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I SECTEUR DES PÊCHES DANS LE CONTEXTE INTERNATIONAL ET NATIONAL

1. Place des pêches malgaches dans la production halieutique mondiale

Actuellement la production mondiale de poissons, crustacés, mollusques, etc., oscille autour de 100.000.000 de tonnes, dont 85% dans les eaux marines. Madagascar, avec une production de 104.000 tonnes, n'occupe qu'une place modeste.

II convient de noter que l'Océan Indien, tant dans la partie occidentale qu'orientale, est moins riche en produits halieutiques que l'Océan Atlantique ou Pacifique. II constitue 16,6% de la superficie des zones maritimes mais ne fournit que 5,5% de la production mondiale (sa production moyenne par km2 est de 92kg, alors que pour l'Océan Atlantique elle est de 264 kg et pour le Pacifique de 314 kg).(1) Par contre en ce qui concerne les crevettes, la part de l'Océan Indien dans la production mondiale est beaucoup plus significative : 16,7% des captures de crevettes de mer. La partie ouest de l'Océan Indien fournit 9,5%, soit 236.830 tonnes de crevettes. Cette partie de l'Océan Indien occupe la troisième position parmi les 18 principales zones des captures de crevettes dans le monde. Madagascar avec sa production de 9.000 tonnes environ de crevettes de mer par an, participe pour presque 4% dans la production crevettière de cette zone de l'Océan Indien et pour 0,4% dans les captures mondiales.

Les pays d'Afrique produisent 5,3 millions de tonnes de poissons (eaux maritimes et eaux douces), soit 5,4% de la production mondiale. La part de Madagascar dans la production halieutique africaine est de 1,5%. En ce qui concerne la valeur des produits halieutiques exportés par l'Afrique, la participation de Madagascar est de 2,2%, occupant ainsi la 8ème place parmi les pays exportateurs africains et la deuxième place parmi les 17 pays d'Afrique orientale après le Mozambique. Contrairement à Madagascar qui n'importe qu'une part infime des produits halieutiques, les pays d'Afrique dans l'ensemble importent en quantité deux fois plus de produits qu'ils n'en exportent. Cependant la valeur des produits exportés par ces pays (crustacés, mollusques et conserves) est supérieure à celle des produits importés (poissons frais et congelés qui n'ont qu'une valeur marchande relativement basse).

La disponibilité en produits halieutiques par habitant constitue un indicateur permettant de mesurer la part du secteur des pêches dans la consommation des protéines d'origine animale. Madagascar avec une consommation de 7,4 kg/an/personne se situait en dessous, non seulement du niveau mondial (13,6 kg) et des pays en développement en général (9,5 kg), mais aussi de l'Afrique (8,1 kg en moyenne)(2). Toutefois, cette consommation est plus élevé que celle des 17 pays de l'Afrique orientale (5,7 kg).

(1) Les dernières données disponibles sur la pêche mondiale sont celles de 1988. Statistiques des pêches, FAO annuaire, Rome 1990.

(2) Calcul effectué à la base des données statistiques des pêches, FAO annuaire, Rome 1990.

Carte 1 : Océan Indien et ses deux principales zones de pêche à des fins statistiques

Carte 1

Source: Statistiques des pêches 1988, FAO annuaire, Rome 1990.

2. Quelques données de base sur Madagascar

Madagascar, quatrième île du monde, a une superficie de 587.040 km2. Son extension en latitude, sa double façade maritime et son relief engendrent une grande variété de climats ; le pays est périodiquement affecté par des cyclones.

La population totale est estimée à 11,2 millions d'habitants (1990), avec un taux de croissance annuelle de l'ordre de 3%. La densité moyenne est de 19 hab/km2, mais des densités dépassant 100 hab/km2 se rencontrent sur les Hauts-Plateaux. La population dans les villes est de l'ordre de 2,45 millions d'habitants, soit 22% du total et croît à un taux de 5% l'an. L'espérance de vie à la naissance est de 55 ans.

En 1990, le Produit Intérieur Brut était de 3.641 milliards de FMG (2.437 millions de $ US)(1). Avec un PIB par tête de 218 $ US, Madagascar fait partie des pays les plus pauvres. Le taux d'investissement s'est situé pour la même période à 21% du PIB et l'inflation a baissé jusqu'à 12%. En ce qui concerne le commerce extérieur, la balance commerciale était négative en 1990 (exportation FOB 454,4 milliards de FMG, soit 304,1 millions de $ US, importation FOB 689,3 milliards de FMG, soit 461,4 millions de $ US et importation CAF 835,6 milliards de FMG, soit 559,2 millions ae $ US). La dette extérieure est de 2.262 millions de DTS (3.068 millions de $ US).

(1) Les données provisoires sur l'économie du pays proviennent du Ministère de l'Economie et du Plan, mai 1991.

En 1989 et 1990, pour la première fois depuis plusieurs années, la croissance économique (respectivement 4,0 et 3,5%), était supérieure à celle de la démographie.

Madagascar est un pays essentiellement agricole. Ce secteur, au sens large, est celui qui contribute le plus à l'économie nationale : plus de 40% du PIB, 80% des emplois et au moins 80% des recettes totales en devises.

3. Rôle du secteur des pêches dans l'économie nationale

3.1. Effectifs employés dans le secteur des pêches

Le recensement effectué en 1989–1990 indique la présence de plus de 62 mille pêcheurs professionnels (personnes considérant la pêche comme activité principale) dont :

42.600dans la pêche traditionnelle maritime,
17.800dans la pêche traditionnelle continentale,
1.300dans la pêche industrielle, et
450dans la pêche artisanale.

En dehors de ces pêcheurs, plus de 6.700 personnes travaillent pour des activités liées directement à la pêche (transformation, stockage et commercialisation des produits halieutiques - 4.700, construction des embarcations et engins de pêche - 1.500, administration - 500, etc.). Les 69 mille personnes travaillant pour la pêche constituent 1,2% de la population active malgache (de 15 à 64 ans). Si on considère que chaque pêcheur a en charge entre 6 et 10 personnes, on constate que la pêche fait vivre plus de 550 mille personnes, soit 5,2% de la population globale.

Outre les pêcheurs professionnels, des milliers de personnes pratiquent la pêche ou l'aquaculture de façon occasionnelle ou comme activité secondaire (par exemple les pisciculteurs et les pêcheurs saisonniers des lacs tarissables). II est très difficile d'estimer le nombre total de ces pêcheurs et pisciculteurs. D'après R. Aubray (1985), ils seraient au nombre de 81.000 dont 60.000 pour la pêche continentale et l'aquaculture.

3.2. Produit Intérieur Brut

En 1990, la pêche et l'aquaculture ont représenté 4,8% du PIB national et 12% du PIB du secteur primaire (agriculture, élevage, pêche, forêt). II semble important de souligner l'importance de la pêche traditionnelle dans la création du PIB du secteur des pêches (77%).

3.3. Contribution des produits des pêches dans l'alimentation de la population

En 1989, la disponibilité théorique par habitant en viande et en poisson avait atteint le niveau des 25,5 kg par an. Par conséquent, elle est actuellement presque égale aux 25 kg du seuil de carence en protéines animales fixé par la FAO. Sion suit l'évolution de cette disponibilité de 1960 à nos jours, on constate qu'elle est en baisse (30 kg en 1960), une baisse provoquée essentiellement par la stagnation du cheptel bovin et par l'augmentation rapide de la population qui a doublé ces 30 dernières années. Pour la même période, la disponibilité théorique en poisson par personne a augmenté de 51% : de 4,9 kg en 1960 à 7,4 kg en 1989. En conséquence la part du poisson dans la consommation de protéines d'origine animale a augmenté de 16,3% en 1960 à 29,4% en 1989. Par ailleurs, il faut constater que malgré le progrés considérable réalisé dans la production halieutique, celle-ci n'a pas permis d'obtenir le niveau de consommation prévu par la DPA pour la période 1987–1990 et qui était de 8 à 10 kg par habitant.

L'enquête réalisée par le projet MAG/85/014 en 1989/90 auprés de plus de deux mille ménages a permis de déterminer le taux des dépenses en poisson dans le revenu annuel des ménages dans les principales villes. Il en résulte que les taux des dépenses par ville sont assez proches (de 4% à 6%), sauf pour Mahajanga et Toliara, les chefs-lieux des faritany les plus producteurs de poisson, où il atteint le niveau de 8% environ. A titre de comparaison, les dépenses en viande dans le budget des ménages sont 3 à 4 fois plus élevées que celles en poisson.

3.4. Echange extérieur

Le commerce international des produits halieutiques est excédentaire pour Madagascar. L'exportation dépasse très largement l'importation qui ne constitue que 0,4% de la totalité des produits importés par Madagascar, tandis que l'apport des produits des pêches dans les exportations globales malgaches était de 13% en 1990. Les produits des pêches occupent désormais la 3ème position parmi les principaux produits exportés par Madagascar après la vanille et le café.

L'exportation des produits des pêches est basée essentiellement sur la vente de crevettes (85% de la valeur de produits halieutiques exportés en 1990). Cependant la part des autres produits a augmenté ces dernières années.

4. Facteurs déterminant le développement du secteur des pêches

Le début des années 80 (entre 1980 et 1984) s'est caractérisé pour Madagascar par une période de crise économique avec une baisse de production dans le secteur agricole (- 0,1% par an en moyenne). Face à cette crise, le Gouvernement malgache avec l'assistance de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International a adopté entre 1980 et 1984 plusieurs mesures macro-économiques. Ces mesures visant à stabiliser l'économie, se sont concentrées particulièrement sur le contrôle de l'inflation, du déficit public et du déficit du compte courant.

En 1983, le Gouvernement a commencé à libérer le commerce intérieur du riz (produit de base de la consommation). A partir de 1984 d'autres mesures avaient pour but d'accroître l'efficacité économique et de relancer la demande des produits destinés à l'exportation. Parmi les plus importants instruments utilisés à cette fin, on peut citer la libéralisation des échanges internes et externes, le désengagement progressif de l'état d'activités mieux assurées par le privé, la forte dévaluation de la monnaie malgache.

C'est seulement en 1988, que le Gouvernment malgache a procédé à une complète libéralisation de son commerce intérieur et extérieur (sauf la vanille), qui a donc permis d'éliminer les monopoles d'Etat sur les collectes et les exportations agricoles et laisser libre la négociation des prix entre les producteurs et acheteurs et entre les exportateurs et les importateurs. Quant à la dévaluation de la monnaie malgache, elle a été importante à partir de 1987.

Depuis 1984, le secteur agricole a enregistré une augmentation moyenne de 2,8% par an. Cette croissance est proche de la croissance démographique. Cependant, ce chiffre masque une disparité importante des résultats entre les différents sous secteurs. Cette croissance est expliquée, selon la Banque Mondiale (1990), en grande partie par le sous secteur des pêches (et dans une moindre mesure à celui de l'élevage) qui a enregistré une croissance moyenne 3 fois plus élevée que celui des cultures. Le sous secteur des cultures a atteint en moyenne une croissance de 1,5% au cours des cinq dernières années. Ce n'est qu'en 1989 que ce sous secteur a enregistré un taux de croissance positif par habitant (6,3%).

Le secteur des pêches a connu pendant les années 80 un développement important. Sa production a doublé entre 1980 et 1990, alors que pour les décennies antérieures, la croissance était moins rapide. On peut se demander si cette augmentation est directement liée à la nouvelle politique économique du pays et à quel degré. L'influence de cette politique n'a pas été ressentie de la même façon selon qu'il s'agit de la pêche orientée vers I'approvisionnement du marché interne ou la pêche orientée vers l'exportation.

La pêche orientée vers l'approvisionnement du marché local, c'est-à-dire la pêche traditionnelle aux poissons, s'est développée grâce à l'existence de ressources disponibles, grâce à une rentabilité permettant des bénéfices immédiats par opposition aux autres activités agricoles qui procurent des bénéfices à plus long terme, au faible coût d'investissement et à l'existence de débouchés pour les poissons.

La demande croissante de poisson tient à l'accroissement démographique, à la compétitivité avec le prix de la viande et à l'augmentation de la consommation de poisson liée à la baisse de la consommation de viande per capita. La libéralisation des prix intérieurs en 1988 n'a pas provoqué une hausse significative des prix au niveau des pêcheurs traditionnels aux poissons. Malgré le prix fixé autoritairement par le Gouvernement, le niveau de ce prix était en réalité toujours déterminé par la loi du marché, c'est-à-dire par l'offre et la demande. La dispersion des pêcheurs, la petite taille de la majorité des collecteurs et revendeurs agissant plutôt comme opérateurs du secteur informel et le manque du personnel de l'administration sur le terrain expliquent la non application des décisions administratives.

En revanche, la pêche orientée vers l'exportation (essentiellement la pêche industrielle crevettière) semble avoir été stimulée plus largement par la nouvelle politique économique. Après une phase difficile entre 1978 et 1983 durant laquelle les sociétés mixtes de la pêche industrielle se sont rapidement essoufflées, on note une reprise à partir de 1984, caractérisée par une extension de l'exploitation avec l'achat de nouveaux navires, la rénovation des équipements et installations. La libéralisation des échanges internes et externes, la politique du désengagement de l'état dans les activités de production ainsi qu'une dévaluation importante de la monnaie malgache ont contribué à cette reprise.

On ne peut pas expliquer le développement de la pêche industrielle, qui nécessite des lourds investissements, uniquement par des mesures économiques prises dans la nouvelle politique économique. D'autres facteurs ont également favorisé ce développement, notamment : la confirmation de l'existence d'un potentiel de crevettes dans le Sud-Ouest du pays, l'assurance de débouchés pour les produits grâce aux contrats avec les sociétés-mères, le faible niveau d'imposition et l'attribution à partir de 1986 en exclusivité de certaines zones de pêche aux sociétés industrielles crevettières. Tous ces facteurs constituent une garantie suffisante pour l'investissement de ces sociétés.

Par ailleurs, la libéralisation des échanges et la dévaluation importante de la monnaie malgache ont contribué aussi à l'augmentation de l'exportation d'autres produits halieutiques tels que les crevettes capturées par la pêche traditionnelle. La fin du monopole des sociétés étatiques de collecte de certains produits, la facilité des procédures d'enregistrement des collecteurs-revendeurs, des conditionneurs-stockeurs et des exportateurs ont favorisé la concurrence, l'augmentation des prix aux producteurs, l'élargissement des rayons de collecte et en conséquence l'augmentation des captures.


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