La capacité de production des ressources naturelles mondiales face aux besoins de sa population constitue un défi fondamental pour la communauté internationale. La population du globe continue de croître à un taux de 1.6% par an, et ce taux dépasse même 3% dans nombre de pays parmi les moins développés. En même temps, des ressources naturelles essentielles, comme la terre et l'eau, voient leur quantité et leur qualité se réduire à cause de facteurs tels que la compétition avec les demandes industrielles et urbaines, la dégradation et la pollution.
Le problème fondamental est la pression qui s'accroît sur les ressources naturelles. Les ressources en terres ont une capacité de produire dont les limites sont fixées par les conditions de climat, de sol et géomorphologie, ainsi que par leur utilisation et par leur gestion. Une gestion durable des ressources en terres exige des politiques et des planifications saines, basées sur la connaissance de ces ressources, sur les demandes d'utilisation auxquelles elles sont imputées et sur les interactions entre ces terres et l'usage qui en est fait.
Bases de politique et de planification |
Les réponses aux questions qui suivent fourniront une base pour la formulation de la politique et pour la planification de l'utilisation des terres:
· comment, dans un pays, une province ou un district, se répartissent les terres à potentiels et contraintes différents?· quels utilisations peuvent être recommandées sur différents types de terres en différents milieux?
· comment varient les rendements potentiels selon les milieux, périodes et saisons?
· quelle est l'équilibre entre la demande des populations et la disponibilité en terres dans des régions spécifiques, et comment cet équilibre réagit-il à l'augmentation d'intrants ou à des améliorations de gestion?
Cette information, prise dans le contexte des objectifs tant du gouvernement comme des utilisateurs des terres, contribue au développement de politiques d'utilisation des terres et de stratégies applicables dans des domaines spécifiques tels que:
· l'apport d'informations et de conseils de vulgarisation appropriés, spécifiques à la région;· la fourniture d'intrants agricoles ou la mise sur pied de programmes palliatifs;
· la définition de priorités en matière de recherche agricole et la constitution de réseaux pour le transfert d'agrotechnologie;
· l'élaboration de lois ou de directives afin de régulariser et de minimiser les dégâts à l'environnement, et la mise sur pied d'un observatoire de l'environnement;
· l'identification de programmes ou de projets de développement spécifiques.
Initiatives de la FAO |
La FAO a consacré une attention considérable au développement de techniques d'inventaire, d'évaluation et de planification des ressources en terres, à la fois à l'échelon mondial et par le biais de ses programmes de terrain dans des régions ou dans des pays. La finalisation de la Carte Mondiale des Sols à l'échelle 1:5000000, complétée par un système standardisé de classification des sols (FAO, 1974), a relancé les évaluations globales et comparatives des ressources potentielles en terres. En 1976, le Cadre pour l'Evaluation des Terres (FAO, 1976) a mis au point une approche conceptuelle et une orientation méthodologique à l'évaluation de l'aptitude des terres. Ce Cadre est basé sur une évaluation des conditions des terres selon les exigences spécifiques de types définis d'utilisation des terres. Cette approche écologique a marqué une rupture nette d'avec les systèmes antérieurs d'évaluation des ressources en terres, et a ouvert une large palette d'applications. Des directives ont été publiées, expliquant comment ce Cadre pouvait être appliqué aux agricultures pluviale et irriguée, à la foresterie et aux pâturages extensifs (FAO, 1983; 1984a; 1985; 1991).
Projets ZAE |
Le Projet Zones Agro-écologiques, projet original de la FAO (FAO, 1978), a été l'un des premiers exercices d'application de l'évaluation des terres à l'échelle d'un continent. La méthodologie utilisée était innovatrice en ce qu'elle caractérise des espaces de terres par des informations quantifiées sur le climat, les sols et d'autres facteurs physiques; ces paramètres sont utilisés pour prédire la productivité potentielle de différentes cultures en fonction de leurs exigences écologiques et de leurs modalités spécifiques de gestion. Dès lors, il est possible de définir des zones agro-écologiques, possédant des caractéristiques homogènes de climat et de sols, ainsi que de potentialité physique de production agricole.
La première série de publications du projet ZAE de la FAO a porté sur des estimations d'aptitude des terres pour 11 cultures à trois niveaux d'intrants dans cinq régions en développement. Postérieurement, une évaluation a été menée, dans les 117 nations en développement couvertes par le projet en coopération avec l'UNFPA et l'IIASA, sur la production potentielle et sur la capacité de charge démographique. Après la présentation des résultats de cette étude à la conférence FAO de 1983, il a été recommandé que des études similaires soient entreprises au niveau national. Depuis lors, la FAO a aidé divers pays, parmi lesquels le Mozambique, le Kenya, la Chine, le Bangladesh, le Népal, le Nigeria et le Brésil, à assimiler la méthodologie et à l'appliquer à la solution des problèmes de terres, de nourriture et de populations dans leurs provinces et districts. D'autres recherches ZAE plus détaillées ont encore été menées dans des régions sélectionnées à l'intérieur de certains pays, ou sur de petites îles comme la Grenade. Tableau 1 donne quelques exemples d'études ZAE réalisées à différentes échelles et avec des finalités diverses.
ZAE et SIG |
Alors que le concept ZAE est simple en soi, la méthodologie développée par la FAO a été conçue et mise en oeuvre pour et par l'informatique. La nature de l'analyse, qui implique la combinaison de couches d'informations spatiales pour définir des zones, conduit d'elle-même aux applications des systèmes d'information géographiques (SIG). Les recherches ZAE les plus avancées se servent d'une série de bases de données, liées en SIG et conçues pour la modélisation; elles permettent de multiples applications en gestion des ressources naturelles et en planification de l'utilisation des terres.
TABLEAU 1 - Exemples d'études ZAE/SIG par échelle et par application
Niveau de planification |
Types d'application |
Utilisateur |
Global et régional | ||
1:5000000 |
Potentiel pastoral et d'élevage de l'Afrique de l'Ouest |
ILRI, Ethiopie |
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Capacité potentielle de charge démographique des pays en développement |
FAO/UNFPA |
Régional et grands pays | ||
1:1000000 à 1:5000000 |
Capacité potentielle de charge démographique des pays en développement, allocation de l'utilisation des terres, planification des ressources nationales |
Administration Nationale des Terres en Chine |
National et provincial | ||
1:2000000 |
Zones agro-écologiques d'Ethiopie |
Ministère de l'Agriculture et Bureau des Services Météorologiques, Ethiopie |
1:1000000 |
Planification du développement agricole; cultures, élevage, bois de chauffe |
Gouvernement du Kenya |
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Gouvernement du Mozambique |
Province et district | ||
1:500000 |
Capacité potentielle de charge démographique des pays en développement |
Gouvernement des Philippines |
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Gouvernement de Malaisie |
1:250000 |
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Evaluation des risques de dégradation des terres dans l'état de Kaduna |
Département Fédéral des Ressources en Terres, Nigeria |
1:125000 |
Recommandations en fertilisation et ciblage de technologies dans les districts et les thanas |
Service de Vulgarisation, Bangladesh |
Petits pays et niveau local | ||
1:50000 |
Planification du développement agricole décentralisé au niveau du district |
Gouvernement du Népal |
1:20000 |
Evaluation de l'aptitude à l'irrigation du Rift Nord Ethiopien |
Gouvernement d'Ethiopie |
1:15000 |
Evaluation des terres pour leur utilisation à l'échelle de la paroisse |
Gouvernement de la Grenade |
1:10000 |
Aide à l'aménagement et au développement des fermes dans les communautés villageoises |
Gouvernement d'Oman |
Source: Adapté de la FAO (1994a).
Grâce à l'utilisation de ces techniques, les ZAE créent un cadre d'ensemble pour l'évaluation et la gestion des ressources en terres. Cependant, les ordinateurs ne sont pas une condition sine qua non aux études ZAE, et de nombreux exemples démontrent que l'on peut aussi bien utiliser des bases de données commerciales ou des feuilles de tableurs, et la cartographie conventionnelle.
Ces directives se veulent un guide pour les scientifiques et les planificateurs désireux de réaliser une étude ZAE au niveau régional, national ou local. Le chapitre 2 explique les concepts ZAE et donne les définitions des termes utilisés. Le chapitre 3 est un guide pour mener à bien une étude ZAE étape par étape, à partir de l'expérience de la FAO dans divers environnements et dans différents pays, tandis que le chapitre 4 traite des techniques assistées par ordinateur, y compris les connexions avec les SIG. Le chapitre 5 débat d'une approche alternative, quoique liée, du zonage, qui prend en compte à la fois les facteurs écologiques et les facteurs économiques.