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Le programme forestier national au Sénégal: renforcement de la planification décentralisée et de la gestion des capacités

O. Diaw

Le programme forestier national du Sénégal met l’accent sur la création de capacités dans un cadre institutionnel décentralisé pour une mise en œuvre efficace de programmes visant à combattre la désertification, la déforestation, la dégradation des forêts et des sols et la perte de biodiversité, tout en soutenant les moyens de subsistance et la réduction de la pauvreté.

Omar Diaw est ingénieur des eaux et forêts et point focal national du programme forestier national, Direction des eaux, forêts, chasse et de la conservation des sols (DEFCCS), Dakar, Sénégal.

Le rôle du Gouvernement central du Sénégal a évolué à la suite des réformes radicales entreprises dans les années 90, qui ont introduit une nouvelle structure administrative décentralisée. De nombreuses responsabilités en matière de gestion forestière ayant été confiées aux institutions et aux communautés régionales et locales; un des rôles de base du Service forestier national est de stimuler les capacités décentralisées pour la planification et la gestion.
Le présent article décrit le processus de décentralisation mis en œuvre dans le secteur forestier, la répartition des compétences de gestion des ressources naturelles, et les réalisations et activités en cours du Programme forestier national – avec le soutien du Mécanisme pour les programmes forestiers nationaux – visant la gestion forestière durable pour l’ensemble du pays.

HISTORIQUE

Le Sénégal a un climat semi-aride. Bien que les précipitations varient considérablement d’une année à l’autre, elles ont accusé en général un recul depuis 30 ans environ. Les années de sécheresse ont contribué directement à la dégradation des ressources naturelles.

Mis à part le climat défavorable qui caractérise la majeure partie du pays, les activités humaines ont eu également un impact négatif sur les ressources forestières, en raison, par exemple, des feux de brousse fréquents qui dégradent un sol déjà appauvri par des pratiques d’exploitation impropres, le surpâturage lié surtout à la transhumance, l’élevage extensif, l’extraction incontrôlée de bois de feu et la coupe illégale dans les zones les plus densément boisées (provoquée souvent par la pauvreté) et les défrichements agricoles dans les forêts classées. Il en résulte une perte de diversité biologique, la dégradation des forêts et la baisse de production de bois et de produits non ligneux. Le couvert forestier a reculé d’environ 45 000 ha par an depuis 1990 (FAO, 2006).

Les forêts classées, les zones de reboisement et de restauration, les réserves naturelles intégrales, les réserves spéciales et les parcs nationaux, qui couvrent plus de 6 millions d’hectares et représentent 31,7 pour cent du pays, sont gérés par le Service forestier national (la Direction des eaux, forêts, chasse et de la conservation des sols) et la Direction des parcs nationaux, rattachés tous deux au Ministère de l’environnement et de la protection de la nature (MEPN), avec des structures décentralisées qui jouent un rôle important. Les forêts protégées non incluses dans la catégorie des forêts classées sont gérées par les collectivités locales.

ÉVOLUTION DES STRATÉGIES ET APPROCHES DE LA GESTION FORESTIÈRE

La politique de conservation des ressources forestières, lancée pendant l’époque coloniale et poursuivie après l’indépendance en 1960, concernait exclusivement les responsabilités du Service forestier national créé en 1935. Ce service réalisait des activités liées à la protection des forêts, aux mises en défens et aux opérations forestières entreprises dans les zones arides, ainsi qu’au reboisement et à l’enrichissement des forêts denses, tout en appliquant sévèrement un code forestier répressif qui limitait grandement, en général, l’utilisation par les populations des ressources forestières.

Le Plan directeur de développement forestier (PDDF) de 1981 et le Plan d’action forestier (PAF) de 1993, créés avec l’appui de la FAO, ont facilité l’introduction de changements qui auraient permis au Sénégal de relever les défis invoqués dans les conventions internationales adoptées à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED) de 1992 – y compris la déforestation, la dégradation des terres, le manque de bois de feu et d’énergie domestique et la perte de biodiversité.

Le cadre juridique relatif à la gestion forestière a été adapté grâce à l’adoption d’un nouveau Code forestier en 1995, comprenant la Loi forestière et son Décret d’application. Il visait à impulser une dynamique participative dans la gestion des ressources naturelles. Les nou­velles approches favorisant les activités de reboisement communautaires, villageoises et privées et insistant sur la formation de la population locale ont été fortement encouragées. En outre, les acteurs et institutions s’occupant des forêts sont désormais plus ouverts aux apports d’autres disciplines comme l’économie, l’agriculture, l’élevage et le pastoralisme, la sociologie et l’animation rurale.

Ces approches ont permis d’encourager la population locale à consacrer du temps et de l’énergie à la mise en valeur, la protection et la restauration des ressources forestières. D’autres incitations ont été fournies par les projets et programmes financés par la coopération bilatérale et multilatérale avec de nombreux pays. C’est ainsi que pendant plus de trois décennies de coopération avec le Sénégal, la FAO a contribué à la mise en œuvre d’au moins 25 projets forestiers couvrant des domaines comme la planification, la formation, la gestion forestière, la protection des forêts, la participation publique, la foresterie communautaire, la gestion de la faune et les inventaires forestiers.

Cependant, le plus grande transformation a été la décentralisation de l’administration forestière. En 1996, grâce à une longue tradition de paix, liberté, stabilité institutionnelle et démocratie, et à la recherche d’une bonne gouvernance et de transparence dans les affaires de l’État, le Gouvernement du Sénégal a entrepris une réforme institutionnelle approfondie en vue de faire des collectivités locales les principaux acteurs et les véritables centres de décisions. La nouvelle structure administrative transférait l’autorité à de nouveaux organismes publics régionaux et locaux, donnant des pouvoirs étendus à 11 régions, 110 communes, 43 communes d’arrondissement et 320 collectivités rurales. À ces organismes décentra­lisés ont été assignés neuf domaines de compétence: domaine, santé/population et action sociale, éducation, urba­nisme et habitat, jeunesse/sports/loisirs, aménagement du territoire, culture, planification, ressources naturelles et environnement. Cette réforme a changé de façon radicale le mode d’administrer et de gérer les forêts.


Zones écogéographiques du Sénégal

DÉCENTRALISATION ET GESTION FORESTIÈRE

La réforme de 1996 a entraîné un élargissement du code forestier de 1993 afin d’introduire des innovations majeures. Parmi les principales du nouveau code de 1998 figuraient:

Dans les limites de leurs circons­criptions administratives et/ou géographiques, les organes de délibération, notamment les conseils de région, des communes et des collectivités rurales, avec à leur tête un président du conseil élu au suffrage universel, ont reçu de nouvelles compétences qui s’ajoutent à celles déjà existantes depuis leur création (voir tableau).

Le transfert du pouvoir de gestion des ressources naturelles et de l’environnement, comme de tous les domaines de compétence énumérés ci-dessus, se fonde sur le principe général de la liberté et de la proximité (accordant la liberté de décision à des individus locaux élus ou des autorités décentra­lisées bien reliées à leur base) et sur les principes suivants:

Efficacité des pouvoirs décentralisés

Une évaluation de la décentralisation de la gestion des ressources naturelles et de l’environnement (Wade, 2004) a montré qu’un certain nombre de facteurs limitent la capacité des collectivités locales d’assumer leurs rôles de manière satisfaisante:

LE RÔLE DU SERVICE FORESTIER NATIONAL DANS LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS

Le dispositif institutionnel de décentralisation a prévu de renforcer les capacités des fonctionnaires élus et d’harmoniser les différents plans locaux de la région (le Programme régional de développement intégré, le Plan régional d’aménagement du territoire, le Programme d’investissement communal et le Plan local de développement). Les plans économiques nationaux appuient cette structure, acheminant les ressources par le biais d’agences régionales de développement créées dans chacune des 11 régions administratives du pays. Ces agences jouent un rôle vital dans la coordination et la mobilisation des institutions et ressources locales, et sont de solides exemples de décentralisation active.

Dans ce cadre, le Service forestier national a un rôle consultatif et de soutien  pour les collectivités locales, et met en particulier l’accent sur: 

La Politique forestière nationale du Sénégal approuvée récemment adapte le Plan d’action forestier précédant pour mieux viser la réduction de la pauvreté et la durabilité de l’environnement (villageois se dirigeant vers le marché local avec des plantes médicinales cueillies dans la forêt)
FAO/CFU000199/R. Faidutti

NOUVELLE POLITIQUE FORESTIÈRE NATIONALE

Il est fondamental que les actions entamées par les projets et programmes puissent être poursuivies par les populations bénéficiaires elles-mêmes. Malheureusement, cela n’est pas toujours le cas. C’est sur cette lancée que le Sénégal a décidé de réviser son Plan d’action forestier, qui permettait des investissements considérables dans le secteur forestier, afin de le rendre conforme au Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté, aux Objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies, aux accords de la CNUED et au nouveau cadre institutionnel décentralisé. La nouvelle politique forestière nationale associe les deux thèmes de la décentralisation et de la réduction de la pauvreté.

La politique a été élaborée par un processus du bas vers le haut auquel participaient tous les intéressés et les institutions s’occupant de la gestion des ressources naturelles. Elle comprend un diagnostic des problèmes, définit une vision à long terme, donne des principes pour les opérations, définit des stratégies et orientations et énumère les projets et programmes prioritaires.

Dans la révision du plan d’action forestier, le Service forestier national a reçu le soutien fondamental du Mécanisme pour les programmes forestiers natio­naux. Le Mécanisme a signé un protocole d’accord avec la Direction des eaux, forêts, chasse et de la conservation des sols en avril 2003 pour appuyer et consolider la politique forestière nationale du Sénégal. Initialement, ce partenariat a permis l’élaboration de cinq plans d’action forestiers régionaux, le financement d’ateliers nationaux de lancement et de validation de la nouvelle politique forestière et d’études sur la foresterie sénégalaise. Ces études incluaient, entre autres, une analyse des dépenses publiques du secteur forestier; l’impact du plan d’action forestier sur la faune; l’évaluation de la décentralisation et du transfert de compétences en matière de gestion des ressources naturelles; et la contribution des produits forestiers au Programme spécial pour la sécurité alimentaire, l’initiative vedette de la FAO visant à réduire de la moitié les personnes souffrant de la faim dans le monde d’ici à 2015.

Lors de la Phase II (2004-2007), le Mécanisme a proposé de faire jouer un rôle beaucoup plus déterminant aux organisations de la société civile dans le déroulement du programme forestier national. Pour plus de transparence dans la sélection des projets, un comité national représentatif des structures étatiques, des collectivités locales et des organisations non gouvernementales (ONG) ont choisi les meilleurs projets sur la base d’un appel de propositions. Les principaux thèmes des activités en cours sont les suivants:

Les activités comprenaient de nombreux ateliers de formation visant un grand nombre de parties prenantes, depuis les fonctionnaires locaux élus, aux chefs d’industrie et religieux, aux représentants des organisations communautaires et des ONG, aux décideurs et aux fonctionnaires du gouvernement.

Les études promues par le Mécanisme pour les programmes forestiers nationaux contiennent une analyse de la contribution des produits forestiers au Programme spécial pour la sécurité alimentaire de la FAO – qui réalise de petits projets d’apiculture, par exemple
FAO/22112/J. Koelen

NATIONAL DU SÉNÉGAL: RÉALISATIONS ET PERSPECTIVES

Au début, au titre du plan directeur de développement forestier, puis du plan d’action forestier et, récemment de la politique forestière nationale, grâce au soutien de la coopération internationale, le Sénégal a conçu et mis en œuvre des programmes et projets d’une grande portée pour combattre la désertification, freiner les tendances négatives à l’érosion de la biodiversité et à la dégradation des sols, et améliorer d’une manière générale les conditions de vie des populations.

Le Service forestier national, de concert avec les autres services du Minis­tère de l’environnement et de la protection de la nature, a entrepris environ 30 projets et programmes de gestion des ressources naturelles dans les six zones écogéographiques, en partenariat avec les populations et les collectivités locales, qui ont exercé un impact favorable sur l’environnement, les ressources naturelles, les populations et les institutions. Parmi les exemples de projets qui répondent aux attentes des partenaires du développement et aux besoins des populations locales, on peut citer les suivants:

En outre, grâce au soutien du Gouvernement des Pays-Bas, le Ministère de l’environnement et de la protection de la nature met à l’essai un nouvel outil de planification, le cadre des dépenses à moyen terme. Au titre de ce cadre, la planification est entreprise tous les trois ans et comprend un énoncé précis des objectifs; les résultats escomptés; la définition des programmes, projets et activités; l’identification des institutions ou organisations responsables des activités; le cadre temporel et les indicateurs de la performance pour évaluer les progrès. Cet outil, après sa mise à l’essai, l’évaluation de ses avantages et désavantages, et l’inclusion de toute amélioration nécessaire, devrait permettre de mieux orienter les ressources vers les activités essentielles.

CONCLUSIONS ET LEÇONS APPRISES

Le Programme forestier national du Sénégal se fonde sur un processus de planification bien conçu, l’appui des fonctionnaires publics, le financement et l’assistance de nombreux pays et organisations internationales comme la FAO, et la collaboration de tous les acteurs et parties prenantes, y compris les populations et les collectivités locales, les ONG, les industries forestières, les organisations spécialisées, les investisseurs forestiers privés et d’autres. Bien que le nombre total de projets et programmes ait accusé une baisse au fil du temps, l’État a mis fortement l’accent sur la protection de l’environnement et la conservation et la gestion des ressources naturelles.

Avec la réforme de décentralisation, le Gouvernement du Sénégal a pris des mesures décisives pour donner aux gouvernements locaux (collectivités rurales, maires, conseils régionaux) le pouvoir de résoudre d’eux-mêmes les problèmes concernant la conservation des ressources naturelles et la protection de l’environnement en leur délégant le pouvoir de prendre des décisions et d’entreprendre des actions. Le Programme forestier national du Sénégal créé des capacités pour leur permettre de jouer efficacement leur rôle, tout en liant la décentralisation à la réduction de la pauvreté et au développement socio­économique.

Bibliographie

FAO. 2006. Évaluation des ressources forestières mondiales 2005 – progrès vers la gestion forestière durable. Étude FAO: forêts 147. Rome.

Wade, W.
2004. Rapport de synthèse national. Communication PNUD/DDC sur le thème «Gouvernance décentralisée des ressources naturelles». Disponible sur Internet: drylandsnetwork.undp.org/extra/docs/SENEGAL%20GCF-GOVERNANCEL%20REPORT.doc

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