Page précédenteTable des matièresPage suivante


La législation forestière en Afrique orientale
et australe: vers un avenir forestier
à orientation communautaire?

L. Alden Wily

Liz Alden Wily est une experte indépendante,
spécialiste du régime foncier et de la gestion
communautaire des forêts en Afrique de l'Est.

Une analyse de l'évolution de la législation forestière en Afrique orientale et australe, vers une participation des communautés aux décisions concernant l'avenir des forêts.

Alors que le XXe siècle touchait à sa fin, bien des pays d'Afrique orientale et australe, conscients des lacunes de leurs politiques de gestion des forêts, ont entrepris de mettre en œuvre de nouvelles stratégies forestières nationales et d'adopter de nouvelles lois concernant les forêts, déclenchant ainsi un vaste mouvement de réforme. L'Afrique du Sud, le Lesotho, le Mozambique, Zanzibar (République-Unie de Tanzanie), la Zambie et le Malawi ont promulgué de nouvelles lois sur les forêts à partir de 1997. Au Kenya, en Tanzanie continentale et en Namibie une nouvelle législation forestière est en préparation. L'Éthiopie, le Swaziland et l'Ouganda mettent la dernière main à leurs politiques forestières nationales, auxquelles une nouvelle législation fera suite (voir tableau).

Le présent article se concentre sur la façon dont ces nouvelles lois prévoient une participation des populations qui vivent au cœur ou à proximité de forêts naturelles aux décisions relatives à l'avenir de ces forêts. Ces communautés forestières sont d'ordinaire rurales, pauvres et tributaires des forêts (terres boisées principalement, à dominante miombo) qui font partie intégrante de leurs activités agricoles ou pastorales de subsistance. La mesure dans laquelle leur assise territoriale s'accompagne de droits sur la forêt locale est une question d'importance croissante pour ces populations.

L'Ouganda a accordé la reconnaissance juridique aux régimes fonciers coutumiers et aux droits qui en découlent, ce qui a permis aux populations vivant à proximité des forêts de tirer profit de leurs ressources; ici, la canne de jonc est utilisée dans l'industrie artisanale locale du meuble

- Unité de foresterie communautaire/CFU000334/R. FAIDUTTI

CONTEXTE RÉGIONAL

Vers un transfert de responsabilités

La récente réforme des politiques et des lois forestières doit être considérée dans le contexte d'un processus plus vaste de réorientation des stratégies de développement dans la région. Tout d'abord, un processus de mondialisation conduit actuellement bien des États de la région à procéder à des ajustements juridiques et politiques, notamment dans la façon dont ils gèrent leurs ressources en eau, en flore et en faune. Ensuite, un courant sociopolitique de démocratisation, bien qu'inégalement mis en œuvre, favorise une plus grande participation de la société civile à la gestion des affaires publiques et des ressources (Alden Wily, 2000a). Cette dernière tendance se traduit sur le plan juridique par l'élaboration de nouvelles constitutions et par une diffusion progressive de l'exercice local de l'autorité.

Nouvelles lois ou propositions de loi, politiques, autorités responsables et réserves

Pays

Nouvelle politique ou proposition de politique forestière nationale

Nouvelle loi ou proposition de loi concernant les forêts

Autorité centrale proposée

Nouvelles catégories ou catégories proposées de forêts classées

Ouganda

Politique forestière, 2000
(projet)

Sera préparée en 2000 pour remplacer la loi sur les forêts,
ch. 246 (1964)

Autorité forestière semi-autonome avec représentation gouvernementale et non gouvernementale

Forêts centrales,
Forêts locales
Forêts privées
Forêts villageoises
Forêts communautaires

Kenya

Politique forestière, 1999

Projet de loi sur les forêts, avril 2000 (deuxième version) remplaçant la loi sur les forêts, ch. 385 (1962)

Service forestier semi-autonome du Kenya, avec une proposition de Conseil de gestion multisectoriel

Réserves forestières domaniales
Réserves locales
Arboretums
Parcs de loisirs
Mini-forêts
Forêts privées

Tanzanie

(continen-tale)

Politique forestière nationale,
1998

Projet de loi sur les forêts, janvier 2000 (troisième version) remplaçant l'Ordonnance sur les forêts, ch. 389 (1957)

Organismes exécutifs semi-autonomes à l'échelon national, régional ou des districts, avec un Conseil consultatif national sur les forêts à représentation non gouvernementale également

Réserves forestières nationales
Réserves locales
Réserves forestières villageoises
Réserves forestières communautaires
Forêts privées

Zanzibar

Politique forestière, 1995

Loi sur la conservation et la gestion des ressources forestières, 1996

Administrateur des forêts
(gouvernement)

Réserves forestières
Réserves naturelles
Zones de gestion forestière communautaire

Éthiopie

Politique forestière fédérale,
1998 (projet)

Protection des forêts. Proclamation concernant la mise en valeur et l'utilisation, 1994

Département des ressources naturelles, Ministère de l'agriculture

Zones forestières prioritaires nationales
Forêts privées

Malawi

Politique forestière nationale,
1996

Loi sur les forêts, 1997

Département des forêts, Ministère des ressources naturelles, avec le Conseil
de gestion forestière dont trois à cinq membres représentent le public

Réserves forestières
Zones forestières villageoises

Zimbabwe

Politique forestière (projet)

Loi sur les forêts, ch. 19:05

Commission semi-publique sur les forêts (1954)

Forêts délimitées
Réserves naturelles
Forêts privées protégées

Afrique du Sud

Développement forestier
durable en Afrique du Sud, 1996

Loi nationale sur les forêts, 1998

Département des eaux et des forêts, avec le Conseil national consultatif des forêts à composition essentiellement non gouvernementale

Réserves forestières naturelles
Espaces forestiers naturels
Parcs nationaux
Réserves provinciales
Forêts domaniales
Forêts privées

Zambie

Politique forestière nationale, 1998

Loi sur les forêts, 1999

Commission forestière semi-autonome

Forêts nationales
Forêts locales
Zones de gestion conjointe
des forêts

Lesotho

Politique forestière nationale, 1997

Loi sur les forêts, 1998

Département des forêts

Réserves forestières
Forêts privées
Forêts communautaires
Forêts coopératives

Namibie

Politique forestière, 1998

Projet de loi sur les forêts, 2000

Direction des forêts, Ministère de l'environnement et du tourisme, avec le Conseil forestier, avec des représentants du public

Réserves forestières domaniales
Réserves forestières régionales
Forêts communautaires
Réserves naturelles

Mozambique

 

Loi sur les forêts et la faune, 1999

Département des forêts et de la faune, Ministère de l'agriculture

Parcs nationaux
Réserves nationales
Zones d'intérêt historique

et culturel

Swaziland

Politique forestière (projet), 2000

Loi sur la protection des forêts, 1910, Loi sur les ressources naturelles, 1951, Loi sur les forêts privées, 1961

Section des forêts, Ministère de l'agriculture et des coopératives

Forêts indigènes
Forêts privées

Botswana

 

Loi sur les forêts, ch. 38:04 (1968)

Ministère de l'agriculture

Réserves forestières

Réforme foncière

Une autre tendance a eu des effets plus directs encore sur les stratégies forestières, à savoir le mouvement de réforme foncière qui a vu tous les États de la région, à une ou deux exceptions près, remanier leur politique et leur législation foncières (Alden Wily et Mbaya, 2000). Les particuliers et les communautés jouent un rôle de plus en plus important dans la réglementation des droits fonciers grâce à la création d'organes locaux chargés de l'administration des terres et du règlement des litiges fonciers.

De plus, certains pays (République-Unie de Tanzanie, Ouganda et Mozambique) ont conféré un statut juridique aux régimes fonciers coutumiers et aux droits qui en découlent, tandis qu'ailleurs (Afrique du Sud, Malawi et Zimbabwe) des solutions comparables sont à l'étude. L'un des résultats les plus remarquables est la valorisation des droits de propriété communautaires dans la législation nationale, avec la transformation de la propriété foncière communautaire en une «propriété commune privée» (Alden Wily, 2000b). Un type de propriété foncière tout à fait nouveau, celui de la «propriété commune», commence ainsi à voir le jour.

Les répercussions de ces changements au niveau des droits des communautés sur les forêts locales sont considérables. Les communautés forestières, qui en l'espace d'un siècle avaient perdu leurs forêts les plus précieuses par suite de la création de réserves domaniales ou du morcellement des terres entre particuliers, obtiennent ainsi la possibilité de garantir leurs ressources forestières communes résiduelles par des titres enre-gistrables et justiciables.

Une tendance moins marquée, mais connexe, consiste dans la redéfinition généralisée des réserves et autres terres publiques comme propriétés détenues par l'État en fiducie, et non plus en propriété privée. Ces changements rendent notamment nécessaire la révision, dans les nouvelles lois sur les forêts, des procédures de création et de révocation des réserves forestières, prévoyant une responsabilité accrue et indiquant de nouvelles voies pour l'obtention de pouvoirs sur les forêts (Alden Wily et Mbaya, 2000).

PARTICIPATION DES COMMUNAUTÉS DANS LA NOUVELLE LÉGISLATION FORESTIÈRE

L'analyse suivante porte tout d'abord sur la mesure dans laquelle la nouvelle législation forestière prévoit un droit de propriété des communautés sur leurs forêts, et ensuite sur les bases juridiques qui permettent à celles-ci de gérer les forêts, indépendamment de leur appartenance.

Propriété forestière: élargir l'éventail des réserves et des titulaires responsables

Les responsables de l'élaboration de politiques forestières ont commencé à exprimer des doutes quant au droit de propriété de l'État sur les terres forestières de valeur, notamment en considération du fait que bien des États n'ont pas su protéger les forêts appartenant au domaine public et placées sous leur autorité. Le mode d'exploitation des forêts par l'État s'est souvent traduit par une liberté virtuelle d'accès, et le transfert de la propriété publique à des organismes locaux mieux définis pourrait garantir une meilleure gestion et une responsa-bilisation accrue. La propriété permet d'asseoir la gestion sur des bases solides, chose difficile lorsque les responsabilités de gestion reposent sur des droits d'accès potentiellement transitoires ou sur une participation aux bénéfices forestiers. Curieusement, la protection d'une forêt par son classement en réserve forestière est une disposition maintenue dans les nouvelles lois, indépendamment de celui qui constitue ou possède la réserve. La création d'une réserve est considérée comme un acte juridiquement valable en vertu duquel un territoire forestier, exploité par la suite à des fins de foresterie, est destiné à rester ou à devenir une forêt permanente.

En conséquence, bon nombre des nouvelles lois prévoient la soustraction de la forêt aux titulaires ou gardiens qui n'ont pas respecté cet engagement. Lorsque le titulaire ou gardien est une entité juridique comme une association forestière (Kenya), un conseil villageois (République-Unie de Tanzanie), une ONG, une administration locale (Ouganda), un fonds ou une association de gestion du patrimoine communautaire (Afrique du Sud) ou une société privée (Zambie), la possibilité que celle-ci puisse être poursuivie pour non-respect de son engagement à l'égard de la forêt, est implicite.

Concernant l'autorité centrale pour les questions relatives à la forêt, on constate une certaine tendance à une plus grande participation du public (voir tableau 1). Une bonne partie des nouvelles lois encouragent la privatisation des domaines forestiers d'intérêt commercial appartenant à l'État, soit par des ventes directes ou des locations à bail assorties de conditions particulières, soit par l'octroi de concessions. Des entités privées et non gouvernementales peuvent dans certains cas devenir propriétaires forestiers, parfois au titre d'organes de conservation de la forêt. Les dispositions les plus avancées des nouvelles législations forestières sont toutefois celles qui considèrent les communautés forestières comme des propriétaires forestiers potentiels.

Transfert des forêts domaniales aux communautés

Lesotho. Un objectif important de la Politique forestière nationale de 1997 et de la Loi sur les forêts de 1998, est le transfert des réserves forestières domaniales à l'échelon local.

La loi sur les forêts stipule qu'après consultation avec l'autorité locale concernée, l'Agent forestier en chef «conseillera le Ministre concernant le transfert de la propriété, du contrôle et de la gestion de toute réserve forestière à des particuliers, groupements d'individus, communautés, organisations ou coopératives». Le transfert fera l'objet d'un accord écrit ayant force obligatoire pour les deux parties et réservant au Ministre le droit de demander la restitution de la réserve forestière en cas de violation matérielle de l'accord [Section 11]. Les bosquets naturels et les terrains boisés (liremo et matsema) auparavant assignés à la nation Basotho et donnés en gestion aux chefs locaux, seront dorénavant déclarés Forêts communautaires.

Afrique du Sud. Les deux lignes de force de la Politique forestière nationale de 1996 et de la Loi nationale sur les forêts de 1998 sont la privatisation des plantations forestières d'intérêt commercial et la participation des communautés à la gestion des autres domaines forestiers, classés ou non, terrains boisés arides pour la plupart. Les engagements constitutionnels consistant en la restitution des terres perdues en application de lois raciales discriminatoires (1996) ont eu un poids grandissant sur les stratégies adoptées. Ainsi, si la Politique forestière nationale s'engage à «étudier la faisabilité d'une réintégration», la nouvelle loi sur les forêts prévoit de son côté la restitution de diverses forêts domaniales, dont une bonne partie font l'objet de réclamations dans ce sens.

La loi indique les Associations de gestion du patrimoine communautaire comme la structure à laquelle ces forêts pourraient être transférées. Dans la pratique toutefois, ce concept nouveau n'a pas été largement adopté pour ce type
ou d'autres de propriété commune (McIntosh et al., 1999). Aujourd'hui, l'intérêt porte plutôt sur des arrangements par lesquels les nouvelles communautés propriétaires de forêts confient leur gestion à l'État ou à des secteurs d'activité privés. Ces arrangements sont d'ores et déjà opérationnels dans diverses zones fauniques, notamment pour le parc national Richtersveld, qui appartient aux populations locales mais dont la gestion est assurée par l'Autorité responsable des parcs.

Zambie. La loi de 1999 sur les forêts offre aux collectivités la possibilité, par des voies relativement détournées, de rentrer en possession des forêts. Les sections 15 et 23 de la loi permettent la délivrance de droits ou de titres sur les forêts nationales et locales, respectivement, «bien que sous certaines conditions». Il s'agira très certainement d'assurer que l'intégrité de la forêt soit préservée et que celle-ci soit exploitée à des fins forestières.

Tanzanie continentale. Les questions relatives aux terres et aux forêts ne sont pas des domaines d'envergure nationale en République-Unie de Tanzanie; la Tanzanie continentale et Zanzibar ont en effet leurs propres politiques et lois en la matière. En Tanzanie continentale, le projet de loi de 2000 sur les forêts (dont une quatrième et ultime version sera bientôt rédigée) confère au Ministre des ressources naturelles et de l'environnement le pouvoir de modifier le statut d'une réserve forestière à gestion nationale ou locale, pour en faire une «réserve forestière villageoise ou communautaire» [Clause 36]. Cette disposition s'appuie directement sur la nouvelle Loi foncière de 1999 qui fixe les procédures à suivre pour rattacher aux terres de village une certaine catégorie, générale ou domaniale, de terrains. Les Conseils villageois et les groupements communautaires (entre autres) peuvent également se porter candidats pour prendre à bail une réserve domaniale [Clause 27].

Kenya. La deuxième version du projet de Loi sur les forêts (avril 2000) prévoit la possibilité de donner à bail des plantations au sein de réserves forestières par périodes renouvelables de 66 ans au maximum, bien que les communautés constituées en associations forestières ne puissent louer que des plantations rattachées à des forêts en gestion locale, détenues en fiducie par les conseils de comté.

Ouganda. Contrairement à la situation existant au Kenya, la nouvelle Constitution ougandaise de 1995 et la Loi foncière de 1998 interdisent la concession ou la vente de forêts ou autres terres détenues en fiducie comme réserves. Il est toutefois prévu que ces terrains puissent être transférés aux gouvernements locaux qui en Ouganda sont non seulement les Conseils de district, mais aussi les Conseils de sous-comté et, mais de manière moins définie, les Conseils de paroisse ou de village (Local Govern-ment Act, 1997). De plus, la Loi foncière de 1998 spécifie clairement qu'une communauté peut demander à ce que le statut d'une réserve soit révisé et que celle-ci soit potentiellement placée sous sa juridiction immédiate, indiquant qu'il s'agit là d'une condition qui devrait être directement prévue par les lois sur les forêts et sur la faune [Section 45].

Autres pays de la région. Au Mozambique, au Malawi, en Namibie, à Zanzibar (République-Unie de Tanzanie) et en Éthiopie, aucune disposition ne prévoit le transfert des réserves forestières de l'État aux collectivités locales. En fait, en Namibie, le projet de loi sur les forêts de 1998 a proposé que des réserves forestières domaniales et régionales puissent être constituées sur des terres communautaires, sous réserve toutefois d'une consultation à l'échelon local, et uniquement lorsque le Ministre de l'environnement et du tourisme a l'assurance qu'une «gestion efficace de ces terres en tant que forêt communautaire n'est pas possible» [Clauses 13 et 14].

Permettre aux communautés de créer leurs propres réserves

Une approche plus généreuse tend aujourd'hui à permettre à des groupements locaux de citoyens de constituer leurs propres «réserves forestières» sur des terres encore non classées. Un objectif commun aux pays de la région est celui d'offrir une véritable protection au plus grand nombre possible de forêts de ce type, terrains boisés arides souvent dénigrés auparavant.

République-Unie de Tanzanie. Une nouvelle loi sur les forêts de Zanzibar (1996) a permis aux communautés de former des groupements pour demander la création d'une Zone de gestion forestière communautaire sur un terrain déjà constitué ou non en réserve forestière. Dans ce dernier cas, ces groupes auraient la possibilité de s'établir eux-mêmes propriétaires de la forêt.

La Politique forestière nationale de la Tanzanie continentale (1998) qui a suivi, s'est engagée plus clairement à conférer à la plus grande partie des 19 millions d'hectares de forêts non classées du territoire continental une appartenance claire et essentiellement locale, en tant que réserves forestières villageoises. Le projet de Loi sur les forêts définit les procédures selon lesquelles des villages entiers ou des sous-groupes de communautés villageoises peuvent créer respectivement des réserves forestières villageoises ou des réserves forestières communautaires. Ces dispositions présument leur appartenance communautaire à l'échelle du village (en vertu du Village Land Act de 1999) ou bien, dans le cas de réserves forestières communautaires, leur prise en charge par les membres du groupement.

Ces possibilités s'appuient directement sur la nouvelle procédure en vigueur en Tanzanie, où plus de 500 communautés, sous-groupes de village et parfois même ménages élargis, ont constitué des réserves (dont une seule classée à l'échelon national) sur quelque 300 000 ha de terres boisées, miombos principalement (Alden Wily, 2000c). L'ampleur de ce phénomène a incité les responsables de l'élaboration de la nouvelle loi sur les forêts à prévoir une forme de classement décentralisé des forêts, avec l'établissement d'un Registre forestier dans chaque district. Dans un seul district, plus de 200 réserves locales avaient été officieusement enregistrées, avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (Alden Wily, 2000c).

Mozambique. La nouvelle Loi sur les forêts et la faune de 1999 prévoit la possibilité pour les communautés de créer leurs propres réserves forestières en tant que Zones d'intérêt historique et culturel [Article 10], indiquant des limites précises quant aux buts pour lesquels ces zones peuvent être déclarées et utilisées [Article 13]. Les communautés sont désignées parmi celles susceptibles de demander des «autorisations simples» ou des «concessions» (pour des périodes pouvant aller jusqu'à 50 ans) pour d'autres zones forestières non classées [Articles 15 et 16].

Presque toutes les forêts sèches non classées du Kenya, qui couvrent des millions d'hectares, sont confiées au Conseil de comté, qui en est dépositaire pour le compte des pasteurs nomades

- FAO/11287

Malawi. La partie V de la Loi sur les forêts de 1997 prévoit la création de zones dites Zones forestières villageoises, à distinguer des terres détenues en vertu d'un droit coutumier. Il s'agira de forêts moins intéressantes quant au type, à leur condition et à leur valeur, que les forêts intégrées dans les réserves forestières domaniales, mais néanmoins importantes pour les populations locales. La propriété de ces zones forestières de village est ambiguë dans la loi sur les forêts, mais la Commission d'enquête sur les questions foncières (1999) a proposé une nouvelle loi qui permette tôt ou tard la détention de ces terres à titre de propriété commune enregistrée. Cette mesure se rapprocherait des dispositions prévues dans les nouvelles lois foncières en Tanzanie, en Ouganda et au Mozambique.

Lesotho. La loi sur les forêts prévoit la création de forêts privées, communautaires et coopératives sur des terres allouées ou cédées à bail par l'État, reconnaissant le détenteur de la terre comme titulaire [Section 17]. Une partie croissante des terres du Lesotho sont louées. En vertu de cette loi, le Département des forêts a la faculté de faire payer ses services lorsqu'il participe à la gestion des forêts locales, l'intention du législateur étant avant tout de favoriser une évolution du Département en tant que service plutôt qu'en organisme propriétaire ou gestionnaire des forêts.

Namibie. La proposition la plus avancée du projet de loi sur les forêts de la Namibie est de prévoir la création de forêts communautaires sur des terres communales. Quatre vastes zones boisées de mopane délimitées à l'origine comme forêts domaniales, sont maintenant destinées à cet usage. Les modalités exactes par lesquelles les communautés seront considérées comme leurs propriétaires, restent à définir. Un projet de loi sur la réforme des terres communales a été rejeté par le Conseil national en mars 2000 et renvoyé au gouvernement pour une nouvelle rédaction. L'une de ses principales lacunes était de ne pas offrir les moyens nécessaires pour assurer l'enregistrement de droits communs sur les pâturages, les terrains boisés et autres propriétés communautaires locales; bien au contraire, ces propriétés auraient été disponibles pour une location à bail à titre individuel et non pas nécessairement par les populations locales ou les propriétaires coutumiers.

Une forêt de mangrove au Mozambique, où la loi sur les forêts et la faune sauvage de 1999 autorise l'Etat à déléguer aux communautés locales tous les pouvoirs qu'il détient sur la gestion des forêts

- Unité de foresterie communautaire/CFU000232/R. FAIDUTTI

Kenya. Les millions d'hectares de terrains boisés arides non classés du pays sont pour la plupart détenus en fiducie par les conseils de comté pour le compte des éleveurs. Une disposition permettant aux communautés de constituer leurs propres réserves, du moins sur les forêts résiduelles non réclamées par l'État, a été supprimée de la deuxième version du projet de loi sur les forêts. Aux termes du mandat de la Commission d'enquête sur les questions foncières récemment mise en place (1999), un régime foncier commun pourrait se dégager des travaux de la Commission, comme cela a été le cas avec la Commission d'enquête du Malawi sur le régime foncier (Alden Wily, 2000b).

Ouganda. L'Ouganda met au point la version finale de sa nouvelle Politique forestière et n'a pas encore entamé l'élaboration d'une nouvelle loi sur les forêts. La nouvelle politique établit la notion de domaine forestier permanent, qui s'étend à la fois aux réserves forestières domaniales et aux réserves non gouvernementales. Les premières comprendront le million d'hectares de Forêts centrales et quelque 192 Forêts locales déjà dévolues aux Conseils de district conformément aux engagements nationaux en matière de décentralisation (1997). Les réserves non gouvernementales seront celles créées par les ONG, par des particuliers et surtout par des communautés. Le concept de Forêts communautaires devrait voir le jour dans une future loi sur les forêts.

Zambie. La possibilité pour les communautés de constituer et déclarer leurs propres réserves forestières n'est pas prévue dans la législation zambienne. La Loi sur les forêts dispose au contraire que les communautés fassent intervenir l'État dans la gestion et la réglementation de leurs propres forêts locales et qu'elles participent à la gestion d'une catégorie mineure de réserves domaniales, les Forêts locales, par la déclaration d'une Zone de gestion forestière conjointe [Section 25].

Les communautés en tant que gestionnaires des forêts

Une disposition juridique prévoyant la participation des communautés à la gestion des forêts est fréquente également dans les nouvelles lois, bien qu'elle y soit traitée de manière inégale. Certaines lois disposent que les communautés agissent en qualité de gestionnaires autonomes ou désignés, d'autres ne prévoyant au contraire qu'une participation périphérique de ces communautés à la gestion et à la prise de décisions.

Zambie. La Loi sur les forêts ne propose la participation des communautés que dans le cadre des comités de gestion forestière conjointe, chargés de la gestion des Zones de gestion forestière conjointe indiquées plus haut. À ces comités ne doivent participer que trois représentants des communautés locales, parmi une bien plus vaste cohorte de représentants du gouvernement local et central [Section 26]. Aucune disposition ne prévoit une participation des populations locales à la gestion des Forêts nationales.

Namibie. Le projet de Loi sur les forêts n'encourage la participation des populations locales dans les Réserves forestières nationales et régionales que dans la mesure où il prévoit la consultation des communautés voisines pendant la formulation des Plans d'aménagement forestier [Clause 12]. Les Forêts communautaires ne doivent pas nécessairement être gérées par la communauté locale, mais par un organe que le «Ministre considère raisonnablement comme représentant les intérêts de tous ceux qui ont des droits sur les terres communales et ayant la volonté et la capacité de gérer ces terres en tant que forêt communautaire» [Clause 15]. Un certain nombre de réserves forestières de protection de la faune sont en fait gérées par des ONG ou par le secteur privé, les populations locales ne participant qu'à titre de bénéficiaires d'un accès à la forêt, de possibilités d'emploi et/ou d'une partie des revenus produits dans la zone (Jones, 1999).

Mozambique. La Loi foncière de 1997 témoigne d'un engagement pour la participation des populations locales aux décisions concernant l'avenir des ressources naturelles [Article 21]. La Loi sur les forêts et la faune de 1999 permet à l'État de déléguer ses vastes pouvoirs en matière de gestion des forêts aux communautés locales, ainsi qu'au secteur privé et aux associations [Article 33]. La Loi prévoit par ailleurs un nouveau type d'instance, les Conseils locaux de gestion des ressources, au sein desquels la communauté locale doit être représentée. Le mandat de ces conseils locaux spécifie que le but principal de l'implication des communautés est d'assurer leur participation à l'exploitation des ressources et aux bénéfices qui en sont tirés [Article 31].

Cette orientation finalisée au partage des bénéfices est basée sur les premiers projets de foresterie communautaire. Des initiatives plus récentes visent plutôt à assurer la participation des populations locales dans les systèmes de gestion communautaire (Alden Wily et Mbaya, 2000; Anstey, 2000). Ce principe est amplement établi dans la loi foncière, mais sa mise en pratique est difficile en raison des coûts d'habilitation élevés, de la fragmentation des communautés après des années de déplacement et d'un manque d'organisation socio-institutionnelle démocratique à l'échelon local (Kloeck-Jenson, 1999).

Afrique du Sud. La nouvelle Politique forestière et la nouvelle loi sur les forêts prévoient spécifiquement la participation des communautés locales à la gestion de tous les types de forêts. La Loi nationale sur les forêts de 1998 permet aux communautés de demander ou d'être invitées à gérer une Forêt domaniale «ou toute autre zone forestière protégée, conjointement avec un organe public ou isolément» [Section 29]. Le Ministre peut passer un accord avec la communauté [Section 30]. La politique nationale soutient explicitement la gestion communautaire des vastes étendues de terres boisées et de forêts vierges situées dans les anciennes réserves, mais ne donne aucune indication quant à la structure à mettre en place à cet effet.

Malawi. Bien que les populations rurales ne soient pas autorisées à reprendre possession ou à acquérir des réserves forestières nationales, la nouvelle politique et la nouvelle législation encouragent une plus grande participation de ces populations à la protection, à la gestion et à l'exploitation de ces forêts. La Loi sur les forêts invite le Directeur des forêts à passer un accord avec les collectivités locales pour l'exécution de plans de gestion qui soient mutuellement acceptables par les parties [Section 25]. Les communautés peuvent notamment utiliser les zones dénuées de couvert végétal ou encore les parties dégradées des réserves forestières pour mettre en œuvre des programmes de plantation d'arbres, dont la propriété leur est alors réservée [Sections 36 et 37]. La gestion locale des Zones forestières villageoises est présumée, même si aux termes de la loi il est difficile pour un chef de village et pour la communauté de déclarer une zone comme telle sans l'accord préalable du Département des forêts [Section 31].

C'est la Tanzanie continentale qui a la juridiction sur la foresterie communautaire la plus progressiste de la région, puisqu'elle confère aux communautés locales le pouvoir de gérer les ressources qui font partie de leur environnement local

- FAO/17691/A. CONTI

République-Unie de Tanzanie. Comme on l'a vu plus haut, la Loi de Zanzibar sur la conservation et la gestion des ressources forestières de 1996 encourage les communautés à constituer des Groupes de gestion communautaire des forêts et à demander à ce titre la gestion de n'importe quelle catégorie de forêts [Section 36]. En tant qu'entités juridiques indépendantes, ces groupes seraient dotés de pouvoirs d'exécution au titre d'un accord avec l'Administrateur des forêts et pourraient être poursuivis en cas de non-respect des conditions de cet accord. En vertu de ce mécanisme, plusieurs groupements assurent d'ores et déjà la gestion de mangroves domaniales et locales (Alden Wily et Mbaya, 2000).

C'est dans le projet de Loi de la Tanzanie continentale sur les forêts que l'intention de permettre aux populations locales de devenir des gestionnaires de la forêt est manifestée le plus clairement. Cette loi déclare explicitement son objectif de déléguer la responsabilité de la gestion des forêts «au plus petit échelon possible» [Clause 3]. Les Plans de gestion, qui doivent être préparés pour toutes les Réserves forestières, doivent spécifier de quelle façon les communautés proches interviendront [Clauses 17 à 19]. Les collectivités locales peuvent demander à assurer la gestion des Réserves forestières nationales ou locales [Clauses 34 et 36], en qualité de gestionnaires autonomes ou bien en coopération avec le gouvernement. Une réserve gérée au titre d'un Accord de gestion conjointe sera déclarée Zone de gestion forestière villageoise, par opposition aux Réserves forestières villageoises dont les communautés sont à la fois propriétaires et gestionnaires. Dans ce dernier cas, les forestiers gouvernementaux sont tenus de donner des indications aux villageois qui, pour leur part, doivent en tenir compte, sans pour autant être obligés de s'y conformer [Clause 41].

CONCLUSION: LA DÉVOLUTION DES POUVOIRS DE GESTION

Les nouvelles dispositions concernant la participation des citoyens à l'avenir des forêts en Afrique orientale et australe varient considérablement: d'une absence totale de mesures dans ce sens au Zimbabwe et au Botswana, à une clause généreuse au Lesotho, en Namibie, à Zanzibar et en Tanzanie continentale, en passant par une disposition ambiguë en Zambie et au Kenya.

La Tanzanie continentale est le pays de la région dont la réglementation des forêts communautaires est la plus avancée - politique, projet de loi et application pratique. La nouvelle loi de la Tanzanie définit clairement les pouvoirs et les responsabilités des Comités locaux de gestion des forêts, les instruments dont ils disposent pour l'application des systèmes de gestion élaborés et les mécanismes mis en place pour responsabiliser les gestionnaires des forêts, non seulement vis-à-vis des intérêts nationaux, mais aussi à l'égard de leurs propres constituants - citoyens ordinaires résidant dans la zone concernée.

À cet égard, la Loi forestière de la Tanzanie puise largement dans les pouvoirs déjà amplement attribués aux autorités villageoises élues, notamment le droit de promulguer des règlements contraignant pour tous ceux qui pénètrent dans des forêts à gestion communautaire ou qui les exploitent, et non pas pour les seuls membres de la communauté (Alden Wily, 2000c). Le projet de Loi sur les forêts introduit ces règlements villageois comme un instrument de gestion par les communautés, à utiliser même lorsque celles-ci gèrent des réserves domaniales.

Il semble que l'une des raisons de la rapide avancée de la gestion communautaire des forêts en Tanzanie soit le fondement même de la communauté locale, dotée par la loi d'une configuration socio-institutionnelle et du pouvoir de se gérer de façon autonome et d'administrer les ressources qui relèvent de sa sphère locale ou sont confiées à ses soins. Le Lesotho et l'Ouganda, dont des lois plus récentes étendent l'exercice de l'autorité à l'échelon local (1996 et 1997, respectivement), ont jeté les bases d'un fondement comparable sur lequel développer des pouvoirs de gestion locale des forêts.

Les lois forestières d'autres pays de la région révèlent l'absence d'un tel fondement. Certains pays ont pensé combler cette lacune en créant de nouvelles institutions dans leurs nouvelles lois ou propositions de lois forestières - Associations forestières au Kenya, Autorités administratives en Namibie, Comités de gestion forestière conjointe en Zambie, Comités de gestion villageoise des ressources naturelles au Malawi et Conseils de gestion locale des ressources au Mozambique. La Loi sur les forêts de l'Afrique du Sud propose des associations ou des fiducies communales. Toutes ces institutions sont mal définies dans les lois et il est peu probable qu'elles acquièrent suffisamment d'autorité pour la mise en application de décisions en matière de gestion. À la seule exception du Malawi, ces organismes ne sont même pas nécessairement établis au niveau de la communauté.

Enfin, ce sont les pouvoirs et l'autorité dont les communautés locales seront dotées qui en détermineront le rôle, de simples participants à une gestion dirigée par l'État à défenseurs et gestionnaires en propre des forêts. Les lois sur les forêts devront presque certainement encourager un renforcement de la législation au niveau de l'administration locale afin que la gestion communautaire des forêts ne soit pas qu'un événement occasionnel. 

Bibliographie


Page précédenteDébut de pagePage suivante