24. Les variations des indicateurs de la sécurité alimentaire dans le monde sont résumées dans le tableau 4. Afin de suivre et d'évaluer dans quelle mesure les cinq grands pays exportateurs de blé et de céréales secondaires pourront satisfaire la demande mondiale d'importations, la FAO utilise le rapport entre la somme de leur production, de leurs importations et de leurs stocks d'ouverture et leur utilisation intérieure totale augmentée des exportations. Pour 2001-2002, ce rapport, estimé à 1,17, est légèrement en baisse par rapport à la dernière campagne mais voisin de la moyenne des cinq dernières années. Cette légère diminution prévue résulte en grande partie d'une forte réduction de la production céréalière totale dans les principaux pays exportateurs, qui ne compense en fait que partiellement, et donc pas pleinement le recul de l'utilisation intérieure globale de céréales et des exportations totales.
25. La capacité des exportateurs de répondre à la demande mondiale d'importations se mesure aussi par le rapport entre les stocks de clôture projetés dans les grands pays exportateurs et leur disparition complète (c'est-à-dire la consommation intérieure plus les exportations). Pour rendre compte de la dynamique de l'offre et de la demande dans les échanges mondiaux, cet indicateur comprend aussi le riz à côté des céréales secondaires et du blé.
26. Si l'on regarde d'abord le blé, les stocks globaux des principaux pays exportateurs à la clôture des campagnes agricoles de 2002 devaient, selon les prévisions, diminuer de prés de 11 millions de tonnes pour s'établir à 41 millions de tonnes. Cette diminution se traduisait aussi par une réduction notable du pourcentage des stocks globaux par rapport à leur disparition complète, qui tombait à 18,2 pour cent. Comparé à celui de la campagne précédente, de 22,2 pour cent, ce rapport était ainsi relativement faible mais restait sensiblement supérieur à la moyenne observée au second semestre des années 1990. On s'attendait cependant à ce que l'abondance de l'approvisionnement, due à celle des récoltes engrangées dans de nombreux autres pays d'Europe et d'Asie, compense largement tout effet préjudiciable sur l'approvisionnement mondial en blé pouvant résulter de la détention de stocks réduits par les grands exportateurs.
27. Une diminution de 9 millions de tonnes des stocks de céréales secondaires détenus par les principaux exportateurs par rapport à la campagne précédente, ce qui les établirait à 72 millions de tonnes, était aussi probable. A ce niveau, le rapport entre les stocks détenus par les principaux exportateurs et leur disparition complète devait tomber à 16,3 pour cent, un chiffre considérablement inférieur à celui de 18,4 pour cent enregistré en 2000-2001, mais comme pour le blé, sensiblement supérieur aux niveaux de la fin de la dernière décennie. Cette baisse était déclenchée principalement par un recul des stocks aux États-Unis à la suite d'une baisse de la production en 2001.
Tableau 4: Variations des indicateurs de la sécurité alimentaire mondiale | ||||||
Moyenne |
1999/2000
|
2000/01
|
2001/021/ | |||
1. Rapport entre les disponibilités et les besoins de cinq grands exportateurs de céréales 2/ 3/ |
|
|
|
| ||
2. Stocks de clôture en pourcentage de la consommation totale des cinq grands exportateurs de céréales |
||||||
Blé 3/ |
17,0 |
21,7 |
22,2 |
18,2 | ||
Céréales secondaires 3/ |
14,0 |
17,1 |
18,4 |
16,3 | ||
Riz 4/ |
64,1 |
64,9 |
61,4 |
55,0 | ||
Total |
31,7 |
34,6 |
34,0 |
29.8 | ||
Taux de croissance annuel tendanciel |
Variation en pourcentage par rapport à l'année précédente | |||||
1991-2000 |
1999 |
2000 |
2001 | |||
3. Variations de la production céréalière en Chine, en Inde et dans les Républiques de la CEI |
3,20 |
2,16 |
-5,97 |
4,13 | ||
4. Variations de la production céréalière dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV) |
1,21 |
0,33 |
-5,08 |
-0,66 | ||
5. Variations de la production céréalière dans les PFRDV, sans la Chine et l'Inde |
1,74 |
-0,43 |
0,58 |
3,13 | ||
Variations en pourcentage par rapport à l'année précédente | ||||||
1999/2000 |
2000/01 |
2001/02 7/ | ||||
6. Variations des prix à l'exportation5/ |
Blé |
-6,3 |
14,3 |
1,0 | ||
Maïs (Juillet/juin) |
-3,9 |
-5,0 |
6,4 | |||
Riz |
-10,7 |
-25,5 |
-4,9 | |||
Source: FAO | ||||||
28. On prévoyait également pour 2002 une baisse des stocks de riz détenus par les grands exportateurs jusqu'à 102 millions de tonnes environ, le niveau le plus bas des dix dernières années. En conséquence, le rapport des stocks de riz détenus par les principaux exportateurs de riz à leur disparition complète devait tomber à 55 pour cent, un taux élevé si on le compare à celui du blé et des céréales secondaires, mais largement inférieur à celui de la campagne précédente et inférieur à la moyenne du second semestre des années 1990. On s'attendait cependant à ce que cette forte réduction des stocks de riz soit essentiellement concentrée en Chine, l'un des cinq grands pays exportateurs de riz.
29. Le troisième indicateur mesure les variations de la production céréalière dans les principaux pays importateurs de céréales que sont la Chine, l'Inde et la CEI par rapport à la tendance et à l'année précédente. Pour 2001, l'indicateur fait apparaître une augmentation de plus de 4 pour cent consécutive à une forte réduction l'année précédente. Alors que la production céréalière était légèrement en baisse en Chine et en Inde, la diminution totale était plus que compensée par l'abondance des récoltes dans plusieurs pays de la CEI, en particulier la Fédération de Russie, le Kazakhstan et l'Ukraine.
30. Les quatrième et cinquième indicateurs portent essentiellement sur les variations de la production céréalière globale des pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV), c'est-à-dire les pays les plus vulnérables face aux fluctuations de l'offre alimentaire et des cours internationaux. Pour la deuxième année consécutive, ce groupe de pays a connu un recul de la production céréalière totale, mais nettement moins prononcé en 2001 qu'en 2000. Pour l'essentiel, cette diminution provenait d'une production céréalière réduite en Chine et en Inde, tandis que la production globale dans la plupart des autres pays ne variait guère, voire augmentait, par rapport à l'année précédente. En fait, étant donné la forte incidence de la Chine et de l'Inde, gros producteurs de céréales, sur l'indicateur, ces deux pays sont exclus du cinquième indicateur pour mesurer les variations de la production céréalière globale des PFRDV. Mesurée ainsi, la production céréalière globale de ce groupe de pays a en réalité enregistré une forte croissance, dépassant 3 pour cent en 2001, grâce principalement à des récoltes abondantes en Afrique du Nord et dans plusieurs pays d'Asie.
31. Le sixième indicateur, enfin, permet de comparer les prix à l'exportation des principales céréales. À l'exception du riz, les cours mondiaux des céréales au cours des 7 premiers mois de la campagne de commercialisation 2001/2002 ont été en moyenne supérieurs aux prix de la période correspondante de 2000/2001. Les cours internationaux du blé n'ont enregistré qu'une légère hausse en dépit de la stagnation de la production mondiale et, qui plus est, d'une forte réduction de la production parmi les pays grands exportateurs de blé. Dans l'ensemble, le niveau exceptionnellement faible des exportations de blé de la CE devrait avoir poussé les prix à la hausse, mais ceux-ci sont restés sous la pression d'une offre pléthorique dans les pays d'Europe centrale et orientale ainsi qu'en Inde et au Pakistan. Pour ce qui concerne les céréales secondaires, les cours internationaux du maïs se sont quelque peu redressés au cours de la première moitié de la campagne de commercialisation 2001/2002, bien que l'augmentation de la production et une offre à l'exportation particulièrement abondante dans plusieurs pays ne comptant pas parmi les exportateurs traditionnels, comme le Brésil, aient continué d'influencer lourdement les marchés des céréales secondaires. Les cours internationaux du riz ont tous été à la baisse malgré un recul de la production mondiale pour la deuxième année consécutive, du fait que des stocks importants constitués au cours des quatre campagnes de récoltes sans précédent engrangées de 1996 à 1999 ont permis d'absorber l'accroissement des besoins pour la consommation. La baisse a été quelque peu limitée par les achats d'intervention de gouvernements de grands pays exportateurs tels que la Thaïlande et par l'application de restrictions à l'exportation au Vietnam, mais ces mesures n'ont pas suffi à enrayer le dérapage des prix dû à l'arrivée sur le marché des exportations de quantités de riz à bas prix prélevées sur les stocks publics de l'Inde.
32. La facture des importations alimentaires des pays en développement, après avoir régulièrement diminué depuis le milieu des années 90, aurait, selon les estimations, augmenté de plus de 10 pour cent en 2000 par rapport aux deux années précédentes et de près de 3 pour cent en 2001 (voir le tableau 5). La hausse provient essentiellement de l'accroissement important des dépenses pour la plupart des produits de base à l'exception des céréales et du sucre. Pour les PFRDV, en revanche, les dépenses alimentaires sont restées relativement stables, avoisinant en moyenne 33 milliards de dollars pendant la période 1996-2001. L'augmentation la plus forte a porté sur les produits laitiers (près de 50 pour cent).
Tableau 5: Valeur des importations de denrées alimentaires de base, en milliards de dollars É.-U.
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000* |
2001* | |
Pays en développement |
|||||||
Total |
70,3 |
73,2 |
69,3 |
67,4 |
66,5 |
73,4 |
75,6 |
Céréales |
29,2 |
33,0 |
28,2 |
26,2 |
24,9 |
25,7 |
25,4 |
Viande |
6,8 |
6,9 |
7,4 |
7,1 |
7,7 |
8,7 |
8,6 |
Produits laitiers |
8,4 |
8,4 |
7,8 |
7,4 |
7,2 |
9,5 |
10,6 |
Sucre |
6,4 |
6,2 |
5,8 |
5,5 |
4,8 |
5,7 |
5,7 |
Huiles et graisses |
19,4 |
18,8 |
20,2 |
21,3 |
21,8 |
23,9 |
25,3 |
PFRDV |
|||||||
Total |
34,4 |
35,2 |
31,7 |
33,0 |
34,3 |
32,4 |
33,2 |
Céréales |
15,1 |
16,0 |
12,2 |
12,7 |
12,4 |
12,8 |
13,2 |
Viande |
2,8 |
3,0 |
3,1 |
3,0 |
3,5 |
3,1 |
2,9 |
Produits laitiers |
3,1 |
3,0 |
2,9 |
2,7 |
2,8 |
3,8 |
4,3 |
Sucre |
3,5 |
3,4 |
3,2 |
3,2 |
2,9 |
3,0 |
3,0 |
Huiles et graisses |
10,0 |
9,8 |
10,4 |
11,4 |
12,7 |
12,8 |
12,9 |
* Les valeurs des importations pour 2000 et 2001 sont des estimations préliminaires dérivées des variations des volumes d'échanges prévus et des prix représentatifs sur les marchés mondiaux. Les données commerciales relatives à la période 1995-1999 proviennent de FAOSTAT. Elles comprennent les opérations d'aide alimentaire et le commerce intracommunautaire de la CE. La farine est incluse da ns le blé en équivalent blé, et les huiles et graisses ne comprennent pas l'équivalent huile des graines oléagineuses importées. Les importations sont indiquées en valeur CAF.
33. Afin de compléter l'évaluation résumée ci-dessus, le tableau 6 présente les importations de denrées alimentaires de base sous la forme d'indices de quantité (utilisant la moyenne 1991-1994 comme référence). Il est clair que le volume des importations alimentaires a sensiblement augmenté dans les pays en développement et dans les PFRDV depuis le milieu des années 1990 (voir le tableau II de l'annexe pour les degrés de dépendance et d'autonomie). Bien que les importations de céréales et de produits laitiers aient diminué au milieu de la dernière décennie à la suite de fortes hausses des cours internationaux, le volume des importations reprend ces dernières années dans les deux catégories de denrées. Les catégories dans lesquelles les augmentations ont été les plus fortes sur l'ensemble de la période sont la viande et le sucre, aussi bien dans les pays en développement que dans les PFRDV. Pour ce qui est de la valeur des importations d'oléagineux, l'augmentation rapide constatée dans les deux groupes de pays s'est inversée au cours des deux dernières années.
Tableau 6: Indice de volume des importations des importations de denrées alimentaires de base (1991/1994=100)
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 | |
Pays en développement |
|||||||
Total |
126,2 |
123,5 |
129,3 |
136,8 |
154,3 |
142,8 |
143,3 |
Céréales |
125,0 |
118,6 |
115,9 |
127,1 |
133,7 |
136,0 |
137,0 |
Viande |
122,7 |
125,8 |
132,5 |
143,2 |
184,7 |
207,9 |
202,4 |
Produits laitiers |
121,2 |
111,2 |
112,2 |
111,9 |
120,5 |
125,8 |
130,6 |
Sucre |
128,7 |
127,0 |
132,4 |
141,5 |
156,4 |
160,8 |
160,9 |
Huiles et oléagineux |
131,2 |
135,5 |
156,8 |
160,6 |
191,2 |
132,3 |
132,3 |
PFRDV |
|||||||
Total |
134,6 |
128,4 |
132,4 |
143,9 |
171,4 |
138,4 |
145,1 |
Céréales |
127,7 |
111,9 |
103,1 |
118,5 |
124,2 |
124,5 |
125,7 |
Viande |
151,0 |
162,1 |
164,8 |
175,3 |
255,6 |
221,8 |
204,3 |
Produits laitiers |
121,6 |
112,5 |
119,7 |
116,7 |
133,1 |
143,3 |
148,5 |
Sucre |
140,8 |
133,5 |
142,8 |
160,8 |
182,3 |
165,1 |
185,2 |
Huiles et oléagineux |
144,5 |
151,7 |
174,8 |
182,9 |
239,5 |
187,3 |
2130 |
34. Il est généralement admis que l'accès économique à la nourriture est l'un des principaux problèmes à résoudre pour éradiquer la faim. Bien qu'il existe des stocks suffisants de nourriture pour satisfaire techniquement les besoins de la population de la planète entière, la faim risque de durer aussi longtemps qu'il y aura de la pauvreté.
35. D'après les estimations de la Banque mondiale, l'économie mondiale, selon le scénario le plus vraisemblable, commencera à se rétablir au milieu de 2002, tout d'abord aux États-Unis, puis la reprise s'étendra à l'Europe et à d'autres régions. Le ralentissement de l'activité économique dans les pays industriels a des répercussions négatives sur la croissance globale des pays en développement, qui devrait passer de 5,5 pour cent en 2000 à 2,9 pour cent en 2001. Le rythme de croissance devrait rester limité à 3,7 pour cent en 2002 en raison de la lenteur de la reprise dans la zone de l'OCDE. On prévoit toutefois une accélération dans les économies avancées en 2003 permettant aux pays en développement de retrouver des taux de croissance de 5,2 pour cent, mais avec des variations régionales considérables.
36. Les régions les plus touchées par la dégradation de la conjoncture économique mondiale en 2001 sont l'Europe, l'Asie centrale, l'Amérique latine et les Caraïbes. Les perspectives devraient continuer à se détériorer en 2002 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord avec la baisse continue du prix du pétrole et la chute du prix des autres produits de base par rapport au coût des importations de produits manufacturés. L'Asie orientale et le Pacifique devraient être parmi les premières régions à connaître une relance des exportations fin 2001 et début 2002, puisque ce groupe de pays a été le premier touché par l'effondrement des échanges dans le domaine de la haute technologie. En Asie du Sud, le cycle devrait être moins marqué du fait que les liens de la région avec l'économie mondiale sont plus lâches, mais le taux de croissance du PIB de 4,5 pour cent enregistré en 2001 correspondait au creux de 1997.
37. Dans son rapport 2002 sur les perspectives de l'économie mondiale et les pays en développement (Global economic prospects and the Developing Countries 2002), la Banque mondiale a calculé et démontré les avantages qu'apporterait aux pays en développement la poursuite de la libéralisation. Les pauvres, qui travaillent essentiellement dans l'agriculture et dans les industries utilisant beaucoup de main d'œuvre, sont désavantagés par l'application, dans les pays à haut revenu, de droits de douane et de subventions qui font obstacle au commerce et ferment les marchés de ces pays aux produits des pays en développement. Selon cette étude, les subventions et les autres formes de soutien accordées à l'agriculture par les pays à haut revenu représentent actuellement un budget de près d'un milliard de dollars par jour, soit plus de six fois le montant total de l'aide au développement. L'étude montre par ailleurs qu'en accélérant la croissance par le renforcement des mesures d'intégration des échanges, on aurait dans le monde 14 pour cent de moins de personnes vivant dans la pauvreté en 2015 que si l'on laisse les choses comme elles sont. De plus, l'abaissement des barrières entravant le commerce des marchandises pourrait valoir aux pays en développement un surcroît de revenus de 1,5 billion de dollars entre 2005 et 2015, tandis que la libéralisation des services représenterait pour eux une source de revenus qui pourrait atteindre quatre fois ce montant.
38. Si la croissance est primordiale pour réduire la pauvreté et la faim, encore faut-il qu'elle soit de nature à accroître les revenus des pauvres beaucoup plus que ceux des riches. Des renseignements sur les revenus, leur croissance et leur répartition sont présentés au tableau III de l'annexe. Il est troublant de constater qu'un grand nombre d'études concluent à l'accroissement des disparités d'un pays à l'autre et au sein d'un même pays.
39. Selon Branco Milanovic4, l'inégalité dans le monde augmente rapidement. Les différences de revenus entre habitants de la planète sont considérables et largement supérieures à ce que laissent entendre les mesures traditionnelles. Les calculs faits par cet auteur sur l'inégalité dans le monde montrent, par exemple, que la fraction de 1 pour cent de la population mondiale la plus riche a autant de revenus que 57 pour cent de la population au bas de l'échelle des revenus, autrement dit que moins de 50 millions de personnes ont des revenus équivalant à ceux de 2,7 milliards de pauvres. Cette inégalité, déjà très forte, va en grandissant. En cinq ans à peine, de 1988 à 1993, elle a augmenté de 5 pour cent, avec une diminution des revenus réels de 5 pour cent de la population la plus pauvre, tandis que les 20 pour cent les plus riches voyaient leurs revenus réels s'accroître.
40. Pour la première fois dans l'histoire, l'inégalité entre les être humains est calculée comme s'ils appartenaient tous à la même "nation", le monde. Les enquêtes sur les ménages, qui sont à l'origine des renseignements recueillis sur les revenus et l'inégalité au sein de chaque pays, ont été combinées pour déduire la répartition véritable des revenus dans le monde. Ces études, menées dans 91 pays de par le monde, couvrent 85 pour cent de la population et 95 pour cent des revenus mondiaux.
41. Dans les études antérieures, l'inégalité était mesurée en calculant la différence entre les revenus moyens des pays (PIB par habitant), sans tenir compte des inégalités au sein de chaque pays. Implicitement, ces études tenaient pour acquis que tout Chinois disposait du revenu moyen de la Chine, tout Américain du revenu moyen des États-Unis. Milanovic évalue l'inégalité entre les habitants de la planète à 66 points Gini sur une échelle allant de 0 (égalité totale) à 100 (1 habitant possède la totalité des revenus mondiaux). Le degré 66 est supérieur à l'inégalité mesurée dans n'importe quel pays: le monde est un lieu plus inégalitaire que le pays le plus inégalitaire. Ce degré correspond à une situation où 66 pour cent de la population disposeraient de revenus nuls et 34 pour cent se partageraient équitablement la totalité des revenus du monde.
42. La dernière décennie a été marquée par un déclin sensible des taux de pauvreté sous l'effet d'une croissance atteignant des taux élevés dans de nombreux pays. En Chine, où vivait un quart du nombre mondial de pauvres, le PIB par habitant a augmenté dans les années 1990 de 9,5 pour cent par an5. La Banque mondiale a réalisé une projection du nombre des personnes extrêmement pauvres (vivant avec moins de 1 dollar par jour) qui est présentée dans le tableau 7. Dans l'hypothèse de référence, les pays en développement devront maintenir le taux de croissance moyen du PIB par habitant à 3,7 pour cent par an après être sortis de la crise financière. S'ils y parviennent, l'objectif de réduire de moitié le taux de pauvreté par rapport au niveau de 1990 sera atteint dans toutes les régions, sauf l'Afrique subsaharienne. En revanche, si le taux de croissance du PIB par habitant se situe en moyenne à 2,3 pour cent par an (hypothèse pessimiste), le monde manquera l'objectif et seule l'Asie de l'Est réussira à réduire de moitié l'incidence de la pauvreté. Et si la croissance retombe à son niveau moyen des années 90 (1,7 pour cent par an), le taux de pauvreté mettra encore plus de temps à diminuer.
43. Même si la pauvreté diminuait de moitié en pourcentage d'ici à 2015, le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté ne diminuerait que d'un tiers. C'est en Chine et en Inde que l'on assistera à l'amélioration la plus importante, mais l'Afrique subsaharienne connaîtra une augmentation. En Europe et en Asie centrale, où le nombre de personnes extrêmement pauvres a augmenté au cours de la période de transition, on prévoit un retour au niveau de pauvreté de 1990. Même dans les hypothèses les plus favorables, il est probable qu'en 2015, 2,3 milliards de personnes vivront encore avec moins de 2 dollars par jour, ce qui représente le seuil de l'extrême pauvreté dans beaucoup de pays à revenu moyen.
Tableau 7: Projection de la pauvreté en 2015 (nombre et pourcentage de personnes avec moins de un dollar par jour, par région)
Nombre de personnes vivant avec moins de 1$ par jour (en millions) | ||||
Région |
1990 |
1998 |
2015 (hypothèse pessimiste) |
2015 (hypothèse de base) |
Asie de l'Est et Pacifique
|
452
|
267
|
101
|
65
|
Incidence (pourcentage) | ||||
Région |
1990 |
1998 |
2015 (hypothèse pessimiste) |
2015 (hypothèse de base) |
Asie de l'Est et Pacifique
|
27,6
|
14,7
|
4,8
|
3,1
|
Source: Banque mondiale (2001), «Les perspectives économiques mondiales et les pays en développement».
44. Le droit de toute personne d'avoir accès à des aliments sains et nutritifs est affirmé dans le paragraphe d'ouverture de la Déclaration de Rome sur la Sécurité alimentaire mondiale. La malnutrition, les maladies transmises par l'alimentation et la sécurité alimentaire forment un cercle vicieux. Des aliments sains et nourrissants, d'une qualité répondant à l'attente des consommateurs, ne constituent plus le privilège des riches, mais un droit pour chacun.
45. Au cours des cinq ans qui ont suivi le Sommet mondial de l'alimentation, l'opinion publique a été fortement sensibilisée aux questions de sécurité sanitaire des aliments, surtout dans les pays développés. Outre cet aspect des choses, les marchés internationaux et nationaux doivent faire face à un essor de la demande de produits répondant aux attentes des consommateurs en matière de qualité, de sécurité sanitaire et d'apport nutritionnel. Cette évolution représente à la fois un défi et une ouverture pour le secteur de l'alimentation et de l'agriculture, y compris la pêche. Le développement des échanges de produits alimentaires et agricoles favorise la propagation des maladies véhiculées par les aliments d'un pays à un autre. Les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) visant à éliminer les obstacles injustifiés au commerce ont lancé un mouvement d'harmonisation des normes alimentaires entre pays. La Commission du Codex alimentarius est le point de référence pour la définition de normes internationales de qualité et de sécurité sanitaire des aliments.
46. Depuis le Sommet mondial de l'alimentation, les pressions se font de plus en plus fortes sur les gouvernements et les organisations internationales pour qu'ils garantissent aux consommateurs des aliments répondant à leurs attentes légitimes. La FAO reste attachée à ce que la normalisation internationale se fonde sur des méthodes scientifiques, en particulier dans le cadre des règles de l'OMC concernant les mesures sanitaires et phytosanitaires, et a étendu ses activités traditionnelles en matière d'évaluation des additifs alimentaires et des résidus à la contamination microbienne des aliments et aux aliments issus des biotechnologies. Un document intitulé "La biosécurité alimentaire et agricole"6, présenté à la seizième session du Comité de l'agriculture de la FAO en 2001, propose une conception intégrée des cadres politiques et réglementaires visant la gestion des risques (y compris sanitaires) associés à l'agriculture et la production alimentaire. Les recommandations du Comité sont mises en œuvre dans le cadre du Domaine prioritaire pour une action interdisciplinaire intitulé «Biosécurité pour l'agriculture et la production alimentaire».
47. Pour favoriser l'échange d'informations et d'expériences entre les responsables de la sécurité sanitaire de pays développés et en développement, la FAO et l'OMS ont réuni le premier Forum mondial des responsables de la sécurité sanitaire des aliments en janvier 2002 au Maroc et une Conférence paneuropéenne sur la sécurité sanitaire et la qualité des aliments en février 2002 en Hongrie. Des conférences analogues sont aussi prévues dans d'autres régions. La FAO, l'OMS et l'UNU ont tenu en octobre 2001 une consultation d'experts sur Les besoins énergétiques humains qui facilitera l'évaluation des apports caloriques nécessaires et du nombre de personnes vivant dans l'insécurité alimentaire à l'échelle mondiale. Une consultation d'experts sur le thème des Protéines dans l'alimentation humaine est prévue pour avril 2002. Le rôle du régime alimentaire et de la nutrition dans l'apparition de maladies non contagieuses dans les pays développés, mais aussi, dans une mesure croissante, dans les pays en développement, a été le sujet de délibérations conjointes avec l'OMS en janvier 2002. La qualité et la valeur nutritive de l'alimentation constituent donc un enjeu majeur pour la santé publique.
48. Fournir aux consommateurs de tous les pays des aliments sains et nutritifs suppose que la qualité soit érigée en priorité tout au long de l'activité de production alimentaire et agricole. Les producteurs, les transformateurs et les négociants ont la possibilité de bénéficier d'investissements et de progrès techniques dans le domaine de la sécurité sanitaire et de la qualité de l'alimentation pour répondre aux demandes des consommateurs dans ce secteur. Il est possible d'améliorer les revenus engendrés par des produits à valeur ajoutée et de réduire les pertes quantitatives et qualitatives tout au long de la chaîne alimentaire. Il faudra pour cela recourir à des programmes de développement des capacités et d'assistance technique comportant une approche de la gestion de la qualité et de la sécurité sanitaire modelée sur les systèmes de production alimentaire de la ferme (ou de la mer) à la table, et s'assurer le concours de services d'aménagement rural, de vulgarisation, de santé vétérinaire, de pêche, et d'établissements universitaires, d'autorités de tutelle et d'organismes de la société civile.
49. Le CSA pourra souhaiter confirmer que la sécurité alimentaire requiert, entre autres choses, un accès à des aliments sains et nutritifs et, pour cela, une approche responsable des pratiques de production, de récolte, de transformation et de commercialisation tout au long de la chaîne alimentaire. Sur cette base, le CSA pourra souhaiter demander au Directeur général de présenter au Comité des pêches, au Comité de l'agriculture et au CSA, en 2003, un document cadre qui présenterait les stratégies recommandées par la FAO pour garantir l'accès à des aliments sains et nutritifs, et insisterait sur les avis en matière de politiques, le renforcement des capacités et l'assistance technique, ainsi que sur les mesures à prendre aux niveaux tant national qu'international.
50. Les expéditions totales de céréales effectuées en 2001-2002 (juillet - juin) au titre de l'aide alimentaire devaient, selon les prévisions, atteindre 9,5 millions de tonnes (en équivalent grains), soit une augmentation de 1 million de tonnes par rapport à 2000-2001. Cette augmentation devait être rendue possible grâce à des dons plus importants de la part des États-Unis et du Japon, tandis que le Pakistan et l'Inde, traditionnellement bénéficiaires de l'aide alimentaire, pourraient aussi être donateurs lors de cette campagne. L'augmentation prévue des quantités expédiées s'explique en partie par l'accroissement des besoins en Afghanistan, mais les craintes suscitées par la faiblesse des cours internationaux et l'existence de stocks assez importants dans certains pays pourraient aussi jouer un rôle majeur.
51. Si, dans l'ensemble, la situation alimentaire mondiale se présentait généralement mieux en 2001-2002 que pendant la campagne précédente, la situation de crise a persisté dans de nombreux pays et la demande d'aide alimentaire reste forte. On s'attendait en particulier à une forte augmentation des quantités destinées à l'Afghanistan. Avant même le début des opérations militaires, l'Afghanistan était aux prises avec une crise alimentaire due à l'enchaînement de trois années de grande sécheresse. Parmi les autres pays d'Asie, on prévoyait que l'aide alimentaire à destination de la République populaire démocratique de Corée et du Bangladesh resterait importante, quoique inférieure à l'année précédente. En Afrique, malgré l'amélioration des récoltes dans plusieurs pays, les troubles intérieurs et, localement, des pertes de récoltes dans plusieurs régions ont laissé prévoir que les besoins d'aide alimentaire resteraient importants. En Amérique latine et aux Caraïbes, la situation alimentaire était également jugée précaire dans de nombreuses parties de la région, surtout à cause des catastrophes naturelles, et l'on s'attendait à ce que les expéditions à destination de plusieurs pays dont le Honduras, Cuba, le Pérou et le Nicaragua dépassent les niveaux de l'année précédente.
52. En décembre 2001, selon les renseignements fournis par le PAM, les expéditions totales de céréales effectuées en 2000-2001 dans le cadre de programmes et projets d'aide alimentaire et d'opérations d'aide alimentaire d'urgence s'élevaient au total à 8,5 millions de tonnes (en équivalent grains), soit près de 3 millions de tonnes (24 pour cent) de moins qu'en 1999-2000, diminution due en grande partie à une forte réduction des quantités destinées à la Fédération de Russie. Même à ce niveau réduit, l'aide alimentaire expédiée par les principaux donateurs était supérieure aux engagements minimaux arrêtés dans le cadre de la Convention de 1999 relative à l'aide alimentaire. On notera que cette convention fixe le tonnage minimal annuel global garanti à près de 5 millions de tonnes (en équivalent blé). Comme lors de la campagne précédente, l'aide alimentaire d'urgence représentait environ la moitié de l'aide totale expédiée.
53. La diminution des quantités livrées au titre de l'aide alimentaire en 2000-2001 a été particulièrement marquée pour le blé, qui a accusé une baisse de 2,6 millions de tonnes. Les céréales secondaires aussi ont diminué, de plus de 400 000 tonnes. Le riz, en revanche, a augmenté de plus de 300 000 tonnes. Les quantités totales de céréales à destination des pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV) ont légèrement régressé en 2000-2001 pour l'ensemble de ces pays, s'établissant à 7,4 millions de tonnes , soit 160 000 tonnes de moins qu'en 1999/2000.
54. Avec 4,7 millions de tonnes en 2000-2001, les livraisons de céréales des États-Unis au titre de l'aide alimentaire sont en baisse de près de 2,5 millions de tonnes; les expéditions à destination de la Fédération de Russie sont passées de 1,9 million de tonnes en 1999/2000 à 127 000 tonnes à peine. En dépit de cette réduction, les États-Unis restent le principal donateur, puisqu'ils ont assuré plus de 55 pour cent des expéditions totales en 2000-2001. Pour les céréales livrées par plusieurs autres grands donateurs, dont la CE et le Canada, on a aussi constaté une nette diminution en 2000-2001, particulièrement marquée pour la CE, dont les expéditions totales, tombées à 1,5 million de tonnes, ont diminué de plus de 33 pour cent. Cette baisse s'explique principalement par la diminution des quantités destinées à la Fédération de Russie et à la République populaire démocratique de Corée. Les livraisons du Japon, en revanche, passées à 720 000 tonnes, ont plus que doublé, en grande partie du fait de l'augmentation des dons de riz à la République populaire démocratique de Corée.
55. Après une pointe en 1999 où elles ont frôlé le record, les expéditions totales de denrées alimentaires autres que les céréales sont tombées à 1,2 million de tonnes en 2000 (janvier - décembre)8, marquant un recul de 700 000 tonnes (38 pour cent) dû pour l'essentiel à la forte réduction des livraisons des États-Unis à la Fédération de Russie, qui a largement contrebalancé l'augmentation des contributions du Canada et de plusieurs pays européens. Les livraisons totales de denrées autres que les céréales à la Fédération de Russie ont culminé à plus d'1 million de tonnes en 1999 avant de retomber à 93 000 tonnes en 2000. Le total des expéditions vers les PFRDV a dépassé 890 000 tonnes, chiffre en hausse de 32 pour cent par rapport à 1999. Cet accroissement a concerné essentiellement certains pays comme l'Indonésie, l'Éthiopie, la République populaire démocratique de Corée, l'Érythrée et le Yémen.
56. La réduction des expéditions de légumineuses explique pour l'essentiel celle des dons de toutes les denrées autres que les céréales en 2000. Passées de 1,2 million de tonnes en 1999 à 586 000 tonnes, elles ont été divisées par deux, du fait de la réduction des livraisons à la Fédération de Russie, passées de 750 000 tonnes en 1999 à 32 000 tonnes en 2000. La viande (et les produits carnés), autre catégorie importante de denrées autres que les céréales fournies au titre de l'aide alimentaire, a aussi été en recul en 2000. Globalement, les quantités de viande fournies sont passées de 4 000 tonnes en 1998 à 234 000 tonnes en 1999, avant de retomber à 25 000 tonnes en 2000. Comme dans le cas des légumineuses, cette diminution tenait principalement à une réduction de l'aide alimentaire destinée à la Fédération de Russie. Les expéditions d'huile végétale, en revanche, ont atteint près de 377 000 tonnes, niveau sans précédent depuis 7 ans, en hausse de 18 pour cent par rapport à 1999. Pas moins de 100 pays dans le monde entier ont reçu de l'huile végétale au titre de l'aide alimentaire. Les principaux bénéficiaires ont été le Pérou, la Fédération de Russie, l'Éthiopie, l'Inde, Madagascar et la République populaire démocratique de Corée. L'augmentation des expéditions à destination du Pérou, de la Fédération de Russie et de l'Éthiopie explique l'essentiel de l'augmentation totale enregistrée en 2000.
57. Il est essentiel, pour mener une double stratégie de réduction, puis d'éradication de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition, de susciter une synergie entre les mesures directes de lutte contre la faim et les mesures destinées à créer des moyens de subsistance durables pour les pauvres en favorisant l'agriculture et le développement rural. Ces deux voies sont complémentaires. Les personnes qui souffrent de la faim doivent avoir un meilleur accès à une nourriture suffisante pour pouvoir participer au développement. En même temps, l'augmentation de la productivité et de la production agricoles développera les activités économiques en milieu rural et améliorera les perspectives qu'ont les pauvres de trouver des emplois rémunérés aussi bien dans le secteur agricole que dans d'autres secteurs ruraux.
58. La synergie maximale consisterait à approvisionner les dispositifs de protection sociale et les programmes d'aide alimentaire en recourant à la production locale; le simple fait de distribuer des produits d'origine locale développerait les débouchés commerciaux et la production agricoles ainsi que l'emploi dans ce secteur, tout en assurant, dans l'immédiat, de la nourriture à ceux qui ont faim.
59. Il est intéressant de noter, à cet égard, deux projets pilotes. Le premier, qui est un projet de la FAO en collaboration avec le PAM, porte sur les services d'appui en cas d'urgence pour améliorer l'approvisionnement en nourriture au niveau local par la mise en place de projets de travail ("vivres-contre-travail") rémunéré par des bons d'achat de nourriture dans les régions de l'est du Kenya touchées par la sécheresse ("Emergency Support for Improved Local Food Supply Through Voucher-Based Food for Work Projects in Drought-Affected Areas of Eastern Kenya"). Le second, projet conjoint du PAM et de la MS Swaminathan Research Foundation, est un programme de création de banques alimentaires communautaires en Inde ("Community Food Banks Programme in India"). Dans ces deux projets, les ONG jouent un rôle de premier plan à toutes les étapes essentielles du cycle, qui vont du choix des bénéficiaires à l'exécution et au paiement de la nourriture ou des bons d'achat.
60. Le projet pilote de collaboration entre la FAO et le PAM mettra en place des projets "vivres-contre-travail" avec rémunération par bons d'achat de nourriture dans les districts de Mbeere et Tharaka. Les projets déterminés par la communauté seront orientés de manière à augmenter la sécurité alimentaire au niveau local par l'amélioration des pratiques de cultures. Le projet part de l'idée que l'effet obtenu sera plus durable si l'on relance l'activité des marchés normaux de denrées alimentaires dans les zones ciblées en augmentant le pouvoir d'achat des habitants plutôt qu'en distribuant directement de la nourriture. L'augmentation du pouvoir d'achat pourrait être assurées aux communautés bénéficiaires par des projets "vivres-contre-travail" consistant à rémunérer les ouvriers par des bons d'achat plutôt que par de la nourriture. Les bénéficiaires échangent leurs bons d'achat contre la nourriture de leur choix sur le marché local et les commerçants se font rembourser en espèces.
61. Afin de lutter contre le problème habituel des périodes d'insécurité alimentaire qui durent de 3 à 6 mois par an, le PAM et la MS Swaminathan Foundation ont mis au point une proposition de création pilote de banques alimentaires communautaires (500 au total) dans chaque district des cinq grands États du Gujarat, du Madhya Pradesh, du Rajasthan, de Chhattisgarh et de l'Orissa en Inde9. Les districts ont été choisis à dessein comme étant représentatifs des conditions d'insécurité alimentaire, avec des périodes de disette bien délimitées et un peuplement en majorité tribal, et du fait qu'ils bénéficiaient d'une aide sous la forme d'un projet "vivres-contre-travail".
62. Le but principal des projets "vivres-contre-travail" est d'utiliser la ressource la plus abondante des pauvres, leur travail, pour créer des emplois et des revenus et mettre en place l'infrastructure nécessaire à un développement durable. La fourniture réfléchie, de manière stratégique, de nourriture aux plus démunis aide les personnes souffrant de la faim à échapper au cercle vicieux de la pauvreté. Ce n'est qu'en investissant dans les êtres humains et leur accès aux ressources que l'on peut être sûr de préserver leur sécurité alimentaire, aussi bien dans les périodes de disette qu'à la saison des récoltes. Les excédents alimentaires peuvent être utilisés pour libérer les pauvres de la nécessité d'assurer la nourriture de leur famille, en leur donnant le temps et les moyens d'investir dans des activités durables telles que l'amélioration de l'habitat, des dispensaires et des écoles, l'acquisition de nouvelles pratiques et techniques agricoles, et, en fin de compte dans un avenir meilleur.
63. Des interventions ciblées sont nécessaires pour rendre la vie meilleure aux plus pauvres, c'est-à-dire à ceux qui, de manière habituelle ou dans les situations de crise, ne sont pas en mesure de produire assez de nourriture ou n'ont pas les moyens d'obtenir autrement la nourriture dont ils ont besoin pour qu'eux-mêmes et leur famille puissent mener une vie active et saine. Les projets "vivres-contre-travail" peuvent contribuer à doter les personnes et les communautés pauvres de moyens de gagner leur vie et à les rendre plus autonomes, particulièrement les programmes de travail utilisant beaucoup de main d'œuvre. Les communautés devraient cependant prendre en charge la définition des projets, avec l'appui d'organisations non gouvernementales, puis leur réalisation. La construction d'un simple pont reliant des villages à une ville de marché peut aider les pauvres davantage que la construction d'une grande route, et un projet de pisciculture en étang géré par la communauté peut mieux correspondre à leurs besoins qu'un grand projet d'irrigation.
64. Bien que les modalités concrètes de livraison de la nourriture puissent être déterminées selon l'emplacement du projet, il est en général souhaitable, pour deux raisons surtout, de recourir au système des bons d'achat. Tout d'abord, cela évite les complications et les coûts liés à la manutention des vivres; ensuite, les bénéficiaires peuvent ainsi choisir leur nourriture et garder la dignité que leur fait perdre la distribution de vivres. De plus, le système des bons d'achat renforce les marchés et les commerçants locaux et contribue, en fin de compte, à accroître la producton de denrées alimentaires dans le pays.
65. Certains projets comportant l'acquisition de compétences, des transferts de ressources tenant compte des spécificités hommes-femmes, la création de moyens de production ou des techniques nouvelles peuvent ne pas se limiter au problème immédiat de la faim, mais permettre aussi de réduire durablement les difficultés sous-jacentes qui poussent des habitants à partir de chez eux, ou de rendre plus viable et plus durable le choix de rester au pays. Les transferts de nourriture par bons d'achat pourraient être utilisés pour aider les personnes en situation d'insécurité alimentaire à ménager des ressources et à préserver leurs moyens d'existence pour les périodes où la nourriture vient à manquer. Ainsi, les transferts de nourriture par bons d'achat peuvent constituer une intervention opportune pour prévenir une situation de crise, plutôt que pour y remédier.
66. Les ménages vivant dans des régions marginales à faible potentiel sont aussi vulnérables que les terres qu'ils travaillent et les ressources qu'ils exploitent. Investir dans des terres marginales peu productives contribue à prévenir les crises et à réduire l'impact de catastrophes à venir, tout en étant vraisemblablement plus avantageux que la réhabilitation. Cela renforce aussi la sécurité alimentaire d'une population exposée aux risques et à la précarité. En ayant accès au bon moment à la nourriture, les ménages et les communautés seraient mieux à même d'investir dans les mesures de conservation absolument nécessaires pour préserver leurs modes de subsistance à plus long terme. Sans ces projets, ils seraient dans l'incapacité de faire face aux nécessités immédiates et contribueraient ainsi à détériorer rapidement et de manière irréversible leur capital de ressources naturelles.
67. Les systèmes axés sur les moyens de subsistance comportent une notion de sécurité alimentaire durable qui met en balance les avantages du présent et ceux de l'avenir. L'objectif n'est pas seulement de préserver les modes de consommation actuels mais aussi d'éviter le dénuement sans sacrifier le niveau de vie futur. Les moyens de résistance sont constitués par les biens et les droits que les personnes, les ménages et les communautés peuvent mobiliser et gérer dans les situations d'adversité. La vulnérabilité est étroitement liée aux ressources dont on dispose. Plus les gens ont de ressources à leur disposition, moins ils sont vulnérables, et plus ces ressources s'amenuisent, plus leur insécurité grandit. Bien ciblés, soigneusement conçus et bien réalisés, les transferts de nourriture sur la base de bons d'achat permettraient de développer les ressources des personnes, des ménages et des communautés pour qu'ils puissent faire face aux coups du sort.
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4 Branco Milanovic (2002), True World Income Distribution, 1988 et 1993: First calculation Based on Household Surveys Alone (La véritable répartition des revenus dans le monde: premiers calculs fondés sur des enquêtes portant seulement sur les ménages), Banque mondiale, Groupe de recherche sur le développement.
5 Banque mondiale (2001), Indicateurs du développement mondial en 2001, page 4.
7 On trouvera des chiffres plus détaillés sur l'aide alimentaire fournie en céréales et autres aliments sur le site Internet de la FAO à l'adresse suivante: http://www.fao.org, en cliquant sur Banque de données statistiques, puis sur Toutes données.
8 À la différence des expéditions de céréales, qui sont comptabilisées de juillet à juin, celles des autres denrées sont comptabilisées par année civile.
9 FAO (2002), Inde: Programme de création de banques alimentaires communautaires, projet de la Division du centre d'investissement.