FRANÇOIS MERGEN
Assistant Professor of Forest Genetics, Yale University School of Forestry, New Haven, Connecticut, Etat-Unis
La préparation de l'Année mondiale " Semences" a conduit la FAO à soutenir les campagnes menées dans divers pays pour l'amélioration de la qualité des graines et l'emploi plus large de ces graines améliorées. Les recherches portant sur la génétique et, en particulier, l'amélioration des arbres forestiers sont un élément important de la production de bonnes graines et d'arbres de haute qualité. L'étude consacrée par le Professeur Mergen à l'amélioration des arbres forestiers est divisée en deux parties. Dans le présent numéro il traite de la sélection d'individus, des tests de descendance et des tests de clones, et de la multiplication végétative. Dans le prochain numéro d'Unasylva, un nouvel article portera sur l'hybridation, la pollinisation contrôlée, et l'induction de la floraison et de la fructification. Ces recherches doivent prendre de plus en plus d'importance pour les forestiers et les utilisateurs du bois.
Les lecteurs sont invités à adresser leurs observations au Directeur de la Division des forêts et des produits forestiers, FAO, Rome.
ACTUELLEMENT, les programmes de plantation se développent de plus en plus dans le monde entier. La demande en graines et en plants forestiers s'accroît rapidement et dépasse souvent l'offre. Dans ces conditions les pépiniéristes ne contrôlent pas autant qu'il serait désirable la qualité génétique et l'origine des graines. Néanmoins, on se préoccupe infiniment plus que par le passé de savoir ce que l'on plante réellement.
Les vergers à graines et les peuplements producteurs de graines établis actuellement doivent concourir à résoudre le problème de la fourniture des graines et assurer la production de graines à partir d'arbres de provenance connue et de bonne qualité. Dans ces peuplements spécialisés, des arbres sélectionnés sont multipliés en vue de la production de graines de haute qualité. Les arbres qui figurent dans les vergers à graines sont choisis parce qu'ils présentent un certain nombre de caractères favorables: résistance à une maladie, croissance rapide, bonne forme du fût, bon élagage naturel, densité du bois élevée ou forte production de gemme.
Les peuplements porte-graines sont constitués par les meilleurs peuplements naturels ou artificiels dans lesquels les arbres indésirables sont éliminés et les meilleurs conservés pour la production de graines. Ces semenciers sont sélectionnés uniquement d'après leur aspect extérieur (phénotype), et leur constitution héréditaire véritable (génotype) ne peut être déterminée que lorsque leurs descendants, c'est-à-dire les plants issus des graines qu'ils produisent, sont assez vieux pour qu'on puisse estimer leur valeur. Le choix des arbres pour la constitution des peuplements porte-graines est assez simple et consiste à laisser, régulièrement répartis sur le terrain, les vingt-cinq à cent vingt-cinq meilleurs arbres à l'hectare de telle sorte que chaque arbre choisi puisse développer librement sa cime au maximum et ainsi produire le maximum de graines.
La sélection est, nous l'avons dit, purement visuelle, mais, si elle est faite dans un peuplement équienne et complet, les arbres choisis seront normalement ceux qui auront survécu à la concurrence vitale et seront les mieux adaptés aux conditions de la station. Ce type de sélection n'aboutira pas à une amélioration considérable des descendants par rapport aux parents mais maintiendra en quelque sorte un statu quo génétique et assurera la production de graines d'origine connue à partir de bons phénotypes à un prix compétitif avec ceux du commerce. Mais surtout, elle permettra d'éviter la sélection à rebours qui résulte de la récolte de cônes sur des arbres isolés et de mauvaise forme; en effet, les caractères qui font qu'un arbre est intéressant pour un récolteur de graines (branches longues, fortes et nombreuses, cime large, mauvais élagage naturel) sont ceux qui le rendent indésirable en tant que source de graines du point de vue du forestier sylviculteur.
Dans le domaine général de la sélection d'individus, les efforts principaux ont porté sur le choix des meilleurs arbres non pas dans un peuplement donné, mais dans une région donnée ou dans toute l'aire naturelle de l'espèce. Cela principalement en vue de leur utilisation dans les vergers à graines. Ce type de sélection constitue la base de la plupart des programmes d'amélioration qui ont pour but la production en masse d'arbres supérieurs à la moyenne pour un caractère particulier. Ces arbres «plus» fournissent les graines et le pollen pour les tests de descendance et les boutures ou greffons pour la multiplication végétative. Ils ont aussi un autre but, celui de conserver pour les générations futures les combinaisons génétiques particulièrement remarquables. Dans les forêts du monde entier, les forestiers sont à la recherche des pins résistant aux insectes ou aux maladies, des épicéas à croissance très rapide, des érables à sève très sucrée, des chataîgniers résistant à l'endothiose, des bouleaux à fibre ondulée. Ces quelques exemples n'épuisent pas, loin de là, la longue liste des caractères recherchés (figure 1).
Bien que la sélection des arbres remarquables soit poursuivie depuis un certain temps nous n'avons pas encore assez de renseignements précis pour fonder une méthode générale d'évaluation des qualités d'un arbre. L'amélioration qu'on peut attendre d'un type donné de sélection doit être évaluée dans chaque cas. Dans un certain cas, la sélection d'arbres «plus» et leur propagation en masse peut être une ligne d'approche intéressante, tandis que dans d'autres cas, par exemple, lorsque les caractères recherchés dépendent plus de l'influence du milieu que de celle de l'hérédité, ou bien lorsqu'il est impossible de réaliser une sélection et une estimation normales, cette technique n'aboutira à aucune amélioration. Le taux d'amélioration concernant un caractère particulier et la rapidité avec laquelle cette amélioration se manifestera grâce à la sélection vont dépendre de plusieurs facteurs: l'intensité de la technique de sélection, l'étendue de la variabilité du caractère dans l'espèce envisagée, le degré d'héritabilité de ce caractère et la technique de multiplication.
L'intensité de la sélection est liée aux normes établies avant le début de l'opération. La sélection peut être faite sur la base du pourcentage de supériorité - on choisit par exemple les arbres dont la croissance est deux fois plus rapide que la croissance moyenne du peuplement; on peut choisir aussi le meilleur arbre sur cent, mille ou dix mille; ou encore l'arbre supérieur à la moyenne d'au moins quatre fois l'écart-type. Dans la sélection pour la résistance aux maladies ou aux insectes on choisit soit les arbres indemnes, soit ceux qui ont été atteints mais qui ont pu surmonter l'attaque.
La portée de la sélection est limitée par l'étendue de la variabilité génétique présente dans une espèce donnée. En effet, dans la technique de sélection suivie d'hybridation intra-spécifique, aucun gêne nouveau n'est introduit dans le stock de gêne de l'espèce. Il faut donc avoir une variabilité génétique suffisante, sinon la sélection ne donne aucun résultat sensible (figure 2).
L'héritabilité est une mesure du degré de transmission d'un caractère; exprimée en termes de statistique c'est le rapport de la variance génétique à la variance totale. Par conséquent, plus grand est l'effet génétique, plus élevé est le taux d'héritabilité. Cette héritabilité résultant de deux facteurs, à savoir l'hérédité et le milieu, elle peut être modifiée par un changement dans les conditions du milieu.
La rapidité avec laquelle l'amélioration est obtenue dépend dans une large mesure de la technique de multiplication. Si les caractères désirables sont étroitement contrôlés par l'hérédité, et si l'espèce se prête sur le plan pratique à la multiplication par boutures, une certaine quantité de matériel amélioré peut être obtenue immédiatement. Si, à l'autre extrême, l'arbre choisi ne peut être reproduit que par voie sexuée et si le taux d'amélioration génétique par génération est faible, cent années ou plus seront peut être nécessaires pour obtenir une amélioration pratiquement intéressante.
Des critères sévères de sélection d'arbres «plus», basés sur les renseignements que l'on possède actuellement sur les descendances, doivent être établis sans délai pour toutes les espèces commercialement importantes, de sorte que toutes leurs possibilités génétiques puissent être pleinement utilisées. Les critères et les techniques de sélection doivent être mis au point par une collaboration entre les forestiers de terrain, les utilisateurs du bois et les généticiens forestiers. Ces critères devront être modifiés au fur et à mesure que les résultats des tests de descendance deviennent disponibles. Il faut insister dans ces spécifications sur des caractères individuels tels qu'une teneur élevée en produits d'extraction, la rapidité de croissance ou la résistance aux insectes ou aux maladies. De plus, certains forestiers mettent l'accent sur la réunion de plusieurs caractères favorables, par exemple une croissance en diamètre et en hauteur exceptionnelle alliée à un bois dense, à fil droit et à forte teneur en alpha-cellulose. Si l'on choisit des arbres pour un seul caractère, la sélection est beaucoup plus efficace; la difficulté et les risques d'échec augmentent en progression géométrique avec le nombre de caractères envisagés, à moins qu'il n'y ait une liaison génétique (linkage) entre ces caractères. Dans la plupart des cas la sélection ne sera efficace que si elle s'exerce sur un seul ou à la rigueur deux caractères à la fois. La sélection sur le terrain peut être facilitée si l'on distribue aux forestiers et à tous ceux qui travaillent en forêt des guides illustrés concernant les diverses espèces, grâce auxquels leur attention sera attirée sur le repérage d'arbres exceptionnels. L'arbre «plus» idéal peut aussi faire l'objet d'une description en termes statistiques qui servira de base pour la reconnaissance de tels arbres.
Pour certains caractères la sélection doit se faire sur des arbres adultes proches de l'âge d'exploitabilité, tandis que pour les caractères qui se manifestent déjà chez les plants ou les jeunes arbres, les arbres «plus» peuvent être sélectionnés en pépinière ou dans les jeunes plantations. Par exemple, les Pinus palustris avec un stade «herbacé» court (1 à 2 ans), ou les arbres présentant une résistance au froid exceptionnelle, ont été sélectionnés en pépinière. Mais une telle sélection n'a un sens que si les caractères qui se manifestent au stade juvénile se maintiennent lorsque l'arbre atteint sa maturité. Lorsque la sélection en pépinière est possible, cette méthode présente l'avantage d'un choix parmi des millions de plants du même âge poussant dans des conditions uniformes. La sélection en pépinière est plus efficace lorsque le semis est précédé d'un tri des graines par catégories de grosseur, ce qui permet d'éliminer une partie de la variation de la croissance en hauteur et de la vigueur pendant les premières années.
La sélection d'arbres exceptionnels tient maintenant dans les programmes d'amélioration une place particulièrement importante, comme le montrent les résultats des tests de descendance établis à partir de parents sélectionnés pour les caractères suivants: production de gemme, caractéristiques des fibres, production de latex, résistance à la sécheresse, aux maladies, et surtout allure de la croissance. Pourtant, pour la plupart des caractères, tant que la sélection restera basée seulement sur l'aspect le phénotype, le rapport du nombre des génotypes «plus» à celui des phénotypes «plus»sélectionnés sera faible. Il faut trouver des méthodes de sélection qui permettront un diagnostic précis basé sur des caractères morphologiques. Les tests de descendance doivent faciliter la mise au point de tests biochimiques et physiques minutieux portant sur les causes biologiques profondes dont les caractères morphologiques ne sont que la manifestation extérieure. Voici quelques exemples de tests qui pourraient être employés: la teneur en tanin de l'écorce du chataîgnier comme indicateur de la résistance à l'endothiose; la viscosité de la gemme comme mesure de l'aptitude à la production de gemme; les exsudations de résine sur les branches des pins, indication de résistance aux cécidomyies de l'écorce. La mise au point de ces tests ne doit pas être considérée comme une fin en soi, mais ils doivent aider à raccourcir la durée des tests de descendance en permettant de porter un jugement sur de très jeunes plants.
En général, l'intensité de la sélection dépend de la technique d'amélioration envisagée et du temps et de l'argent que l'on peut investir dans ce travail. Si l'arbre doit faire l'objet de multiplication végétative en grand, de pollinisations contrôlées puis de tests de descendance il faut consacrer à la phase de sélection beaucoup de temps et beaucoup de travail. Il est recommandé de repérer, d'écrire et de cataloguer chaque individu afin que ces renseignements précis puissent être communiqués à d'autres généticiens forestiers, il faut aussi réserver l'arbre afin qu'il ne soit pas exploité. Le nombre d'arbres «plus» enregistrés qui ont été sélectionnés dans le monde entier est impressionnant. Rien qu'en Suède, 3 000 arbres environ ont été sélectionnés et enregistrés pour leur croissance remarquable en hauteur et en diamètre et pour leur forme exceptionnelle (figure 3). Ces arbres constituent le cur même du programme d'amélioration suédois (Streyffert, 1958). En Finlande, en 1953, environ 500 pins, 200 épicéas, 100 bouleaux et quelque 200 arbres d'autres espèces ont été sélectionnés, mesurés en détail et repérés sur le terrain. Certains de ces arbres se trouvent dans des peuplements situés au nord du Cercle polaire (Anonyme 1953).
Lorsqu'on établit la liste des critères de sélection des arbres «plus», il faut penser que les résultats pratiques d'un programme d'amélioration ne seront disponibles sur le plan commercial que dans un délai de 30 à 50 ans. Par le fait des progrès rapides dans les normes d'utilisation et dans les techniques de transformation, certaines des caractéristiques spécifiques que nous demandons à l'arbre «plus» seront satisfaites grâce aux seuls progrès techniques au moment où le matériel amélioré sera mis sur le marché. Il faut donc sélectionner seulement pour les caractères dont on estime qu'ils conserveront encore leur importance dans 30 à 50 ans.
La sélection d'arbres «plus» sur le terrain est basée sur l'aspect extérieur ou phénotype de l'arbre. L'arbre tel qu'il existe dans la forêt - le phénotype - est le résultat d'une interaction entre le patrimoine héréditaire ou génotype et les conditions particulières du milieu. Les caractères exceptionnels d'un arbre sélectionné peuvent donc être dus soit à un milieu favorable, soit à un bon génotype, soit plus probablement à une combinaison des deux.
Sans nouveau contrôle, il n'est pas possible d'attribuer la manifestation d'un caractère particulier aux facteurs héréditaires ou à l'action du milieu. Par exemple un pin Weymouth adulte est indemne de rouille vésiculeuse soit parce qu'il n'a pas été atteint par les spores soit parce qu'il est intrinséquement résistant à la maladie. De même, le fait qu'un pin sylvestre possède un tronc droit et bien élagué peut être attribué soit à un caractère intrinsèque de port, soit à sa croissance au sein d'un peuplement dense. La seule manière d'isoler l'effet du génotype de celui du milieu consiste à multiplier l'arbre par voie végétative et à cultiver le clone obtenu dans un milieu uniforme, ou bien à étudier sa descendance.
Parfois, la nature elle-même réalise à notre intention de petits tests de descendance; par exemple, dans un champ abandonné compris dans l'Osceola National Forest, en Floride, Etats-Unis, la régénération naturelle existant sous un Pinus elliottii isolé et nettement fourchu commence à présenter des fourches à la même hauteur et un port comparable à celui de l'arbre mère. De tels exemples plaident en faveur de différences génétiques, mais des études comparatives de descendance sont nécessaires pour établir la preuve définitive que les caractères sélectionnés ou la tendance à présenter ces caractères sont contrôlés surtout par l'hérédité. Les tests de descendance sont longs et coûteux mais ils sont essentiels et permettront d'évaluer le bénéfice que l'on peut attendre sur le plan économique de la multiplication des arbres sélectionnés. Ces tests sont l'épine dorsale des programmes d'amélioration; ils doivent donc être prévus, disposés et exécutés avec le plus grand soin. Tant que la description d'un arbre «plus» n'est pas appuyée par le résultat des tests de descendance, on ne peut faire fond sur elle pour le travail d'amélioration car elle n'est jusque là pas autre chose que la description d'un «bel» arbre.
L'importance de l'action des facteurs héréditaires sur un caractère donné peut être évaluée par les plantations comparatives de clones et par les tests de descendance. Dans les premières, les arbres sélectionnés sont multipliés par voie végétative, et les clones ainsi obtenus sont plantés dans des conditions de milieu uniformes ou parfaitement définies. La multiplication peut se faire par boutures ligneuses, par marcottage aérien, par boutures d'aiguilles, par drageons ou par greffage. La greffe ne convient pas si l'on veut étudier l'adaptation à un type de sol particulier, la croissance des racines et les autres caractères qui font intervenir le système radiculaire.
Le choix des arbres «plus» est généralement fait sur une grande surface, et parfois les arbres sélectionnés d'une même espèce sont distants de plusieurs centaines de kilomètres. De ce fait, il est impossible d'évaluer objectivement les qualités respectives de chacun. Mais, en les multipliant végétativement, ces arbres peuvent être réunis et testés en plantation comparative, dans des conditions de milieu variées.
Ces «tests de clones», ont servi à déterminer si un arbre est réellement résistant à une maladie ou bien s'il n'a pas été endommagé seulement parce que l'agent pathogène ne l'a pas touché; ils ont servi en outre à connaître la production de gemme de Pinus elliottii et la qualité de cette gemme; à évaluer des caractères anatomiques et morphologiques tels que la couleur des aiguilles, l'angle d'insertion des branches et les caractères phénologiques d'ensemble. Ces tests de clones constituent une aide précieuse pour connaître l'influence du milieu sur les caractères choisis, mais ils n'apportent que peu de lumière sur le mode de transmission de ces caractères ou l'aptitude à la combinaison. Mais ils peuvent donner des résultats plus rapidement que les tests de descendance, d'autant qu'ils permettent une certaine estimation du génotype, et l'élimination d'erreurs grossières avant le début des tests de descendance.
Le Dr. Syrach Larsen fut, au Danemark, le pionnier de l'emploi des clones pour comparer les génotypes des arbres sélectionnés. Dans ces «expositions d'arbres», ainsi qu'il appelle les tests de clones, il cherche à exprimer le comportement de plusieurs génotypes placés dans un milieu uniforme (Syrach Larsen, 1956). Mais la seule manière possible de connaître le mécanisme de la transmission des caractères ou d'estimer le taux d'héritabilité est l'étude de la descendance des arbres sélectionnés. Ces tests de descendance donnent plus de renseignements sur le génotype des arbres sélectionnés en ce qui concerne les qualités recherchées que ne peuvent le faire les arbres «plus» eux-mêmes. L'emploi de ces arbres dans la pratique des plantations exige une connaissance de certains caractères qui ne peut être déduite de l'étude d'un seul individu, par exemple la production à l'hectare.
Suivant les buts du programme d'amélioration et suivant les moyens en personnel et en matériel dont, on dispose, les tests de descendance à partir des graines peuvent être soit des tests uniparentaux soit des tests biparentaux. Dans les tests uniparentaux les graines issues de pollinisation libre sont récoltées sur l'arbre «plus» et le parent femelle est seul connu. Dans les tests biparentaux on procède par croisement contrôlé ou autofécondation, avec un pollen bien déterminé, et ainsi les deux parents sont connus. Les tests uniparentaux fournissent des renseignements importants sur le mode d'hérédité mais ils doivent être répétés sur plusieurs années, parce que les parents mâles (source de pollen) peuvent varier d'une année à l'autre suivant les conditions météorologiques existant au moment de La pollinisation. Ces tests sont moins précis que les tests biparentaux, mais ils ont l'avantage de pouvoir être commencés sans délai; leur interprétation est assez difficile et doit être faite par des généticiens expérimentés. Ils sont particulièrement utiles si l'on veut évaluer l'amélioration qu'on pourra attendre, pour un caractère donné, de la récolte de graines sur les arbres «plus» eux-mêmes.
L'implantation sur le terrain des tests de descendance, spécialement des tests biparentaux, pose des problèmes considérables, dont beaucoup ne présentent que des solutions contradictoires (figure 4). Le nombre d'arbres de chaque descendance est un élément important, car il doit être assez élevé pour que l'erreur d'échantillonnage reste faible. Mais si on emploie un grand nombre d'arbres dans chaque bloc, on augmente la surface et par conséquent les risques d'hétérogénéité du milieu. De plus, la nature du caractère étudié détermine partiellement l'erreur aléatoire et ainsi se trouve directement liée avec le nombre d'arbres dans chaque descendance. La variabilité entre les différentes descendances n'est presque jamais uniforme, ce qui introduit une autre variable. En outre, on doit souvent compter sur des descendances inégales en nombre, en raison des fructifications insuffisantes ou des pertes dues aux rongeurs ou aux oiseaux. Cette difficulté peut être surmontée en partie par l'emploi des dispositifs en blocs incomplets équilibrés ou partiellement équilibrés. La densité des arbres dans la plantation variera également, forte au début, elle diminuera, au fur et à mesure que les arbres grandiront, jusqu'à la fin de l'expérience. Suivant le mode d'éclaircie systématique ou non systématique - l'erreur aléatoire peut varier beaucoup. Il faut également considérer que l'effet additif du milieu sur le génotype n'est pas toujours du même ordre de grandeur pour tous les génotypes. Certains tests de descendance permettent de bien connaître les caractéristiques des diverses descendances, sans pour cela renseigner sur les parents sélectionnés. Les tests doivent être disposés de telle façon qu'on puisse en tirer le maximum de corrélations entre les résultats des descendances et le génotype des parents (Strand, 1952). A moins qu'on puisse multiplier les répétitions et répartir les placettes complètement au hasard, il est préférable de soumettre le dispositif à un statisticien qualifié avant la plantation, plutôt que de faire appel à lui seulement pour l'interprétation des résultats.
Grâce au perfectionnement des chambres où les conditions du milieu sont entièrement contrôlées (phytotrons) et à l'intérêt qu'elles soulèvent de plus en plus, l'induction de la floraison et des tests de descendance en milieu strictement contrôlé vont devenir réalisables; ces derniers permettront de tester certains caractères de façon plus rapide et plus précise, spécialement pour les tests basés sur des techniques biochimiques ou physiques plutôt que sur des mesures de la croissance globale. Le domaine des tests de descendance des arbres forestiers est assez nouveau, et des progrès considérables pourront sans doute résulter d'une collaboration des généticiens, des physiologistes et des spécialistes en biométrie.
MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE
La technique de la multiplication végétative a des applications immédiates dans les programmes d'amélioration des arbres forestiers, parce qu'elle permet de multiplier 1000 ou même 10 000 fois les arbres héréditairement supérieurs sans altérer leur génotype. Lorsque les arbres sont reproduits par voie végétative, ils sont multipliés sans qu'il y ait fusion des cellules sexuelles mâle et femelle. Cette reproduction asexuée donne des plants qui sont des copies exactement conformes au modèle, sans aucun caractère nouveau ou différent appartenant à un autre parent, sous réserve de l'intervention de mutations. Ainsi, la multiplication végétative est un outil essentiel qui permet de multiplier et de préserver les patrimoines héréditaires remarquables, et d'estimer le génotype par le moyen des tests de clones.
Si un arbre «plus» se bouture facilement, il peut être immédiatement «tiré» à un grand nombre d'exemplaires. C'est le cas pour certains feuillus, par exemple les saules, les peupliers, le robinier. Mais, pour la plupart des espèces, et notamment les conifères, la multiplication végétative sur une grande échelle est pratiquement impossible, et il faut recourir à la reproduction par graines. Dans ce but, on établit des vergers à graines avec des plants greffés ou des boutures d'arbres «plus», et ces vergers sont aménagés exclusivement en vue de la production de graines de haute qualité.
Malgré l'importance de cette question en foresterie, c'est seulement depuis 20 ou 30 ans que des essais sérieux ont été entrepris pour multiplier par voie végétative des arbres forestiers qui normalement ne se bouturent ni ne rejettent. La mise au point de techniques de bouturage pour les espèces réfractaires fait l'objet de nombreuses recherches. Des essais sont réalisés en faisant varier les milieux de propagation, les régimes thermiques et lumineux, les traitements aux phytohormones, les éléments nutritifs, les fongicides et insecticides, l'époque de bouturage, et l'âge des arbres (Mergen, 1955. Malgré ces efforts concentrés sur le même problème, il est encore impossible, pour beaucoup d'espèces, d'obtenir des boutures avec de bons systèmes radiculaires. Depuis qu'on dispose de feuilles minces de matière plastique, il est possible d'obtenir l'émission de racines par bouturage aérien sur des branches d'arbres en place, pour des espèces réfractaires au bouturage normal. La technique du bouturage aérien est connue depuis 2 000 ans, mais ce n'est qu'à une date récente qu'elle a été utilisée dans le travail d'amélioration pour multiplier les arbres forestiers (figure 5). Certains conifères peuvent aussi être multipliés par bouturage de fascicules d'aiguilles isolés.
En agriculture, certaines plantes ont été multipliées végétativement depuis plusieurs siècles sans perte appréciable de vigueur, et il n'existe jusqu'ici aucune probabilité pour que les arbres ainsi multipliés présentent une vigueur réduite. Il est à craindre cependant que, en raison de l'identité génétique de tous les membres d'un même clone, une maladie cryptogamique ou une attaque d'insectes survenant sur ce clone ne se propagent avec une très grande rapidité. Cet inconvénient se manifeste pour certains clones de peupliers hybrides multipliés par boutures, notamment lorsqu'un peuplement est entièrement constitué par un seul clone.
Suivant les espèces, il n'y a pas ou peu de différence dans la croissance des boutures prélevées sur des parties différentes du même arbre, et, une fois qu'elles sont installées, les boutures sont tout à fait semblables à des plants issus de graines. Il est prouvé cependant que chez certaines espèces les boutures de branches latérales conservent toute leur vie une croissance plagiotrope. Le genre Araucaria fournit un bon exemple de ce type de comportement.
La reproduction des arbres remarquables dans un but commercial ne représente peut être pas l'emploi le plus large de la multiplication végétative; mais son rôle majeur est plutôt celui d'un outil de recherche. Ainsi qu'il est dit ci-dessous, les arbres sélectionnés sont le plus souvent dispersés dans toute l'aire de l'espèce et de ce fait il est difficile de polliniser artificiellement un grand nombre d'arbres dans la même saison. On greffe donc des scions, prélevés sur ces arbres, sur des porte-greffes installés au voisinage des laboratoires, afin de faciliter le travail d'amélioration. De cette manière, le patrimoine héréditaire des arbres sélectionnés est préservé, même si l'arbre mère meurt, et les scions d'un seul arbre peuvent être greffés et installés en divers endroits, dans le monde entier. Il existe par exemple des douglas au Danemark qui ont exactement le même génotype que des arbres de l'aire naturelle de l'espèce aux Etats-Unis (Syrach Larsen, 1956).
En outre, la multiplication végétative permet d'installer un scion sur un porte-greffe adapté à des conditions de milieu particulières; de changer un arbre dioïque en arbre monoïque; de propager des mutations gemmaires; de favoriser la formation des fleurs; d'étudier le mode de transmission des virus et les mécanismes de résistance. Il est également possible de réaliser des greffes intergénériques et interspécifiques (hétéroplastiques) qui permettent d'étudier plus facilement la translocation des substances solubles (figure 6). A l'intérieur d'un même genre, toutes les combinaisons de greffes ne sont pourtant pas complètement compatibles, mais cette incompatibilité partielle est mise à profit pour provoquer une floraison précoce chez plusieurs arbres fruitiers.
De grands progrès ont été réalisés dans le domaine général de la multiplication végétative des arbres forestiers, mais des études poussées sur la physiologie de l'enracinement sont encore nécessaires pour résoudre le problème posé par les espèces qui s'enracinent très difficilement. La technique de la multiplication végétative a fait la preuve de son importance dans les diverses phases du travail d'amélioration des arbres forestiers, et, avec le développement des recherches fondamentales sur ces arbres, son intérêt dans d'autres branches de la biologie forestière sera certainement reconnu.
L'amélioration des arbres forestiers est encore dans les premiers stades de son développement, dans la phase descriptive de mise en forme de la technique. Durant les dernières décennies, nous avons acquis des connaissances considérables en ce qui concerne la variabilité génétique de nos espèces forestières, leur physiologie, la manière de tester cette variabilité et d'appliquer ces résultats au profit de la sylviculture. De nouvelles recherches fondamentales et appliquées sont nécessaires pour progresser dans ce domaine, et, au fur et à mesure que de nouveaux résultats seront obtenus, beaucoup d'idées aujourd'hui classiques concernant la sélection et les tests de descendance seront très certainement modifiées ou remplacées par d'autres. On peut cependant compter que l'amélioration apportera une contribution importante et pratique à la foresterie dans son ensemble.
ANONYME, 1953 - Forest tree breeding in Finland (L'amélioration des arbres forestiers en Finlande) Finnish Paper and Timber 6: 73-74.
LARSEN, C. S. 1956 - Genetics in silviculture (Génétique forestière) Oliver and Boyd, Londres. xi + 224 p.
MERGEN, F. 1955 - Vegetative propagation of slash pine (Multiplication végétative de Pinus elliottii) U.S.D.A.; Southeastern For. Exp. Sta. Paper n° 54. 63 p.
STRAND, L. 1952 - Progeny tests with forest trees (Tests de descendance pour les arbres forestiers) Hereditas, 38: 152-162.
STREYFFERT, T. 1958 - Forestry in Sweden (Foresterie suédoise) Oregon State College Press, Corvallis, Oregon. 55 p.
L'auteur exprime ses remerciements pour l'aide reçue des divers organismes qui ont fourni des illustrations pour cet article. Le manuscrit a été revu par: Professeur H. J. Lutz, Yale School of Forestry, New Haven, Conn., Professeur J. W. Wright, Department of Forestry, Michigan State University, East Lansing, Mich., Dr. E. B. Snyder, Southern Institute of Forest Genetics, U. S. Forest Service, Gulfport, Miss. Leurs suggestions furent d'un grand secours; qu'ils en soient ici remerciés.