Si l'on devait évoquer en une phrase la philosophie de ce numéro de Réforme agraire, colonisation et coopératives agricoles, on pourrait citer Fernand Braudel: rechercher la divergence, le contraste, les rupture, la frontière... Reste à expliquer le divers, les ruptures, les émiettements obstinés. La tâche est difficile car les explications ne s'esquissent qu'à grand renfort d'éclairages successifs: ceux de la géographie, ceux de l'économie, ceux de la politique rétrospective, ceux de la culture. Or, les sciences de I'homme parlent sur plusieurs registres à la fois et chacune d'elles ne saisit cependant au mieux qu'une partie du réel. De toute façon, il ne s'agira pour l'instant que d'un premier essai: tout au plus reconnaître les problèmes essentiels, esquisser les premières explications, celles qui vont de soi.
Ainsi, les articles présentés ci-après doivent être lus comme des éléments d'une construction nouvelle, dont nous n'avons pas encore le plan détaillé. Dans ce numéro, le lecteur trouvera à la fois des analyses comparées de différentes théories sur les modes d'accès au foncier en Afrique, des analyses sur les relations entre l'accès au foncier et son utilisation, pour terminer avec des textes montrant l'essentiel de ce que l'on appelle un diagnostic systémique: analyse participative de la situation du départ, élaboration d'un ensemble de propositions préliminaires soumises à l'examen de divers gouvernements.
A l'heure des grands changements qui coïncident avec l'anniversaire des 50 ans de notre Organisation, un département normatif comme le nôtre ne pouvait s'empêcher de réorienter ses instruments de sorte qu'ils puissent servir à l'accomplissement de notre mandat: celui de promoteur et coordonnateur entre les instances publiques ou privées liées à la recherche de base et celles à qui revient la tâche de mettre en oeuvre les programmes et politiques de développement. C'est pourquoi ce bulletin constitue un point de rencontre et de discussion critique des idées reçues, pour aider le lecteur à prendre conscience des nouvelles problématiques.
En exergue de ce numéro, nous voudrions évoquer la figure d'une éminente personnalité qui a su, avant toute autre, mettre en lumière les imbrications sociales et politiques du sous-développement. Nous voulons parler du Dr Josué de Castro, brésilien, à l'occasion de la célébration prochaine du 50e anniversaire de la première édition du livre qui le rendit justement célèbre dans le monde entier: Géographie de faim. Ce n'est pas en tant qu'ancien Président du Conseil de la FAO que nous voulons le rappeler, mais comme le combattant lucide, pragmatique et cohérent de la lutte contre le sous-développement et l'exemple d'une trajectoire humaine dont on a un peu perdu la trace aujourd'hui mais dont le message reste, cependant. d'une brûlante actualité.