURE SUGGÉRÉE AU SOUS-COMITÉ

21. Le Sous-Comité est invité à étudier les informations reçues et à décider s'il y a lieu ou non de continuer les investigations. Dans l'affirmative, il soumettra les recommandations utiles au Comité des pêches.