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In search of a better concordance between the State and the rural world in Benin

Two types of private property are common in Benin, one based on statutory law and one based on customary law. Although customary systems exhibit a defined direction of evolution and some defined procedures for regulation of land transfers, they are seen to be disintegrating. Agents of change include intense land pressure exerted by uncontrolled population growth which has not been accompanied by an intensification of agricultural production. This pressure creates conflict between local communities and the State, as the latter attempts to maintain forest reserves and other areas where use rights of natural resources are State restricted. An additional concern is the injustice of customary systems which deny, for example, equitable land inheritance rights to women. It is suggested that the State initiate a dialogue with representatives of rural producers with the goal of defining guidelines for an appropriate legislative framework that will address current shortcomings in tenure and land management systems.

En busca de una mayor concertaci�n entre el Estado y el mundo rural en Benin

En Benin son habituales dos tipos de propiedad privada, una basada en el derecho escrito y la otra en el derecho consuetudinario. A pesar de mostrar una orientaci�n de la evoluci�n clara y algunos procedimientos definidos para reglamentar las transferencias de tierras, se considera que los sistemas consuetudinarios son desintegradores. Entre los agentes del cambio figuran la intensa presi�n ejercida sobre la tierra por un crecimiento demogr�fico incontrolado, no acompa�ado de una intensificaci�n de la producci�n agr�cola. Esta misma presi�n crea conflictos entre las comunidades locales y el Estado, que intenta mantener las reservas forestales y otras zonas con derechos de uso restringido de los recursos naturales. Otro motivo de preocupaci�n es la injusticia de los sistemas consuetudinarios que, por ejemplo, niegan un derecho equitativo de herencia de las tierras a las mujeres. Se propone que el Estado comience un di�logo con representantes de los productores rurales con el objetivo de definir directrices para un marco legislativo apropiado en el que se aborden los problemas actuales de los sistemas de tenencia y ordenaci�n de la tierra.

A la recherche d'une meilleure concertation entre l'Etat et le monde rural au B�nin

Machioudi Dissou

Professeur d'�conomie rurale, Doyen de la Facult� des sciences agronomiques, Universit� nationale du B�nin

Il existe deux types de propri�t� priv�e au B�nin, l'une fond�e sur le droit �crit et l'autre sur le droit coutumier. Bien que leur �volution manifeste une tendance bien pr�cise et que des proc�dures claires r�glent les transferts de terre, les syst�mes coutumiers paraissent se d�sint�grer. Les facteurs du changement comprennent la forte pression exerc�e sur la terre par une croissance d�mographique incontr�l�e, non accompagn�e d'une intensification de la production agricole. Cette m�me pression cr�e un conflit entre les communaut�s locales et les pouvoirs publics, ces derniers cherchant � conserver les r�serves foresti�res et d'autres zones sujettes � des droits d'usage des ressources naturelles limit�s par l'Etat. Un autre aspect est celui de l'injustice des syst�mes coutumiers qui nient par exemple aux femmes des droits �quitables � l'h�ritage de la terre. Il est propos� que l'Etat amorce un dialogue avec les repr�sentants des producteurs ruraux dans le but de d�finir des directives pour la mise en place d'un cadre juridique appropri� qui rem�die aux faiblesses actuelles des syst�mes de tenure et de gestion des terres.

R�GIMES FONCIERS COMMUNAUTAIRES ET R�GIMES DE PROPRI�T� PRIV�E

R�gimes fonciers communautaires au B�nin

A l'�poque pr�coloniale, au temps de l'Afrique des royaumes et des empires, les hommes exer�aient sur la terre des droits fonciers communs par l'interm�diaire d'une communaut� que repr�sentaient le clan, le lignage, la famille �largie et m�me, tout simplement, le m�nage africain. De nos jours, mieux que le clan, le lignage repr�sente pour l'individu une r�alit� plus vivante, une structure au sein de laquelle s'exercent bon nombre d'activit�s qui le mettent p�riodiquement en liaison avec les autres membres du lignage.

Cependant, le r�le contemporain d�volu au chef du lignage est strictement religieux; ce dernier n'exerce pas n�cessairement la fonction de chef de terre. Parfois lorsque la situation le permet, c'est-�-dire dans le cas o� la taille du lignage n'est pas trop grande, le chef peut �tre appel� � arbitrer les conflits sociaux les plus importants entre les membres du lignage. Mais, le plus souvent, de tels probl�mes sont r�solus avec plus d'efficacit� � un �chelon inf�rieur au lignage, surtout au niveau de la famille �largie ou hou�ta. Le hou�ta est un ensemble de m�nages polygamiques et monogamiques (dont les chefs prennent le titre de hou�to) regroup�s dans un espace mat�rialis� par un enclos sous la direction du chef de famille ou hou�tagan. Ainsi l'exercice des droits fonciers communs appartient � un groupe de personnes unies par le sang, c'est-�-dire une communaut� parentale dirig�e par un chef � tous les niveaux hi�rarchiques, et dont la d�sint�gration progressive � travers le temps a conduit � un rel�chement des liens entre ses membres et � l'�mergence de l'individualisme.

Il convient d'examiner bri�vement l'�volution du syst�me foncier communautaire du B�nin. Pour diverses causes (telles qu'�pid�mies, maladies incurables, invasions guerri�res ou recherche d'une meilleure s�curit�), le chef d'une communaut� parentale peut quitter son ancien lieu d'�tablissement pour s'installer avec son groupe dans un autre endroit plus s�curisant. Le nouveau site peut, par exemple, �tre estim� plus s�curisant parce qu'il s'y trouve des terres g�n�ralement non occup�es par d'autres personnes dont la pr�sence constituerait plus tard une cause d'ins�curit� - voire d'hostilit� - ou une entrave � l'�panouissement de sa communaut�. Imm�diatement apr�s l'installation, les terres occup�es sont d�limit�es selon des proc�d�s traditionnels, puis affect�es aux membres du groupe selon leurs besoins. En aucun cas, les terres - en tant que propri�t�s - ne sont affect�es � des individus. Par exemple, lorsque la premi�re occupation est le fait d'un lignage, les terres sont allou�es aux communaut�s parentales des �chelons inf�rieurs (familles �largies et m�nages) par l'interm�diaire de leurs chefs respectifs.

La communaut� lignag�re, en sa qualit� de premi�re occupante des terres, prend possession d'un territoire vide. D�sormais les terres d�limit�es et affect�es aux membres de son groupe appartiennent � ce groupe fondateur et ladite communaut� s'opposera farouchement aux groupes ou aux individus qui chercheraient � s'y installer. Ainsi, on peut affirmer que le domaine dont la communaut� lignag�re est le premier occupant, et qui est effectivement mis en valeur par ses membres, peut �tre consid�r� comme une propri�t� communautaire. Les familles �largies et les m�nages ne poss�dent pas de droit de propri�t� sur le domaine occup� et mis en valeur par les membres de la communaut� lignag�re, mais ils exercent un droit d'usage et de jouissance (un droit d'usufruit) sur les terres qui leur sont affect�es.

Il �tait interdit � tout membre du groupe familial de faire sortir une parcelle de la terre du patrimoine foncier parental (Mensah, 1971). En effet, il ne s'agissait pas d'interdire un quelconque transfert d'une portion du patrimoine foncier communautaire - on verra plus loin que les transferts �taient, et sont, habituels - mais surtout d'emp�cher tout transfert dont la finalit� consiste � faire sortir m�me un lopin de terre du domaine de la communaut� parentale au profit d'un tiers appartenant � une autre communaut�. L'application stricte de ce principe a entra�n� l'incapacit� de tout membre de la communaut� parentale, y compris son chef, d'ali�ner tout ou partie des terres communautaires. L'incapacit� des membres de sexe f�minin d'h�riter des biens fonciers communautaires au niveau d'un m�nage en a �t� un des r�sultats. Cela permet � la communaut� d'�viter tout risque de perte d'une parcelle au moment d'un mariage entre une femme indig�ne et un homme allochtone.

N'oublions pas que l'Etat colonial, et plus tard l'Etat ind�pendant, ont institu�, tant sur le plan l�gislatif qu'administratif les r�gimes fonciers que l'on pourrait, dans un certain sens, qualifier de �communautaires�. Il s'agit: des domaines forestiers de l'Etat, des r�serves cyn�g�tiques, des terres des communaut�s villageoises, des coop�ratives et des fermes d'Etat. Cependant, ces initiatives sont de nature plut�t �tatique que communautaire et, � l'exception des r�serves foresti�res et cyn�g�tiques - qui sont des espaces assez vastes de restrictions impos�es par l'Etat - n'ont pas laiss� de traces majeures et durables dans le contexte des r�gimes fonciers actuels. Par exemple, l'op�ration des champs collectifs (dans le cadre des terres des communaut�s villageoises) n'a pas dur� plus de deux campagnes agricoles puisqu'elle a �t� abandonn�e en 1963 apr�s la chute du gouvernement qui l'avait institu�e; le nombre de coop�ratives d'am�nagement rural (conform�ment aux lois 61-26 et 61-27 vot�es � l'Assembl�e nationale en ao�t 1961, et dans le cadre de palmiers � huile et cocotiers s�lectionn�s) n'a pas d�pass� 30 et la superficie totale n'a atteint que 31 800 ha; on peut y ajouter les coop�ratives et p�rim�tres d'am�nagement rizicole qui couvrent une superficie de 5 000 ha environ1; et les fermes d'Etat n'ont jamais �t� clairement d�finies et, en g�n�ral, ne r�clamaient que de petites superficies. Par contre, l'instauration de l'�conomie de march�, les structures coutumi�res communautaires n'ont pu r�sister � l'assaut du modernisme et ont subi une d�sint�gration qui s'est traduite par l'�mergence de l'esprit individualiste. Cette situation a �t� � l'origine de l'av�nement de la propri�t� fonci�re individuelle.

R�gimes fonciers de propri�t� priv�e

La puissance coloniale fran�aise n'a jamais reconnu un v�ritable droit de propri�t� aux diff�rentes structures communautaires. Pour le colonisateur, les Africains ne d�tenaient que le domaine utile des terres, le domaine �minent appartenant � l'Etat colonial. L'Etat a introduit le r�gime d'immatriculation comme unique voie de reconnaissance du droit de propri�t�. Au B�nin, le d�cret du 5 ao�t 1900 fut le premier instrument juridique � servir de support � la mise en oeuvre de la technique de l'immatriculation des terres. L'administration coloniale fran�aise mettait ainsi en place une politique fonci�re qui consistait � faire admettre aux Africains que les terres de leurs anc�tres ne leur appartenaient pas et qu'elles ne deviendraient leur propri�t� que lorsqu'elles auraient �t� immatricul�es conform�ment � la proc�dure administrative.

Apr�s l'ind�pendance du B�nin en 1960, le syst�me du droit moderne, mis en place sous la colonisation et fond� sur le droit romain, a coexist� avec celui du droit coutumier. Le dispositif l�gislatif organisant le r�gime de la propri�t� fonci�re dans l'ex-Dahomey, puis en R�publique du B�nin, est bas� sur la loi du 14 ao�t 1965 qui abroge le d�cret colonial du 26 juillet 1932, mais reprend d'une fa�on g�n�rale les dispositions contenues dans ce dernier, � savoir la transformation progressive de la situation juridique des terres par la mise en oeuvre de la technique d'immatriculation.

Cependant, malgr� l'intervention de la technique de la loi du 14 ao�t 1965, �le l�gislateur dahom�en reconna�t toute l'importance du droit foncier de l'immense majorit� des propri�taires terriens, car il n'a pas os� bousculer ces derniers, ni faire table rase des r�gles dites coutumi�res qui r�gissent leurs terres (Mensah, 1971). Ainsi coexistent deux types diff�rents de r�gimes fonciers de propri�t� priv�e: les r�gimes de propri�t� priv�e traditionnelle, et celui r�gissant la propri�t� priv�e de droit moderne.

Du c�t� de la propri�t� priv�e traditionnelle, on note l'existence des transferts � titre temporaire ou d�finitif du patrimoine foncier d'un individu � un autre pouvant rev�tir plusieurs formes: l'h�ritage, la vente ou la cession � titre d�finitif, la donation, le pr�t, le gage et la location. La sophistication et la fr�quence de ces transferts signalent le degr� avanc� de l'�volution des syst�mes coutumiers vers un syst�me de propri�t� priv�e. La d�sint�gration de plus en plus prononc�e des structures sociales de la paysannerie ne permet plus de soustraire les biens fonciers des op�rations de vente, et m�me l'interdiction relative � l'h�ritage par la descendance ut�rine tend � dispara�tre.

Mais de toutes les formes de transfert d'acc�s � la propri�t� fonci�re dans le syst�me coutumier, celle dont les plantations de palmiers � huile sont le plus souvent l'objet est, bien s�r, le gage. C'est une pratique tr�s ancienne et tr�s d�velopp�e dans la soci�t� paysanne de la palmeraie b�ninoise, en particulier dans la province de l'Ou�m�, au sud-est du pays.

Le gage est une op�ration par laquelle un propri�taire (gageur) c�de temporairement l'exploitation de son champ � une personne (gagiste) de laquelle il re�oit un cr�dit pour satisfaire � un besoin mat�riel urgent. La dur�e de mise en gage est ind�termin�e. Cependant, elle ne peut �tre inf�rieure � deux ans, m�me lorsque la cr�ance est recouvr�e avant cette �ch�ance. Au-del� de celle-ci, le gage prend fin d�s que le cr�ancier entre enti�rement en possession de sa cr�ance.

Dans la province de l'Ou�m�, bon nombre de cas de mise en gage remontent � plus d'une vingtaine d'ann�es. C'est la raison pour laquelle certaines restrictions sont impos�es en mati�re de mise en valeur des terres faisant l'objet de gage. Ainsi, il est interdit au gagiste d'effectuer dans le domaine agricole gag� des am�nagements fonciers co�teux ou des cultures arbustives tels que le teck ou les arbres fruitiers.

A noter que ces restrictions sont fond�es sur l'existence de conflits qui surgissent parfois entre les parties contractantes. En effet, en cas de conflit sur l'origine de la propri�t� au cours de l'ex�cution d'un gage, la jurisprudence dans le droit coutumier se r�f�re � la nature des esp�ces v�g�tales existant sur le domaine agricole en litige et � l'auteur de leur cr�ation. En cas d'absence de preuve �crite ou de d�c�s des t�moins ayant �ventuellement assist� � la transaction, les autorit�s judiciaires charg�es du r�glement du conflit donnent g�n�ralement gain de cause � celui qui a plant� les arbres sur le domaine contest�.

Tr�s souvent des mises en gage de trop longue dur�e aboutissent finalement soit � une cession d�finitive, en principe apr�s un accord intervenu entre les deux parties, soit � une simple confiscation du bien gag� au profit du gagiste ou de ses ayants droit. Tels sont g�n�ralement l'origine et le processus de l'accumulation de biens fonciers par une infime minorit� d'usuriers dans la palmeraie porto-novienne.

Dans un contexte plus large que celui du gage, on souligne que lorsque des conflits d�coulant de probl�mes fonciers surgissent entre paysans, ils sont port�s devant diverses instances en vue de leur r�glement. Les instances judiciaires � caract�re coutumier sont les premi�res � �tre saisies dans ce domaine. Par exemple, apr�s les partages successoraux, des d�saccords surviennent parfois entre les h�ritiers membres d'un m�me hou�ta. Ces conflits sont normalement arbitr�s par un conseil de famille sous la direction du hou�tagan assist� de quelques personnes influentes du hou�ta. Lorsque les antagonistes n'appartiennent pas � un m�me hou�ta, des tentatives de r�conciliation peuvent �tre initi�es par les chefs de lignage des hou�ta int�ress�s. Si ces d�marches n'aboutissent pas � un succ�s, on engage la proc�dure dans la voie administrative qui comprend plusieurs niveaux op�rant suivant deux syst�mes diff�rents de juridiction: le droit dit coutumier et le droit moderne.

Mais dans le cadre du droit moderne, on a d�j� constat� que la seule voie � la reconnaissance d'une propri�t� priv�e est repr�sent�e par l'immatriculation. L'immatriculation conduit � une s�curisation du propri�taire ou de l'exploitant sur son exploitation. On peut m�me affirmer qu'elle conf�re au capital foncier une valeur fonci�re accrue pouvant servir de garantie aupr�s des organismes de cr�dit agricole. Mais la r�alisation d'une immatriculation exige du paysan un ensemble d'efforts et de sacrifices qui ne sont pas � sa port�e.

�VALUATION DES MODES DE GESTION DES TERRES SOUS DIFF�RENTS R�GIMES

R�gimes fonciers communautaires traditionnels

Quelle que f�t la nature de la communaut� parentale (lignage, famille �largie ou m�nage), la terre en tant que propri�t� collective communautaire �tait soumise aux r�gles de l'indivision. Par exemple, au niveau de la famille �largie (hou�ta), les terres �taient r�parties entre les chefs de m�nage (hou�) qui, � leur tour, les mettaient � la disposition de leurs membres. Les b�n�ficiaires n'�taient pas autoris�s � cultiver des plantes p�rennes sur les parcelles re�ues car ils avaient seulement le droit d'usage, de jouissance, et d'occupation. Les terres qu'ils occupaient dans ces conditions pouvaient leur �tre retir�es en cas de besoin jug� plus urgent, ou lorsqu'ils enfreignaient les r�gles �dict�es en mati�re d'exploitation du patrimoine foncier commun.

Toutefois, la participation de l'individu � l'utilisation d'un moyen collectif de production telle que la terre n'aboutissait nullement � son int�gration dans un syst�me de production collective. En effet, la production demeurait individuelle d'une mani�re g�n�rale, m�me si on pouvait observer une certaine int�gration des moyens de production au sein de la communaut� parentale. Dans la mesure o� le travail �tait autrefois collectif, la production collective, consid�r�e comme une activit� organis�e par un centre de d�cision commun (chef de lignage ou de famille �largie), n'�tait pas g�n�ralis�e et a disparu apr�s l'�clatement des structures sociales communautaires.

Aujourd'hui l'exploitation de certaines propri�t�s collectives, conserv�es sous forme de plantations (palmeraies, r�neraies, etc.) ou d'�tangs � poissons, se r�alise essentiellement au profit des chefs et des membres influents des communaut�s parentales. Cette forme d'exploitation de certaines propri�t�s collectives communautaires, surtout rencontr�e dans le sud du B�nin, a �t� consid�r�e, sous le r�gime r�volutionnaire, comme un instrument de pression et d'asservissement des paysans. Aussi, � cette �poque, des �bois-f�tiche� ou for�ts sacr�es, des �tangs � poissons, des mar�cages et autres biens fonciers d�di�s aux voudouns classiques ou lignagers, et dont la jouissance revenait � quelques individus, ont-ils �t� pris en charge, c'est-�-dire confisqu�s, par les �Instances r�volutionnaires�. D�s la lev�e des interdits coutumiers qui les frappaient, les populations avaient eu � nouveau acc�s � ces ressources naturelles.

Au nord du B�nin, les terres des communaut�s parentales ont �t� mises � l'abri de ces formes d'agression. Les chefs lignagers en assurent le contr�le. Elles sont mises � la disposition des postulants par la voie du pr�t ou de la donation selon la qualit� (membre de la communaut� parentale, autochtone ou allochtone) des requ�rants.

Le mode de gestion des terres des r�gimes communautaires traditionnels permet de pr�server la conservation de la propri�t� fonci�re contre le morcellement et la d�sint�gration des terroirs agricoles dont les cons�quences n�fastes sont la disparition ou le raccourcissement des jach�res, l'appauvrissement du sol, les difficult�s de la mise en oeuvre de techniques culturales modernes et la baisse de la fertilit� des sols et des rendements agricoles. Sur le plan de l'environnement, ce mode de gestion permet une bonne conservation des ressources naturelles.

Il existe cependant des aspects n�gatifs. Par rapport au droit moderne, ce mode de gestion ne garantit pas toujours une bonne circulation et un contr�le correct des terres. En plus, il s'oppose � l'appropriation individuelle, condition exig�e par les institutions financi�res pour l'acc�s au cr�dit agricole. Il peut constituer un facteur de blocage � l'exploitation de certaines ressources naturelles (mar�cages, cours d'eau, etc.) qui peuvent �tre frapp�es par des interdits coutumiers parfois r�trogrades. Par ailleurs les structures communautaires, qui constituent l'infrastructure sur laquelle reposent les propri�t�s lignag�res, sont constamment sous la menace d'un �clatement en raison de l'accroissement de l'effectif d�mographique, de la dispersion g�ographique des membres de la communaut� parentale et de l'expansion de l'individualisme.

Gestion des domaines forestiers de l'Etat et des r�serves cyn�g�tiques

Cr��e sous la colonisation, la Direction des eaux et for�ts et de la chasse a �t� charg�e, en vertu du d�cret du 4 juillet 1935, de la d�limitation et de l'am�nagement des for�ts class�es et r�serves de faunes. Dans le domaine de l'exploitation, elle �tait appel�e � assurer l'application de la l�gislation foresti�re, � d�livrer les permis d'abattage et les autorisations de coupe de bois de feu. Elle �tait �galement charg�e de l'exploitation des zones cyn�g�tiques. L'exercice de la police foresti�re et de l'exploitation des zones cyn�g�tiques est demeur� la principale activit� de la Direction des eaux et for�ts et de la chasse.

La gestion des ressources naturelles en g�n�ral, et celle des domaines forestiers de l'Etat en particulier, est une entreprise d�licate qui ne peut �tre soustraite au contr�le des pouvoirs publics, et ne doit �tre soumise � aucune forme d'exploitation capitaliste. En effet, l'�tat de l'environnement en d�pend fortement.

La Direction des eaux et for�ts et de la chasse, rebaptis�e Direction des for�ts et des ressources naturelles, ne saurait se cantonner essentiellement dans l'exercice de la police foresti�re et dans l'ex�cution de certaines t�ches administratives visant � assurer l'exploitation des ressources naturelles. Encore qu'elle ne dispose pas toujours de moyens n�cessaires � l'ex�cution correcte de ces missions. Aussi, l'exp�rience de la Soci�t� nationale de d�veloppement des for�ts (SNAFOR) a-t-elle montr� qu'une soci�t� d'Etat n'est pas l'instrument ad�quat de la gestion de telles ressources. Quant � l'Office national du bois (ONAB), rien ne permet encore d'assurer qu'il constitue la bonne formule.

En effet, quand on exploite un domaine forestier, il faut songer � sa reconstitution par la r�alisation de nouvelles plantations. Les exploitants forestiers priv�s, qui exploitent aujourd'hui les essences des for�ts-galeries, n'ont pas �t� les auteurs de la cr�ation de ces formations foresti�res. Nonobstant les dispositions l�gislatives en la mati�re, on n'est pas assur� que ces exploitants r�alisent des plantations dont la superficie serait �gale � celle des for�ts d�truites.

Malgr� sa simplicit�, l'explication ci-dessus met en �vidence le r�le de chacun des acteurs qui interviennent dans le domaine de l'exploitation de ces ressources naturelles consid�r�es comme des biens communautaires dont la gestion g�n�re des impacts importants sur l'environnement. Cette gestion se r�v�le comme une entreprise p�renne fond�e sur des activit�s que seuls les pouvoirs publics, dont la p�rennit� est garantie par l'existence permanente de l'Etat, sont en mesure de conduire en s'appuyant constamment sur les populations largement sensibilis�es par leurs int�r�ts. Ainsi, une structure plac�e sous le contr�le de l'Etat, solidement rattach�e aux communaut�s � la base, peut constituer un instrument privil�gi� pour une gestion harmonieuse des ressources naturelles.

Gestion des coop�ratives d'am�nagement rural

Les coop�ratives d'am�nagement rural �taient organis�es en deux volets: la production v�g�tale pour la palmeraie et les cultures annuelles. Au sein des coop�ratives d'am�nagement rural, les diverses activit�s �taient supervis�es par un conseil d'administration de la coop�rative. Au niveau r�gional les coop�ratives �taient regroup�es au sein d'un organe d�nomm� Centre d'appui technique et social (CATES) � la t�te duquel �tait nomm� un chef appel� � coordonner les activit�s de production v�g�tale pour la palmeraie (ZOPA, premier volet) et les cultures annuelles (ZOCA, second volet) comprenant le coton et les cultures vivri�res. Il existait une liaison entre l'administration de l'ensemble des coop�ratives et celle de l'huilerie, autrement dit entre le CATES et la Direction technique de l'huilerie de palme. Cette structure de liaison �tait celle du Complexe agro-industriel (CAI).

Dans le cas de la production des palmeraies, les travaux agricoles �taient ex�cut�s collectivement (en principe) par les coop�rateurs sous la supervision du personnel d'encadrement. Tandis que pour les cultures annuelles, le travail �tait individuel. Le paysan-coop�rateur devait venir travailler sur sa propre parcelle de cultures vivri�res apr�s avoir termin� sa t�che journali�re dans la plantation.

Dans la r�alit�, un nombre tr�s infime de coop�rateurs parvenait � satisfaire � cette exigence. Aussi, la mise en valeur de la zone de cultures annuelles revenait-elle plut�t � des paysans non coop�rateurs ou � d'anciens propri�taires de terres qui ne participaient pas aux travaux d'am�nagement de la palmeraie. Il arrivait donc souvent que la totalit� des terres d�frich�es par l'ex-SONADER ou l'ex-SOBEPALH (organismes de tutelle des coop�ratives d'am�nagement rural de palmeraies s�lectionn�es) pour la r�alisation des cultures annuelles n'�tait pas emblav�e.

Les causes d'abandon des parcelles �taient multiples, mais deux d'entre elles surtout ont �t� �voqu�es par les coop�rateurs: l'incapacit� de supporter le rythme de travail qu'imposaient les agents d'encadrement (notamment la difficult� d'appliquer rigoureusement les techniques culturales exig�es), et l'�tat d'appauvrissement de certaines parcelles dont le niveau de fertilit� n'a pas �t� relev� au d�part par l'apport d'une fumure de fond.

Outre les huileries d'extraction d'huile de palme implant�es � Houin-Agam� dans le Mono, � Ikpinl� dans l'Ou�m� et � Hinvi-D�vo dans l'Atlantique, diverses infrastructures administratives sociales ont �t� r�alis�es. Il s'agit des bureaux des coop�ratives, des logements pour les cadres, des infrastructures sanitaires et scolaires, des puits, etc.

Les r�sultats obtenus dans tous les domaines refl�tent les conditions particuli�rement difficiles de l'ex�cution des diverses activit�s au sein des coop�ratives d'am�nagement rural. La production et les rendements des plantations variaient entre 22 pour cent et 58 pour cent des pr�visions d'une ann�e � l'autre et d'une coop�rative � l'autre. Cette faiblesse est � attribuer � la longue s�cheresse des ann�es 1971 et 1972, aux vols et au mauvais entretien des plantations. Les r�sultats du second volet (les cultures annuelles) �taient aussi modestes. La culture attel�e, qui a connu un certain succ�s (notamment sur les p�rim�tres du Grand Hinvi), n'a pas �t� soutenue faute de moyens. On note aussi que les coop�ratives d'am�nagement rural �taient appel�es � absorber une main-d'oeuvre importante. En r�alit�, la faible r�mun�ration du travail constituait un v�ritable frein � l'adh�sion des paysans.

Priv�es d'entretien, la plupart des plantations se pr�sentent aujourd'hui dans un �tat de for�t secondaire. Cependant, dans l'ensemble, les effets de ces coop�ratives sur l'environnement naturel �taient n�gatifs. Les d�frichements, par leur ampleur, ont conduit � l'�limination de certaines esp�ces v�g�tales dans les r�gions o� �taient r�alis�s de nombreux p�rim�tres. L'accroissement du d�boisement et la r�duction des jach�res arbustives, qui ont favoris� l'essor du commerce du bois de chauffage, ont pu entra�ner certaines perturbations sur la pluviosit� dans les secteurs o� se sont implant�s progressivement les p�rim�tres d'am�nagement rural. N�anmoins l'entretien cultural a �t� am�lior� en 1973, suite au rel�vement du prix des produits du palmier � huile, ce qui a incit� le cultivateur � effectuer correctement le nettoyage des palmeraies naturelles et l'�lagage des palmiers.

D'importantes transformations dans le domaine socioculturel, dont la totalit� semble �tre positive, ont �t� enregistr�es. L'un des nombreux aspects positifs a �t� le d�veloppement de l'�pargne mon�taire. Des associations de tontine ont �t� cr��es dans tous les p�rim�tres. Elles regroupaient les personnes des deux sexes et de divers �ges, toutes salari�es ou membres des coop�ratives. Il existait �galement de nombreuses associations d'�pargne traditionnelle constitu�es uniquement de femmes et dont les membres se r�unissaient hebdomadairement ou tous les quatre jours.

Le dynamisme des femmes dans le domaine de la mobilisation de l'�pargne en milieu rural n'�tait pas le seul aspect de leur pr�sence active dans les coop�ratives. En participant aux travaux de mise en valeur des p�rim�tres et coop�ratives d'am�nagement rural, les femmes avaient acquis des avantages mat�riels importants qui leur avaient permis d'am�liorer leur condition sociale et �conomique. Les paysannes travaillant sur les p�rim�tres et coop�ratives, de m�me que tous les habitants des localit�s situ�es dans la zone d'influence des projets, ont b�n�fici�, sur le plan social, du programme d'�ducation sanitaire et nutritionnelle ainsi que des infrastructures qui avaient �t� r�alis�es.

La plupart des paysannes qui offraient des prestations de service dans les plantations participaient, gr�ce aux ressources financi�res acquises, � l'am�lioration des recettes de leur m�nage. Elles aidaient financi�rement leur mari en supportant partiellement la pension alimentaire. De m�me, les salaires qu'elles percevaient leur donnaient la possibilit� de se constituer un petit fonds de commerce.

Au total, il appara�t difficile de cerner tous les aspects des incidences des projets de cr�ation de coop�ratives sur leur environnement. La comparaison des r�sultats obtenus par rapport aux objectifs de production et de rendement des plantations et des cultures annuelles r�v�le une �valuation facile, qui toutefois ne permet pas d'avoir une appr�ciation globale des cons�quences de l'ensemble du programme. Les r�sultats des diff�rentes analyses expos�es ci-dessus indiquent que, malgr� le faible taux de r�alisation des objectifs enregistr�s dans la production v�g�tale (palmeraies et cultures annuelles), les incidences des projets de coop�ratives (au Grand Agonvy, par exemple) (Dissou, 1972) sont relativement positives dans certains domaines. On doit cette situation aux effets engendr�s par la mise en oeuvre du programme social et des infrastructures d'accompagnement.

Gestion des terres de r�gime traditionnel de propri�t� priv�e

Utilisation des diverses cat�gories de main-d'oeuvre et leurs incidences sur la mise en valeur des terres. Les conditions d'utilisation de la main-d' oeuvre agricole, notamment les formes de sa r�mun�ration, et les modes de transfert du patrimoine foncier (ce dernier sera discut� plus loin) sont parmi les facteurs exer�ant d'importantes influences sur la mise en valeur des terres du r�gime traditionnel de propri�t� priv�e. Pour la mise en valeur des terres soumises � ce r�gime, les paysans ont surtout recours � deux cat�gories de main-d'uvre: la main-d'oeuvre familiale et l'entraide. Quant � la main-d'oeuvre salari�e, elle est tr�s peu sollicit�e dans le cadre des exploitations agricoles familiales traditionnelles.

La main-d'oeuvre familiale tire son origine de l'organisation de la vie communautaire sous la direction du chef de lignage. La structure lignag�re a fait place successivement � celle de la famille �largie et � celle du m�nage: famille nucl�aire qui s'organise autour du chef de m�nage dans l'espace que constitue le hou�. Ainsi, de nos jours, la main-d'oeuvre familiale r�sulte essentiellement des prestations de service du chef de m�nage, de ses femmes, de ses enfants non mari�s vivant sous son toit et encore soumis � son autorit� et d'autres personnes � divers degr�s de parent� qui sont � sa charge.

Pour l'ex�cution des travaux agricoles, le chef de m�nage r�partit le travail suivant les capacit�s de chacun. L'ex�cution des t�ches les plus dures (d�frichement et autres travaux culturaux d'entretien ou de pr�paration du sol) est r�serv�e aux hommes. Quant aux enfants, dont la capacit� de travail est tr�s limit�e, ils rendent de petits services aux adultes sur les champs et sont g�n�ralement sp�cialis�s dans les luttes contre les animaux qui d�vastent les r�coltes. Aux femmes incombent naturellement la pr�paration des mets consomm�s sur les lieux de travail et l'ex�cution de certains travaux agricoles relativement faciles tels que la r�colte des c�r�ales, le transport des produits des champs � la maison. C'est surtout dans l'exercice des activit�s commerciales que le r�le des femmes est le plus important.

La principale caract�ristique de la main-d'oeuvre familiale est sa gratuit�. La r�mun�ration ni directe ni imm�diate intervient sous des formes diverses � travers les charges compensatrices: les responsabilit�s mat�rielles qu'assure le chef de m�nage dans l'int�r�t des membres du m�nage. En outre, le chef de m�nage fournit les repas, qui ne diff�rent pas de ceux fournis � la maison, ainsi que l'alcool local (sodabi) ou le vin de palme servi au cours des travaux champ�tres afin de stimuler les travailleurs. Le chef de m�nage peut aussi, apr�s la r�colte, distribuer aux femmes une partie des r�coltes que celles-ci vont vendre au march�. Les b�n�fices qui permettent de r�aliser les transactions commerciales restent acquis aux femmes, ce qui att�nue d�j� quelque peu leur d�pendance vis-�-vis des hommes.

Les performances de la main d'oeuvre familiale sont g�n�ralement faibles et varient en fonction de l'effectif des membres actifs du m�nage, de leur sant� et de leur capacit� r�elle de travail. Cette derni�re reste tr�s limit�e � cause des instruments de travail rudimentaires utilis�s. Dans l'ensemble, les progr�s sont tr�s lents en raison du caract�re diffus de l'action des services de vulgarisation agricole. Aussi constate-t-on une pr�dominance des exploitations de petite superficie ou de taille modeste parmi les exploitations agricoles familiales en raison de la faible productivit� des ressources (humaines ou mat�rielles) engag�es.

Selon un rapport d'�valuation de la Banque mondiale (Banque mondiale, 1991), la taille moyenne d'une exploitation est d'environ 1,7 ha pour une famille moyenne de sept personnes, les superficies variant, � quelques exceptions pr�s, entre 0,4 et 12,7 ha. Seuls 5 pour cent des exploitations dans le sud et 20 pour cent dans le nord disposent de plus de 5 ha. Dans l'ensemble du pays 34 pour cent des exploitations couvrent moins de 1 ha en moyenne.

La coop�ration agricole est repr�sent�e dans nos campagnes par une forme d'organisation traditionnelle d'entraide appel�e adj�lou ou adj�ro. Le seul facteur mis en commun est le travail de la terre. Cette donn�e implique que tous les membres de cette soci�t� coop�rative soient des agriculteurs. Le fonctionnement du syst�me repose sur une rotation �tablie au d�but de chaque saison agricole conform�ment � un calendrier suivant lequel chaque soci�taire re�oit, � tour de r�le sur son domaine agricole, la prestation de services des autres membres. L'ordre de la rotation est souvent d�termin� � partir d'un tirage au sort. G�n�ralement, la prestation, qui ne dure qu'une journ�e, n'est r�serv�e qu'� l'accomplissement de travaux champ�tres les plus durs tels que le d�frichement, la coupe de sous-bois ou le sarclage d'un champ en culture. Le b�n�ficiaire fournit � ses invit�s nourriture et boissons. Le volume du travail livr� et la r�mun�ration en nature sont laiss�s � l'initiative de l'int�ress�.

Le plus souvent, la t�che qu'accomplissent ces coop�rateurs est sup�rieure quantitativement et qualitativement aux prestations de la main-d'oeuvre salari�e agricole. Ainsi apparaissent les aspects positifs de cette forme de coop�ration agricole o� l'�mulation et l'amour du travail bien fait qui animent les soci�taires conduisent � de bons r�sultats. Cependant, cette structure pr�sente des lacunes dont les causes d�rivent des conditions qui ont d�termin� l'apparition de ce cadre d'organisation du travail qui est la r�ponse � un besoin ressenti apr�s l'�clatement des structures lignag�res qui fonctionnaient sous le contr�le d'une autorit� patriarcale centralis�e.

En effet, avec l'av�nement de l'appropriation individuelle des moyens de production tels que la terre, le travail collectif a �t� per�u comme un rem�de pour affronter les difficult�s li�es � une agriculture de subsistance. L'entraide est donc une structure de remplacement qui prend en compte de mani�re imparfaite les besoins ressentis par les populations rurales dans le cadre de l'organisation d'une vie communautaire. Faute de moyens financiers qui lui auraient permis d'envisager l'utilisation de la main-d'oeuvre salari�e, ou celle des associations de manoeuvres agricoles, le recours � la main-d'oeuvre fournie par l'entraide permet aux chefs d'exploitations agricoles familiales de r�aliser certains travaux urgents en p�riode de pointe.

Incidences des modes de transfert des biens fonciers sur la mise en valeur des terres. Parmi les modes de transfert des biens fonciers, ceux ayant un impact important sur la mise en valeur des terres du r�gime traditionnel de propri�t� priv�e sont l'h�ritage, l'achat et le gage traditionnel.

L'acc�s de la femme � la terre et la gestion des biens fonciers

Dans les chapitres pr�c�dents, nous avons examin� la position de la femme eu �gard � l'acc�s � la terre, et avons not� son incapacit� juridique � h�riter des terres de culture selon la coutume et son r�le dans la gestion des biens fonciers dans le r�gime traditionnel de propri�t� priv�e. La restriction qui frappe la femme dans le domaine de l'acc�s � la terre semble li�e au degr� et � la nature de sa participation aux activit�s agricoles, en particulier au sein du m�nage. En effet, comme nous l'avons soulign� plus haut, le r�le de la femme dans les activit�s champ�tres consistait en des prestations de services par l'accomplissement de travaux l�gers (semis, sarclages, r�coltes, transport), de travaux de transformation primaire des produits agricoles et par la commercialisation.

Mais, depuis quelque temps, on observe des changements relativement significatifs. En effet, un nombre de plus en plus croissant de femmes cultivent elles-m�mes leur propre champ, prennent la direction des exploitations agricoles et r�glent toutes les questions relatives � la gestion de leur exploitation.

Ces changements apparaissent comme les cons�quences de l'accroissement des responsabilit�s des femmes au sein de leur foyer. Ces responsabilit�s exigent une augmentation de la participation des femmes � la vie quotidienne des m�nages, notamment par la prise en charge de certaines d�penses n�cessitant des sorties de fonds en raison de la mon�tarisation de plus en plus marqu�e de l'�conomie rurale. En effet, certaines prestations de services (achats d'eau de puits priv�s, mouture du ma�s, r�alisation des travaux agricoles) sont r�mun�r�es en esp�ces de nos jours. Dans ces conditions, le probl�me de l'acc�s de la femme � la terre et celui de la gestion des biens fonciers sous son contr�le rev�tent de nouveaux aspects que nous avons examin�s � travers les donn�es de quelques �tudes de cas r�alis�es dans le sud et le centre du B�nin.

Cas du plateau Adja dans le d�partement du Mono. Dans une �tude de cas, Bert (1987) a r�v�l� que sur le plateau Adja, l'emprunt (68 pour cent), l'achat (17 pour cent), l'h�ritage (12 pour cent), et le m�tayage et la location (repr�sentant ensemble 3 pour cent) constituent � l'heure actuelle les modes d'acc�s � la terre les plus fr�quents pour la femme. Il convient de souligner que l'emprunt repr�sente 68 pour cent des superficies des terres de culture des femmes et que 73 pour cent des femmes y ont recours. Il est surprenant que les maris, contrairement aux us et coutumes, ne pr�tent en moyenne que 24 pour cent des terres de culture exploit�es par leurs �pouses. Hormis le cas des veuves, 25 femmes (soit 44 pour cent de l'�chantillon) n'ont pas emprunt� de terres � leurs maris. Quant aux femmes oblig�es de s'adresser � des personnes en dehors du m�nage, on note que 27 pour cent (principalement les veuves) s'adressent � des parents (fr�res, p�res et fils) pour obtenir 23 pour cent de la superficie totale des terres cultiv�es par les femmes. Enfin, 33 pour cent de l'effectif des femmes ont b�n�fici� d'emprunts effectu�s tant en dehors de leur famille qu'en dehors de leur m�nage, terres qui repr�sentent 21 pour cent des terres totales mises en culture par les femmes.

Il ressort de cette br�ve analyse que les femmes restent, dans la majorit� des cas, tr�s d�pendantes d'autrui dans le domaine de l'acc�s aux terres de culture. Leur position reste donc tr�s vuln�rable � la t�te des exploitations agricoles. En effet, les terres emprunt�es ne pr�sentent aucune s�curit� pour la stabilit� de la gestion; elles peuvent �tre retir�es � tout moment par leur propri�taire, et elles sont g�n�ralement de mauvaise qualit�. Aussi, la mise en valeur de ces terres exige-t-elle des d�penses �lev�es et ne g�n�re que de faibles revenus. Cette situation est la cons�quence de la p�nurie de terres de culture sur le plateau Adja, mais elle d�favorise beaucoup les femmes par rapport aux hommes.

Cas de la sous-pr�fecture de Dassa-Zoum� dans le d�partement du Zou. Comme sur le plateau Adja, l'emprunt demeure le principal mode d'acc�s � la terre pour les femmes (Agossou, 1992). Sur les 43 femmes interview�es, 40 d'entre elles ont eu recours � l'emprunt de terres. Comme partout ailleurs, les parcelles qui font l'objet de pr�t ont g�n�ralement �t� cultiv�es pendant une longue p�riode et leur sol ne permet pas d'obtenir de bons rendements.

Les deux cas s'accordent avec les observations faites tout au long du territoire national: 76 pour cent des femmes signalent des probl�mes concernant la qualit� et la disponibilit� des terres dans le Zou Nord et 72 pour cent des femmes estiment que les terres de bonne qualit� existent, mais qu'elles ne sont pas disponibles. Les meilleures terres sont r�serv�es aux cultures de rente et les exploitations dirig�es par les femmes n'ont pas, en quantit�, la force de travail dont disposent les hommes pour cultiver plus, ni les moyens de transport pour des terres �loign�es. Il reste � prouver qu'il ne s'agit pas d'une marginalisation4. Malgr� une l�g�re �volution dans le domaine, l'acc�s des femmes � la terre demeure bloqu� par les pratiques traditionnelles en milieu rural bien qu'elles d�tiennent d�sormais un r�le et une place de plus en plus importants au sein du m�nage, position qui les conduit � devenir des chefs d'exploitation agricole.

CONCLUSIONS

La pr�sente �tude met en �vidence la diversit� de la situation juridique des terres et les particularit�s des formes de gestion des biens fonciers au B�nin. Bien que la technique de l'immatriculation des terres ait �t� impos�e sous la colonisation (d�crets du 5 ao�t 1900, du 8 octobre 1925, du 26 juillet 1932, du 20 mai 1955 et du 10 juillet 1956), et que la loi no 65-25 du 14 ao�t 1965 ait �t� promulgu�e apr�s l'ind�pendance, le r�gime juridique des terres reste soumis � un dualisme �voluant sous le contr�le des r�gles des droits coutumiers et modernes.

A la suite de la d�sint�gration des structures sociales traditionnelles, et avec l'expansion de l'individualisme, la question de l'appropriation fonci�re (par l'Etat ou par les syst�mes coutumiers) appara�t comme l'�l�ment central autour duquel gravitent la plupart des probl�mes fonciers dans les domaines juridiques et de la mise en valeur. L'�volution d�mographique galopante se traduit partout par un besoin accru de terres de culture qui exerce une pression de plus en plus intenable sur les domaines forestiers de l'Etat, m�me dans la partie septentrionale du pays caract�ris�e par une faible densit� de population. Il en r�sulte une situation conflictuelle difficile � g�rer qui concerne l'appropriation collective coutumi�re et la contestation des populations locales du droit �minent de l'Etat sur les terres des domaines class�s. L'absence de solutions claires acceptables par les deux parties (l'Etat et les populations) constitue une source permanente d'ins�curit� dans la gestion des ressources naturelles des domaines forestiers de l'Etat et des r�serves cyn�g�tiques.

De m�me, le cas d'expropriation dans le cadre de l'am�nagement des p�rim�tres irrigu�s et des plantations de palmiers � huile s�lectionn�s, suivi de la redistribution des parcelles conform�ment � des normes fonci�res contraires � la logique paysanne, a �t� � l'origine d'une v�ritable confrontation entre les organismes �tatiques de d�veloppement et la paysannerie. Cette situation a g�n�r� dans la gestion de p�rim�tres d'am�nagement rural de palmeraies et de riziculture une impasse qui perdure.

Quant � l'application de techniques d'immatriculation relatives � l'appropriation fonci�re individuelle institu�e conform�ment � des dispositions du droit moderne, elle reste limit�e � la zone urbaine et rencontre, en milieu rural, d'�normes contraintes difficiles � surmonter. Pourtant, de nos jours, cette derni�re forme d'appropriation peut permettre de s�curiser la situation fonci�re au niveau individuel au sein des communaut�s rurales, afin de cr�er un cadre favorable � la r�alisation des investissements qu'appelle tout effort r�el d'intensification agricole.

Le r�le pr�pond�rant que jouent les femmes en milieu rural et qui leur conf�re une position privil�gi�e au sein des exploitations agricoles appelle n�cessairement une r�vision des conditions de leur acc�s � la terre. Il faut, notamment, �liminer les entraves qu'engendrent des pratiques traditionnelles r�trogrades en mati�re d'h�ritage de biens fonciers et mettre en oeuvre des mesures sp�cifiques permettant de leur venir en aide dans l'exercice de leurs fonctions d'agricultrices.

Les diverses analyses qui pr�c�dent indiquent clairement que la question fonci�re est d�sormais un �l�ment pr�occupant dans l'ensemble des probl�mes auxquels le monde rural b�ninois se trouve confront�. C'est de l'�chec des solutions propos�es pour r�soudre le probl�me foncier que r�sultent en partie les insucc�s et autres difficult�s de tout genre enregistr�s dans la promotion de l'agriculture, notamment au sud du B�nin. On cite surtout l'insucc�s des coop�ratives d'am�nagement rural mobilisant une trentaine de milliers d'hectares de terres et qui ont consomm� pr�s d'une quinzaine de milliards de FCFA d'aide ext�rieure. Ces faibles performances ont �t� r�alis�es au niveau des projets agricoles plac�s sous l'administration des organismes de d�veloppement rural.

En milieu rural africain, les probl�mes fonciers �voluent sous le contr�le de deux facteurs importants que, malheureusement, la paysannerie ne parvient pas � ma�triser: l'�volution d�mographique galopante et l'utilisation de techniques agricoles rudimentaires exigeant la pratique de jach�res dont il est difficile, voire impossible de respecter la dur�e. Ainsi, il devient n�cessaire, m�me urgent, de d�finir un cadre l�gal dans lequel devront �tre examin�s les probl�mes relatifs au domaine foncier. L'�laboration d'un tel instrument juridique et technique exige la mise en oeuvre d'un processus de concertation entre les pouvoirs publics et les repr�sentants authentiques du paysannat.

Cette concertation, qui devra �tre r�alis�e sous forme de dialogue, devra aussi �tre appuy�e par diverses comp�tences sous forme d'apports et d'efforts multiples et multiformes, tels que les travaux de r�flexion, les confrontations entre les exp�riences de terrain, les efforts financiers, etc. La pr�sente �tude analytique veut �tre l'expression d'un souhait, celui d'apporter une modeste contribution � l'effort de r�flexion tant indispensable, et de poser un des jalons du long processus de concertation que les autorit�s comp�tentes seront appel�es � d�clencher.


1Malgr� la superficie limit�e des sites sur lesquels les tentatives de cr�ation de coop�ratives se sont d�roul�es, cette initiative est instructive et sera discut�e plus loin.

2L'exception au B�nin est le cas des coop�ratives d'am�nagement rural, qui est un exemple vivant dans ce domaine: l'application de la loi no 61-27 a permis d'ex�cuter par la voie obligatoire le regroupement et le remembrement des terres dans les r�gions fortement peupl�es du Sud-B�nin.

3Tandis que le gagiste s'approprie temporairement la parcelle, on a vu plus haut qu'il a de bonnes chances d'en devenir le propri�taire d�finitif.

4Enqu�te de r�f�rence effectu�e par la Direction du suivi et de l'�valuation interne (DSEI) du CARDER du Zou (1988).

BIBLIOGRAPHIE

Agossou, G. 1992. Le r�le et la place des femmes dans les exploitations agricoles: �tude de cas de deux villages de la sous-pr�fecture de Dassa Zoum�. Province de Zou. Abomey-Calavi. (m�moire)

Banque mondiale. 1991. Projet de restructuration des services agricoles. Rapport no 9442-BEN.

Bert, L. L'acc�s � la terre dans un village du plateau Adja. UNB/LUW/SVR. Abomey-Calavi.

Dissou, M. 1972. Structures agraires dans la r�gion d'Agonvy. Communication au Colloque international sur les r�gimes fonciers en Afrique. Universit� d'Ibadan, Nig�ria;1983. La palmeraie b�ninoise: exploitation traditionnelle et am�nagement volontaire. Universit� de Paris X.. (th�se de doctorat d'Etat)

Mensah, N.G. 1971 Droit et d�veloppement rural en Afrique: l'exemple du Dahomey. Universit� de Paris. (th�se de doctorat d'Etat)

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