Le commerce des produits agricoles est pratiqué depuis des millénaires, les êtres humains cherchant des sources de nourriture variées et plus stables. Quant au pouvoir politique, il est intervenu dans les systèmes de production et de distribution agricoles pratiquement depuis le début des temps. En effet, assurer un approvisionnement suffisant en vivres était l'une des premières tâches qu'accomplit le pouvoir politique dans des sociétés aussi diverses que l'Empire romain et l'Empire inca (Woolf, 2003; Crow, 1992).
Le pouvoir politique a eu recours à un éventail d'instruments d'action pour mener à bien ses objectifs en matière de politique agricole et alimentaire - allant des taxes sur les échanges et contingents de production aux monopoles d'importation et interdictions d'exportation. Bien que leurs objectifs et instruments d'action aient évolué au fil du temps sous l'effet notamment du niveau de développement économique et du rôle de l'agriculture dans leurs économies et sociétés, les pouvoirs publics du monde entier continuent à considérer l'alimentation et l'agriculture comme un domaine d'action essentiel.
Il arrive assez souvent que les pouvoirs publics poursuivent des objectifs contradictoires. Par exemple, les efforts visant à soutenir les revenus agricoles par la mise en place d'obstacles aux importations ou par le soutien des prix du marché pourraient nuire aux objectifs de sécurité alimentaire à l'échelle nationale, du fait qu'ils entraînent une hausse des prix des produits alimentaires pour les consommateurs pauvres. Des compromis entre ces objectifs concurrents sont habituellement décidés au niveau national, les différents segments de la société rivalisant pour défendre leurs propres intérêts au sein du système politique.
De même, sur le plan international, les politiques publiques d'un pays peuvent aller à l'encontre de celles d'un autre pays, comme c'est le cas lorsque les efforts visant à aider les producteurs internes causent un préjudice aux producteurs de pays étrangers. Depuis longtemps, la communauté internationale reconnaît que les droits de douane et subventions du secteur industriel d'un pays peuvent nuire aux intérêts d'un autre pays, mais ce n'est que récemment que l'on a admis que le même problème existait dans l'agriculture et que l'on a tenté de le résoudre.
Le présent chapitre passe brièvement en revue l'évolution de la politique des échanges agricoles depuis le milieu du XXe siècle, mettant en lumière les résultats de l'Accord sur l'agriculture du Cycle d'Uruguay de l'OMC et le programme de réformes non achevées, qui fait actuellement l'objet de discussions dans le cadre du Cycle de négociations commerciales de Doha. Il aborde les questions relatives à la mesure du soutien et de la protection de l'agriculture et présente des données détaillées et des estimations des niveaux réels de subventions et mesures de protection accordées à l'agriculture par les pays du monde entier.
Avant que l'Accord sur l'agriculture n'entre en vigueur en 1995, le secteur agricole était exclu des disciplines du système commercial multilatéral. En conséquence, il n'existait aucun mécanisme institutionnel permettant de concilier les intérêts des différents pays. L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), devancier de l'OMC, est entré en vigueur en 1947 pour réglementer le commerce international. Le GATT interdisait l'usage d'obstacles quantitatifs aux importations, ainsi que presque toutes les subventions intérieures et à l'exportation pour les produits manufacturés; au cours des cycles de négociation successifs, il abaissa à des niveaux faibles les tarifs d'importation des produits manufacturés.
Cependant, le GATT établissait des dérogations expresses pour les produits agricoles et la discussion de la politique agricole fut en grande partie tenue à l'écart du cadre du GATT. Au fil du temps, les politiques des échanges agricoles évoluèrent dans un sens radicalement différent de celui des produits manufacturés, avec l'apparition de quantité de subventions intérieures et à l'exportation, ainsi que d'obstacles non tarifaires, notamment des prélèvements variables, des prix minimaux à l'importation, des accords d'autolimitation des exportations et des contingents quantitatifs d'importation.
Ces politiques devinrent de plus en plus une source de frictions internationales. Par exemple, de nombreux pays développés recouraient à des subventions agricoles intérieures pour assurer aux agriculteurs un revenu «convenable». Les subventions à la production, comme les prix minimaux de soutien du marché, tendaient à stimuler la production bien au-delà du volume que le marché intérieur pouvait absorber; cette situation générait des excédents qui étaient achetés et conservés par les pouvoirs publics. Ensuite, certains États recouraient à des subventions à l'exportation pour vendre sur les marchés mondiaux les excédents ainsi obtenus. Les États-Unis et l'UE en particulier s'aperçurent que leurs politiques agricoles concurrentes devenaient de plus en plus coûteuses et difficiles à maintenir.
Pendant les années 1950-1970, le modèle de développement dominant mettait en jeu une stratégie de «remplacement des importations» afin de promouvoir une industrialisation rapide. Dans le cadre de cette stratégie, le secteur agricole était lourdement imposé pour favoriser le développement industriel, qui était principalement concentré dans les villes. Les impôts explicites sur les exportations de produits agricoles étaient courants, mais les impôts implicites sous la forme de taux de change surévalués, de droits élevés sur les importations de produits industriels et de subventions à la production industrielle étaient plus répandus.
La «préférence urbaine» qui se traduisait dans les faits par ces impôts explicites et implicites défavorisait systématiquement le secteur agricole et les zones rurales (Schiff et Valdés, 1998). Beaucoup d'États ont tenté de corriger cette tendance défavorable pour l'agriculture en intervenant au niveau de la production agricole et des marchés d'intrants: mesures sur les prix, monopoles d'État obligatoires et fourniture de services de base au secteur (par exemple, crédit, intrants essentiels, informations techniques et renseignements sur les marchés, et infrastructures de commercialisation et de distribution). Ces interventions étaient souvent nécessaires pour surmonter les très nombreux dysfonctionnements du marché; toutefois, elles créaient parfois des distorsions et des rigidités supplémentaires qui entravaient le secteur (FAO, 2005a).
Quelques pays plus pauvres prirent également des mesures commerciales qui firent du tort à leurs voisins. Par exemple, des contingents d'importation furent souvent utilisés pour contribuer à stabiliser les prix dans les pays en développement; or, ces mesures eurent pour effet de laisser aux marchés mondiaux la tâche délicate d'équilibrer l'offre et la demande intérieure, et ainsi d'accroître la volatilité des prix pour les agriculteurs et les consommateurs d'autres pays.
Bien que de nombreux pays en développement aient connu, grâce à ces politiques, des périodes de croissance économique relativement rapide au niveau macroéconomique, les déficits intolérables tant budgétaires que de la balance des opérations courantes, l'hyperinflation, les problèmes liés à la dette extérieure et les crises de change à la fin des années 70 et au début des années 80 mirent à jour la nécessité d'entreprendre une réforme des politiques. Encouragés et aidés par le FMI et la Banque mondiale, de nombreux pays se lancèrent dans des programmes d'ajustement structurel.
Au niveau macroéconomique, la principale stratégie de réforme prévoyait la réduction des tarifs d'importation, la dérégulation du marché, la privatisation et la stabilisation budgétaire par le réalignement des parités monétaires et d'importantes compressions budgétaires. Quant à l'agriculture, le principal objectif était d'axer davantage le secteur sur le marché. Le crédit subventionné et les intrants, ainsi que les investissements dans la recherche et les infrastructures firent souvent l'objet de compressions budgétaires spécifiques.
Généralement, les réformes de l'agriculture se caractérisèrent par le remplacement de la plupart des restrictions quantitatives à l'importation par des droits de douane; une réduction tant du taux que de la dispersion des droits de douane; la suppression des taxes, contingents et licences d'exportation; la réduction ou l'élimination du commerce d'État; l'élimination de la réglementation des prix internes et la suppression progressive des programmes de livraison à l'État (FAO, 2005a).
C'est dans ce contexte de «confusion» que les pays signataires du GATT s'engagèrent dans le Cycle de négociations commerciales d'Uruguay en 1986. Les négociations agricoles avaient pour but:
… d'établir un système de commerce des produits agricoles qui soit équitable et axé sur le marché… par l'établissement de règles et disciplines du GATT renforcées et rendues plus efficaces dans la pratique… qui permettraient de remédier aux restrictions et distorsions touchant les marchés agricoles mondiaux et de les prévenir.
(GATT, 1994)
C'est avec l'Accord sur l'agriculture du Cycle d'Uruguay, qui entra en vigueur en 1995, qu'un ensemble bien défini de règles s'appliquant au commerce agricole fut énoncé pour la première fois. Bien que le Cycle d'Uruguay ait été vivement critiqué parce qu'il n'est pas parvenu à réduire sensiblement le soutien et la protection accordés à l'agriculture, il a été reconnu qu'il avait mis en place un système permettant de réduire progressivement la protection dont jouissait le secteur agricole et qui faussait les échanges. Le présent chapitre trace les grandes lignes de certaines des implications de l'accord du Cycle d'Uruguay et du programme inachevé qui est examiné dans le cadre du Cycle de Doha.
L'Accord sur l'agriculture a défini des disciplines de politique agricole relevant de trois catégories principales: soutien interne, concurrence à l'exportation et accès aux marchés (voir encadré 2, page 32). Ces trois catégories ont été choisies, parce qu'elles étaient interdépendantes et se renforçaient mutuellement.
ENCADRÉ 2 Soutien interne * Réduction des mesures de soutien interne. Les engagements de réduction du soutien à l'agriculture étaient exprimés en termes de mesure globale du soutien totale (MGS totale), égale à la somme des dépenses de soutien non exempté tous produits et politiques confondus. L'Accord prévoyait une réduction de la MGS totale de 20 pour cent sur cinq ans (13,3 pour cent sur 10 ans pour les pays en développement, aucune réduction n'étant exigée de la part des PMA.). Les engagements de réduction s'appliquaient à la MGS totale et n'étaient pas spécifiques à un produit ou à une politique. * Exemptions. Les politiques n'entraînant pas de distorsion sur le commerce, ou des distorsions minimes, et sans effet sur la production étaient exemptées des engagements de réduction (et pouvaient même être renforcées) et exclues de la MGS. Ces mesures dites de la «catégorie verte» ne doivent pas inclure de soutien des prix aux producteurs et doivent être mises en œuvre dans le cadre de programmes financés par l'État, sans transferts supportés par les consommateurs. La liste des politiques spécifiques exclues des engagements de réduction est très longue et concerne les services publics à caractère général, les stocks de sécurité alimentaire, l'aide alimentaire intérieure et certains versements directs aux producteurs. En outre, les mesures dites de la «catégorie bleue» excluaient les versements directs au titre de programmes de limitation de la production, sous réserve de certaines conditions. * Exemption de minimis. Cette disposition permet d'exclure le soutien à un produit donné de la MGS et de l'engagement de réduction correspondant, à condition que ce soutien n'excède pas 5 pour cent de la valeur de la production totale du produit en question, ou 5 pour cent de la valeur de la production agricole totale dans le cas d'un soutien interne autre que par produit. Pour les pays en développement, le plafond de minimis est fixé à 10 pour cent. Concurrence à l'exportation * Subventions à l'exportation. L'Accord sur l'agriculture définit les subventions à l'exportation visées par les engagements de réduction: les subventions directes, les ventes publiques sur stocks à des prix inférieurs aux prix intérieurs, les paiements d'exportation financés par des prélèvements obligatoires, les subventions sur frais de commercialisation à l'exportation et les frais spéciaux de transport intérieur. Le volume des exportations subventionnées devait être réduit de 21 pour cent, et la valeur des subventions à l'exportation de 36 pour cent sur cinq ans (14 et 24 pour cent respectivement, pour les pays en développement, sur 10 ans). Les réductions s'entendaient par produit. Les pays qui n'avaient pas eu recours aux subventions à l'exportation durant la période 1986-90 n'étaient pas autorisés à les introduire. Accès aux marchés * Tarification. Les barrières non tarifaires (contingents, prélèvements variables, prix minimum à l'importation, régime de licences discrétionnaires, mesures commerciales publiques, accords de limitation volontaire des importations et autres mesures à la frontière) ont été abolies et remplacées par des droits de douane équivalents, soit par produit soit équivalents ad valorem. Les pays en développement ont été autorisés à introduire des plafonds tarifaires consolidés plutôt que des équivalents tarifaires calculés. * Réduction tarifaire. Les droits de douane, y compris ceux résultant du programme de tarification, devaient être abaissés en moyenne de 36 pour cent en six ans à compter de 1995, avec une réduction minimale de 15 pour cent pour chaque ligne tarifaire (24 et 10 pour cent respectivement pour les pays en développement, les pays les PMA ayant été exemptés de ces engagements de réduction). * Accès minimal. Dans le cas d'importations peu significatives, un accès minimal correspondant à environ 3 pour cent de la consommation intérieure en 1995 (et pouvant être porté à 5 pour cent) devait être assuré. Des possibilités d'accès minimales devaient être mises en place par le biais des contingents tarifaires (voir encadré 3). * Garantie d'accès courant. L'accès courant (autrement dit le volume des importations durant la période 1986-88) devait être garanti dans l'éventualité où il excéderait le niveau d'accès minimal mentionné ci-dessus. * Clause de sauvegarde spéciale. Cette clause autorisait l'application de droits additionnels en cas de poussée des importations (définie par des seuils de déclenchement déterminés) ou de prix particulièrement bas (par comparaison avec les niveaux de 1986 dans les deux cas). |
L'Accord sur l'agriculture prévoyait notamment l'engagement de promouvoir la libération progressive du secteur. Un nouveau cycle de négociations a été lancé à Doha en novembre 2001. Ce cycle, appelé «Cycle de Doha pour le développement», a pour mission d'accorder une priorité particulière aux besoins des pays en développement. Le 31 juillet 2004, les 147 États membres de l'OMC ont approuvé un Accord-cadre (OMC, 2004b), ainsi que d'autres accords visant à promouvoir le progrès et à conclure avec succès le Cycle de négociations commerciales de Doha sur le développement. L'Annexe A du document définit expressément le cadre pour l'établissement de modalités concernant l'agriculture.
L'Accord-cadre déclare que:
L'agriculture a une importance cruciale pour le développement économique des pays en développement Membres et ils doivent être en mesure de mener des politiques agricoles propres à soutenir leurs objectifs de développement, leurs stratégies de réduction de la pauvreté et leur sécurité alimentaire et à répondre à leurs préoccupations en matière de moyens d'existence.
(Annexe A, par. 2)
Par ailleurs:
Eu égard à leurs besoins en matière de développement rural, de sécurité alimentaire et/ou de garantie des moyens d'existence, le traitement spécial et différencié pour les pays en développement fera partie intégrante de tous les éléments de la négociation… »
(Annexe A, par. 39)
Le document fait état d'un traitement spécial et différencié en ce qui concerne le soutien interne, la concurrence à l'exportation et l'accès aux marchés pour les pays en développement. Il comporte un engagement à désigner des «produits sensibles» et des «produits spéciaux», qui seront admis à bénéficier d'un traitement plus flexible, et à établir un mécanisme de sauvegarde spécial (MSS) pour les pays en développement.
L'Accord-cadre accorde une certaine flexibilité aux pays développés, mais réaffirme leur engagement à entreprendre des réformes. Rappelant la Déclaration ministérielle de Doha, qui préconise «des réductions substantielles du soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges», l'Accord déclare qu'«il y aura un fort élément d'harmonisation dans les réductions opérées par les Membres développés. Plus précisément, les niveaux plus élevés du soutien interne autorisé ayant des effets de distorsion des échanges seront soumis à des abaissements plus importants. » Un calendrier pour l'élimination des subventions à l'exportation doit être arrêté et l'Accord précise que la poursuite des négociations sur l'accès aux marchés sera guidée par le principe suivant: «des réductions tarifaires globales substantielles seront obtenues en tant que résultat final des négociations ». Il y va de l'intérêt des pays tant développés qu'en développement, qui ont intérêt à pénétrer les marchés d'exportation. En ce qui concerne l'accès aux marchés et le soutien interne, l'Accord préconise une formule étagée qui constitue une approche unique pour les pays développés et les pays en développement membres et reconnaît en même temps leurs structures tarifaires différentes et leurs niveaux de soutien interne.
Les sections ci-dessous examinent les disciplines existantes à la lumière de ce qui est appelé les «trois piliers» de l'Accord sur l'agriculture - soutien interne, concurrence à l'exportation, accès aux marchés - et évaluent les progrès réalisés jusqu'à présent en matière de réduction des mesures de soutien et de protection du secteur, qui ont des effets de distorsion des échanges. Elles mettent également en lumière les difficultés rencontrées dans les négociations en cours.
L'Accord sur l'agriculture comprend des disciplines concernant le soutien interne, reconnaissant ainsi les effets de distorsion que peuvent avoir ces mesures sur la production et les échanges. Tous les programmes de soutien interne considérés comme ayant des effets de distorsion sur les échanges ou la production ont été pris en compte dans la Mesure globale du soutien (MGS) et les pays sont convenus de réduire la MGS pendant la période de mise en œuvre. Les mesures considérées comme «ayant des effets de distorsion des échanges ou des effets sur la production nuls, ou au plus minimes» ont été classées comme mesures de la «catégorie verte» et ont été exemptées d'engagements de réduction.
D'autres exemptions ont été accordées pour certains versements directs au titre de programmes de limitation de la production et pour des soutiens inférieurs au niveau de minimis. La plupart des pays en développement ont classé leurs programmes de soutien interne à l'agriculture dans la catégorie de minimis, bien que quelques-uns aient fait état de dépenses consacrées au développement spécifiquement exemptées en vertu des dispositions concernant le traitement spécial et différencié pour les pays en développement.
Différents indicateurs ont été élaborés pour mesurer le soutien aux producteurs. Les deux plus souvent cités sont la MGS de l'OMC et l'Estimation du soutien au producteur (ESP) de l'OCDE. Bien que les deux indicateurs adoptent une approche globalement similaire, ils comportent plusieurs différences méthodologiques et ont été conçus dans des objectifs différents. La MGS constitue le fondement d'un engagement juridique de réduire le soutien interne dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC, tandis que l'ESP a pour but de surveiller et d'évaluer les progrès réalisés en matière de réforme de la politique agricole.
La MGS est essentiellement composée i) du soutien des prix du marché, mesuré par l'écart entre un prix de référence mondial fixe et le prix interne administré (qui peut ne pas être égal au prix courant du marché intérieur) et ii) du montant des dépenses budgétaires consacrées aux mesures de soutien interne qui sont considérées comme ayant des effets de distorsion des échanges.
L'ESP de l'OCDE indique les transferts monétaires annuels accordés aux agriculteurs en vertu de mesures politiques qui
i) maintiennent une différence entre les prix internes et les prix à la frontière du pays (soutien des prix du marché) et ii) assurent des versements aux agriculteurs en fonction de critères tels que la quantité de denrées produites, la quantité d'intrants utilisés, le nombre d'animaux élevés, la surface cultivée ou les recettes ou revenus perçus par les agriculteurs.
Comme la MGS, l'ESP comprend un écart des prix et le montant des dépenses budgétaires de l'État, mais deux éléments essentiels les distinguent:
Il en résulte que les tendances des deux indicateurs depuis 1986-1988 affichent une différence marquée. Tandis que la MGS a fortement chuté, l'ESP est restée relativement stable. Le tableau 3 résume l'ESP pour tous les pays de l'OCDE depuis 1986-1988. Alors que l'ESP a chuté en termes de pourcentage de la valeur de la production agricole dans les pays de l'OCDE, l'ESP, exprimée en termes monétaires, était plus élevée en 2003 que pendant la période de base. En revanche, la MGS pour tous les membres de l'OMC a chuté, passant de plus de 160 milliards de dollars EU à quelque 60 milliards de dollars EU (FAO, 2005b) pour la même période.
TABLEAU 3
Estimations du soutien au producteur de l'OCDE
1986-88 |
2001-03 |
2001 |
2002 |
20031 | |
Tous pays OCDE |
|||||
Valeur (millions de EU) |
241 077 |
238 310 |
227 955 |
229 691 |
257 285 |
Pourcentage |
37 |
31 |
31 |
31 |
32 |
1 Données provisoires.
Source: OCDE, 2005.
Le tableau 4 compare les chiffres de l'ESP 2003 pour des membres choisis de l'OMC avec leurs niveaux de soutien interne tels qu'ils ont été mesurés dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture. La première colonne indique l'ESP, tandis que la deuxième retranche l'élément de l'ESP fourni par la protection à la frontière, ce qui donne une mesure qui se rapproche davantage du soutien interne à l'agriculture. Les mesures de l'OMC sont réparties entre les catégories exemptées («catégorie verte», «catégorie bleue» et de minimis) et non exemptées, ou catégories MGS. Pour la MGS, le plafond correspond au niveau maximal de soutien que le pays est autorisé à fournir dans le cadre de ses engagements MGS. Les chiffres notifiés correspondent au montant réel des dépenses MGS déclarées à l'OMC. Pour tous les pays cités dans le tableau, les dépenses MGS notifiées étaient inférieures aux plafonds autorisés. Les deux dernières colonnes du tableau indiquent la MGS notifiée exprimée en pourcentage du plafond et la part de la MGS fournie par les consommateurs par le biais des prix du marché plutôt que par le biais de transferts provenant des contribuables.
TABLEAU 4
Mesures du soutien interne
|
Mesures de l'OCDE |
Mesures du soutien interne de l'OMC1 |
|||||||
|
ESP |
ESP moins |
Exemptions |
MGS |
|||||
|
Catégorie |
Catégorie |
De minimis |
Plafond |
Notifiée |
||||
|
(Millions de $EU) |
(Millions de $EU) |
(Millions de $EU) |
(Millions de $EU) |
(Pourcentage |
(Pourcentage |
|||
UE |
115 470 |
75 333 |
21 261 |
21 114 |
18,6 |
74 102 |
51 084 |
68,9 |
95,0 |
États-Unis |
54 433 |
21 597 |
30 5912 |
- |
29,1 |
19 899 |
16 862 |
84,7 |
35,1 |
Japon |
53 991 |
49 070 |
23 664 |
817 |
91,7 |
36 461 |
6 588 |
18,1 |
82,1 |
Corée, République de |
18 308 |
17 555 |
4591 |
- |
68,7 |
1 578 |
1 306 |
82,8 |
100,5 |
Mexique |
4 166 |
2 666 |
575 |
- |
- |
3 614 |
500 |
13,8 |
91,0 |
Canada |
3 709 |
2 094 |
1 177 |
- |
114,0 |
3 016 |
632 |
21,0 |
46,8 |
1 Données les plus récentes disponibles.
2 Les États-Unis ont un budget supplémentaire de 33 050 millions de dollars EU dans la catégorie verte au titre de l'aide alimentaire intérieure.
Source: FAO, 2005b, tiré de de Gorter (2004), à partir des données OCDE et des notifications des pays à l'OMC.
La grande majorité des dépenses MGS est imputable à l'Union européenne, au Japon et aux États-Unis, ainsi qu'à plusieurs autres pays de l'OCDE faisant état de niveaux de MGS relativement élevés. La plupart des pays de l'OCDE ont pu respecter leurs engagements de réduction de la MGS en reformulant leurs politiques pour satisfaire aux critères requis pour les exemptions de la catégorie verte ou bleue. En outre, étant donné que les engagements de la MGS ne sont pas liés à un produit spécifique, certains pays ont rempli leurs engagements en réattribuant les dépenses entre les produits dans le cadre de la MGS (Tangermann, 1998). Ainsi, bien qu'il soit admis que les pays ayant pris des engagements MGS ont généralement respecté les exigences de l'Accord sur l'agriculture et que certaines politiques aient été remaniées pour produire moins d'effets de distorsion des échanges, le niveau global de soutien à l'agriculture des ces pays (mesuré en vertu de critères économiques plutôt qu'en vertu des critères négociés utilisés dans l'Accord) a très peu diminué, voire pas du tout.
Une des principales critiques formulées à l'encontre des dispositions de l'Accord sur l'agriculture en matière de soutien interne est l'inégalité de traitement entre pays développés et pays en développement. Étant donné que la plupart des pays en développement n'ont pas déclaré de soutien interne dans le cadre de la MGS, obligation leur est donnée de fournir un soutien uniquement en vertu des dispositions de minimis ou d'autres mesures d'exemption. D'aucuns font valoir que les pays en développement n'ont pas la capacité administrative ou budgétaire de mettre en œuvre la majorité des mesures relevant de la «catégorie verte», par exemple, et qu'il convient donc de les autoriser à prendre des mesures telles que le soutien des prix internes, qui serait réputé relever de la MGS.
Cette critique est amoindrie par le fait que la majorité des pays en développement accorde actuellement beaucoup moins de soutien que celui prévu par les dispositions de minimis pour ces pays, à savoir 10 pour cent par produit et 10 pour cent de la valeur totale de la production agricole. Des préoccupations plus graves concernent les niveaux élevés persistants du soutien et de la protection dans certains pays développés et la question de savoir s'il faut autoriser les pays en développement à assurer une protection compensatrice à leurs agriculteurs. Cette question est analysée plus en détail dans le chapitre ci-dessous consacré à l'accès aux marchés.
Une critique plus fondamentale de l'Accord sur l'agriculture tient au niveau auquel les différents types de mesures du soutien interne sont en fait découplés de la production et des échanges. On dispose de peu de données empiriques montrant dans quelle mesure les soutiens internes exemptés (tels qu'ils sont définis par l'OMC) ont un effet de distorsion sur la production et les échanges, étant donné que ces soutiens ne sont accordés que depuis relativement peu de temps, plus précisément depuis les réformes de la politique agricole commune (PAC) menées à bien dans l'UE et le projet de loi sur l'agriculture de 1996 aux États-Unis. L'OCDE a réalisé des exercices de simulation dans le but d'estimer les effets de distorsion sur la production causés par d'autres versements au titre du soutien interne par rapport au montant équivalent de soutien direct des prix du marché (Anton, 2004). Ces résultats portent à croire que les versements directs en fonction de la superficie plantée en un seul produit agricole ont un effet de distorsion sur la production égal à seulement 36 pour cent de l'effet de distorsion causé par les soutiens aux prix du marché. Si les versements directs sont encore découplés (c'est-à-dire calculés en fonction de la superficie totale plantée sans tenir compte du produit agricole), leur effet de distorsion ne représente plus que 20 pour cent de celui causé par les soutiens aux prix du marché.
Le soutien découplé à l'agriculture pourrait influencer les décisions de production par le biais de plusieurs mécanismes au-delà des effets de subventions décrits plus haut. Les versements directs influencent la perception du risque qu'ont les agriculteurs, du fait qu'ils modifient leur situation financière et leur fournissent une forme d'assurance. Ils peuvent également influencer les agriculteurs dans leur décision de poursuivre leurs activités agricoles ou de quitter le secteur. De même, d'autres facteurs liés à l'élaboration des politiques, aux coûts de la mise en conformité et de la mise en œuvre, à la taille des programmes et aux combinaisons de mesures peuvent influencer les décisions de production.
Plusieurs études ont tenté de mesurer l'importance de ce que l'on appelle les «effets hors prix». Bien que leur champ d'étude soit partiel, la majorité de ces études admet de façon générale que les effets hors prix peuvent être plus importants que les effets de subvention dont Anton fait état (2004). Les recherches menées par l'OCDE (2004) tendent à indiquer que les versements liés à des produits particuliers permettent de réduire le risque associé à la production végétale et que l'existence de cette forme d'assurance accroît les effets de distorsion de la production associés à ces versements, qui en viennent à représenter 45 pour cent de ceux causés par un niveau équivalent de soutien des prix du marché. Young et Westcott (2000) affirment que les programmes d'assurance - récolte non liés à des produits particuliers donnent implicitement lieu à des subventions différentes pour des produits particuliers en fonction de leurs rendements nets relatifs, les produits les plus exposés au risque recevant les subventions implicites les plus élevées.
L'impact des versements découplés sur le niveau et la qualité des ressources consacrées à la production agricole fait l'objet d'un vaste débat. En fonction des détails de la finalité du programme, les versements découplés peuvent accroître les revenus nets globaux des agriculteurs et/ou modifier la répartition des revenus nets en faveur des exploitations plus petites et plus marginales. Il en résulterait le maintien en production de davantage de terres (y compris des terres plus marginales). Il se pourrait donc que les versements découplés influencent la décision de certains producteurs d'abandonner l'agriculture et qu'ils déterminent si les terres et autres ressources de ces producteurs sont retirées de la production ou sont simplement transférées vers d'autres producteurs et/ou vers d'autres produits. Les données actuelles indiquent que dans les pays de l'OCDE, le nombre d'agriculteurs diminue, mais pas le niveau des ressources consacrées à la production agricole.
Étant donné qu'avec la MGS, la mesure des niveaux réels de soutien à l'agriculture est limitée et que l'évaluation de l'impact des versements découplés sur la production et les échanges comporte des difficultés conceptuelles et empiriques, une grande incertitude plane sur l'impact potentiel d'autres disciplines concernant le soutien interne, actuellement négociées dans le cadre du Cycle de Doha. La FAO a déjà souligné (FAO, 2005b) la nécessité de se pencher sur plusieurs questions:
Le deuxième des trois piliers de l'Accord sur l'agriculture concerne la concurrence à l'exportation. Bien que le GATT ait interdit dès 1947 l'usage de subventions à l'exportation dans la plupart des secteurs, il a prévu une exception pour les produits de base, y compris les produits agricoles. Les subventions à l'exportation ont été interdites dans le secteur manufacturier, parce qu'elles permettent de vendre des produits à un prix inférieur au coût de production dans le pays d'origine; cette pratique, connue sous le nom «dumping», a été qualifiée de concurrence déloyale.
L'Accord sur l'agriculture a essayé de remédier à cette exclusion en définissant des disciplines concernant les subventions à l'exportation et d'autres formes de concurrence à l'exportation.
Aux termes de l'Accord, les subventions à l'exportation devaient être notifiées à l'OMC et de nouvelles mesures de ce type étaient interdites. En outre, les dépenses budgétaires pour les subventions à l'exportation et le volume des exportations subventionnées étaient plafonnés et des réductions étaient demandées pendant la période de mise en œuvre. L'Accord sur l'agriculture imposait également aux Membres de négocier des disciplines concernant l'utilisation de garanties pour les crédits à l'exportation et l'expédition d'aide alimentaire, qui pouvaient être utilisées pour éluder les disciplines concernant les subventions directes.
L'Accord-cadre de l'OMC préconise l'établissement de modalités assurant l'élimination parallèle de toutes les formes de subventions à l'exportation et l'élaboration de disciplines concernant toutes les mesures à l'exportation d'effet équivalent. Bien que la poursuite des négociations dans cette optique soulève peu de désaccord, déterminer les «effets équivalents» n'est pas une tâche facile. Il y a un risque que certains instruments d'action qui ont peu d'effet sur les conditions du marché mondial au regard de leurs avantages potentiels fassent l'objet de disciplines trop rigoureuses.
Trois grands axes de la concurrence à l'exportation sont au centre des négociations actuelles: i) les mesures en matière de soutien direct d'un produit exporté, comme les subventions à l'exportation et les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public; ii) les interventions visant à soutenir les entreprises commerciales d'État; et iii) l'aide alimentaire, notamment le volet de l'aide alimentaire utilisé pour faciliter l'écoulement de l'excédent de production d'un pays.
Des 21 Membres de l'OMC qui ont le droit d'octroyer des subventions à l'exportation dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture, neuf y ont actuellement recours5 . Parmi ces pays ou groupements, l'UE arrive en tête avec 90 pour cent de la valeur des subventions à l'exportation notifiées à l'OMC pendant la période 1995-2001. La Suisse vient en deuxième position avec 5,3 pour cent du total, tandis que la Norvège et les États-Unis totalisent chacun 1,4 pour cent. L'usage des subventions à l'exportation a considérablement baissé au cours de la dernière décennie - passant de quelque 7,5 milliards de dollars EU en 1995 à moins de 3 milliards de dollars EU en 2001. Les réductions observées dans l'UE sont dues non seulement au respect des engagements aux termes de l'Accord sur l'agriculture (puisque l'UE est encore loin de son plafond pour la plupart des produits), mais aussi à la réforme parallèle de la politique interne, qui a réduit, pour de nombreux produits, la nécessité de recourir de façon intensive aux subventions à l'exportation. Cependant, comme la figure 13 l'indique clairement, certaines exportations de l'UE dépendent beaucoup plus que d'autres des subventions à l'exportation. Il convient également de noter que la proportion des exportations de sucre de l'UE bénéficiant de subventions à l'exportation est contestée.
L'équivalence des subventions directes et indirectes à l'exportation est habituellement examinée à la lumière de l'effet que produit une mesure ou activité donnée sur les transactions et les courants d'échanges ou compte tenu des dépenses brutes consacrées à cette mesure ou activité. D'autres modes d'analyse de l'effet des subventions indirectes sur le marché tiennent compte de l'ampleur des économies de coûts (c'est-à-dire les économies de coûts pour un acheteur étranger par rapport à l'acheteur interne du produit) et, parallèlement, du transfert budgétaire auquel donne lieu l'écoulement du produit.
L'OCDE (2000a) a essayé de déterminer l'équivalent subvention des crédits à l'exportation par pays. Cette étude a défini les crédits à l'exportation comme un mécanisme de garantie, d'assurance, de financement, de refinancement ou de bonification d'intérêt mis en place par un État, qui permet à un acheteur étranger de biens et/ou de services exportés de différer le paiement pendant un certain temps.
Il est extrêmement difficile d'obtenir des informations sur l'incidence de l'usage des crédits à l'exportation, étant donné que les pays ne sont actuellement pas obligés de notifier l'usage de ces dépenses à l'OMC et que les clauses qui régissent les crédits à l'exportation sont censées être de nature confidentielle. La plupart des analyses et points de vue sont fondés sur des informations présentées par l'OCDE en utilisant des données se rapportant à la période 1995-1998 uniquement.
Globalement, les crédits à l'exportation ont augmenté, passant de 5,5 milliards de dollars EU en 1995 à 7,9 milliards de dollars EU en 1998. La majorité des crédits à l'exportation et précisément 95 pour cent des crédits à long terme ont été utilisés par les États-Unis. Dans l'UE, qui est l'autre grand utilisateur, le niveau des crédits à l'exportation était beaucoup moins élevé que celui des subventions à l'exportation.
Dans ses estimations de l'équivalent subvention des crédits à l'exportation de différents pays, l'OCDE tient compte de plusieurs facteurs liés aux conditions de remboursement (taux d'intérêt, durée de remboursement, etc.). Pour trois pays de l'OCDE (Australie, Canada et États-Unis), les éléments subventions des opérations de crédit à l'exportation étaient plus élevés que les dépenses de subventions à l'exportation. L'OCDE a constaté que les crédits à l'exportation des États-Unis en 1998 présentaient un équivalent subvention par unité plus élevé que ceux d'autres pays, principalement à cause de leur durée de remboursement plus longue. Cependant, l'équivalent subvention indique que les importateurs ont payé en moyenne, pour les transactions qui avaient été facilitées par les crédits à l'exportation des États-Unis, 6,6 pour cent de moins que s'ils n'avaient pas eu accès à ce soutien. Ces chiffres sont corroborés par des estimations élaborées par le General Accounting Office des États-Unis, qui citent le chiffre d'environ 9,9 pour cent.
En raison de l'élément subvention à l'exportation, relativement faible, de ces crédits à l'exportation, qui est essentiellement axé sur l'élément « prix » des crédits (c'est-à-dire la mesure dans laquelle ils réduisent le coût des exportations par rapport à d'autres solutions commerciales qui ne bénéficient pas de ces crédits), il est peut-être plus important de déterminer dans quelle mesure les configurations des exportations sont sensibles à l'usage de crédits. Pour les recherches ultérieures, il est essentiel de savoir si la suppression de crédits associés à des accords commerciaux à long terme entraînera le passage à une source d'approvisionnement autre que le pays qui accordait précédemment le crédit. Cela dépendra de l'élasticité de substitution des importations en provenance de différents pays d'un pays importateur, une élasticité plus élevée donnant lieu à des possibilités plus grandes de substitution.
Comme dans le cas des crédits à l'exportation (et à la différence des subventions à l'exportation), l'équilibre entre les avantages et les coûts de l'existence d'entreprises commerciales d'État (ECE) reste matière à discussion. D'une part, ces entités ont été critiquées parce qu'elles usaient de leur situation de monopole pour influencer les conditions du marché et les courants d'échanges et parce que leurs actions manquaient de transparence. Par exemple, elles peuvent recevoir de l'État des subventions pour leur permettre de fonctionner à perte. D'autre part, certains font valoir que les ECE compensent utilement les imperfections des marchés mondiaux des produits. Des activités comme le pool de prix et la garantie contre les pertes, qui peuvent avoir des effets similaires à ceux des subventions à l'exportation, peuvent aussi avoir l'effet favorable de réduire les risques pour les agriculteurs et les commerçants (Young, 2004a). En outre, la grande taille des ECE (du point de vue des volumes négociés) leur permet de concurrencer les grandes sociétés commerciales multinationales, qui ont attiré les critiques parce qu'elles usaient de leur puissance de marché.
Au moment de déterminer s'il y a lieu d'éliminer certaines actions menées par des ECE ou de leur appliquer des disciplines et de préciser comment le faire, il est important de garder à l'esprit ces bienfaits relatifs et d'essayer d'établir clairement si, tout bien considéré, les activités des ECE individuelles sont dommageables (et doivent dès lors être limitées) ou bénéfiques (avant d'essayer de limiter certaines activités, une plus grande prudence serait dès lors requise).
L'OCDE (2000b, 2000c) livre une étude approfondie sur l'existence et les activités des ECE dans les pays membres de l'OCDE. Dans les pays en développement, les exemples comprennent COFCO en Chine, qui fait le commerce du riz, du maïs et du coton, et Bulog en Indonésie. Cependant, on prête à ces dernières peu de pouvoir de marché. Du point de vue politique, il est admis que l'importance d'un nombre relativement restreint d'ECE de premier plan milite en faveur de l'établissement de disciplines plus strictes. Il s'agit notamment de l'Australian Wheat Board et du Canadian Wheat Board, qui représentent ensemble 40 pour cent du marché total du blé; l'ECE vietnamienne qui exporte le riz, à l'origine de 10 pour cent des exportations mondiales de riz; le Commodity Credit Corporation des États-Unis; et Fonterra en Nouvelle-Zélande5 , qui représente 30 pour cent des exportations totales de produits laitiers (Young, 2004a).
D'un point de vue empirique, peu d'éléments démontrent que les ECE ont des effets importants de distorsion sur le marché. Sumner et Boltuck (2001), ainsi que Carter et Smith (2001) n'ont trouvé aucun élément prouvant le pouvoir de marché de Canadian Wheat Board ni que ses activités portaient préjudice aux exportateurs des États-Unis. En fait, il n'existe aucune étude communément admise indiquant que les ECE existantes ont actuellement des effets majeurs de distorsion sur le marché. Néanmoins, la crainte subsiste que ces ECE puissent accroître leurs activités, ce qui augmenterait leurs possibilités de produire des effets de distorsion sur le marché, si leurs activités ne sont pas soumises à des disciplines en même temps que d'autres éléments de la concurrence à l'exportation.
L'analyse théorique peut être utilisée pour mieux comprendre l'éventuel effet de distorsion dans un éventail de situations et pour définir les caractéristiques des ECE qui peuvent avoir un effet de distorsion sur le marché plus important que d'autres. McCorriston et MacLaren (2004) ont essayé de traduire sur le plan opérationnel une définition de l'équivalent subvention, celui-ci étant défini comme la subvention à l'exportation qui serait versée aux entreprises privées pour exporter les mêmes quantités que celles exportées par une ECE donnée. Ils ont trouvé qu'un équivalent subvention défini de cette façon pouvait être positif ou négatif. Les facteurs qui déterminent l'impact d'une ECE sont notamment i) le degré de compétitivité du marché en l'absence de l'ECE et ii) la configuration et les actions effectives de l'ECE - les impacts d'ECE différentes sur les échanges ne seront pas nécessairement d'égale ampleur ni même ne seront dirigés vers les mêmes cibles.
En matière d'équivalence, les preuves (tant empiriques que théoriques) semblent indiquer que les niveaux d'exportation augmenteront toujours davantage lorsque des subventions directes à l'exportation sont accordées que si le même niveau de soutien est accordé par le canal d'une aide financière à une ECE. Quant aux enseignements tirés du cadre théorique proposé par McCorriston et MacLaren (2005), on peut formuler plusieurs observations:
Les disciplines concernant les mécanismes par lesquels l'aide alimentaire est achetée et/ou réaffectée font actuellement l'objet de négociations, principalement motivées par la crainte que l'utilisation de l'aide alimentaire comme moyen d'écouler les excédents ne s'amplifie, si des limites supplémentaires sont imposées à l'accès des pays à d'autres mécanismes de soutien des exportations. Cela étant, l'aide alimentaire est, par définition, également une question humanitaire et la perspective que la suppression de l'aide alimentaire ou l'imposition de disciplines sans discrimination ait également un impact négatif sur ses effets favorables est un sujet de grande préoccupation, en dépit du fait que l'un ou l'autre mesure réduirait les possibilités de recourir à des formes d'aide alimentaire ayant des effets de distorsion potentiellement plus importants.
L'aide alimentaire est allouée sous diverses formes qui peuvent remplacer les importations aux conditions commerciales à différents niveaux. L'aide alimentaire peut être classée dans les catégories «urgente» et «non urgente», cette dernière catégorie comportant plusieurs subdivisions. Le point de vue selon lequel l'aide alimentaire d'urgence ne doit pas être limitée est largement admis, car tout remplacement des échanges commerciaux ou toute distorsion du marché international causé par l'aide alimentaire d'urgence est susceptible d'être minimal. L'aide alimentaire d'urgence représente environ 60 à 70 pour cent des allocations totales d'aide alimentaire.
S'agissant de l'aide alimentaire non urgente, les impacts des différents mécanismes tant d'achat que d'allocation font l'objet de controverses. L'aide alimentaire non urgente peut être divisée en aide alimentaire ciblée, distribuée sous la forme d'aliments aux bénéficiaires (par exemple, des vivres contre du travail ou les programmes de déjeuner scolaire), et en aide alimentaire monétisée, qui est vendue sur les marchés locaux, les liquidités dégagées par la vente étant utilisées pour financer des projets de développement.
L'impact de l'aide alimentaire sur les marchés est mesuré au moyen du concept d'additionalité. L'aide alimentaire est considérée comme additionnelle si elle est accordée à des personnes qui, du fait qu'elles sont incapables d'avoir accès à des vivres par d'autres moyens, n'auraient pas consommé par ailleurs le montant équivalent d'aliments. Intuitivement, l'aide alimentaire d'urgence devrait être la forme d'aide se rapprochant le plus de l'additionalité absolue en matière de consommation, étant donné que les bénéficiaires sont, par définition, dans le dénuement et n'auraient pas par ailleurs accès à d'autres sources de nourriture. L'aide alimentaire qui est pleinement additionnelle n'aurait aucun effet de distorsion sur la production ou les échanges commerciaux.
Bien qu'il existe peu d'estimations empiriques de l'additionalité de l'aide alimentaire monétisée, le niveau d'additionalité est susceptible d'être inférieur à celui de l'aide alimentaire ciblée et dépendra de la façon dont l'aide est fournie. En revanche, les avantages qu'apportent aux bénéficiaires, par exemple, les projets de développement agricole financés par la monétisation de l'aide alimentaire doivent être pris en compte (Young, 2004b).
L'additionalité peut varier en fonction des situations. Dans des situations de conflit, la capacité à importer peut être limitée et l'aide alimentaire devrait être plus additionnelle. Les taux d'inflation peuvent également être élevés et les salariés incapables de travailler dans ces situations - les deux facteurs contribuant à la capacité réduite des individus à accéder à d'autres sources de vivres (Young, 2004b). L'additionnalité peut aussi dépendre de l'élaboration et de la mise en œuvre de programmes. L'utilisation des moyens financiers générés et leur capacité à accroître la demande ou l'offre (c'est-à-dire s'ils sont utilisés pour accroître la consommation directe ou pour financer des projets agricoles augmentant l'offre) contribueront à amplifier l'additionalité.
La question de la concurrence à l'exportation est au cœur du cycle actuel de négociations commerciales. Il est prévu d'éliminer progressivement les subventions directes à l'exportation, ainsi que l'élément subvention d'autres programmes d'exportation. En outre, certaines pratiques ont été contestées dans le cadre du processus de règlement des différends de l'OMC et une pression supplémentaire a été exercée tant sur l'UE que sur les États-Unis pour qu'ils entreprennent d'importantes réformes dans ce domaine.
Au sein de l'OMC, les accords ont généralement été conclus sur la base de règles simples et non en vertu de modèles complexes. Bien qu'elle soit conceptuellement réalisable, la mesure de l'équivalence est susceptible de requérir en pratique une analyse sophistiquée visant à déterminer l'effet relatif de plusieurs éléments de la concurrence à l'exportation. Pour faire progresser les négociations sur la concurrence à l'exportation, il sera nécessaire de mettre au point des règles simples pour discipliner les activités ayant des effets de distorsion des échanges sans faire disparaître les avantages qu'elles procurent du fait qu'elles réduisent les imperfections, par exemple, des marchés financiers, ainsi que les avantages qui en découlent sur le plan humanitaire et en matière de développement.
Pour élaborer ces règles, une approche générale consisterait à regrouper les activités en fonction de leur susceptibilité à influencer les courants d'échanges et non sur la base de l'équivalence des prix, même si, en théorie, il était possible de la mesurer, car l'équivalence des prix nécessiterait un ensemble plus compliqué de règles et de critères.
La combinaison de mesures peut avoir plus d'importance que les effets individuels de celles-ci. C'est pourquoi l'élaboration d'un regroupement valable dépendra du niveau de capacité de substitution des pratiques. Si, à l'extrême, leur capacité de substitution était parfaite, il serait nécessaire de les discipliner toutes. Les données dont on dispose indiquent cependant que ce n'est pas nécessairement le cas et bien qu'une certaine rectification puisse être réalisée, il est probable que des disciplines rigoureuses ne soient pas appropriées.
Pour la mise au point de nouvelles règles en matière de concurrence à l'exportation, la formule de notification de l'OMC sera également importante. Il faudra décider quelles pratiques devront être visées par les obligations de notification. Lorsque la décision aura été prise, il sera également nécessaire de déterminer les informations requises, afin de comprendre comment ces mesures fonctionnent. De même, pour assurer l'efficacité et le respect des disciplines, les notifications devraient être transmises en temps opportun, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Les dispositions de l'Accord sur l'agriculture relatives à l'accès aux marchés sont extrêmement complexes pour deux raisons: la grande diversité des obstacles au commerce imposés à l'agriculture avant les négociations et le rôle fondamental de l'accès aux marchés dans la mise en ordre d'autres formes de soutien à l'agriculture.
De nombreuses politiques agricoles nationales et subventions à l'exportation ne fonctionnent que si l'accès aux marchés est restreint. En effet, un pays qui est ouvert aux importations ne peut pas soutenir ses agriculteurs au-delà d'une certaine limite naturelle parce que les exploitants agricoles d'autres pays s'efforceront de capturer une partie du soutien accordé en augmentant rapidement leur production. Les États-Unis ont connu ce phénomène au cours des premières années de l'Accord de libre-échange qui les lie au Canada. À cette époque, les efforts déployés par le Gouvernement américain pour augmenter les prix de l'orge par le biais de subventions aux exportations avaient déclenché une forte hausse des importations d'orge du Canada (Haley, 1995).
De très nombreux tarifs douaniers et obstacles non tarifaires tels que les contingents d'importation et divers prélèvements ont été appliqués aux produits agricoles avant le Cycle d'Uruguay. L'élimination des obstacles non tarifaires a été l'une des priorités principales des négociations menées dans le cadre du Cycle d'Uruguay, car ces obstacles faussent généralement davantage le marché qu'un tarif douanier équivalent et sont moins transparents. Contrairement aux tarifs douaniers, les obstacles non tarifaires bloquent la transmission des signaux de prix entre le marché mondial et les marchés nationaux. De ce fait, l'offre et la demande intérieures ne peuvent pas s'ajuster aux conditions du marché mondial et transfèrent la responsabilité de la stabilisation des marchés nationaux aux marchés mondiaux (c'est-à-dire aux pays qui n'utilisent pas de telles mesures). En revanche, les tarifs douaniers permettent aux signaux de prix d'être transmis plus directement entre le marché mondial et les marchés intérieurs, ce qui réduit la distorsion des prix sur les marchés mondiaux.
Pendant les négociations, divers mécanismes ont été utilisés pour convertir les obstacles non tarifaires en tarifs douaniers et réduire ces derniers. L'objectif déclaré était d'abaisser le niveau de protection et le degré de distorsion des échanges créés par cette protection. Certains des mécanismes particuliers employés ainsi que les règles de réduction des tarifs douaniers ont freiné la libéralisation de l'accès aux marchés qui se mettait en place. On peut même avancer que certains des nouveaux mécanismes utilisés constituent eux-mêmes des obstacles non tarifaires. Les principales critiques adressées aux dispositions du Cycle d'Uruguay sur l'accès aux marchés portent essentiellement sur les mécanismes de conversion des obstacles non tarifaires en tarifs douaniers, la formule de réduction des tarifs, et le déséquilibre apparent entre les droits et les obligations des pays en développement et des pays développés.
Dans le cadre des négociations du Cycle d'Uruguay, les pays développés ont accepté de convertir leurs obstacles non tarifaires en tarifs douaniers équivalents par le biais d'un processus de «tarification». Les pays en développement, quant à eux, n'ont pas eu d'autre proposition que de remplacer leurs obstacles non tarifaires et leurs tarifs non consolidés par des tarifs consolidés, selon un mécanisme baptisé «consolidation à un niveau inférieur au taux plafond». Les tarifs douaniers qui ont résulté de cette conversion ont été réduits sur la base d'une simple moyenne non pondérée.
Le processus de tarification avait pour ambition de veiller à ce que les pays développés fixent des tarifs douaniers qui ne soient pas plus restrictifs pour les échanges commerciaux que les obstacles non tarifaires qu'ils remplaçaient. Les pays qui recouraient à la tarification étaient tenus d'introduire des contingents tarifaires pour s'assurer que l'accès aux marchés n'était pas compromis. Les contingents tarifaires impliquaient des engagements quantitatifs sur les accès en cours, la libéralisation devant être garantie par la création d'engagements d'accès minimaux aux marchés, fixés à 5 pour cent des niveaux de consommation de 1986-88.
En outre, en ce qui concerne les produits tarifiés, les pays pouvaient invoquer une clause de sauvegarde spéciale pour augmenter les tarifs douaniers si une forte hausse des importations ou une soudaine chute des prix menaçaient leurs producteurs. Trente-huit pays membres de l'OMC ont ainsi pris des engagements concernant 1 379 contingents tarifaires et invoqué la clause de sauvegarde pour 6 072 lignes tarifaires. Très peu de pays en développement font partie de ce groupe.
Dans la pratique, les contingents tarifaires ont fort peu contribué à améliorer l'accès aux marchés. Les engagements en matière d'accès courant et d'accès aux marchés ont tous deux conduit à la création d'engagements quantitatifs (et dans certains cas de restrictions quantitatives) en matière d'accès aux marchés. En outre, de nombreux pays ont attribué des contingents aux fournisseurs traditionnels et considéré que les contingents préexistants accordés dans le cadre de l'accès préférentiel faisaient partie de leurs engagements d'accès minimal. Le résultat en est qu'aucun nouvel accès aux marchés n'a été créé.
Contrairement aux tarifs douaniers simples, les contingents tarifaires créent des rentes commerciales qui peuvent être capturées par divers groupes (producteurs, gouvernements exportateurs, gouvernements importateurs et négociants) selon le mécanisme administratif et le degré de concurrence commerciale. Les estimations montrent que les nouveaux accès créés par les contingents tarifaires ont été inférieurs à 2 pour cent du commerce mondial pour les produits concernés, tandis que les taux d'utilisation des contingents tarifaires ou taux de remplissage n'ont pas dépassé, en moyenne, les deux tiers. Les contingents tarifaires n'ont donc pas réussi à augmenter l'accès aux marchés comme on l'espérait. La politique laitière de l'Union européenne illustre la manière dont les contingents tarifaires fonctionnent (voir encadré 3).
ENCADRÉ 3 Les chiffres ci-dessous présentent les allocations de contingents laitiers de l'UE en 1995 et en 2000. Pour les deux périodes en question, environ 95 pour cent des importations de produits laitiers, en valeur, étaient couverts par le régime des contingents tarifaires. Plusieurs aspects méritent d'être signalés. Tout d'abord la complexité de ce régime, qui prévoit des contingents tarifaires distincts pour le lait écrémé en poudre, le beurre et cinq catégories de fromage, avec des niveaux de contingents, des droits contingentés et hors quotas différents pour chaque catégorie. Ensuite, en 1995, les droits contingentés correspondant à certaines catégories de produits étaient si élevés que les quotas d'importation (sur la base des engagements d'accès courant, ou du niveau de référence des importations du Cycle d'Uruguay) n'ont pu être atteints, entraînant une érosion apparente de l'accès aux marchés par rapport à la période de référence du Cycle d'Uruguay. Par opposition à 1995, en 2000 tous les contingents ont été dépassés, à l'exception du fromage pour pizza, ce qui tend à indiquer que la contrainte principale sur les importations additionnelles tenait aux droits hors-contingents (et que les revenus des contingents se cumulent sur les volumes contingentés - environ la moitié des importations). Étant donné le mécanisme bilatéral d'attribution des contingents, ce système est discriminatoire à l'encontre des fournisseurs de pays tiers. La totalité du contingent de beurre pour 1995, par exemple, a été attribuée exclusivement à la Nouvelle-Zélande, alors que les contingents du fromage cheddar étaient répartis entre l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande. En 2000, tous les quotas ont été dépassés, mais avec encore une fois un biais en faveur des pays qui avaient bénéficié de quotas d'importation et donc d'un accès préférentiel. |
La plupart des pays en développement et des pays les moins avancés (PMA) ont choisi d'adopter les plafonnements tarifaires pour remplacer leurs contingents d'importation au lieu de s'engager dans le processus de tarification (souvent en déclarant un seul taux tarifaire consolidé pour tous les produits agricoles). Les pays en développement ont également reçu l'autorisation de réduire leurs tarifs consolidés selon des pourcentages inférieurs à ceux des pays développés (24 pour cent contre 36 pour cent), les pays les PMA étant exemptés d'engagements de réduction. Ces dispositions, qui visaient à assurer un traitement différentiel et particulier, ont abouti dans la pratique à créer un déséquilibre entre les pays développés et les pays en développement qui se révèle nettement en faveur des premiers. En effet, la plupart des pays en développement et des PMA n'ont pas eu recours au processus de tarification et n'ont donc pas pu créer d'engagements tarifaires et invoquer la clause de sauvegarde. Les tarifs consolidés sont par conséquent leur seule forme de protection douanière. Les engagements tarifaires et la clause de sauvegarde étant plus restrictifs du point de vue commercial que les tarifs douaniers, les pays développés ont conservé davantage de marge de manœuvre pour protéger les produits «sensibles».
De nombreux pays en développement et de PMA avaient déjà éliminé les contingents d'importation et réduit notablement les tarifs d'importation dans le cadre des programmes d'ajustement structurel mis en place simultanément aux négociations du Cycle d'Uruguay. Aussi, lorsque l'Accord sur l'agriculture est entré en vigueur en 1995, les tarifs d'importation qu'ils appliquaient étaient nettement inférieurs aux concessions tarifaires qu'ils avaient acceptées au titre de l'Accord. Cette situation eut deux conséquences. Premièrement, l'Accord sur l'agriculture n'exigeait de ces pays qu'une réduction relativement faible des tarifs appliqués. Deuxièmement, dans le cadre des ajustements structurels, ces pays avaient déjà entrepris de libéraliser l'accès aux marchés de manière beaucoup plus importante que ce qui avait été prévu dans l'Accord sur l'agriculture. On trouvera dans l'encadré 4 une analyse de l'importance des droits de douane dans les recettes budgétaires de nombreux pays en développement.
ENCADRÉ 4 L'une des raisons pour lesquelles de nombreux pays en développement sont préoccupés par les réductions tarifaires tient à leur effet potentiellement négatif sur les recettes fiscales. Dans plus de 25 pays en développement, les recettes tarifaires peuvent représenter plus de 30 pour cent des recettes fiscales totales du pays. Dans les pays à haut revenu, elles représentent en moyenne moins de 2 pour cent des recettes fiscales totales. L'OMC met l'accent sur deux effets de la libéralisation des échanges sur les recettes. Tout d'abord, la libéralisation du commerce qui substitue des droits de douane aux barrières non tarifaires (par exemple contingents et accords de licence restrictifs) peut avoir une incidence positive sur les recettes. Ensuite, dès lors que la protection des échanges s'appuie sur les tarifs douaniers, l'incidence sur les recettes de la baisse des taux appliqués dépend de l'élasticité-prix des importations. Il ressort des simulations que l'élasticité-prix dans une économie de marché doit être très supérieure à celle observée de manière empirique pour que la libéralisation des échanges puisse s'autofinancer (Devarajan, Go et Li, 1999). Il en découle qu'un abaissement significatif des droits de douane doit s'accompagner d'une réforme de l'ensemble du système fiscal pour éviter l'apparition d'un déficit des finances publiques ou la réduction des dépenses publiques (Ebrill, Stotsky et Gropp, 1999). Par ailleurs, les données empiriques recueillies à ce jour sur l'impact des grands programmes de libéralisation des échanges montrent que les effets sur les recettes ne sont pas nécessairement significatifs. Au Bangladesh, au Chili et au Mexique, le programme de libéralisation engagé depuis le milieu des années 80 s'est traduit par des réductions de plus de 10 pour cent des droits appliqués, entraînant une baisse du ratio droits de douane/recettes fiscales totales significative dans le cas du Bangladesh, mais faible au Chili et au Mexique. Dans chacun de ces pays, la progression des importations s'est nettement accélérée. Il est à noter que dans les premières années de la libéralisation au Chili et au Mexique, le ratio droits d'importation/recettes fiscales totales a augmenté pour ensuite baisser régulièrement. Source: OMC, 2003. |
Outre les problèmes créés par le processus de tarification, la formule du Cycle d'Uruguay concernant la réduction des tarifs douaniers a limité les possibilités d'accès réel aux marchés et faussé davantage les marchés. Les engagements en matière de réduction tarifaire étant fondés sur une simple moyenne, les pays pouvaient stratégiquement procéder à une réduction minimale (15 et 10 pour cent respectivement pour les pays développés et les pays en développement) des tarifs sur des produits «sensibles» fortement taxés tout en réduisant plus nettement les tarifs relatifs à des produits moins sensibles afin d'obtenir la moyenne requise. En conséquence, de nombreux tarifs qui comptaient parmi les plus élevés avant le Cycle d'Uruguay n'ont été réduits que dans de faibles proportions, tandis que d'autres tarifs, déjà bas, se sont vus réduits davantage. Ces pratiques n'ont pas créé d'accès supplémentaire aux marchés, mais elles ont augmenté la dispersion des taux tarifaires de nombreux pays, aggravant d'une certaine façon les effets de distorsion des tarifs sur leurs marchés.
L'escalade tarifaire est une forme particulière de dispersion tarifaire dont l'importance est grande pour les pays en développement. Elle se produit lorsque les niveaux tarifaires augmentent en fonction du degré de transformation d'un produit. De fait, elle favorise les importations de matières premières, décourage la transformation locale dans le pays exportateur, et contrarie les efforts des pays en développement qui s'efforcent d'ajouter de la valeur à leurs produits agricoles et de tirer parti des recettes plus importantes que leur procurent les produits à valeur ajoutée. Compte tenu de l'élasticité-revenu de la demande plus élevée pour les produits transformés, l'incidence de l'escalade tarifaire sur la production et le commerce des produits transformés et sur l'emploi rural pourrait être significative.
L'escalade tarifaire est particulièrement accentuée dans le secteur de l'agriculture, les produits agricoles transformés étant soumis à des tarifs nettement plus élevés que les produits agricoles bruts. La figure 14 montre les tarifs applicables à la clause de la nation la plus favorisée (NPF) pour les fibres animales et végétales (matériaux bruts), les textiles (biens intermédiaires) et les vêtements (produit fini à l'extrémité de la chaîne de transformation). Pour ces produits, l'escalade tarifaire existe dans les pays pauvres et riches. Si l'écart relatif est souvent plus élevé dans les pays membres de l'OCDE, l'écart absolu peut être également très important dans les pays en développement.
Le fait que les structures tarifaires des pays développés protègent davantage le marché des produits transformés que celui des produits primaires est considéré comme un obstacle au développement économique et industriel des pays en développement (FAO, 2004a). De nombreux pays en développement ont également tendance à appliquer une escalade tarifaire systématique et des tarifs élevés à l'étape finale de la transformation. Le Bangladesh et le Maroc, par exemple, pratiquent une escalade tarifaire beaucoup plus exacerbée que les pays membres de l'OCDE. Les niveaux élevés d'escalade tarifaire dans les pays en développement semblent indiquer que des gains potentiellement importants pourraient être réalisés si cette escalade pouvait être supprimée par les économies en développement elles-mêmes (Rae et Josling, 2003).
Compte tenu de la complexité des engagements pris en matière d'accès aux marchés pendant le Cycle d'Uruguay, de leur importance dans la simplification de l'usage des subventions aux exportations et du soutien au marché intérieur, et de leur place prépondérante dans les négociations du Cycle de Doha, cette section examine de manière approfondie les questions liées à la mesure des obstacles à l'accès aux marchés.
Mesurer le degré de protection agricole peut sembler simple, car les listes tarifaires fournissent en général des informations extrêmement détaillées. Cependant, des difficultés existent, notamment en raison des différences entre les taux consolidés (la variable de politique prise en compte dans les listes de concessions de l'OMC) et les taux appliqués. Les complications surviennent également lorsque l'on consolide les données en passant du niveau de détail le plus fin des listes tarifaires aux agrégats de produits les plus larges afin d'obtenir une évaluation globale et de pouvoir établir une comparaison avec les régimes de protection dans d'autres pays. Cette analyse s'efforce de prendre en compte tous ces aspects complexes.
Le tableau 5 présente sous une forme récapitulative une série de données relatives à l'accès au marché et composée de 65 305 lignes tarifaires (identifiées par un code à six chiffres du Système harmonisé) concernant 103 pays pour la période 2000-027 . Il intègre les équivalents ad valorem des tarifs qui incluent un élément particulier. Il s'agit là d'une précision importante car, comme le montrent Messerlin (2003) et la Banque mondiale (2005a), ces équivalents tarifaires ad valorem sont fréquemment beaucoup plus élevés que les tarifs ad valorem seuls. La priorité principale des négociations actuelles de l'OMC portant sur une ouverture plus grande de l'accès aux marchés et non sur la redistribution des rentes contingentaires, les tarifs contingentés des contingents tarifaires sont exclus de l'analyse.
Les deux premières colonnes du tableau 5 présentent les tarifs moyens consolidés et appliqués à l'agriculture par pays, par région et par groupements économiques. Les moyennes par groupes de pays sont calculées en pondérant le tarif moyen de chaque pays avec le volume total de ses importations agricoles, pour tenir compte du fait que certaines économies sont plus importantes que d'autres. Plusieurs observations peuvent être tirées de l'examen des tarifs moyens.
Premièrement, il apparaît que les tarifs moyens appliqués sont plus élevés dans les pays industriels (24 pour cent) que dans les pays en développement (16 pour cent). Cette impression peut être trompeuse en raison de l'exclusion des tarifs contingentés sur les produits soumis aux contingents tarifaires. Ces derniers sont beaucoup plus présents dans les pays industriels, et les tarifs contingentés sur ces produits s'élèvent en moyenne à la moitié du taux des tarifs hors contingent (Wainio, Gibson et Whitley, 2001).
TABLEAU 5
Droits de douane sur les produits agricoles, par pays, 2000-02
Pays |
Moyenne simple |
Coefficient de variation |
Moyenne pondérée |
Excédent de consolidation |
Ligne tarifaire |
Taux maximum | |||||
Appliqués |
Consolidés |
Appliqués |
Consolidés |
Appliqués |
Consolidés |
Consolidation |
Total |
Appliqué |
Consolidé | ||
(Pourcentage) |
(Pourcentage) |
(Pourcentage) |
(Pour- |
(Nombre) |
(Pourcentage) | ||||||
PAYS INDUSTRIALISÉS | |||||||||||
Australie |
1,3 |
3,2 |
176,9 |
143,8 |
2,4 |
4,9 |
51,0 |
224 |
724 |
13 |
29 |
Canada |
9,8 |
14,1 |
266,3 |
308,5 |
11,7 |
17,1 |
31,6 |
267 |
636 |
161 |
620 |
Union européenne |
19,8 |
22,5 |
157,6 |
167,6 |
17,4 |
21,3 |
18,3 |
152 |
604 |
327 |
479 |
Islande |
47,8 |
114,7 |
218,4 |
139,1 |
24,5 |
60,9 |
59,8 |
115 |
617 |
584 |
963 |
Japon |
24,2 |
48,4 |
269,8 |
281,6 |
20,9 |
51,6 |
59,5 |
179 |
613 |
716 |
1 646 |
Nouvelle-Zélande |
1,6 |
5,9 |
143,8 |
122,0 |
2,4 |
8,0 |
70,0 |
342 |
685 |
7 |
31 |
Norvège |
83,2 |
168,6 |
219,2 |
126,4 |
36,4 |
116,4 |
68,7 |
126 |
648 |
3 424 |
3 424 |
Suisse |
28,1 |
51,7 |
198,2 |
138,9 |
21,2 |
44,2 |
52,0 |
77 |
572 |
646 |
666 |
États-Unis |
5,0 |
6,1 |
220,0 |
203,3 |
5,0 |
6,6 |
24,2 |
170 |
596 |
97 |
100 |
Tous pays industrialisés |
24,1 |
47,7 |
336,3 |
246,3 |
14,1 |
24,9 |
43,4 |
1 652 |
5 695 |
3 424 |
3 424 |
PAYS EN DÉVELOPPEMENT | |||||||||||
Asie de l'Est et Pacifique |
17,0 |
48,6 |
380,0 |
286,4 |
39,1 |
59,4 |
34,2 |
112 |
4 466 |
2 565 |
7 696 |
Chine |
15,7 |
15,8 |
72,0 |
72,8 |
12,6 |
12,8 |
1,6 |
18 |
670 |
65 |
65 |
Indonésie |
7,5 |
46,8 |
261,3 |
46,4 |
3,2 |
54,8 |
94,2 |
- |
734 |
150 |
210 |
Corée, Rép. de |
54,7 |
64,9 |
228,2 |
197,4 |
103,7 |
112,9 |
8,1 |
11 |
563 |
800 |
887 |
Malaisie |
11,8 |
35,6 |
998,3 |
950,8 |
29,2 |
86,6 |
66,3 |
79 |
594 |
2 565 |
7 696 |
Myanmar |
8,6 |
103,1 |
91,9 |
90,8 |
10,5 |
141,3 |
92,6 |
4 |
631 |
40 |
550 |
Papouasie-Nouvelle-Guinée |
17,6 |
43,3 |
103,4 |
49,2 |
8,1 |
34,6 |
76,6 |
- |
607 |
75 |
100 |
Philippines |
9,3 |
34,7 |
114,0 |
32,9 |
8,3 |
29,9 |
72,2 |
- |
667 |
58 |
80 |
Europe et Asie centrale |
13,9 |
29,1 |
127,1 |
140,7 |
15,8 |
51,1 |
69,1 |
412 |
6 429 |
336 |
336 |
Albanie |
9,4 |
9,4 |
58,5 |
58,5 |
9,5 |
9,5 |
0,0 |
73 |
671 |
20 |
20 |
Arménie |
7,1 |
14,8 |
64,8 |
8,8 |
6,6 |
15,0 |
56,0 |
3 |
671 |
10 |
15 |
Bulgarie |
18,0 |
35,8 |
81,7 |
75,7 |
20,6 |
33,5 |
38,5 |
34 |
577 |
74 |
98 |
Croatie |
8,3 |
9,4 |
80,7 |
95,7 |
9,3 |
10,5 |
11,4 |
104 |
605 |
25 |
44 |
Estonie |
11,5 |
17,6 |
133,9 |
80,7 |
7,6 |
13,4 |
43,3 |
115 |
671 |
59 |
59 |
Kirghizistan |
8,4 |
12,4 |
51,2 |
38,7 |
8,6 |
11,7 |
26,5 |
8 |
657 |
18 |
25 |
Lettonie |
11,3 |
34,8 |
115 |
53,7 |
9,9 |
23,7 |
58,2 |
14 |
667 |
50 |
55 |
Lituanie |
9,1 |
15,4 |
153,8 |
92,2 |
9,0 |
13,1 |
31,3 |
55 |
666 |
87 |
100 |
Roumanie |
24,1 |
99,1 |
94,2 |
83,5 |
32,0 |
141,5 |
77,4 |
1 |
671 |
248 |
333 |
Thaïlande |
34,8 |
43,0 |
94,8 |
81,4 |
15,3 |
51,4 |
70,2 |
5 |
573 |
336 |
336 |
Amérique latine |
13,4 |
59,2 |
92,2 |
64,1 |
18,4 |
51,8 |
64,5 |
55 |
18 726 |
254 |
257 |
Argentine |
12,1 |
32,3 |
41,3 |
23,2 |
13,7 |
31,1 |
55,9 |
2 |
734 |
22 |
35 |
Belize |
16,7 |
101,0 |
99,4 |
3,9 |
12,9 |
100,8 |
87,2 |
- |
606 |
110 |
110 |
Bolivie |
10,0 |
40,0 |
8,0 |
1,0 |
9,9 |
40,0 |
75,3 |
- |
734 |
17 |
40 |
Brésil |
12,2 |
35,5 |
42,6 |
28,2 |
11,5 |
42,5 |
72,9 |
14 |
734 |
44 |
55 |
Chili |
7,9 |
25,7 |
3,8 |
7,8 |
8,0 |
26,3 |
69,6 |
- |
734 |
9 |
32 |
Colombie |
14,8 |
91,6 |
35,1 |
36,6 |
14,6 |
112,3 |
87,0 |
- |
734 |
20 |
227 |
Costa Rica |
11,8 |
42,1 |
120,3 |
56,1 |
10,8 |
33,5 |
67,8 |
- |
734 |
99 |
233 |
Cuba |
9,8 |
36,9 |
77,6 |
28,5 |
10,0 |
31,1 |
67,8 |
31 |
671 |
30 |
40 |
Dominique |
19,2 |
112,8 |
125,5 |
19,2 |
22,3 |
125,4 |
82,2 |
- |
649 |
140 |
150 |
République dominicaine |
15,7 |
40,0 |
61,1 |
0,0 |
12,5 |
40,0 |
68,8 |
- |
641 |
38 |
40 |
Équateur |
14,6 |
25,3 |
36,3 |
36,8 |
14,3 |
26,7 |
46,4 |
- |
551 |
20 |
72 |
El Salvador |
10,8 |
42,0 |
83,3 |
46,7 |
12,5 |
43,6 |
71,3 |
- |
734 |
40 |
164 |
Grenade |
16,0 |
101,2 |
90,0 |
33,2 |
15,0 |
82,7 |
81,9 |
5 |
602 |
40 |
200 |
Guatemala |
9,9 |
49,8 |
74,7 |
79,9 |
10,9 |
63,8 |
82,9 |
- |
733 |
33 |
257 |
Guyana |
17,6 |
100,0 |
96,6 |
0,0 |
18,0 |
100,0 |
82,0 |
- |
605 |
100 |
100 |
Honduras |
10,2 |
32,2 |
72,5 |
21,7 |
10,6 |
28,2 |
62,4 |
- |
734 |
55 |
60 |
Jamaïque |
15,5 |
100,0 |
109,0 |
0,0 |
16,4 |
100,0 |
83,6 |
- |
648 |
75 |
100 |
Mexique |
20,9 |
41,1 |
123,4 |
71,8 |
28,2 |
51,8 |
45,6 |
1 |
599 |
254 |
254 |
Nicaragua |
8,1 |
40,4 |
87,7 |
6,9 |
11,1 |
41,9 |
73,5 |
- |
606 |
53 |
60 |
Panama |
12,8 |
27,4 |
103,1 |
51,8 |
11,7 |
22,2 |
47,3 |
2 |
626 |
144 |
144 |
Paraguay |
11,6 |
35,0 |
39,7 |
0,0 |
16,2 |
35,0 |
53,7 |
- |
649 |
31 |
35 |
Pérou |
17,2 |
30,9 |
38,4 |
17,8 |
16,5 |
40,1 |
58,9 |
- |
577 |
30 |
68 |
Saint-Kitts-et-Nevis |
14,0 |
108,8 |
111,4 |
26,7 |
18,1 |
98,1 |
81,5 |
- |
602 |
130 |
250 |
Sainte-Lucie |
14,2 |
114,4 |
104,2 |
23,1 |
15,5 |
116,7 |
86,7 |
- |
605 |
45 |
250 |
Saint-Vincent |
15,4 |
114,8 |
93,5 |
23,0 |
15,9 |
115,0 |
86,2 |
- |
602 |
40 |
250 |
Suriname |
11,4 |
19,9 |
65,8 |
3,5 |
13,2 |
19,9 |
33,7 |
- |
343 |
20 |
20 |
Trinité-et-Tobago |
14,5 |
100,2 |
109,7 |
3,3 |
13,9 |
100,0 |
86,1 |
- |
604 |
70 |
156 |
Uruguay |
12,3 |
33,9 |
39,8 |
21,2 |
13,9 |
33,1 |
58,0 |
- |
671 |
30 |
55 |
Venezuela (République bolivarienne du) |
14,8 |
55,5 |
35,1 |
60,9 |
16,2 |
74,2 |
78,2 |
- |
664 |
20 |
135 |
Proche-Orient et Afrique du Nord |
31,0 |
61,0 |
124,1 |
297,4 |
22,4 |
50,0 |
55,2 |
6 |
4 039 |
600 |
3 000 |
Djibouti |
20,5 |
47,5 |
56,6 |
85,9 |
18,5 |
54,1 |
65,8 |
- |
647 |
40 |
450 |
Égypte |
21,8 |
96,0 |
122,5 |
448,3 |
6,3 |
23,6 |
73,3 |
- |
661 |
600 |
3 000 |
Jordanie |
20,1 |
23,9 |
123,9 |
129,3 |
13,8 |
18,4 |
25,0 |
6 |
667 |
180 |
200 |
Maroc |
41,0 |
54,6 |
100,2 |
91,6 |
27,0 |
81,9 |
67,0 |
- |
734 |
289 |
289 |
Oman |
11,0 |
28,3 |
208,2 |
161,5 |
39,9 |
66,1 |
39,6 |
- |
663 |
100 |
200 |
Tunisie |
70,0 |
115,9 |
75,6 |
35,0 |
46,9 |
75,2 |
37,6 |
- |
667 |
200 |
200 |
Asie du Sud |
23,0 |
100,9 |
60,1 |
66,5 |
22,3 |
132,4 |
83,2 |
10 |
3 129 |
150 |
300 |
Bangladesh |
23,5 |
187,8 |
57,4 |
22,7 |
14,3 |
160,2 |
91,1 |
635 |
38 |
200 | |
Inde |
35,3 |
114,8 |
52,7 |
47,3 |
28,4 |
147,2 |
80,7 |
10 |
621 |
150 |
300 |
Maldives |
18,4 |
48,5 |
40,8 |
139,4 |
16,9 |
66,4 |
74,5 |
- |
624 |
50 |
300 |
Pakistan |
18,4 |
100,1 |
44,6 |
10,1 |
12,6 |
109,0 |
88,4 |
- |
648 |
30 |
150 |
Sri Lanka |
19,2 |
50,0 |
53,1 |
0,0 |
16,2 |
50,0 |
67,6 |
- |
601 |
50 |
50 |
Afrique subsaharienne |
17,5 |
74,6 |
75,0 |
53,6 |
16,2 |
73,5 |
78 |
78 |
17 117 |
133 |
200 |
Angola |
9,4 |
52,8 |
87,2 |
17,8 |
13 |
49,3 |
73,6 |
- |
668 |
35 |
55 |
Bénin |
13,9 |
61,4 |
48,2 |
19,7 |
14,9 |
54,8 |
72,8 |
- |
671 |
20 |
100 |
Burkina Faso |
13,9 |
98,1 |
48,2 |
12,7 |
14 |
81,4 |
82,8 |
- |
671 |
20 |
100 |
Burundi |
31,6 |
95,4 |
42,7 |
20,4 |
29,3 |
84,4 |
65,3 |
15 |
623 |
40 |
100 |
Cameroun |
22,1 |
80,0 |
43,4 |
0,0 |
18,4 |
80,0 |
77,0 |
- |
631 |
30 |
80 |
République |
22,1 |
30,0 |
43 |
0,0 |
23,7 |
30,0 |
21,0 |
- |
667 |
30 |
30 |
Chad |
22,1 |
80,0 |
43,4 |
0,0 |
25,6 |
80,0 |
68,0 |
- |
631 |
30 |
80 |
Congo |
22,1 |
30,0 |
43,4 |
0,0 |
23,5 |
30,0 |
21,7 |
- |
631 |
30 |
30 |
Côte d'Ivoire |
10,9 |
14,9 |
41,3 |
34,9 |
9,7 |
14,7 |
34,0 |
1 |
671 |
20 |
64 |
Gabon |
22,1 |
60,0 |
43,0 |
0,0 |
22,2 |
60,0 |
63,0 |
- |
667 |
30 |
60 |
Guinée-Bissau |
13,8 |
40,0 |
48,6 |
0,0 |
17,4 |
40,0 |
56,5 |
- |
626 |
20 |
40 |
Kenya |
20,3 |
100,0 |
55,7 |
0,0 |
25,0 |
100,0 |
75,0 |
- |
625 |
100 |
100 |
Madagascar |
5,8 |
30,0 |
84,5 |
0,0 |
3,8 |
30,0 |
87,3 |
- |
671 |
20 |
30 |
Malawi |
15,1 |
121,5 |
60,9 |
13,3 |
14,1 |
118,6 |
88,1 |
- |
635 |
25 |
125 |
Mali |
13,9 |
59,2 |
48,2 |
11,8 |
13,5 |
54,2 |
75,1 |
- |
671 |
20 |
75 |
Mauritanie |
12,6 |
37,7 |
60,3 |
44,6 |
8,0 |
43,9 |
81,8 |
- |
671 |
20 |
75 |
Maurice |
18,6 |
119,3 |
124,2 |
11,8 |
12,7 |
96,9 |
86,9 |
- |
578 |
80 |
122 |
Mozambique |
17,2 |
100,0 |
66,3 |
0,0 |
13,0 |
100,0 |
87 |
- |
689 |
30 |
100 |
Niger |
13,9 |
83,4 |
48,2 |
75,9 |
13,3 |
68,5 |
80,6 |
- |
671 |
20 |
200 |
Nigéria |
39,0 |
150,0 |
58,5 |
0,0 |
29,1 |
150,0 |
80,6 |
- |
626 |
133 |
150 |
Rwanda |
12,2 |
74,2 |
73,0 |
25,1 |
10,7 |
64,9 |
83,5 |
17 |
626 |
25 |
80 |
Sénégal |
14,0 |
29,8 |
47,9 |
5,0 |
11,5 |
28,3 |
59,4 |
- |
671 |
20 |
30 |
Afrique du Sud |
10,3 |
35,5 |
118,4 |
85,9 |
8,9 |
38,7 |
77,0 |
45 |
252 |
55 |
160 |
Togo |
13,9 |
80,0 |
48,2 |
0,0 |
11,8 |
80,0 |
85,3 |
- |
635 |
20 |
80 |
Ouganda |
12,6 |
77,7 |
28,6 |
10,2 |
9,3 |
78,5 |
88,2 |
- |
698 |
15 |
80 |
Zambie |
20,6 |
123,2 |
75,2 |
9,5 |
17,5 |
117,0 |
85,0 |
- |
622 |
125 |
125 |
Zimbabwe |
28,9 |
145,6 |
70,6 |
15,9 |
21,0 |
141,1 |
85,1 |
- |
619 |
100 |
150 |
Pays à haut revenu |
14,4 |
57,8 |
499,4 |
238,6 |
61,8 |
79,6 |
22,4 |
61 |
6 267 |
3 788 |
8 334 |
Antigua-et-Barbuda |
14,6 |
105,1 |
91,1 |
17,0 |
20,3 |
107,2 |
81,1 |
- |
648 |
40 |
220 |
Bahreïn |
8,0 |
37,7 |
188,8 |
53,6 |
11,0 |
42,2 |
73,9 |
- |
624 |
125 |
200 |
Barbade |
25,6 |
111,0 |
127,7 |
22,3 |
33,0 |
108,8 |
69,7 |
- |
654 |
163 |
223 |
Brunéi |
14,9 |
54,5 |
1 249,0 |
748,3 |
33,7 |
96,7 |
65,1 |
- |
600 |
3 788 |
8 334 |
Chypre |
21,8 |
59,0 |
156,9 |
49,2 |
23,3 |
98,2 |
76,3 |
6 |
336 |
245 |
245 |
Kuweït |
1,7,0 |
100,0 |
517,6 |
0,0, |
5,1 |
100,0 |
94,9 |
- |
631 |
100 |
100 |
Malte |
2,7,0 |
33,8 |
148,1 |
55,0 |
2,3 |
29,9 |
92,3 |
16 |
231 |
16 |
88 |
Qatar |
4,9,0 |
26,3 |
159,2 |
163,9 |
6,6 |
26,5 |
75,1 |
- |
629 |
70 |
200 |
Singapour |
0,0 |
9,5 |
21,1 |
0,0 |
8,9 |
24 |
710 |
0 |
10 | ||
Slovénie |
11,3 |
23,5 |
102,7 |
56,2 |
14,0 |
22,0 |
36,4 |
4 |
641 |
45 |
45 |
Tous pays en |
16,3 |
61,7 |
189,9 |
136,7 |
24,4 |
60,0 |
59,3 |
723 |
59 610 |
3 788 |
8 334 |
Pays à revenu intermédiaire supérieur |
13,7 |
56,5 |
211,5 |
146,1 |
23,1 |
54,1 |
57,3 |
377 |
13 541 |
2 565 |
7 696 |
Pays à revenu intermédiaire inférieur |
18,0 |
51,4 |
122,4 |
176,6 |
14,4 |
41,8 |
65,6 |
230 |
19 043 |
600 |
3 000 |
Pays à faible revenu |
17,0 |
75,7 |
80,6 |
64,2 |
15,5 |
95,6 |
83,8 |
55 |
20 759 |
150 |
550 |
MONDE |
17,0 |
60,5 |
224,2 |
145,1 |
18,0 |
38,2 |
52,9 |
2 375 |
65 305 |
3 788 |
8 334 |
Source: Martin et Zhi, 2005.
Deuxièmement, il existe des variations remarquables à l'intérieur du groupe des pays industriels et du groupe des pays en développement (pays classés «en développement» par l'OMC). Dans certains pays industriels comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, les tarifs moyens appliqués sont inférieurs à 2 pour cent. À l'autre extrême, la Norvège affiche un tarif moyen de plus de 80 pour cent. À l'intérieur du groupe des pays en développement, la plupart des pays ont des taux moyens appliqués qui fluctuent entre 5 et 25 pour cent, bien que certains pays comme la Tunisie (70 pour cent), la République de Corée (55 pour cent), le Maroc (41 pour cent), le Nigéria (39 pour cent), l'Inde (35 pour cent) et la Thaïlande (35 pour cent) présentent des taux moyens nettement plus élevés.
Troisièmement, les taux moyens consolidés semblent beaucoup plus élevés que les taux appliqués, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Dans les pays industrialisés, le taux moyen consolidé est de 48 pour cent, soit presque deux fois aussi élevé que le taux moyen appliqué. Dans les pays en développement, le taux moyen consolidé est de 62 pour cent, soit plus de trois fois le taux appliqué de 16 pour cent. Les taux moyens consolidés sont beaucoup plus élevés dans le «groupe» des pays en développement, en partie parce que ces pays ont davantage utilisé les tarifs consolidés au moyen du mécanisme de consolidation à un niveau inférieur au taux plafond dans le cadre du Cycle d'Uruguay (Hathaway et Ingco, 1996). L'Asie du Sud présente des tarifs moyens consolidés qui culminent à plus de 100 pour cent, précédant l'Afrique subsaharienne, qui affiche des tarifs de 75 pour cent.
Les effets de distorsion commerciale d'un régime tarifaire sont influencés par le niveau moyen des tarifs et la dispersion des taux tarifaires autour de la moyenne. Le coefficient de variation (CV) mesure la dispersion ou la variabilité des tarifs par rapport à la moyenne. Une liste tarifaire qui applique le même taux tarifaire à tous les produits a un coefficient de variation de zéro. Certes, une liste tarifaire uniforme peut décourager le commerce, selon le niveau tarifaire appliqué, mais comme elle le fait de manière égale pour tous les produits, elle fausse moins les échanges qu'une liste tarifaire dont le degré de dispersion est élevé.
Les CV des pays industrialisés et des pays en développement diffèrent considérablement. La variation des tarifs est généralement beaucoup plus élevée dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. En effet, le CV des taux tarifaires appliqués dans les pays industrialisés est en moyenne de 336 pour cent, contre 190 dans les pays en développement. En ce qui concerne les taux consolidés, la différence est également remarquable, le CV enregistré dans les pays industrialisés, soit 246 pour cent, étant presque égal au double de la valeur correspondante (137 pour cent) observée dans les pays en développement.
Parmi les pays en développement, les pays à revenus élevés ont des CV nettement plus importants que les pays à faibles revenus. Dans ces derniers, le CV des tarifs appliqués est généralement inférieur à 100 pour cent. Dans les pays en développement, les tarifs consolidés sont beaucoup moins variables que les taux appliqués, certains pays africains ayant des contingentements tarifaires totalement uniformes, notables par leurs coefficients de variation de zéro.
Les tarifs moyens simples donnent une pondération égale à toutes les lignes tarifaires et peuvent donc être influencés exagérément par les tarifs appliqués à des produits sans importance. Pondérer les tarifs selon l'importance commerciale d'un produit peut donner une vision plus représentative de la ligne tarifaire d'un pays. Cependant, la pondération en fonction des échanges peut avoir des conséquences négatives si certains tarifs sont si élevés qu'ils éliminent toute forme de commerce. Il est tenu compte de cette réserve dans les cinquième et sixième colonnes du tableau 5, qui indiquent les tarifs appliqués et consolidés, pondérés en fonction des échanges commerciaux.
Les taux tarifaires moyens pondérés ne présentent pas le même cas de figure que les taux moyens simples. Le tarif moyen appliqué et pondéré est de 14 pour cent dans les pays industrialisés, soit un tarif nettement inférieur au taux simple de 24 pour cent. Cette différence est due en partie au fait que nombre des «pics tarifaires» observés dans les pays industrialisés sont si élevés qu'ils maintiennent les importations à de très faibles niveaux, ce qui leur donne un poids trop faible dans la moyenne et conduit à sous-estimer les mesures restrictives réelles qui s'appliquent au commerce. En ce qui concerne les pays en développement, le cas de figure est inverse: le taux moyen appliqué et pondéré, qui est de 24 pour cent, est supérieur au taux moyen simple de 16 pour cent. Les tarifs sont moins variables dans les pays en développement, et l'on observe beaucoup moins de ces tarifs exagérément élevés qui éliminent les importations de biens auxquelles ils s'appliquent. L'existence de ces tarifs exagérément élevés dans les pays industrialisés montre à quel point il est important de veiller à ce que les futures réductions tarifaires portent sur la réduction des tarifs les plus élevés.
Autre facteur important à prendre en compte, celui du décalage entre les tarifs consolidés et les tarifs appliqués (Francois, 2001b; Francois et Martin, 2004; Francois, van Meijl et van Tongeren, 2005). En effet, les négociations sur la réduction des tarifs concernant généralement davantage les tarifs consolidés que les tarifs appliqués, il en résulte un décalage important qui force à constater que même des réductions très importantes des taux consolidés peuvent aboutir à un niveau de libéralisation faible. La mesure de ce décalage s'exprime en utilisant des données tarifaires moyennes obtenues après pondération. Les résultats présentés dans le tableau 5 sont des pourcentages du taux consolidé initial. Ils donnent une indication de l'ampleur de la réduction des taux consolidés moyens qu'il faudrait obtenir pour que l'accès aux marchés puisse être notablement amélioré.
Ces données montrent à quel point le décalage entre les tarifs consolidés et les tarifs appliqués atteint des niveaux très élevés dans les pays industrialisés et les pays en développement. Dans les pays industrialisés, le décalage moyen pour l'agriculture est de 43 pour cent. Le décalage de 60 pour cent observé au Japon gonfle artificiellement ce chiffre. Si les débats sur ce décalage mettent fréquemment l'accent sur les pays en développement, ces résultats montrent clairement, au moins pour l'agriculture, que la question concerne également les pays industrialisés.
Néanmoins, les résultats confirment que l'importance du décalage entre les tarifs consolidés et les tarifs appliqués est plus grande dans les pays en développement que dans les pays industrialisés. La moyenne dans ces pays est de 59 pour cent. Tous les groupes de revenus ont un décalage supérieur à 50 pour cent, à l'exception du groupe des pays à revenus élevés, dont le décalage est de 22 pour cent. La région de l'Asie de l'Est est la seule région des pays en développement où le décalage est inférieur à 50 pour cent. Dans l'Asie du Sud-Est, il atteint le pourcentage extraordinaire de 83 pour cent.
Autre différence impressionnante entre les pays industrialisés et les pays en développement, celle pouvant être observée dans la part des lignes tarifaires consolidées à zéro. Dans les pays industrialisés, 29 pour cent de toutes les lignes tarifaires (identifiées par un code à six chiffres) sont consolidées à zéro, contre 1,2 pour cent dans les pays en développement. Parmi ces derniers, seules l'Asie centrale et l'Europe ont une part importante de leurs tarifs consolidée à zéro.
Les deux dernières colonnes du tableau 5 montrent les taux tarifaires consolidés et appliqués maximaux. Les données indiquent à quel point les pics tarifaires peuvent être élevés dans certains pays, même lorsque les tarifs analysés ont un code à six chiffres, ce qui est le cas dans ce tableau. Si certains de ces pics tarifaires s'appliquent à des produits sans importance, d'autres concernent des produits importants dont les importations font l'objet de restrictions sévères.
Les gouvernements ont longtemps pratiqué l'interventionnisme sur les marchés des produits agricoles et alimentaires, et bien que leurs objectifs et leurs outils institutionnels aient évolué, ils continuent néanmoins à considérer ce secteur comme un domaine essentiel du champ politique. Jusqu'à ce que le Cycle d'Uruguay intègre l'agriculture dans le système commercial multilatéral, il n'existait aucune règle adoptée au niveau international pour orienter la politique agricole. L'Accord sur l'agriculture signé dans le cadre du Cycle d'Uruguay a déclenché un processus de réforme de l'agriculture qui est loin d'être achevé.
3 Les informations contenues dans le présent chapitre sont tirées de FAO, 2005b.
4 Les informations contenues dans le présent chapitre sont tirées de FAO, 2005c.
5 L'UE (y compris Chypre, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie), les États-Unis, Israël, le Mexique, la Norvège, la Roumanie, la Suisse, la Turquie et la République bolivarienne du Venezuela. Les données notifiées présentent souvent un retard de quelques années; pour quelques-uns des pays cités, les données les plus récentes datent de 1998.
6 L'ancienne ECE New Zealand Dairy Board est à présent une coopérative agricole, rebaptisée Fonterra.
7 Cette série de données a été compilée par Martin et Zhi (2005), à partir de deux sources principales: la base de données TRAINS de la CNUCED et une série de données élaborée par le ministère de l'agriculture des États-Unis (Wainio, Gibson et Whitley, 2001; Wainio et Gibson 2004).