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MISE EN RESERVE, A DES FINS SCIENTIFIQUES, DES FORETS INDIGENES D'ETAT EN NOUVELLE-ZELANDE

par

Colin Bassett
Directeur de la recherche
Service forestier de la Nouvelle-Zélande
Wellington, Nouvelle-Zélande

INTRODUCTION

Au milieu du 19ème siècle, époque où s'installèrent en Nouvelle-Zélande le plus grand nombre d'Européens, les forêts couvraient quelque 14 millions d'hectares, soit 56 pour cent de la superficie totale. Assez rapidement, des millions d'hectares furent défrichés et brûlés pour faire place aux pâturages. Les forêts indigènes fournirent aussi le bois nécessaire à la consommation intérieure et à l'exportation. Dès le début du 20ème siècle, des plantations ont été établies, principalement avec des pins Monterey (Pinus radiata D. Don); leur production de bois a peu à peu substitué celle des forêts indigènes et représente actuellement 90 pour cent de la production nationale qui s'élève à 9,5 millions de m3 par an.

L'abattage destiné à faire place à l'agriculture et à alimenter les scieries a réduit la superficie de la forêt indigène à environ 6,2 millions d'ha, soit 32 pour cent de la superficie totale. C'est dans les plaines que la destruction de la forêt a été la plus marquée.

LES FORETS INDIGENES

La Nouvelle-Zélande ayant été longtemps isolée, possède une flore caractérisée par un endémisme très marqué. On peut grouper les forêts en quatre grandes classes:

  1. Kauri - Podocarpes - feuillus

    Le kauri (Agathis australis Salisb.) est un grand arbre magnifique que l'on trouve au nord du 380 de latitude Sud, associé avec le rimu (Dacrydium cupressinum Lamb.), le miro (Podocarpus ferrugineus G. Benn. ex D. Don), le totara (Podocarpus totara G. Benn ex D. Don), le tanekaha (Phyllocladus trichomanoides D. Don) et bien d'autres espèces.

  2. Podocarpes - feuillus

    Cette classe comprend des types de forêts très variés, depuis la forêt dense de podocarpes associée à quelques feuillus, jusqu'à la forêt composée de podocarpes clairsemés et d'une forte proportion de feuillus. Un certain nombre d'espèces de feuillus, comme le tawa (Beilschmiedia tawa (A. Cunn.) Benth. et Hook. f. ex Kirk), le pukatea (Laurelia novae-zelandiae A. Cunn.), le kohekohe (Dysoxylum spectabile (Forst. f. Hook) et le puriri (Vitex lucens Kirk) sont limités à un habitat plus septentrional.

  3. Podocarpes - feuillus - hêtres

    Cette catégorie comprend également des types de forêts très divers avec différentes associations de podocarpes, les quatre espèces et une sous-espèce de Nothofagus Blume et d'autres feuillus moins importants.

  4. Hêtres

    Là encore, on trouve des associations complexes de types de forêts depuis les peuplements purs d'une espèce jusqu'à différents mélanges d'espèces.

Il s'agit là d'une classification très simplifiée: les types de forêts et la composition des types sont très complexes.

POLITIQUE DE MISE EN RESERVE DES FORETS

En Nouvelle-Zélande, les dix parcs nationaux et les réserves forestières privées comprennent plus de 1,5 million d'ha de forêts indigènes. Mais les parcs nationaux sont surtout situés dans des régions montagneuses et ne renferment pas tous les types de forêts. Aussi, pour conserver une gamme complète représentative des associations de forêts, faut-il créer des réserves dans les forêts indigènes d'Etat qui ne trouvent en dehors des parcs nationaux.

Le Service forestier néo-zélandais a pour principe fondamental de conserver les écosystèmes afin de créer un réseau de réserves scientifiques dans les forêts d'Etat (Thomson et Nicholls, 1973). La politique d'aménagement des forêts d'Etat indigènes approuvée par le gouvernement est basée sur cette philosophie (Anon. 1977).

Le Service forestier a donc créé un groupe de travail multidisciplinaire chargé de recommander les zones à mettre en réserve. Ses neuf membres sont des scientifiques du Service des forêts, du Département de la recherche scientifique et industrielle, du Ministère de l'agriculture et des pêches, du Ministère des travaux et du développement, du Service de la faune sauvage, du Département des affaires intérieures et de la Royal Society de Nouvelle-Zélande. Ce sont des spécialistes des forêts, de la botanique, des sols, de l'hydrologie, des poissons indigènes d'eau douce et de la vie des oiseaux. En outre, le groupe fait souvent appel à d'autres spécialistes.

Le groupe de travail, créé en 1974, avait à l'origine pour mission de donner des conseils sur les aspects scientifiques des propositions faites pour l'utilisation et l'aménagement des forêts de hêtres de l'île du Sud, et notamment pour leur mise en réserve à des fins scientifiques. Par la suite, ses fonctions ont été étendues et il est maintenant chargé de donner des avis sur les propositions de mise en réserve pour toutes les forêts indigènes d'Etat.

BUTS DE LA MISE EN RESERVE

Les forêts indigènes sont mises en réserve à des fins scientifiques, notamment pour les raisons suivantes:

  1. Pour conserver des échantillons de la flore et de la faune indigènes.

    Ayant été isolée pendant plus de 80 millions d'années, la Nouvelle-Zélande possède une flore et une faune uniques. Elle a donc tout particulièrement le devoir de se conformer à la pratique internationale et de conserver des échantillons représentatifs dans leur état naturel.

  2. Pour servir à l'étude des processus écologiques naturels.

    La forêt vierge préserve la diversité des espèces animales et végétales et leurs races géographiques, reflète différents stades du développement écologiques et permet de mesurer l'évolution continue des processus écologiques. C'est pourquoi les autorités scientifiques, nationales et internationales, se doivent de conserver des zones représentatives.

  3. Comme bases de référence permettant d'évaluer les changements.

    Il est essentiel à long terme de pouvoir évaluer et comprendre les changements entraînés par l'occupation et l'utilisation des terres par l'homme afin de pouvoir déceler et corriger les tendances indésirables. Il faut donc conserver intactes, comme témoins, des zones caractéristiques d'une région pour permettre de faire la comparaison avec celles qui ont été perturbées.

  4. Pour maintenir la diversité génétique.

    Il est souhaitable, sur le plan scientifique, de conserver la diversité génétique des espèces. Dans l'ignorance où nous sommes de l'importance de cette diversité, c'est en assurant la continuité de l'existence des espèces dans leur aire naturelle de répartition que l'on pourrait peut-être y parvenir.

CHOIX DES ZONES A METTRE EN RESERVE

  1. Districts écologiques

    La Nouvelle-Zélande est un pays montagneux, fortement disséqué en de nombreux endroits, avec un passé géologique différent selon les régions et des contrastes climatiques marqués. Cette diversité permet de délimiter des “districts écologiques”: il s'agit de zones dont la définition, un peu subjective, est basée principalement sur des éléments communs - type de végétation, climat local, géomorphologie et sols.

    Ces paramètres décrivent chaque zone plus qu'ils ne la définissent avec précision, mais le principe permet néanmoins de délimiter des unités écologiques présentant dans l'ensemble une certaine uniformité.

  2. Zones représentatives

    Une fois définis les districts écologiques, il s'agit de choisir une zone représentative dans chacun d'eux. La variation de la composition des forêts dans le temps et dans l'espace reflète généralement les variations d'autres caractéristiques écologiques; aussi une zone comportant un éventail représentatif de types de forêts a-t-elle beaucoup de chances d'être en même temps représentative de nombreuses autres variables écologiques. La composition de la forêt variant souvent en fonction de l'altitude, une grande partie des zones choisies s'étage de la forêt de plaine à la cime des montagnes. D'autres différences de l'environnement peuvent également avoir une influence.

  3. Zones spéciales

    Il arrive parfois que des caractéristiques spéciales ne puissent être incluses dans les zones représentatives, auquel cas on propose de créer de petites réserves supplémentaires.

LIGNES DIRECTRICES POUR LE CHOIX DES RESERVES

Pour faciliter le choix des zones à mettre en réserve, le Groupe de travail a établi les critères relatifs à la forme, à la dimension et aux autres caractéristiques de la réserve idéale. Cette dernière devrait:

  1. Représenter la gamme complète (aussi bien pour la forêt vierge que pour la forêt altérée) des reliefs, des séries de sols et de végétation, et des populations animales de la région. (Toutefois, par la suite, le Groupe a reconnu qu'il n'était pas possible d'y inclure toute la gamme de caractéristiques de la forêt modifiée. Les réserves qu'il a recommandé de choisir comprennent certes des zones de forêts altérées, mais pas toute la gamme).

  2. Avoir une étendue minimum de 1 000 ha; pour la même superficie totale, une seule grande réserve est préférable à deux petites. C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de préserver au maximum la diversité des populations d'oiseaux. Les petites réserves sont justifiées quand il faut conserver des caractéristiques exceptionnelles ou des fonctions spéciales, bien qu'elles puissent poser des problèmes particuliers de protection.

  3. Comprendre au moins un bassin complet et vierge d'un cours d'eau permanent.

  4. Etre d'un seul tenant, avec un périmètre minimum par rapport à la superficie.

  5. Dans la mesure du possible, être clairement délimitée par des frontières naturelles.

  6. Etre dépourvue de routes, du moins dans le bassin principal.

Le groupe a recommandé que les réserves soient appelées “Zones écologiques”.

PROPOSITIONS DE MISE EN RESERVE

Les propositions relatives à la mise en réserve de forêts sont habituellement présentées par le Conservateur chargé de l'administration des forêts d'Etat de la région et sont généralement fondées sur les conseils des écologistes forestiers de l'Institut de recherche forestière. D'autres organisations telles que la Division de botanique du DSIR peuvent également formuler des suggestions.

Le Groupe de travail examine les propositions dans le contexte de l'écologie forestière de la région et sur la base d'autres connaissances scientifiques, et procède si possible à une inspection sur le terrain. Il vérifie alors si les périmètres proposés sont suffisamment conformes aux critères établis, s'ils sont représentatifs de tout ce qui doit être conservé en raison de son intérêt scientifique s'ils doivent être modifiés pour compléter leur représentativité et s'ils ne font pas double emploi avec des réserves déjà créées.

Le Groupe peut recommander qu'une zone soit acceptée telle quelle, agrandie ou diminuée, ou encore remplacée par une autre, ou bien qu'elle ne soit pas acceptée. En pratique, il recommande le plus souvent d'accepter la zone telle qu'elle a été proposée ou de l'agrandir pour renforcer son intérêt scientifique.

AMENAGEMENT ET UTILISATION DES ZONES ECOLOGIQUES

Le Service forestier néo-zélandais estime que les réserves choisies comme zones écologiques doivent être aménagées et qu'il faut y encourager la recherche pour développer pleinement leurs possibilités. L'accès du public est souvent compatible avec le maintien de ces valeurs scientifiques et dans ce cas, devrait être permis. Pour faciliter une utilisation multiple de ces zones qui soit compatible avec le maintien des valeurs scientifiques, le comité a établi des lignes directrices pour l'utilisation et l'aménagement des zones écologiques.

Des cartes et des descriptions de l'intérêt scientifique de chaque périmètre mis en réserve seront publiées pour permettre aux scientifiques de savoir où ils pourront étudier telle ou telle question qui les intéresse.

Conformément à la politique relative aux forêts indigènes, il est également prévu qu'un groupe scientifique multidisciplinaire donnera des avis et coordonnera les études scientifiques entreprises dans les zones écologiques.

PROGRES REALISES JUSQU'ICI

Le Groupe de travail se réunit trois fois par an, pendant une semaine, dans les régions où l'on a l'intention de créer des réserves et pour lesquelles les propositions ont été préparées pour examen. Ces dernières sont généralement exposées au Groupe par les écologistes qui les ont formulées.

Des propositions de mise en réserve ont été étudiées dans six régions forestières différentes, de superficie variée, et 55 zones - soit au total plus de 152 000 ha - ont été recommandées comme zones écologiques. Leur superficie varie de 120 ha pour les petites réserves spéciales à 15 500 ha pour les zones représentatives les plus étendues.

Dans la région étudiée la plus vaste - la partie septentrionale de la côte occidentale de l'Ile du Sud - une analyse des propositions pour une partie de la région montre que pour les sept grandes catégories de forêts qui s'y trouvent, les superficies recommandées représentaient de 8 à 20 pour cent de la superficie totale de cette catégorie de forêts à l'époque de l'Inventaire national forestier de 1955. On estime qu'une analyse effectuée sur cette base donne une meilleure idée de la proportion de forêts mises en réserve que ne le ferait un calcul basé sur l'étendue - extrêmement réduite - des forêts actuelles.

On estime que la création d'un réseau national de zones écologiques dans les forêts indigènes d'Etat devrait être pratiquement terminée dans trois ou quatre ans.

REFERENCES

Anon. 1977 Management policy for New Zealand's indigenous State forests. NZ Government Printer, 15 pp.

Thomson, A.P. and Nicholls, J.I., 1973 Scientific reserves in New Zealand indigenous forests. NZ Journal of Forestry, 18(1): 17–22.


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