R.J. Haines
Russell J. Haines travaille au Centre de recherche forestière Département des forêts du Queensland, à Gympie (Australie). La bourse de recherche André Mayer de la FAO lui a été attribuée en 1992.
Aperçu de l'état actuel des recherches sur les applications de la biotechnologie à l'amélioration des essences forestières et recommandations concernant la priorité à accorder aux divers objectifs de la recherche dans ce secteur, fondés sur un travail plus étoffé qui doit paraître sous peu dans la collection Etudes FAO forêts.
Nuds et méristèmes axillaires cultivés d'Araucaria cunninghamii, conifère de plantation précieux
Pousse axillaire à racines d'Araucaria cunninghamii
De toutes les branches de la recherche scientifique, la biotechnologie végétale est celle où les progrès sont aujourd'hui les plus rapides. La biotechnologie désigne toute technique qui utilise des organismes vivants pour fabriquer ou modifier un produit, pour améliorer les plantes et les animaux ou pour mettre au point des micro-organismes à des fins spécifiques. L'imagination du public a été frappée par certaines découvertes qui ont fait l'objet d'un grand battage publicitaire, comme la tomate qui peut être congelée et le manioc et d'autres cultures que le génie génétique a rendus résistants aux insectes et aux virus et qui sont maintenant commercialisés ou sur le point de l'être.
La biotechnologie végétale présente peut-être plus d'intérêt encore pour la foresterie que pour l'agriculture, puisqu'elle permet, dans certains cas, de brûler les étapes du processus d'amélioration des essences. Or, les défis de la production ou du rendement, que ce soit de bois ou d'autres produits, que doivent résoudre les forestiers ne sont pas moins urgents que ceux des agriculteurs.
La recherche sur l'amélioration des essences forestières peut être divisée en deux catégories: recherche d'appui, c'est-à-dire collecte de données sur la biologie de la reproduction et la génétique nécessaires à une sélection efficace; et recherche stratégique, qui consiste à mettre au point de meilleures méthodes de sélection. Selon l'avis de certains (Sedgley et Griffin, 1989), de nombreux projets relevant de la recherche stratégique sur la biotechnologie ont été lancés, aux dépens d'autres activités concernant l'amélioration des essences forestières qu'il serait urgent d'entreprendre. Evidemment, il est nécessaire d'établir des priorités parmi les objectifs de la recherche et de ne faire appel aux biotechnologies que si l'on connaît déjà de manière approfondie les espèces sur lesquelles on expérimente. Néanmoins, si l'on dispose des informations biologiques et des connaissances de base indispensables et à condition que des programmes appropriés d'amélioration des espèces concernées soient en place, la biotechnologie peut s'avérer un instrument extrêmement utile. La présente analyse vise à définir des priorités en matière de recherche biotechnologique en vue de l'amélioration des essences forestières.
L'objectif général d'un programme d'amélioration génétique devrait être la gestion durable de la variation génétique afin de produire, identifier et multiplier, en vue de leur plantation opérationnelle, des génotypes bien adaptés de la qualité désirée. Un tel programme comprend normalement:
· l'établissement de populations initiales, y compris des essais d'espèces et de provenances, et le développement de populations destinées à la reproduction et à la conservation des gènes;· l'amélioration des populations, ce qui implique fréquemment plusieurs cycles de sélection et de recombinaison;
· la sélection et la multiplication de lignées à des fins opérationnelles.
En principe, les activités susmentionnées s'appliquent aux espèces tant industrielles (c'est-à-dire à des espèces dont la biologie est bien connue et qui sont plantées à grande échelle) que non industrielles, bien que les détails pratiques puissent différer selon les espèces. L'état actuel de la recherche en matière d'amélioration génétique des arbres et des travaux associés a été revu récemment (FAO, sous presse, 1993; Kanowski, 1993). Des gains génétiques importants s'obtiennent grâce à des programmes de sélection concernant des espèces industrielles traditionnelles et ces activités devront être développées. Les principaux obstacles à une amélioration rapide de la plupart des espèces industrielles courantes sont:
· les longs intervalles entre les générations, liés au manque de corrélation entre les caractéristiques de la période juvénile et celles de la phase adulte (autrement dit, les traits des jeunes arbres ne sont pas nécessairement des indicateurs précis de ceux de l'individu adulte) et la longue phase d'immaturité par rapport à la floraison;· le peu d'efficacité de la sélection pour beaucoup de caractères, dû au fait que ces caractères ont des héritabilités faibles ou sont difficiles à évaluer;
· l'exploitation d'une partie seulement de la variation génétique disponible lorsqu'on utilise des vergers à pollinisation libre.
Cultures de tissus dans un cabinet d'incubation
Les priorités en matière de recherche sur les espèces industrielles courantes devraient être l'élaboration de méthodes de propagation soit de familles issues d'un seul couple connu mâle-femelle, soit de clones, l'élaboration de méthodes de sélection précoces et plus précises et la promotion de la floraison précoce. Afin d'utiliser un éventail plus large de stations, et pour mettre sur le marché des produits dérivés jusqu'à présent de l'exploitation de forêts naturelles, une proportion importante des nouvelles zones de plantations sera probablement plantée d'espèces tropicales qui ne sont pas encore très largement utilisées. Certaines seront sans doute très faciles à améliorer, tandis que d'autres poseront des problèmes (problèmes de floraison et de semences et sensibilité aux insectes et aux maladies). La distribution et les utilisations potentielles de nombreuses espèces sont encore mal connues et des réservoirs génétiques sont probablement menacés. La mise en uvre de programmes d'amélioration sera donc une priorité importante pour ces espèces. Les essais d'espèces potentiellement utiles, la caractérisation des systèmes de reproduction, la récolte de provenances, l'organisation d'essais sur des stations différentes, la mise en uvre de mesures de conservation et le démarrage d'autres activités de sélection posent d'importants défis.
Plusieurs taxons non industriels sont extrêmement variables et se caractérisent par une floraison précoce et prolifique conditions favorables à une amélioration rapide par les moyens traditionnels. Toutefois, les caractéristiques biologiques d'un grand nombre d'espèces non industrielles potentiellement intéressantes demeurent pratiquement inconnues. Certains réservoirs génétiques sont menacés. Bien qu'un travail de sélection ait été entrepris dans le cadre de quelques programmes, la plupart des espèces non industrielles en sont encore au stade des essais d'espèces. Si l'amélioration génétique des espèces non industrielles ne diffère guère de celle des arbres industriels et souffre, par exemple, de limitations analogues, des difficultés particulières sont dues aux facteurs ci-après:
· la nécessité de créer des plantations sur des stations très diverses, dont beaucoup sont marginales ou posent des problèmes particuliers;· la multiplicité des critères de sélection (qualité du bois de feu ou du mulch);
· la variabilité des critères de sélection d'un cultivateur à l'autre;
· la faible valeur des produits forestiers dans certains systèmes;
· la difficulté de transposer les résultats de la sélection à l'échelle opérationnelle, par exemple lorsque les planteurs préfèrent toute évidence ne pas prendre de risques économiques et cultiver leur propre matériel de reproduction.
Pousse rajeunie d un vieux séquoia
Le travail qu'exige même la sélection des espèces les plus prometteuses est considérable et, pour les raisons expliquées ci-dessus, des améliorations allant au-delà des essais d'espèces et de provenances peuvent être difficiles à justifier pour beaucoup d'arbres non industriels. En ce qui concerne l'amélioration de ces espèces, la priorité sera accordée selon toute probabilité aux études taxonomiques des variations, aux essais d'espèces et de provenances, à l'évaluation des caractéristiques de reproduction et aux activités de conservation.
Comme signalé par Kanowski (1993), les investissements financiers ou humains dans l'amélioration des arbres ne sont pas à la hauteur des besoins. Ceci est particulièrement vrai des pays en développement, où les financements provenant de programmes nationaux, régionaux, bilatéraux et internationaux ne sont pas suffisants pour mener correctement les activités indispensables décrites ci-dessus. Dans la plupart des régions, les problèmes sont aggravés par une insuffisance de la formation et l'absence d'installations adéquates. Pour les espèces non industrielles en particulier, ce sont ces facteurs - limitation des ressources et variabilité des besoins des utilisateurs plutôt que les contraintes biologiques qui constituent l'obstacle majeur à une amélioration rapide.
L'auteur fait le bilan des progrès accomplis en matière de biotechnologie et des applications de celle-ci à l'amélioration des arbres dans un ouvrage qui est sur le point d'être publié (FAO, sous presse). Les paragraphes ci-après passent brièvement en revue les biotechnologies les plus utilisées.
Cryopréservation et stockage in vitro
Ces techniques permettent de conserver des cellules, tissus ou organes dans des cultures où la croissance est ralentie (par exemple, en réduisant la lumière, la température ou les nutriments), ou suspendue (par immersion dans l'azote liquide). Ces méthodes présentent de nombreuses difficultés techniques, notamment en ce qui concerne la régénération ultérieure des plantes conservées dans ces cultures, mais les résultats récents sont plutôt encourageants. On a déjà réussi à régénérer, à partir de tissus préservés par le froid, plus de 70 espèces végétales, dont le cocotier, l'hévea, le cacaoyer et le caféier et plusieurs essences forestières. Ces résultats permettent d'espérer que les technologies en question pourront être appliquées à l'amélioration génétique des arbres.
Conservation des gènes. Bien qu'elles soient de plus en plus utilisées pour le stockage du matériel génétique menacé d'espèces agricoles (Engelmann, 1991), les techniques de stockage in vitro et de cryopréservation présentent peu d'intérêt pour le stockage du matériel génétique des essences forestières. Le capital génétique de la plupart des espèces industrielles courantes est relativement bien préservé dans des peuplements in situ et ex situ et dans des banques de semences. Il ne fait pas de doute que le matériel génétique de nombreuses espèces d'arbres est menacé, notamment parmi les feuillus tropicaux et les essences non industrielles. La répartition de ces essences, de même que leurs caractéristiques biologiques, sont mal connues. Le principal obstacle à la conservation du matériel génétique des essences forestières est l'insuffisance des ressources disponibles pour les travaux de prospection et de récolte qui seraient nécessaires avant que l'on puisse procéder à La conservation du matériel génétique; un autre obstacle est le manque de fiabilité de nombre d'installations de stockage de semences existantes. Même pour les essences récalcitrantes (c'est-à-dire difficiles à conserver), il vaudrait mieux accorder la priorité à la création de plantations ex situ, ce qui faciliterait l'évaluation du matériel, devenue urgente. A plus long terme, la cryopréservation et le stockage in vitro pourraient avoir leur utilité en tant que stratégie de conservation de secours, mais seulement pour les populations d'essences récalcitrantes déjà bien étudiées.
Maintien de l'état juvénile. La suspension des processus de croissance implique également la conservation de l'état de maturation précédemment atteint dans les tissus - sans aucune des incertitudes associées à des stratégies de substitution comme le recépage répété ou la multiplication en série. La cryopréservation mérite par conséquent davantage d'attention comme moyen de maintenir la juvénilité pendant le testage clonal simultané de façon à retenir les gains génétiques offerts par la foresterie clonale appliquée aux essences industrielles. Cette technologie est donc applicable essentiellement aux cas où les programmes d'amélioration sont bien établis, où la foresterie clonale est un objectif réaliste et où le rajeunissement est difficile en particulier pour les conifères.
Utilisation de marqueurs moléculaires
Les «marqueurs moléculaires» permettent d'examiner, à l'aide de techniques biochimiques très perfectionnées, les variations de molécules cellulaires comme l'ADN et les protéines. Contrairement aux caractéristiques qui sont traditionnellement mesurées comme la vigueur, la qualité de la tige et divers aspects morphologiques, les marqueurs moléculaires offrent l'avantage de n'être affectés ni par l'environnement ni par le stade de développement de la plante et d'être très nombreux. Ces caractéristiques permettent d'envisager un certain nombre d'applications potentielles à l'amélioration génétique des arbres.
Techniques de l'empreinte génétique. Leurs caractéristiques inhérentes rendent les marqueurs moléculaires beaucoup plus utiles que les traits morphologiques pour établir l'identité d'un arbre donné ou pour déterminer ses relations génétiques avec d'autres arbres. Par exemple, grâce aux marqueurs moléculaires, on a pu différencier 39 cultivars de pêcher (Ballard et al., 1992). Les marqueurs ont des applications immédiates importantes dans la recherche d'appui aux programmes de sélection avancés d'essences industrielles essentiellement pour le contrôle de la qualité, comme la vérification de l'identification clonale, l'étude de la contamination et des modes de reproduction en verger, grâce à la technique de l'«empreinte génétique». Les marqueurs jouent aussi un rôle important dans la recherche d'appui sur les feuillus tropicaux et les essences non industrielles, en particulier, dans les études taxonomiques indispensables et les recherches sur les systèmes de reproduction.
Quantification de la variation génétique. Les marqueurs moléculaires sont potentiellement plus utiles à cette fin que des traits comme la vigueur et la forme de la tige, pour lesquels les variations induites par l'environnement sont fréquemment source de confusion (autrement dit, on ne sait pas toujours avec certitude si les traits sont d'origine génétique ou dus à des facteurs extérieurs). Les marqueurs ont été utilisés pour comparer les variations au sein d'une même population ou d'une population à l'autre de plusieurs essences (Muller-Starck, Baradat et Bergmann, 1992). La quantification de la variation génétique visant à faciliter la conception de stratégies d'échantillonnage en vue de l'établissement de populations d'amélioration de nouvelles essences industrielles et non industrielles à des fins de conservation et de sélection génétiques est donc une application potentiellement utile des marqueurs moléculaires. Ceux-ci risquent, toutefois, d'entraîner des sous-estimations de la variation génétique par rapport à des traits (vigueur et qualité de la tige, par exemple) plus sensibles aux pressions de l'évolution et doivent, par conséquent, être utilisés avec prudence.
Sélection faisant appel aux marqueurs. Il s'agit d'une sélection indirecte sur la base de marqueurs dont il est prouvé qu'ils sont associés à des gènes importants sur le plan commercial. Comme ils ne sont liés ni à l'environnement, ni au stade de développement, ils permettent une sélection extrêmement efficace et précoce (sélection pour la qualité du bois au stade du jeune semis, par exemple) dont rêvent depuis toujours les sélectionneurs d'essences forestières. Cette méthode offre des perspectives très intéressantes, mais pose aussi des problèmes qui interdisent son application à court et à moyen termes (Strauss, Lande et Namkoong, 1992). Tout d'abord, l'analyse par marqueur est actuellement trop coûteuse pour que l'on puisse l'appliquer à d'importantes populations de semis. Deuxièmement, les associations entre les marqueurs et les traits économiquement importants doivent être déterminées séparément pour chaque famille. Ainsi, même lorsque des marqueurs bon marché sont disponibles, la sélection faisant appel aux marqueurs ne pourra être appliquée que dans le cadre de programmes de sélection de pointe - ceux pour lesquels la création et la conservation des structures de pedigree appropriées ne posent pas de problèmes financiers et pour lesquels la foresterie clonale est une option réaliste. Pour la plupart des essences, il vaudrait beaucoup mieux affecter les ressources dont on dispose actuellement à l'amélioration des programmes de sélection, de façon qu'ils atteignent le stade de perfectionnement décrit ci-dessus, plutôt qu'à l'amélioration de la sélection à l'aide des marqueurs.
A l'heure actuelle, le principal intérêt des marqueurs moléculaires réside dans les possibilités qu'ils offrent pour la recherche stratégique à long terme des études sur les marqueurs permettent actuellement de faire des progrès importants dans la compréhension des mécanismes génétiques de base et de l'organisation des génomes au niveau moléculaire. En ce qui concerne les essences forestières, l'étude des traits quantitatifs sera au cur des travaux à venir. Pour plus d'efficacité, il faudra les concentrer sur quelques essences modèles, comme Pinus taeda.
Génie génétique
Par génie génétique on entend l'insertion de gènes nouveaux dans une plante, ou la modification des gènes existants, grâce à la manipulation de la molécule d'ADN. Des plantes cultivées auxquelles des gènes de résistance aux insectes et aux virus et de résistance à divers types d'herbicides ont été ajoutés, sont déjà commercialisées ou sur le point de l'être; parmi les arbres dans lesquels de tels gènes ont été insérés figurent les peupliers. Nombre de projets de ce type concernent les arbres forestiers (pour la réduction de la biosynthèse de la lignine, par exemple), mais de nombreuses difficultés techniques restent à résoudre. L'insertion de gènes de résistance aux insectes ou aux herbicides actuellement disponibles dans une nouvelle essence constituerait une entreprise majeure au niveau de la recherche et ne serait utile que si l'on était capable de régénérer l'essence à partir des cellules transformées. La manipulation de traits plus complexes serait une entreprise encore plus considérable, les chercheurs ayant encore dans ce domaine beaucoup de problèmes à résoudre. On a tendance, par exemple, à oublier, qu'il faudrait procéder à de multiples essais avant de pouvoir formuler une recommandation autorisée concernant le déploiement à grande échelle des plants transgéniques. Des projets de recherche de ce type sont nécessairement intensifs et doivent être considérés comme une entreprise à long terme, au succès aléatoire.
La résistance aux insectes présente un intérêt potentiel, pour les peupliers et certains feuillus tropicaux notamment. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les travaux qu'impliquera l'introduction de plusieurs gènes de résistance différents, nécessaires pour garantir que les insectes acquerront pas eux-mêmes une tolérance pendant la révolution. La réduction de la biosynthèse de la lignine est un objectif très valable pour les essences papetières. L'introduction de gènes de tolérance aux herbicides présente un certain intérêt mais, dans de nombreux programmes, le fait de pouvoir utiliser les herbicides sans précaution particulière ne suffira pas à justifier le coût d'un programme de recherche. Les gènes de tolérance au froid présentent sans doute un intérêt du point de vue commercial pour de nombreuses essences, notamment l'eucalyptus. Il reste néanmoins beaucoup à faire pour s'assurer que les protéines «antigel» confèrent un degré suffisant de tolérance et pour étendre les recherches aux essences forestières.
La prévention de la dispersion des gènes dans les populations sauvages devrait devenir une préoccupation majeure et la stérilité devrait être l'une des premières cibles du travail de génie génétique sur les essences forestières. Le principal facteur limitant l'application du génie génétique aux essences forestières est l'état actuel des connaissances en matière de contrôle moléculaire des traits les plus intéressants, à savoir ceux concernant la croissance, l'adaptation et la qualité des tiges et du bois. Le contrôle de ces traits par le génie génétique demeure une perspective lointaine.
Il est important que les génotypes obtenus par génie génétique soient de haute qualité à l'égard de tous les autres traits également. Le test clonal est le point de départ le plus logique pour l'intégration du génie génétique dans les programmes d'amélioration des essences traditionnelles. Pour toutes ces raisons, le génie génétique présente plus d'intérêt pour les essences pour lesquelles il existe des programmes de sélection avancés et pour lesquels la foresterie clonale est une option réaliste. Il n'est pas nécessaire d'attribuer une priorité élevée à la recherche sur ce sujet pour les espèces pour lesquelles la variation naturelle disponible au sein du taxon est encore mal connue.
Micropropagation
Il s'agit des méthodes de multiplication végétative in vitro. Les principales sont le bourgeonnement axillaire (qui est en fait une miniaturisation de la multiplication par boutures); l'induction de bourgeons adventices sur tissu non méristématique (l'induction d'une pousse là où elle ne se produirait pas normalement) et l'embryogenèse somatique (où des cellules individuelles ou de petits groupes de cellules cultivées subissent des transformations analogues à celles de l'embryon zygotique). Par rapport aux autres méthodes de multiplication végétative, l'intérêt de la micropropagation réside dans la possibilité qu'elle offre de multiplier du matériel clonal d'élite très rapidement. Les techniques de micropropagation ont été appliquées à plus de 1000 espèces végétales, dont plus de 100 essences forestières (Bajaj, 1991; Thorpe, Harry et Kumar, 1991).Il n'y a pas de raison qu'elles ne puissent être appliquées avec succès, à titre expérimental, à la plupart des espèces d'arbres.
Pour la majorité des essences utilisées dans les plantations industrielles, le coût du matériel de reproduction et le manque de données sur les résultats obtenus sur le terrain demeurent les principaux obstacles à une utilisation généralisée des micropropagules comme matériel de plantation direct (Haines, 1992). La micropropagation a une application immédiate dans un système de propagation clonale intégré caractérisé par la plantation commerciale de boutures prélevées sur les plantes mères rapidement multipliées par micropropagation des clones sélectionnés. Cette approche ne présente d'intérêt que dans les programmes de sélection extrêmement avancés incluant l'identification de clones de grande valeur - il n'existe aujourd'hui que peu de programmes de ce niveau. L'intégration appropriée dans les programmes de sélection est essentielle. Lorsque le testage clonal à une échelle relativement importante est possible et ne pose pas de problème financier, le fait qu'il existe actuellement des techniques applicables essentiellement au matériel juvénile n'est pas nécessairement un obstacle à l'obtention de gains intéressants grâce à la foresterie clonale. Cette conclusion, toutefois, repose sur l'hypothèse que l'on peut stocker du matériel juvénile pour toute la période d'un test clonal. La variation génétique, souvent importante, qui s'ensuit a peu de chances de représenter un problème majeur lorsque le testage clonal peut être précédé d'une sélection de génotypes réactifs, bien qu'il importe de démontrer l'absence de corrélations négatives avec les traits économiques. Les programmes de sélection portant sur les nouvelles essences industrielles et non industrielles ne sont pas suffisamment avancés pour justifier l'utilisation généralisée de la micropropagation à court terme.
La micropropagation sera sans doute de plus en plus utilisée pour multiplier les pieds mères d'espèces industrielles à mesure que les programmes de sélection seront plus perfectionnés et que d'autres obstacles à la foresterie clonale (problèmes de maturation, par exemple) seront surmontés. Pour quelques essences non industrielles, la micropropagation pourra même jouer un rôle dans la multiplication de variétés sélectionnées avant leur distribution.
L'élaboration de techniques de micropropagation simple pour les espèces pour lesquelles il n'en existe pas encore est donc un objectif de recherche utile, quoique secondaire par rapport à d'autres objectifs comme le perfectionnement du programme de sélection.
Les travaux effectués sur certaines espèces cultivées laissent entrevoir la possibilité d'inclure dans une capsule des embryons somatiques pour former des semences artificielles qui pourront ensuite être traitées comme des semences traditionnelles. Les progrès accomplis dans ce domaine après des recherches considérables permettront sans doute de surmonter l'obstacle du coût du matériel de plantation dont il a été question ci-dessus et d'utiliser directement ces propagules pour créer des plantations forestières. Pour les essences industrielles, l'élaboration de ces technologies est donc un objectif de recherche à long terme utile, qu'il conviendra toutefois de limiter à une ou deux essences types comme Picea abies et Pinus taeda.
Contrôle in vitro de l'état de maturation
On a signalé plusieurs cas de régression de bourgeons matures cultivés à un état plus juvénile en réaction aux techniques et conditions de culture. Des espoirs ont donc été placés dans le rajeunissement in vitro pour résoudre les problèmes liés au manque de vigueur et aux difficultés d'enracinement des boutures cueillies sur des arbres parvenus à un âge approprié pour de nombreuses essences de plantations forestières. Le principal défaut de cette méthode est qu'il existe encore peu d'exemples de cas de rajeunissement complet, permanent et fiable. En fait, certaines études prouvent qu'il s'agit d'une réaction temporaire aux conditions de culture. Les recherches empiriques en ce sens qui continueront d'être menées ont peu de chances d'être couronnées de succès. Une bonne compréhension de la base moléculaire de la maturation (Hutchison et Greenwood, 1991) aurait plus de chances de conduire à une manipulation pratique, mais ces recherches en sont encore au stade des balbutiements et l'inversion, ou l'accélération, contrôlée de manière à atteindre des objectifs précis, du processus de maturation demeure une perspective lointaine.
Pour la foresterie clonale appliquée aux essences industrielles, le maintien de la juvénilité est pratiquement aussi utile que le rajeunissement à plusieurs égards (Haines, 1992) et sans doute possible, grâce à des technologies comme la cryopréservation ou le régime du taillis. Néan moins, un contrôle plus fondamental de l'état de maturation demeure l'un des principaux objectifs de la recherche stratégique à long terme concernant l'amélioration génétique des essences forestières industrielles. Le rajeunissement est surtout recommandé dans les cas où il existe déjà de bons programmes de sélection et où la foresterie clonale ne connaît pas d'autres limitations.
Recherche d'appui
De l'analyse qui précède, il découle que les applications de la biotechnologie à la recherche d'appui dans le domaine de la foresterie sont à court terme les suivantes:
· utilisation de marqueurs moléculaires pour le contrôle de la qualité dans des programmes de sélection avancés portant sur des essences industrielles connues. Par exemple, pour la vérification de l'identité clonale, l'étude de la contamination et des modes de reproduction en verger, grâce à la technique de l'empreinte génétique;· utilisation de marqueurs dans des études taxonomiques essentielles et dans les recherches sur les systèmes de reproduction;
· utilisation de marqueurs pour la quantification de la variation génétique afin de faciliter la conception de stratégies d'échantillonnage en vue de l'établissement de populations de «nouvelles» essences industrielles et non industrielles à des fins de conservation génétique et de sélection.
Recherche stratégique
Les priorités de la recherche stratégique concernant l'application de la biotechnologie à l'amélioration des arbres peuvent être regroupées en trois grandes catégories:
Recherche générique à long terme. Celle-ci devrait être menée de préférence en collaboration et sur un petit nombre d'espèces modèles afin d'éviter la dispersion des ressources et des efforts. Un rang de priorité élevé doit être accordé:
· à l'utilisation du génie génétique pour l'obtention de la stérilité; ces travaux ouvriront la voie à nombre d'applications ultérieures du génie génétique;· à l'utilisation des marqueurs moléculaires et des techniques de transformation de l'ADN pour étudier les processus génétiques au niveau moléculaire, en particulier ceux qui sont liés à des caractères complexes comme la croissance, l'adaptation et la qualité de la tige et du bois. Ces travaux sont particulièrement pertinents pour les espèces industrielles, mais prépareront la voie à des applications aux arbres non industriels;
· aux études moléculaires de l'état de maturation, pour les espèces de plantations industrielles.
Une priorité moindre sera accordée au développement de l'embryogenèse somatique, en combinaison avec la technologie des semences artificielles, comme méthode peu coûteuse de propagation clonale.
Recherche spécifique à long terme. La priorité sera accordée aux deux domaines ci-après:
· génie génétique des caractères utiles, y compris la réduction de la lignine chez les espèces papetières; la tolérance au froid, notamment chez les eucalyptus; et la résistance aux insectes, par exemple chez les peupliers et éventuellement les Meliaceae (lorsqu'il existe des programmes de sélection appropriée). La transformation à l'aide de gènes appropriés (introduction de plusieurs gènes dans le cas de la résistance aux insectes) peut être réalisée à court ou à moyen terme (disons, dans un délai de cinq à 10 ans), mais doit être suivie d'une dizaine d'années d'essais sur le terrain avant que l'on puisse recommander un déploiement commercial responsable;· la sélection à l'aide de marqueurs pour les espèces où la sélection est déjà bien avancée et où la création et l'entretien des structures de population appropriées sont possibles, y compris financièrement. Il faut compter une dizaine d'années avant que cette technique ne soit applicable à une échelle opérationnelle.
Recherche à court et à moyen termes. Les domaines méritant attention comprennent:
· l'examen des corrélations génétiques entre la faculté régénérative et les caractéristiques importantes commercialement (priorité élevée);· l'élaboration de méthodes de cryopréservation comme moyen de maintenir la juvénilité pour les programmes de sélection avancés portant sur les essences industrielles (priorité élevée);
· le développement de la cryopréservation comme mesure de soutien de la conservation des gènes d'espèces éprouvées pour lesquelles il existe des programmes de sélection et dont les semences s'avèrent récalcitrantes (priorité modérée);
· l'élaboration de techniques de micropropagation simples pour les espèces pour lesquelles il n'en existe pas encore (priorité faible à modérée).
La biotechnologie moderne doit être perçue comme un nouvel ensemble d'instruments ou de moyens à utiliser en complément des technologies traditionnelles pour résoudre les problèmes et satisfaire les besoins de l'humanité. Il est particulièrement important qu'un équilibre s'instaure entre la recherche biotechnologique de pointe et la recherche traditionnelle et que les nouvelles biotechnologies soient mises au point et appliquées en fonction des besoins et non pas de la capacité technologique. L'utilisation des biotechnologies modernes doit être encouragée pour résoudre de manière plus efficace les problèmes qui sont déjà à l'ordre du jour, dans le respect des priorités de chaque pays. Ainsi, le financement de travaux de la recherche biotechnologique ne peut pas et ne doit pas se faire aux dépens de l'élaboration de programmes d'amélioration génétique traditionnels.
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