Laura Ivers écrit pour Earth
Negociations Bulletin, qui
donne essentiellement des
informations sur les négociations
internationales. Elle est basée à
New York.
De l'identification des problèmes jusqu'à l'entrée en vigueur - les étapes et les acteurs clés de l'élaboration des conventions internationales.

Délégués du Comité intergouvernemental pour la négociation de la Convention sur les polluants organiques persistants, saluant l'achèvement des négociations
- INSTITUT INTERNATIONAL DU DÉVELOPPEMENT DURABLE/A. HENRY
Une convention internationale sur l'environnement est un accord juridiquement contraignant que des gouvernements négocient entre eux pour agir de concert contre un risque écologique qui menace l'ensemble de la planète. Or, il est extrêmement difficile d'obtenir un accord entre des États souverains qui ont des intérêts différents sur de telles mesures. Toutefois, au cours des dernières décennies, on a vu proliférer ce type d'accords, aux niveaux régional et mondial, pour résoudre des problèmes environnementaux d'échelle planétaire. Comment de telles conventions voient-elles le jour?
La mise au point d'un accord multilatéral est un processus complexe qui varie en fonction du problème à traiter, des intérêts en jeu et des circonstances des négociations, mais il est possible d'identifier quelques ingrédients essentiels, les acteurs clés et les étapes communes qui catalysent et guident le processus politique d'élaboration d'une convention. Le présent article passe en revue les diverses étapes de ce processus, depuis l'identification des problèmes jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention, tout en étudiant le rôle des divers acteurs et la dynamique de la négociation.
Il n'existe pas de recette facile, en deux étapes, pour élaborer une convention, mais les années passant, les politologues ont identifié quelques étapes de base qui caractérisent l'élaboration de tout accord international. La prise de conscience d'un problème environnemental et de ses implications possibles pour la planète est le catalyseur initial de toute action, qui ouvre la porte aux étapes générales de la définition des problèmes, de l'établissement des faits et de la discussion sur la mise en place d'un régime (négociation de la convention). Une fois qu'une convention est en place, il peut être nécessaire de prendre des mesures pour renforcer les engagements qu'elle contient; cette étape est celle du renforcement du régime.
Durant l'étape de définition des problèmes, il est nécessaire d'effectuer une enquête sur le problème écologique potentiel et d'améliorer l'ensemble des connaissances disponibles sur le sujet, pour évaluer l'impact et les risques potentiels pour l'environnement, comprendre la source du problème et déterminer les mesures qui peuvent et doivent être prises pour y remédier. L'étape qui suit, dite de l'établissement des faits, est consacrée à la recherche d'un consensus sur la nature du problème et sur l'approche la plus appropriée pour le résoudre dans le cadre d'un effort international pour explorer les dimensions scientifiques, écologiques et économiques de la question. Si on le juge approprié, et s'il existe une volonté politique suffisante d'agir, l'étape de l'établissement des faits peut déboucher sur l'étape suivante, qui est celle de la négociation, pour parvenir à un accord sur les mesures à prendre au niveau international (Porter, Brown et Chasek, 2000).
Dans la majorité des cas, un Comité intergouvernemental de négociation (CIN) est établi pour faciliter ce processus. La négociation d'une convention internationale prend généralement quelques années, si ce n'est plus (20 ans dans le cas de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, par exemple), le renforcement du régime par des protocoles ou par d'autres mesures intervenant à une date ultérieure. Le processus est normalement facilité par les travaux d'un secrétariat qui produit des documents pour guider les négociations. Les aspects politiques, notamment le développement de prises de position et de coalitions de pays sont examinés en détail, dans la sous-section «A la table des négociations» ci-dessous.
Une fois les négociations achevées, il reste encore quelques obstacles à surmonter avant que la convention n'entre en vigueur. Premièrement, elle est ouverte à la signature des gouvernements. En signant une convention, un gouvernement indique son intention d'y adhérer, mais il ne devient effectivement partie à ladite convention et n'est lié par elle qu'à partir du moment où il ratifie l'accord - processus qui est généralement subordonné à l'approbation du congrès, du parlement ou d'un autre processus interne national. Une fois qu'un gouvernement a ratifié une convention, il a très peu de marge de manuvre par rapport aux engagements qu'il a pris. Toutefois, toutes les conventions contiennent une clause relative au retrait ou à la dénonciation, qui nécessite généralement l'abrogation de la législation intérieure ratifiant la convention.
La Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, entrée en vigueur en 1980, énonce des règles applicables aux traités, notamment en ce qui concerne leur entrée en vigueur, les réserves, l'extinction et la nullité. En attendant la ratification, un signataire est censé ne prendre aucune mesure susceptible de compromettre la réalisation des objectifs de la convention. Toutefois, il faut attendre que les prescriptions relatives à l'entrée en vigueur - souvent un nombre déterminé de ratifications - soient remplies pour que le traité prenne effet et devienne contraignant (Birnie et Boyle, 1992). Cela demande parfois très peu de temps, comme cela a été le cas avec la Convention de 1992 sur la diversité biologique qui est entrée en vigueur en décembre 1994, 18 mois après son adoption. Dans d'autres cas, le processus est interminable - il a, par exemple, fallu 12 ans pour la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Durant la période qui s'écoule entre l'adoption et l'entrée en vigueur, des mesures financières et administratives provisoires sont souvent établies, pour préserver les acquis. Après l'entrée en vigueur de la convention, une Conférence des Parties (COP) se réunit tous les ans ou tous les deux ans, pour évaluer les progrès accomplis dans son application. Une fois la convention adoptée, d'autres négociations sont souvent nécessaires pour préciser ou renforcer les engagements pris. Les conventions n'énoncent pas toujours des règles claires, détaillées ou spécifiques sur les mesures à prendre dans l'immédiat. Par exemple, un certain nombre de traités récents sur l'environnement, dont la Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone et la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), sont des conventions-cadres qui établissent simplement que les gouvernements se sont engagés d'un commun accord à continuer à se préoccuper du problème, étant généralement entendu que les signataires devront par la suite prendre d'autres dispositions pour énoncer les mesures et les engagements précis qui seront pris pour le résoudre. Cela est souvent fait au moyen d'un protocole à une convention, comme le Protocole de Kyoto, qui a été négocié en 1997 pour renforcer la CCNUCC. La Convention sur la diversité biologique est un instrument «global», qui prévoit la négociation d'un certain nombre de protocoles sur des questions spécifiques pour définir les engagements à prendre (Birnie et Boyle, 1992).
L'étape suivante a une grande importance: c'est celle de l'application des accords et des engagements. Une convention est efficace si les dispositions qu'elles contient sont fortes et si les pays qui les ont arrêtées d'un commun accord les respectent. Chaque convention énonce les conditions de sa mise en application, ainsi que les mécanismes permettant de contrôler si les parties la respectent (par exemple, rapports ou examens périodiques de l'application aux réunions des parties). Divers obstacles peuvent empêcher un pays de respecter une convention, par exemple les coûts élevés associés à l'application, le défaut de reprise des engagements dans une législation intérieure sur la mise en uvre, la capacité d'application insuffisante ou l'inaptitude à contrôler le respect des engagements. L'application d'une convention peut être améliorée en renforçant les capacités de mise en uvre et de suivi, en exerçant une pression politique (par exemple en divulguant le nom des pays qui ne respectent pas les engagements) ou, dans des cas extrêmes, en imposant des sanctions commerciales en cas de violation démontrée de la convention (Porter, Brown et Chasek, 2000).
Divers acteurs, dont des scientifiques, des organisations non gouvernementales (ONG), des organisations internationales et des gouvernements, peuvent contribuer à porter à l'attention de la communauté internationale un problème environnemental d'échelle planétaire, ainsi que les mesures ultérieures.
Étant donné que la négociation des accords internationaux relève de la compétence des gouvernements, ce sont eux qui ont les premiers rôles. Un gouvernement peut prendre les devants et attirer l'attention sur une question à laquelle il attache une importance particulière, en fournissant des informations scientifiques à ce sujet, en guidant par exemple ou en encourageant une organisation internationale à donner plus de relief au problème et/ou à organiser des négociations sur ce sujet. Par exemple, les États-Unis et le Kenya ont ouvert la voie en élaborant, en collaboration avec l'Alliance mondiale pour la nature (UICN), un projet de texte qui a servi de base pour la négociation de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES).
Pour mobiliser l'appui politique nécessaire pour agir, un gouvernement pourrait aussi prendre l'initiative d'accueillir des réunions ou des ateliers pour approfondir le débat, fournir un appui financier au processus de négociation ou promettre un soutien financier et technique à un accord futur. Un gouvernement fort sur le plan politique et financier est généralement mieux à même d'influencer l'orientation et le rythme des négociations. Bien entendu, les intérêts d'un gouvernement au niveau international sont largement influencés par sa politique intérieure, ainsi que par les coûts-avantages d'un problème environnemental d'échelle planétaire, pour le pays. Un changement du parti politique ou du chef de gouvernement au pouvoir peut aussi entraîner un revirement de la position d'un gouvernement au niveau international.
Les organisations internationales ont un rôle très particulier, car elles ont le ressort et le soutien politique voulus pour définir le programme d'action à mettre en uvre pour lutter contre les problèmes écologiques internationaux. Elles ont le pouvoir de réunir ou d'établir des groupes d'experts pour faire avancer l'étape de l'établissement des faits, et éventuellement de convoquer un organe, du type CIN, pour négocier un accord (Porter, Brown et Chasek, 2000). Les organisations internationales qui ont pris des initiatives de ce genre dans le passé sont l'UICN, le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), la FAO, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Un certain nombre de conventions ont été négociées sous les auspices du PNUE, notamment la Convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices, la Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone, la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et la Convention sur la diversité biologique (CBD) (Birnie et Boyle, 1992).
Les organisations internationales servent de tribune pour les négociations gouvernementales, fournissent des avis et un appui techniques et assurent les services de secrétariat. Le choix de la tribune détermine souvent quels sont les ministères nationaux qui prendront part aux négociations; par exemple, la participation sera vraisemblablement dominée par des ministères de la santé si la tribune est l'OMS, par des ministères de l'agriculture si c'est la FAO, et par des ministères de l'environnement si c'est le PNUE.
Élaboration de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction L'idée de la CITES a commencé à faire son chemin dans les années 60, lorsque les pays se sont rendu compte que la surexploitation des espèces de faune et de flore sauvages pour les besoins du commerce international contribuait au déclin rapide de nombreuses espèces, de par le monde. L'UICN, qui avait un rôle crucial à jouer puisqu'elle était chargée de catalyser l'action, a pris l'initiative de rédiger une convention internationale pour réglementer le commerce des espèces rares ou menacées d'extinction. La Conférence des Nations Unies de 1972 sur l'environnement a donné une nouvelle impulsion et renouvelé l'appui politique en recommandant la préparation immédiate d'une convention internationale sur cette question. L'UICN, les États-Unis et le Kenya ont préparé un document d'étude qui a par la suite servi de base pour les négociations. La convention a été adoptée en 1973 et est entrée en vigueur en 1975. Les parties à la CITES se réunissent tous les deux ans pour évaluer la situation des espèces et décider, éventuellement, de resserrer ou d'assouplir les mesures de protection. |
L'influence de certaines ONG internationales spécialisées dans les problèmes d'environnement, comme Greenpeace international, le Fonds mondial pour la nature (WWF) et le Réseau international des amis de la terre (FOEI) est largement reconnue; ces groupes ont démontré qu'ils étaient capables de focaliser l'attention sur un problème d'environnement et, en sensibilisant le public, de faire pression sur les gouvernements pour qu'ils prennent des mesures. Depuis la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), en 1992, des ONG environnementales interviennent régulièrement dans les politiques écologiques mondiales, celles-ci ayant accès à toutes les réunions autres que les consultations informelles ad hoc, comme les groupes de contact. Grâce à leur présence aux réunions internationales, les ONG peuvent influencer les débats en faisant pression sur les gouvernements, ou même mettre en circulation des propositions de texte, de manière officieuse.

La participation des ONG aux politiques écologiques mondiales est désormais la norme; des ONG comme Greenpeace peuvent sensibiliser le public aux problèmes et faire pression sur les gouvernements pour qu'ils prennent des mesures: ci-dessus, manifestants hostiles aux substances toxiques, à l'extérieur des négociations pour la Convention sur les polluants organiques persistants, à Bonn (Allemagne)
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Les ONG contribuent aussi au processus en suivant l'avancement des négociations puis, ce qui est peut-être plus important, le processus d'application des conventions. Par leurs commentaires et leurs rapports sur l'avancement des négociations et de la mise en uvre des conventions, les ONG peuvent faire pression sur les gouvernements pour qu'ils restent vigilants et fidèles à leurs engagements. Cette fonction peut être particulièrement utile durant l'étape de renforcement du régime, où l'on évalue si les objectifs ont été atteints ou non, pour décider des mesures à prendre.

Un représentant de Greenpeace, fait un discours devant l'assemblée plénière d'une COP à la CBD
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L'industrie - depuis les compagnies pétrolières jusqu'aux compagnies pharmaceutiques - peut aussi influencer de façon significative l'élaboration d'une convention. Comme les sociétés sont généralement directement touchées par les réglementations sur l'environnement, elles se sentent souvent très concernées. Une industrie peut tenter de donner une autre perception du problème, en divulguant les résultats de ses recherches, en faisant pression sur le gouvernement du pays pour qu'il adopte une ligne d'action qui lui est favorable, en faisant pression aux négociations internationales et en créant des coalitions de sociétés ayant les mêmes intérêts. Dans certains cas, l'industrie favorise un accord international qui est faible et qui assujettit le secteur à des règles moins rigoureuses que celles en vigueur dans le pays. De même, des sociétés qui opèrent dans des pays où les réglementations environnementales sont strictes, peuvent soutenir un accord qui imposerait des restrictions similaires à d'autres sociétés opérant dans des pays où la législation environnementale est plus souple (Porter, Brown et Chasek, 2000).
Négociation sur la Convention sur la diversité biologique
Juan Myers, (Colombie) président des négociations, signe le Protocole sur la prévention des risques biologiques - INSTITUT INTERNATIONAL DU DÉVELOPPEMENT DURABLE/A. HENRY Dans le cas de la CBD , les travaux de l'UICN et, par la suite du PNUE, ont été décisifs pour attirer l'attention sur la question de la conservation de la diversité biologique et fournir un soutien institutionnel. Au début des années 80, les préoccupations de la communauté internationale, face à l'ampleur de la perte de diversité biologique, se sont intensifiées sous l'effet d'un consensus croissant des milieux scientifiques sur ce problème. L'UICN a catalysé les efforts en vue d'élaborer un accord international pour conserver la diversité biologique, et demandé à son Assemblée générale de produire un avant-projet d'accord mondial sur ce sujet. En juin 1987, le Conseil d'administration du PNUE a pris la décision d'établir un Groupe spécial d'experts de la diversité biologique. Au fur et à mesure de l'accroissement des préoccupations et du consensus international sur ce sujet, le groupe a évolué pour devenir un Groupe spécial d'experts juridiques et techniques sur la diversité biologique et, en 1991, alors que la phase de l'établissement des faits touchait à sa fin, le groupe spécial a été transformé en CIN pour une convention sur la diversité biologique. Comme la convention devait être achevée à temps pour la CNUED, le CIN a conclu les négociations en cinq sessions de deux semaines (Sanchez et Juma, 1994). La négociation de la CBD a également démontré l'impact que peut avoir un individu sur le processus. Mustapha Tolba, alors Directeur exécutif du PNUE, a pris ses fonctions et remplacé le président désigné du CIN; en gros, il a soumis sa propre convention aux délégués pour approbation, juste avant la conférence diplomatique qui devait l'adopter. (Porter, Brown et Chasek, 2000). Après l'entrée en vigueur de la CBD en 1993, celle-ci est passée à la phase de renforcement du régime. Initialement, l'élaboration d'un protocole sur la biodiversité forestière avait des partisans, mais la question a été renvoyée à une date ultérieure, essentiellement à cause des pressions exercées par les pays exportateurs de produits forestiers qui voulaient empêcher que la CBD ne prenne des dispositions concernant les forêts. La CBD a élaboré des programmes thématiques sur la diversité biologique des eaux continentales, des forêts, des zones maritimes et côtières, des terres arides et des terres agricoles. La plus grande réalisation de la CBD à ce jour est la négociation du Protocole sur la prévention des risques biologiques (connu également sous le nom de Protocole de Cartagena), qui a été adopté en janvier 2000 à Montréal (Canada) après un quasi-échec à Cartagena de Indias (Colombie), en 1999. En ce qui concerne les espèces exotiques, la CBD a entamé un processus de collaboration avec des conventions ayant des mandats connexes dans d'autres secteurs, en particulier la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV). Dans le cadre de l'harmonisation avec la CBD et les négociations intergouvernementales conduites par la Commission de la FAO sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques est en cours de révision et devrait devenir un instrument juridiquement contraignant pour tout ce qui concerne la conservation, l'utilisation et le partage des avantages des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture. |
L'étape des négociations se caractérise par un marchandage entre des gouvernements ayant des intérêts différents, afin de parvenir à un consensus sur un texte, en vue de l'adopter. On a déjà vu que ce processus est normalement mené à bien par un CIN, mandaté pour produire une convention. Les gouvernements qui ont des intérêts communs forment souvent des coalitions pour acquérir plus de poids dans les négociations. Ces coalitions sont parfois régionales, mais il s'agit souvent d'associations géopolitiques, plutôt que géographiques. Les pays en développement travaillent en général par l'entremise du Groupe des 77 plus la Chine (G-77/Chine), pour définir des positions de négociation communes sur des problèmes présentant un intérêt pour eux, comme les transferts de fonds et de technologies. Fondé en 1964, le groupe compte aujourd'hui parmi ses membres quelque 132 pays en développement. Les États membres de l'Union européenne (UE) coordonnent leurs points de vue et conviennent d'une position commune pour les négociations. Les pays développés n'appartenant pas à l'UE ont constitué le groupe JUSSCANNZ (Japon, États-Unis, Suisse, Canada, Australie, Norvège et Nouvelle-Zélande), qui sert de tribune pour des échanges d'informations et des discussions et convient d'une position unifiée dans certaines négociations.
Certaines coalitions ne concernent qu'un processus déterminé. Par exemple, aux négociations sur le changement climatique, les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) coordonnent leurs positions. Les négociations sur le climat ont abouti à la création de l'Alliance des petits États insulaires (AOSIS), une coalition de quelque 43 petits pays et territoires insulaires ou côtiers formés de basses terres, qui sont particulièrement vulnérables en cas d'élévation du niveau de la mer, et ont des préoccupations similaires, en matière de développement. Dans de nombreux processus, les ONG forment aussi des coalitions et tiennent des réunions de coordination pour convenir d'une position commune qu'elles pourront faire valoir, grâce à la force du nombre.
Si tous les pays sont autorisés, sans distinction, à participer aux négociations, ils sont loin d'avoir tous le même pouvoir d'influence sur le processus. Les pays riches en ressources naturelles ou économiques, ceux qui ont un grand pouvoir politique et ceux qui sont les principaux responsables du problème environnemental en jeu, ont une influence significative sur les négociations, car un accord ne peut être efficace qu'avec leur soutien. Un tel pays peut, selon le cas, prendre la tête des négociations pour les faciliter, ou bloquer leur avancement. Par exemple, les États-Unis ont réussi à empêcher que des objectifs soient inclus dans la CCNUCC, car ils considéraient le coût économique des engagements trop élevé compte tenu du caractère incertain de la science et de l'impact des changements climatiques à l'époque (Lee, 1995).
La plupart des négociations sur l'environnement ont été et sont encore caractérisées par un fossé entre les intérêts le Nord (pays développés) et le Sud (pays en développement). La polarisation de ces deux groupes dérive de l'inégalité de la répartition des finances, des ressources naturelles et des capacités techniques, mais aussi du fait qu'ils n'ont pas toujours les mêmes priorités. Les pays en développement riches en ressources naturelles, mais pauvres sur le plan financier, hésitent à prendre un engagement juridiquement contraignant pour résoudre un problème environnemental ou conserver des ressources naturelles s'ils ne reçoivent pas une compensation leur garantissant qu'ils pourront s'acquitter de leurs obligations, sous forme d'assistance financière, de transfert de technologies ou de mesures de renforcement des capacités. Les pays en développement se méfient aussi des obligations qui ne représentent par forcément une priorité pour eux ou qui freineront leur capacité de développement. Les pays développés souhaitent vivement encourager les efforts de protection de l'environnement dans les pays en développement, mais ils sont généralement plus réticents à prendre des engagements pour leur donner une compensation financière.
L'établissement du Fonds multilatéral du Protocole de Montréal à la Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone a été un compromis entre les intérêts des pays développés et en développement, qui établit un précédent. Dans ce cas particulier, les pays en développement voulaient un mécanisme qui garantirait que les pays développés contribueraient à couvrir le surcoût du retrait progressif des substances destructrices de l'ozone et du transfert des technologies de substitution. Or, les pays développés se rendaient compte que, si les pays en développement n'étaient pas en mesure de respecter leurs engagements, les efforts qu'ils faisaient eux-mêmes pour ralentir l'appauvrissement de la couche d'ozone seraient réduits à néant. Après des négociations intensives, un fonds provisoire a été établi en 1991 et le Fonds multilatéral permanent est devenu opérationnel en 1993 (Benedick, 1998).
Dans les négociations internationales, la preuve scientifique et la compréhension de la menace qui pèse sur l'environnement sont aussi des facteurs critiques. À défaut d'un certain consensus international sur les données scientifiques, il est parfois impossible d'aller de l'avant, alors qu'un consensus élevé dans ce domaine encourage l'action et peut être favorisé par des travaux scientifiques menés en collaboration. Par exemple, c'est principalement parce que les données scientifiques étaient comprises et recueillaient le consensus que les gouvernements ont pris davantage conscience du problème de l'appauvrissement de l'ozone stratosphérique; la preuve scientifique que la couche d'ozone était plus mince en 1990 qu'on ne l'avait pensé auparavant a incité à conclure un accord pour le retrait progressif des chlorofluorocarbones (CFC).
Négociations sur le changement climatique Durant les années 80, les preuves scientifiques des perturbations anthropiques du système climatique sont devenues un sujet de préoccupation croissant. En 1988, l'OMM et le PNUE ont pris l'initiative d'approfondir la question en établissant le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), en vue de réunir des informations supplémentaires. Une réunion du groupe d'experts, accueillie par le Gouvernement canadien en juin 1988, a insisté sur l'importance du problème, en demandant une convention globale sur les changements climatiques. L'approbation de cette idée, par le G-7 en 1989, a été un élan de plus dans cette direction. En 1990, le GIEC a publié son premier rapport d'évaluation qui confirmait que les changements climatiques étaient un danger réel, et sollicitait un traité mondial pour régler le problème. En réponse à ces événements, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Résolution 45/212, en décembre 1990, lançant officiellement des négociations sur une convention-cadre sur les changements climatiques et établissant un CIN pour la conduite de ces négociations. Les négociations climatiques ont été ralenties par l'insuffisance des preuves scientifiques et mises en difficulté par l'importance socioéconomique centrale de l'énergie. L'économie de chaque pays est liée à l'énergie, et l'engagement de réduire les gaz à effet de serre conduit à se demander qui supportera le coût du changement des modèles de consommation d'énergie. En outre, en raison de son importance pour l'économie mondiale, l'industrie de l'énergie a le pouvoir d'influencer les politiques. Alors qu'un certain nombre de gouvernements (Finlande, Norvège, Pays-Bas et Suède) étaient favorables à l'inclusion d'objectifs et de calendriers dans la convention-cadre, les États-Unis s'y sont opposés. L'Union européenne a donné l'exemple en prenant des engagements de réduction des émissions de dioxyde de carbone. En mai 1992, le CIN a adopté la CCNUCC sans objectifs ni calendriers spécifiques, faute d'avoir pu convaincre les États-Unis d'adhérer à ces engagements. La signature de la CCNUCC n'était qu'un point de départ, qui marquait le début d'un processus de négociations internationales sur le climat, visant à définir des engagements concrets. Tous les signataires de la CCNUCC ont pris l'engagement d'atténuer les changements climatiques, de s'adapter à leur impact et de rendre compte des mesures qu'ils prendraient à cet effet. La Convention a énoncé les engagements des pays industrialisés (Parties figurant à l'Annexe 1) et des pays en développement (Parties ne figurant pas à l'Annexe 1). En 1995, les Parties sont convenues que les engagements des Parties figurant à l'Annexe 1 étaient inappropriés et ont lancé un nouveau cycle de négociations, en vue de convenir d'engagements plus fermes et plus détaillés pour ces pays. Ces négociations ont abouti au Protocole de Kyoto de 1997. Les modalités des mécanismes énoncés dans le Protocole de Kyoto n'ont pas encore été arrêtées et sont le thème des négociations en cours (CCNUCC, 2000; Porter, Brown et Chasek, 2000). |
Toutefois, la science n'a pas toujours un rôle clé, et elle peut même être rejetée si elle est contraire aux programmes d'action des gouvernements.
Malgré l'atmosphère officielle d'une réunion plénière d'un CIN, c'est surtout dans les couloirs, autour d'une tasse de café ou derrière des portes closes, dans des groupes de contact ou de rédaction, que se jouent réellement les négociations. Pendant que la plénière discute de questions secondaires, les négociateurs clés sont souvent à l'abri des regards, en train de discuter des politiques qui sous-tendent des questions clés, par exemple des engagements concrets qui doivent être pris en matière d'assistance technique et financière. C'est dans des discussions bilatérales et dans l'arrière-salle des négociations que les questions sont tranchées et les compromis atteints.
Durant les négociations finales de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, par exemple, les pays étaient divisés en ce qui concerne les ressources et le mécanisme financiers de la Convention. Les pays développés faisaient valoir que le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) devrait servir de base pour le mécanisme, alors que les pays en développement étaient pour la création d'un nouveau mécanisme et soulignaient la nécessité de ressources financières supplémentaires et nouvelles. Pour résoudre le dilemme, un groupe informel s'est réuni pendant deux jours et demi, travaillant toute la nuit du dernier jour. Le compromis qui a été accepté en plénière engage les pays développés à fournir des ressources financières supplémentaires et nouvelles et fait du FEM le mécanisme financier provisoire jusqu'à la première COP ou jusqu'à ce que les parties en décident autrement.
L'expérience en matière d'élaboration d'accords internationaux montre que la communauté internationale prend l'initiative d'élaborer une convention, s'il y a un consensus sur la nécessité d'une telle initiative et sur les mesures à prendre. Dans la plupart des cas, les premières étapes de l'élaboration d'une convention sont dictées par une organisation internationale qui s'est engagée à lutter contre le problème touchant à l'environnement, ou par une nation puissante qui a un intérêt spécifique. Un consensus sur les aspects scientifiques d'un problème, et les pressions politiques exercées par la société civile, des ONG et d'autres groupes d'intérêts, peuvent aussi être un moteur pour agir. La négociation d'une convention débouche rarement sur des engagements suffisants pour atteindre le but souhaitable ou énoncé. Il peut être nécessaire de négocier des dispositions pour renforcer les engagements et, surtout, de les appliquer si l'on veut écarter la menace qui pèse sur l'environnement mondial.
Bibliographie
Benedick, R.E. 1998. Ozone diplomacy: new directions in safeguarding the planet. Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, États-Unis.
Birnie, P.W. et Boyle, A.E. 1992. International law and the environment. Oxford University Press, New York, États-Unis.
Convention des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). 2000. Guide to the climate change negotiation process. Internet document: www.unfccc.de/resource/process
Lee, H. 1995. Shaping national responses to climate change. Island Press, Washington.
Porter, G., Brown, J. et Chasek, P. 2000. Global environmental politics. Westview Press, Boulder, Colorado, États-Unis.
Sanchez, V. et Juma, C. 1994. Biodiplomacy: genetic resources and international relations. African Centre for Technology Studies (ACTS) Press, Nairobi, Kenya.