Selon les dernières données, la pandémie du VIH/SIDA continue de progresser. L'on estime que 90 pourcent des quelque 30 millions de personnes que l'on pense avoir été infectées par le virus dans le monde depuis le début de la pandémie vivent dans les pays en développement. Avec près de 14 millions d'adultes et d'enfants infectés par le VIH en fin 1996, l'Afrique sub-saharienne constitue la région la plus durement touchée. L'Afrique sub-saharienne enregistre 50 pourcent des 8.500 infections nouvelles qui surviennent chaque jour dans le monde. Selon les estimations, environ 5 millions d'adultes et 1,4 million d'enfants sont déjà morts depuis le début de la pandémie. (Cf Annexe I pour les estimations au plan mondial en fin 1996).
Les détails sur la pandémie varient d'un pays à l'autre: origine distincte, modes géographiques de propagation et différents groupes sociaux touchés. Au stade actuel, il n'existe pas de statistiques globales et fiables sur les infections dues au VIH/SIDA; cependant, celles dont on dispose sont alarmantes. Si les tendances actuelles de la pandémie se poursuivent jusqu'à la fin de la décennie, l'on estime que d'ici à l'an 2000, trente à quarante millions d'adultes auront été infectés par le VIH, dont 60 pourcent en Afrique sub-saharienne.
Plus de 50 pourcent des infections nouvelles dues au VIH surviennent chez les femmes. En plus du drame à ce niveau, cette situation est préoccupante car ce sont les femmes qui s'occupent essentiellement des membres de la famille atteints de VIH/SIDA. Dans les pays où les jeunes représentent 60 pourcent des infections nouvelles, les jeunes femmes infectées dépassent en nombre leurs partenaires masculins infectés, le rapport étant de 2 contre 1. L'ONUSIDA estime que près de 8 millions de femmes (sur 10 millions de femmes infectées dans le monde) sont séropositives en Afrique sub-saharienne.
Le VIH/SIDA ne se limite plus aux villes. La maladie se répand maintenant à une vitesse alarmante dans les zones rurales et elle touche la population paysanne, en particulier les personnes les plus productives (âgées de 15 à 45 ans). Toutefois, il existe quelques signes de stabilisation des taux d'infection due au VIH dans certaines régions d'Afrique orientale et centrale. Dans un district rural du sud-ouest de l'Ouganda, le pourcentage des personnes âgées de 13 ans et plus infectées par le VIH chaque année est tombé de 7,5 pourcent en 1989 -1990 à 4,5 pourcent en 1993. On attribue cette baisse au changement de comportement sexuel.1
1 Source: Programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA. Chiffres et tendances du VIH/SIDA mars 1996 et décembre 1996; et fiche ONUSIDA: épidémiologie du VIH/SIDA en Afrique sub-saharienne. Les chiffres portent sur les personnes séropositives qui n'ont pas encore développé le SIDA et sur les personnes séropositives qui ont développé le SIDA.
Bien que l'on ait reconnu les liens réciproques entre la pandémie et le développement global, les liens avec l'agriculture ont reçu moins d'attention parce que la pandémie était perçue comme étant un phénomène principalement urbain. Les preuves de la propagation de la pandémie vers les zones rurales étaient souvent négligées compte tenu de la rareté des données, des modes irréguliers de propagation et d'une prévalence plus faible par rapport aux zones urbaines. Il y a une leçon à tirer de cette pandémie: les agences d'assistance technique, y compris la FAO, devraient conjuguer leurs efforts en vue d'améliorer les stratégies palliatives et préventives actuelles pour gérer l'impact de la pandémie sur la production agricole et la sécurité alimentaire et combattre la maladie dans les zones rurales.
Si l'Afrique de l'Est a fait l'objet d'une attention particulière dans l'évaluation de l'impact socio-économique du VIH/SIDA sur les familles rurales et sur leurs systèmes de production, les connaissances sont limitées quant à l'impact de la pandémie sur l'agriculture et sur les sociétés rurales en Afrique de l'Ouest. La FAO travaille présentement sur un projet TSS-1 financé par le PNUD et portant sur les effets du VIH/SIDA sur les systèmes de production agricole et les moyens de subsistance en milieu rural en Afrique de l'Ouest (Côte d'Ivoire, Burkina Faso) qui met l'accent sur les migrants ruraux, les implications nutritionnelles, etc.
Un document antérieur intitulé "Impact de la pandémie du VIH/SIDA sur la production et la productivité agricoles et rôle des services de vulgarisation dans la lutte contre la maladie dans les zones rurales (en Afrique particulièrement)" examine l'impact de la pandémie du VIH/SIDA sur les systèmes de production agricole et met en lumière les conséquences pour les programmes de vulgarisation agricole dans les zones rurales touchées par la maladie. Le présent document vient en suivi aux problèmes évoqués dans l'étude précédente et il met l'accent sur l'impact de la pandémie sur les familles/communautés rurales et sur la nécessité de développer des stratégies pour l'immédiat, le moyen et le long termes en vue de lutter contre la maladie et d'en atténuer les conséquences dans les zones rurales.
Pour ce faire, nous évoquerons de nouveau quelques conclusions tirées d'études portant sur l'impact du VIH/SIDA sur les systèmes de production agricole et sur la sécurité alimentaire des familles rurales, et nous mettrons en lumière les problèmes fondamentaux et les défis majeurs en matière de vulgarisation agricole, y compris les programmes d'éducation et de formation des paysans en matière de VIH/SIDA. De plus, nous proposons des orientations et des actions possibles pour le renforcement des programmes de vulgarisation agricole, en particulier les activités d'éducation et de formation des paysans.
La réponse immédiate et à long terme des programmes de vulgarisation agricole aux effets de la pandémie du VIH/SIDA pourrait mettre l'accent sur une réorientation des programmes de vulgarisation afin de les axer sur les techniques de résolution des problèmes en faveur des familles et communautés rurales (mettant l'accent sur la formation et les activités de vulgarisation en faveur des femmes, des orphelins et des jeunes). L'accent pourrait également être mis sur le lancement d'initiatives collectives destinées à renforcer l'organisation des communautés et des groupes en vue de soutenir les mécanismes traditionnels de survie pour atténuer les effets de la maladie. De plus, des enquêtes systématiques et géographiquement limitées pourraient permettre la collecte de données relatives à l'impact réel de la maladie sur les familles rurales et les programmes de vulgarisation.
Une stratégie à long terme pour renforcer les programmes de vulgarisation dans les pays touchés par le VIH/SIDA pourrait comporter une approche systématique visant à améliorer les apports de la recherche pour la mise au point de variétés culturales et de méthodes de production à moindre intensité de main d'oeuvre. De plus, il faudrait accorder la priorité à l'intégration des questions de genre dans les programmes de vulgarisation et déployer des efforts pour améliorer la participation des femmes aux activités de vulgarisation. En outre, une assistance (y compris un soutien juridique approprié aux veuves du VIH/SIDA) pourrait être accordée aux groupes/communautés vulnérables à travers des programmes pluridisciplinaires VIH/SIDA. Les ministères de l'agriculture et leurs programmes de vulgarisation auront à jouer un rôle clé dans la satisfaction des besoins particuliers des familles/communautés rurales dans le cadre de ces programmes pluridisciplinaires VIH/SIDA qui pourraient être lancés en tant que partie intégrante d'un programme d'allègement de la pauvreté dans les zones touchées par le VIH/SIDA.