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8. METHODES DE LUTTE

L'emploi d'insecticides chimiques contre les parasites des arbres est coûteux en argent et en main d'oeuvre, même dans des pays où l'agriculture et la forêt sont compétitives et économiquement viables. L'application de ces mêmes techniques dans les zones arides et semi-arides où la faible densité de la végétation obligerait à déplacer l'équipement sur de vastes étendues serait antiéconomique.

Le succès durable de tout reboisement en zone aride est conditionné par une sélection attentive des essences utilisées, elle-même basée sur une connaissance approfondie de l'écologie de la région. Lorsque les arbres atteindront l'âge de fructifier, et à condition que les semences ne soient pas attaquées par des parasites et que tous les autres facteurs soient favorables, la régénération se produira.

Les seules circonstances dans lesquels on puisse envisager l'emploi d'insecticides chimiques sont celles d'une parcelle de recherche où les arbres font l'objet d'une observation suivie en vue de déterminer, entre autres, leur production spécifique de semences. Sur une petite surface de plantation intensive, par ailleurs, on peut utiliser un pulvérisateur monté sur véhicule. Pour des traitements à plus grande échelle le coût devient prohibitif. Ces deux cas d'application seront traités plus loin.

On pourra dans certains cas, une fois qu'on aura évalué les capacités des ennemis naturels des parasites mentionnés plus bas et rassemblé les données concernant la biologie des espèces, élaborer pour des zones définies des programmes mettant en jeu des techniques intégrées de lutte chimique et biologique. C'est certainement à quoi l'on doit tendre si l'on veut préserver les équilibres naturels.

La situation actuelle en ce qui concerne certains Acacia en Afrique est telle, comme l'on souligné Lamprey et al. (1974), que toute nouvelle intervention irréfléchie dans des écosystèmes qui ont déjà considérablement souffert ne pourrait qu'aggraver encore la situation. Bien que cela soit sans doute le seul cas enregistré où des insectes interviennent comme agents responsables de dégâts écologiques en zone aride, il est tout aussi probable que d'autres régions présentent des exemples similaires, devant être traités de la même manière.

Lutte chimique

Comme on l'a indiqué dans l'introduction de cette section, on ne devrait recourir aux insecticides chimiques qu'après une étude approfondie de l'écologie de l'insecte.

Les principales zones où l'on a tenté de lutter contre les insectes parasites des arbres sont les forêts de conifères des régions tempérées. Dans de tels cas, non seulement les arbres sont en peuplement dense, mais encore les insectes à détruire sont relativement exposés du fait qu'ils s'attaquent au feuillage. Avec les contraintes imposées par les conditions dans lesquelles le présent projet se déroulera, la situation devient quelque peu complexe. Il y a tout d'abord les conditions écologiques difficiles dans lesquelles l'insecticide devra être utilisé, qui éprouveront au maximum ses effets résiduels. En second lieu, la production de graines viables à partir de semenciers sélectionnés suscite des problèmes particuliers. La majorité des insectes considérés sont, pendant la plus grande partie de leur vie, cachés à l'intérieur des graines, et toute méthodes de lutte doit par conséquent être dirigée contre la phase exposée, c'est-à-dire les insectes adultes. Ceux-ci ont une période d'activité limitée, et la détermination du moment d'intervention est donc d'une importance décisive.

Equipement pour traitements chimiques

Etant donné que ce mode de lutte n'a encore jamais été expérimenté dans ces conditions, on n'a pas d'information de base sur laquelle s'appuyer. Il est possible d'extrapoler à partir des types d'équipements utilisés pour la lutte contre les insectes vecteurs de maladies humaines ou animales dans les régions tropicales, et à cet égard l'appareil décrit et illustré dans la publication de l'Organisation mondiale de la santé intitulée “Equipment for Vector Control” sera d'une aide précieuse.

On trouvera ci-dessous des directives concernant les mesures de lutte à entreprendre en rapport avec le présent projet.

Les traitements avec des insecticides rémanents peuvent concerner:

  1. des branches individuelles;
  2. des petits arbres individuels;
  3. des grands arbres individuels;
  4. des plantations spécialement destinées à la production de semences.

L'équipement nécessaire comprendra:

  1. des petits pulvérisateurs actionnés par levier, de 7 à 9 litres de capacité;

  2. des pulvérisateurs à pression manuelle de 10 à 20 litres de capacité;

  3. des atomiseurs dorsaux à moteur pouvant pénétrer à 6–9 mètres à l'intérieur de la cime des arbres;

  4. des atomiseurs montés sur véhicules pouvant couvrir intégralement de grandes surfaces. Il en existe deux types, l'un muni de jets centrifuges constitués de disques ou de coupelles rotatifs, l'autre étant un générateur d'aérosol thermique. Les premiers sont mûs par un moteur électrique ou à combustion interne, et les goutte-lettes produites par les jets de ce type sont dispersées par un courant d'air venant d'un ventilateur ou d'une soufflerie. Dans le second type le produit chimique, dissous dans une huile ayant un point d'inflammation suffisamment élevé, est vaporisé par injection dans un courant de gaz chaud à grande vitesse. Le produit de traitement sortant sour la forme d'un brouillard dense, se disperse parmi les branches de l'arbre. Ce traitement a une action non sélective, et ne devrait être employé que quand les autres méthodes échouent. Les graves perturbations écologiques qui en résultent mettent très longtemps à s'effacer.

Formulation chimique

De même que pour les techniques d'application, il faut accorder beaucoup d'attention au choix de l'insecticide employé et de son support. dans les rares expérimentations réalisées en matière de lutte contre les bruchidés parasites des légumineuses à graines cultivées, l'Endosulphan et le Tetrachlorvinphos ont donné des résultats encourageants, mais étant donné qu'ils n'ont pas été utilisés dans les conditions du présent projet, ou contre les espèces de coléoptères considérées, il faut souligner la nécessité impérative de procéder à des essais dans les conditions de laboratoire et de terrain en vue de déterminer la formulation la plus appropriée. Le choix final dépendra des résultats de ces essais.

La mise au point de produits à action sélective, agissant spécifiquement sur certains groupes d'insectes et ne perturbant pas l'action des parasitoïdes ou l'emploi des pièges à phérormones, pourrait être l'objectif ultime. Ces méthodes raffinées ne peuvent être employées qu'après une étude biologique de base complète.

Ennemis naturels des bruchidés
Utilisation possible pour la lutte biologique

De nouvelles études sur la biologie des insectes associés aux légumineuses arborescentes révèleront le rôle joué par les parasitoïdes et prédateurs. On a déjà montré que les parasitoïdes exerçaient une influence sur les populations de coléoptères s'attaquant aux graines de plantes cultivées. Une manipulation de leur cycle biologique pourrait permettre de les élever massivement pour les relâcher en vue de lutter contre les coléoptères des semences.

Les parasitoïdes qui s'attaquent aux bruchidés sont pour la quasitotalité des hyménoptères. Ils s'attaquent aux oeufs, aux larves et aux nymphes.

Parasitoïdes des oeufs

Les oeufs des bruchidés, en raison de leur position à l'extérieur de la gousse, sont aisément repérés par leurs parasitoïdes. Parmi les hyménoptères, le genre Uscana de la famille des Trichogrammatidae comprend plusieurs espèces associées aux bruchidés. Dans la littérature elles ont été groupées en une espèce unique, U. semifumipennis, mais une étude récente de Steffan (1981) suggère qu'il s'agit d'un complexe d'espèces, dont l'une attaque un Bruchus sp., deux sont associées à Callosobruchus et une au genre Bruchidius, chacune de ces espèces étant spécifique d'un hôte donné. On ne peut donc se baser sur les informations que l'on trouve dans la littérature sur les parasitoïdes des oeufs et qui emploient le nom d'U. semifumipennis.

Très peu d'observations montrant l'effet des parasitoïdes des oeufs sur les populations de bruchidés ont été publiées. Bridwell (1918), dans une de ses premières études, donnait des chiffres de mortalité très élevés pour la bruche de l'arachide (Caryedon serratus (01.) = C. gonagra (F.)), espèce importée à Hawaï. Il considérait que la mortalité dans cet exemple, était due presque entièrement aux parasitoïdes des oeufs du genre Uscana. C'est pourquoi une étude détaillée de la biologie de ce groupe pourrait faire penser à entreprendre l'élevage en masse de ces insectes en vue de la lutte biologique, ce qui pourrait être particulièrement indiqué si ces parasitoïdes s'avéraient être spécifiques vis-à-vis de l'hôte.

Parasitoïdes des larves et des nymphes

Les hyménoptères associés aux stades larvaire et nymphal des bruchidés qui attaquent Acacia et arbres voisins ne provoquent pas de réduction appréciables de leurs populations. En moyenne, une gousse donnera un bruchidé pas graine, avec sortie de deux parasitoïdes seulement pour vingt bruchidés adultes. Les raisons de cette faible incidence du parasitisme ne sont pas clairement connues; elle pourrait être due à la difficulté que rencontre l'hyménoptère pour localiser ou atteindre la larve qui est, de même que la graine, protégée par une gousse.

Les parasitoïdes du genre Bruchobius sont les principales espèces associées à Bruchidius sur Acacia. Les publications de Steffan (1981) et de Luca (1965) présentent quelques observations sur ces associations, mais on ne dispose à cet égard d'aucune donnée biologique utile.

Parasitoïdes des adultes

On ne constate aucun parasitisme des bruchidés adultes par des hyménoptères, ce qui est sans doute dû à la courte durée de vie de ces insectes.

Prédateurs

Les insectes parasites des gousses et des graines de légumineuses sont remarquablement exempts de prédateurs, à une exception près. Une certaine proportion des bruchidés présents dans des échantillons de graines de légumineuses récoltées dans des zones tropicales no parviennent pas à accomplir tout leur cycle, ce qui est dû en partie à la présence d'acariens du genre Pymotes. Ces acariens, longs de 0,2 mm à leur complet développement, se nourrissent des larves, des nymphes et des adultes de bruchidés. Leurs effets sur des échantillons de laboratoire permettent de penser que dans les conditions de terrain il pourrait en résulter une forte diminution des populations de coléoptères. Aucune étude, toutefois, n'a été entreprise sur leur action comme facteur limitant, bien que Moser (1975) indique qu'une espèce du complexe P. ventricosus pourrait être un agent de limitation vis-à-vis de certains scolytes. Il déclare également que ce genre de travaux a été entravé par le défaut d'identification des espèces en cause. Il présente une illustration montrant un bruchidé adulte avec plusieurs femelles d'acariens fixées sur la face dorsale de l'abdomen. Dans une autre étude Cross et Moser (1975) présentent une révision de la taxonomie des Pymotes, et démontrent l'existence de plusieurs espèces différentes alors que les chercheurs antérieurs avaient tendance à les ranger toutes dans la même espèce P. ventricosus Newport. Le Pymotes qui s'attaque aux bruchidés est très probablement l'espèce P. boylei.

Cycle biologique

Bien qu'on ne dispose pas de données scientifiques sur ces acariens, il semble que leur cycle biologique soit dans l'ensemble d'un type classique. Les oeufs se forment dans le corps gonflé de la femelle, et y demeurent jusqu'à ce qu'il recoivent le stimulus nécessaire pour éclore, peut-être le contact avec une larve de bruchidé en développement. Après plusieurs mues ils atteignent leur maturité, et les femelles se fixent sur des bruchidés adultes qui ont survécu aux attaques sur les stades larvaire et nymphal.

Les femelles migrent vers la face dorsale de l'abdomen du coléoptère et s'installent sous les ailes et les élytres. Elles se nourrissent de l'insecte et se gonflent, leur abdomen se dilatant jusqu'à atteindre plusieurs fois sa taille initiale. Les oeufs se développent dans l'abdomen ainsi gonflé, et l'acarien adulte finit par mourir. Les acariens morts se détachent et tombent vraisemblablement lorsque les coléoptères volent vers un nouvel emplacement de ponte. Les acariens sont parfois si nombreux sous les élytres qu'ils empêchent ceux-ci, ainsi que les ailes, de se tenir dans leur position de repos normale.


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