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3. Quels exemples de politiques incitatives ont été mis en œuvre par les gouvernements pour appuyer la gestion durable des terres et de l’ADRD?

Politiques nationales intégrées

RÉSUMÉ

Vingt cas ont été sélectionnés pour illustrer des exemples de politiques incitatives mises en œuvre par les gouvernements pour appuyer la gestion durable des terres et de l'ADRD

Progrès de l’ADRD au niveau des pays

Bien qu’actuellement presque tous les pays ont à cœur de déclarer qu’ils soutiennent l’agriculture durable à l’évidence les réformes ne sont que fragmentaires. Deux pays seulement ont apporté un soutien national explicite à la politique d’agriculture durable, en la plaçant au cœur de la politique de développement agricole et des politiques d’intégration. Ces deux pays sont Cuba et la Suisse. Cuba s’est doté d’une politique nationale pour une agriculture alternative; la Suisse dispose de trois niveaux d’appui à l’agriculture et au développement rural durables. L’Autriche, comme le Danemark, la Suède et la Finlande ont officiellement favorisé l’agriculture biologique, mais ce soutien n’a pas nécessairement eu des impacts sur les agriculteurs conventionnels.

Le tableau ci-dessous propose un récapitulatif d’un côté, des types de contribution apportées par différents pays à l’agriculture durable, de l’autre, du développement d’une agriculture durable significative sur le terrain. Trois pays ont bénéficié d’appuis au niveau sous-régional: trois Etats du Brésil méridional ont obtenu des résultats remarquables du fait de systèmes agricoles conservationnistes et du labour zéro; certains Etats en Inde, particulièrement le Rajasthan, dans le domaine de la gestion de bassins versants et des sols et grâce à des subventions pour les fertilisants organiques et l’Etat du Gujarat du fait de politiques de gestion participative de systèmes d’irrigation impliquant une restitution totale des bénéfices aux groupes d’utilisateurs.

Plus nombreux sont les pays qui ont réformé certains éléments de leur politique agricole en introduisant de nouvelles réglementations, des mesures incitatives et/ou des taxes en faveur de l’environnement, ou encore de nouveaux mécanismes administratifs. Ces ensembles de mesures ont eu un impact considérable, quoique partiel. On peut citer le Kenya (approche de gestion des bassins versants pour la conservation des sols), l’Indonésie (interdiction de certains pesticides associée au programme national d’écoles de terrain pour les agriculteurs et gestion intégrée des ravageurs du riz), l’Inde (appui au traitement et à la commercialisation du soja), la Bolivie (politiques agricoles et rurales d’intégration régionale), le Burkina Faso (politique d’aménagement des terres basée sur la gestion des terroirs); le Sri Lanka et les Philippines (groupes d’utilisateurs d’eau pour la gestion de l’irrigation). Néanmoins, aucun de ces pays n’a, à ce jour, explicitement adopté l’agriculture durable comme cadre de référence de sa politique agricole.

Pour un nombre encore plus important de pays, on observe des progrès en matière d’agriculture durable au niveau des projets et des programmes, mais pour leur majorité, ces améliorations se mettent en place malgré des politiques inadaptées plutôt que grâce à un soutien politique. Ainsi, la plupart des réformes restent très fragmentaires et le concept d’agriculture durable est encore largement en marge des politiques conventionnelles et de leurs objectifs. Aucun ministre de l’agriculture ne dira qu’il est contre l’agriculture durable, mais il reste à concrétiser les bonnes paroles dans d’ambitieuses et cohérentes réformes politiques.

Les systèmes d’agriculture durable peuvent s’avérer viables à la fois aux plans économique, social et environnemental, et ils améliorent les conditions de vie locales. Mais sans soutien politique approprié, ils risquent fort, au mieux, de rester limités dans l’espace, et au pire, de simplement disparaître.

Sélection de réformes progressives de la politique d’agriculture durable selon le degré d’intégration et les résultats obtenus

Pays avec des réussites à grande échelle

Pays avec des réussites locales significatives

Pays avec un appui déclaré à la politique d'agriculture durable

Cuba

(Politique nationale pour l’agriculture durable)

Suisse

(3 niveaux d’appui à l’agriculture et au développement durable)

Danemark et Suède

Soutien national pour l’agriculture biologique; politiques de réduction des fertilisants inorganiques et des pesticides

Finlande

Schéma pour l’agriculture et pour l’environnement avec des primes aux agriculteurs: 82 pour cent d’adhésion

Pays avec un soutien politique déclaré au niveau régional ou provincial (mais non national)

Brésil

(Labour zéro et agriculture conservatoire dans trois Etats du Sud)

Inde, Rajasthan

(Soutien à la gestion des sols, primes pour les bio-fertilisants)

Inde, Gujarat

(Gestion participative de l’irrigation avec restitution totale aux groupes d’utilisateurs)

Pays ayant des éléments de politiques de soutien, mais non intégrés aux autres secteurs

Kenya

(Approche «gestion du bassin versant» pour la conservation du sol)

Paraguay

(Promotion du labour zéro grâce à des subventions centralisées)

Indonésie

(Interdiction de certains pesticides, programme national d’écoles de terrain d’agriculteurs et IPM pour la culture du riz)

Inde

(Soutien à la transformation et à la commercialisation du soja)

Bolivie

(Intégration régionale des politiques agricoles et rurales)

Burkina Faso

(Politique foncière de gestion des terroirs)

Australie

(Programme national de conservation des terres)

Sri Lanka et les Philippines

(Groupes d’utilisateurs d’eau pour la gestion de l’irrigation)

Pays Bas

(Politique de réduction des pesticides, réglementation des nutriments)

Bénin

(Soutien à la culture de «Macuna»)

Niger

(Appui aux techniques de collecte d’eau)

Inde

(Politique national participative pour la gestion de bassin versant)

Costa Rica

(Agriculture conservatoire pour le développement durable)

Cuba: Politique nationale pour l’agriculture durable

L’un des exemples les plus remarquables d’efforts politiques coordonnés en faveur de l’agriculture durable est celui de Cuba. Jusqu’en 1990, le secteur agricole et alimentaire de Cuba était fortement dépendant du soutien du bloc soviétique. Cuba importait 100 pour cent du blé, 90 pour cent des haricots, 57 pour cent des calories consommées, 94 pour cent des fertilisants, 82 pour cent des pesticides et 97 pour cent de l’alimentation animale. Le sucre vendu par Cuba était également payé trois fois plus cher que son cours mondial. A cette époque-là, Cuba avait le plus grand nombre de scientifiques par habitant de toute l’Amérique Latine, le plus grand nombre de tracteurs à l’hectare, le deuxième plus grand rendement en grain, la plus grande augmentation de la production alimentaire par habitant des années 80, la plus basse mortalité infantile, le plus grand nombre de médecins par habitant, le plus haut niveau de scolarisation secondaire et le rapport professeurs/élèves le plus élevé.

Mais en 1990, les échanges commerciaux avec le bloc soviétique se sont effondrés, conduisant à de sévères pénuries pour tous les biens importés. En l’espace de deux ans, les importations de pétrole ont été réduites de moitié par rapport à la période d’avant 1990, celles des fertilisants ont été réduites au quart, celles des pesticides au tiers et les importations alimentaires furent réduites à moins de la moitié. La réponse du gouvernement fut une politique officielle privilégiant la mise en place d’un modèle alternatif d’agriculture. Celle-ci s’appuie sur des technologies conservatoires des ressources, en remplaçant les importations d’intrants par les connaissances, les compétences et les ressources locales. Cuba met également l’accent sur la diversification de l’agriculture, l’élevage et la sélection de bovins pour permettre à la traction animale de remplacer les tracteurs, l’utilisation de la gestion intégrée des ravageurs (IPM) en substitution aux pesticides, la mise en œuvre de nouvelles pratiques scientifiques, une formation renforcée pour répondre aux besoins, la promotion d’une meilleure coopération entre les agriculteurs, à la fois au sein des communautés et entre celles-ci, et l’inversion de l’exode rural en encourageant la population à rester dans les campagnes.

La nouvelle politique a déjà donné de très bons résultats. 220 centres artisanaux villageois ont été ouverts pour la production des bio-pesticides par la reproduction des entomophages et des entomopathogènes. Ils produisent chaque année 1 300 tonnes de bio-pesticides Bacillus Thuriengiensis (utilisés pour le contrôle des lépidoptères), 780 tonnes de bio-pesticides Beaveria (pour contrôler les scarabées), 200 tonnes de bio-pesticides Verticillium (pour le contrôle des mouches blanches) et 2 800 tonnes de Trichoderma (utilisé pour le contrôle biologique). De nombreuses méthodes de contrôle biologique s’avèrent plus efficaces que les pesticides. Des morceaux de troncs de bananiers macérés avec du miel attirent les fourmis, celles-ci sont ensuite transportées vers des champs de patates douces pour contrôler le charançon de cette espèce.

Il y a 173 centres de compostage par les lombrics et leur production annuelle est passée de 3 000 à 93 000 tonnes. La rotation des cultures, l’utilisation d’engrais verts et de cultures intercalaires et la conservation des sols sont devenues des composantes de l’agriculture. Les systèmes de culture à base de manioc-haricots, de manioc-tomate-maïs et de patate douce-maïs se sont tous avérés de 1,5 à 2,8 fois plus productifs que la somme de toutes les monocultures prises séparément.

Deux caractéristiques importantes de l’agriculture durable cubaine sont:

® dans les zones urbaines, trois types de jardins potagers intensifs cultivés en biologique: des jardins pour assurer l’autosuffisance des écoles et des lieux de travail («autoconsumos»), des jardins à plates-bandes en billons («organopónicos») et des jardins communautaires intensifs (huertos intensivos),

® dans les zones rurales, une agriculture durable développée à la fois aux niveaux des petites et des grandes exploitations agricoles.

Ces deux traductions de l’agriculture durable ont contribué de façon significative à la production alimentaire totale (les cultures en zones urbaines sont celles pratiquées dans les limites de la municipalité ainsi que dans un rayon de trois kilomètres autour des foyers de peuplement supérieurs à 2 000 personnes). En 1994 par exemple, des jardins en billons, des jardins communautaires à usage intensif et des jardins destinés à assurer l’autosuffisance des écoles et des lieux de travail produisaient 4 200 tonnes de nourriture par an. Vers 1999, leur production a atteint 727 000 tonnes. Le nombre de jardins potagers a augmenté ainsi que et leur productivité par unité de surface . Il existe à présent 7 080 jardins potagers (soit 2 500 de plus qu’en 1987) et la productivité est passée de 1,6 kg/m2 (1994) à 19,6 kg/m2. Il est difficile d’estimer le nombre d’exploitations qui ont adopté des pratiques d’agriculture durable. Les estimations suggèrent 200 000 exploitations sur environ 150 000 ha. En ce qui concerne les jardins à plates-bandes en billons («organopónicos»), environ 2 600 personnes sont impliquées dans la production directe d’aliments.

Les données de la consommation calorique permettent d’évaluer l’efficacité de l’agriculture durable pour produire la nourriture nécessaire à la population. Cette consommation a été de 2 600 kilocalories par jour en 1990, chutant à 1 000-1 500 kilocalories par jour juste après le processus de transition (avec une forte insécurité alimentaire), et elle a augmenté pour atteindre une moyenne de 2 700 kilocalories par jour à la fin des années 90.

Au premier plan des acteurs assurant la transition vers l’agriculture durable se trouve le GAO, Groupe d'agriculture organique biologique (initialement connu comme l’Association cubaine d'agriculture organique biologique, qui fut créée en 1993). Le GAO rassemble des agriculteurs, des gérants de fermes, des experts, des chercheurs et des fonctionnaires du gouvernement. Son but est d’aider à convaincre les agriculteurs que les alternatives d’agriculture biologique sont en mesure de fournir suffisamment de nourriture pour les Cubains. Néanmoins, des difficultés subsistent et maintenant, il s’agit de: i) prouver le succès d’un système alternatif aux agriculteurs sceptiques, aux chercheurs et aux décideurs; ii) développer de nouvelles technologies de manière assez rapide pour résoudre de nouveaux problèmes; iii) assurer une coordination entre les différents acteurs afin de leur permettre de travailler ensemble; iv) poursuivre la décentralisation de la production alimentaire en faveur des agriculteurs et mettre en place une réforme agraire adéquate pour encourager l’investissement local dans le nécessaire développement institutionnel; et v) encourager les grands producteurs de riz, de pommes de terre, de canne à sucre et d’agrumes à réduire l’emploi des pesticides et des fertilisants inorganiques.


Source:

Dr. Fernando Funes, Groupe d’agriculture organique (GAO), Cuba - Apartado 4029, C.P. 10400, La Havane, Cuba
Tel. 53-7-258862 Fax 53-7-286409 <[email protected]>

Suisse: Politique nationale pour une agriculture durable

En Suisse, des réformes très avancées des politiques du secteur agricole ont été mises en place à la fin des années 90. Un ensemble radical de mesures politiques a bénéficié du soutien de 70 pour cent des électeurs lors du référendum de 1996 (Agence suisse pour l’environnement, la forêt et le paysage, 1999). La loi Agricole fédérale a été révisée en 1952 pour que les subventions favorisent des pratiques écologiques, puis amendée en 1996 sous le nom d’«Acte agricole 2002», à la suite d’un référendum national. La politique identifie trois niveaux du soutien public selon le degré de durabilité de l’agriculture. Le premier niveau concerne les soutiens pour des biotopes spécifiques tels que les pâturages et les prés d’exploitation extensive, les plantations fruitières à tiges hautes et les haies. Le deuxième niveau de soutien concerne la production agricole intégrée limitant l’utilisation d’intrants en application de normes écologiques plus exigeantes que celles utilisées pour l’agriculture conventionnelle. Le troisième niveau concerne le soutien à l’agriculture biologique.

Les agriculteurs doivent satisfaire au minimum cinq conditions pour pouvoir bénéficier de primes pour une production intégrée, qui constitue ce que l’on appelle le «standard écologique» des pratiques:

1. Fournir la preuve d’une utilisation raisonnée des nutriments, avec des doses de fertilisants définies en fonction des exigences de la culture. Les éleveurs sont dans l’obligation de vendre le surplus de fumier ou de réduire l’effectif de leur cheptel.

2. Les sols doivent être protégés de l’érosion. Les cultures érosives (par exemple le maïs) ne peuvent être mises en place qu’en rotation avec de la prairie et des engrais verts.

3. Au mois sept pour cent de la surface de l’exploitation doit être réservé à la protection de la diversité des espèces, sous la forme de prairies, de haies vives ou de vergers et ne pas recevoir de fertilisants.

4. Pratiquer des rotations de cultures diversifiées.

5. Réduction de l’utilisation des pesticides pour respecter les niveaux de risques définis.

Un élément vital de ce processus politique est que la responsabilité de définir, d’administrer et de superviser sa mise en œuvre est déléguée aux cantons, aux syndicats d’agriculteurs, aux conseillers agricoles, aux organismes locaux et aux organisations non gouvernementales. En 1999, 90 pour cent des exploitations agricoles ont été en mesure de se conformer au standard écologique de base (lequel permet de recevoir des subventions publiques). 5 000 exploitations agricoles (soit 8 pour cent) sont à présent biologiques (elles étaient un peu plus de 2 pour cent en 1991) et on s’attend à ce que la plupart des agriculteurs atteignent le «standard écologique» pour l’année 2 000. L’application des pesticides a baissé de 23 pour cent depuis 1990, et l’utilisation des phosphates a baissé de 83 à 75 kg/ha.

Source: Agence Suisse pour l’Environnement, la Forêt et les Paysages (1990)

Politiques sub-nationales (province, région) et sectorielles

Brésil: Programme de «Microbacias» (petits bassins) et labour zéro (LZ) à Santa Caterina

Le Service gouvernemental de recherche et de vulgarisation EPAGRI travaille avec les agriculteurs de Santa Catarina, un Etat au Sud du Brésil s’étendant des plaines côtières à l’est, aux hautes terres vallonnées et aux montagnes au centre et à l’ouest. Le service intervient avec les agriculteurs locaux dans les micro-bassins versants afin de développer des systèmes agricoles productifs économes en intrants. Chaque membre d’EPAGRI travaille pendant une période de deux ans sur environ quatre micro-bassins comprenant 150 familles et il joue un rôle social aussi bien que technique important. L’expérimentation par les agriculteurs est encouragée, et un grand nombre de décisions sont prises par ces vulgarisateurs locaux.

Les actions techniques de conservation des sols et de l’eau au niveau des micro-bassins utilisent des cordons de végétation en courbes de niveau, le labour en courbes de niveau et des engrais verts. Les agriculteurs utilisent certains engrais chimiques et désherbants, mais les engrais verts et les cultures de couverture ont donné des résultats particulièrement satisfaisants. Soixante espèces ont été testées avec les agriculteurs; elles comprennent à la fois des légumineuses telles que la macuna, les pois sabre, les lablabs, les pois à vache, plusieurs petits pois et crotalaires, etc., et des espèces non-légumineuses comme l’avoine et les navets. Pour les agriculteurs, ces introductions n’impliquent aucune dépense en espèces, sauf pour l’achat de semences. Ces cultures sont cultivées de manière intercalaire ou implantées pendant les périodes de jachère; elles sont utilisées dans un système de production qui inclut le maïs, l’oignon, le manioc, le blé, le raisin, les tomates, le soja, le tabac et les arbres fruitiers. Les agriculteurs utilisent des outils à traction animale pour étendre et couper les engrais verts ou la culture de couverture afin de l’étaler à la surface du sol. Avec un autre outil à traction animale conçu par les agriculteurs, ils creusent ensuite un sillon dans le paillis ainsi obtenu, sillon qui recevra la semence de la récolte suivante. Le résultat est que la plupart des agriculteurs ne labourent plus.

L'adoption de la pratique du labour zéro à Santa Caterina est significative, parce que les structures foncières sont considérablement plus petites que dans les Etats voisins du Parana et du Rio Grande do Sol (où la croissance du nombre d'hectares sous labour zéro a été extraordinaire pendant la dernière décennie). On estime que 100 000 agriculteurs ont adopté le labour zéro sur environ 880 000 ha dans le cadre du programme Microbacias. Les améliorations des rendements ont été substantielles: celui du maïs a augmenté de 47 pour cent sur une période de 8 ans (jusqu'en 1999) pour atteindre 3 750 kg/ha; celui du soja a augmenté de 83 pour cent (2 730 kg/ha) et celui du blé a augmenté de 82 pour cent pour passer à 2 125 kg/ha.

De la même façon que d’autres programmes de labour zéro, EPAGRI a entraîné des améliorations de la qualité de l’eau, de l’état sanitaire du sol et de sa capacité de rétention en eau. Les sols sont de couleur plus foncée, souples sous le pied, humides et pleins de lombrics. Les besoin réduits en désherbages et en labours ont conduit à une forte économie de main-d’œuvre pour les petits agriculteurs. Il est devenu évident que l’entretien de la couverture du sol est bien plus efficace pour empêcher l’érosion que la construction de terrasses et de structures anti-érosives. Cette technique est également moins coûteuse pour les agriculteurs.

Des éléments importants du programme microbacias ont été la transformation de bassins versants entiers et l’attention accordée à la formation du capital social. A Santa Caterina, environ 7 700 groupes d’agriculteurs ont été formés sur 559 microbacias; ces groupes ont été impliqués dans une large gamme d’activités. EPAGRI a également cherché à impliquer totalement les municipalités dans le développement participatif de technologies et dans la vulgarisation agricole. A présent, un grand nombre de municipalités ont recruté des ingénieurs agronomes pour collaborer à ce processus.


Source:

Dr. Gilmar Jacobowski, Directeur tecnique, EPAGRI <[email protected]>
Lauro Bassi <[email protected]>

Canada: Le conseil de politique alimentaire de Toronto

Le conseil de politique alimentaire (FPC) de Toronto est un réseau très large d’organisations impliquées dans la sécurité alimentaire, dans l’agriculture durable, la santé publique et le développement communautaire. Son but est d’améliorer l’accès des familles à faibles revenus à un régime alimentaire abordable et sain et de promouvoir les micro-entreprises alimentaires faisant travailler des personnes à faibles revenus. Il a été mis en place en 1990 et réunit les professionnels et les militants d’un grand nombre de secteurs: celui de la santé publique, les secteurs agricole et rurale, le secteur alimentaire, celui de l’emploi, de l’éducation, des communautés et celui de la lutte contre la faim.

Le FPC reçoit le soutien du conseil municipal et il est administré par le département de la santé publique. Cela lui donne une crédibilité officielle tout en lui permettant de travailler avec plusieurs groupes communautaires. Il a deux rôles-clés: l’élimination d’obstacles constitués par des politiques publiques limitant l’accès à des niveaux d’alimentation décents et la création de politiques avancées qui assurent la promotion d’actions communautaires sur les thèmes alimentaires. A l’époque de l’apparition du FPC, Toronto connaissait un déclin économique et un passage rapide du plein-emploi à l’emploi à temps partiel. La dépendance par rapport aux services sociaux devenait croissante, la pauvreté de certains groupes s’aggravait et, par ailleurs, la pauvreté concernait de plus en plus les classes moyennes et inférieures. Un nombre croissant de gens souffraient de la faim. Durant les années 80, les banques alimentaires voient le jour en réponse au démantèlement des réseaux de sécurité sociale et leur nombre atteint plus de 400 dans les années 90. Au total, 150 000 citadins utilisent les banques alimentaires chaque année et reçoivent en moyenne 10 dollars EU de produits alimentaires chaque mois. Mais on a pris conscience que ces banques alimentaires n’étaient que des mesures palliatives agissant uniquement au niveau des symptômes de la faim plutôt que sur ses causes réelles. Le FPC a pris la décision de faire évoluer les systèmes alimentaires, sociaux et de santé publique relevant d’une logique de l’urgence pour leur donner un rôle plus important, celui d’améliorer l’autonomie de la communauté ainsi que son capital social. Un exemple de ce programme du FPC est dénommé «De la ferme à la table». Il résulte d’un partenariat entre les groupes communautaires et les agriculteurs de l’Ontario. Il existe trois modes de livraison de la nourriture: sous le label «Good Food Box», les familles peuvent acheter un carton de fruits et de légumes frais chaque mois, ou on peut acheter, à titre individuel, des fruits et des légumes sur les marchés communautaires et les vendre au niveau local ou encore, les membres de la communauté peuvent commander des fruits et des légumes dans les clubs d’achats et se les faire livrer.

Le label «Good Food Box» (GFB) a été particulièrement efficient. Il a été finalisé pour des personnes qui désirent acheter des aliments frais, celles à faibles revenus, handicapées ou qui souffrent de problèmes de santé et/ou les personnes âgées. Entre 1 500 et 2 500 cartons ont été livrés en 1997, principalement aux clients à faibles revenus, incluant une proportion considérable de mères célibataires. Il y a eu des retombées sur divers aspects du système alimentaire. Environ 70 pour cent de ceux qui achètent les cartons de nourriture mangent plus de légumes, 21 pour cent en mangent une plus grande variété et 16 pour cent essaient, à présent, de nouveaux aliments. De même, plus de personnes ont pris en compte le précepte recommandant de manger cinq sortes ou plus de fruits et de légumes par jour. Au départ, un quart des aliments des banques alimentaires provenait des agriculteurs de l’Ontario; en 1996, cette part s’est élevée à 95 pour cent. Plus intéressant encore, un nombre substantiel de bénéficiaires du GFB ont déclaré que le projet avait influencé leurs relations sociales. Plus d’un cinquième ont affirmé que le projet avait développé leur sens communautaire. D’autres effets moins visibles du projet «Du champ à la table» ont été observés, notamment dans les écoles, où l’on note une meilleure assiduité, moins de retards et une meilleure socialisation dans les salles de classe. Le programme «du champ à la table» concerne 10 000 personnes. D’autres bénéfices obtenus grâce au FPC sont une augmentation rapide du nombre de jardins communautaires, le soutien massif que le gouvernement provincial accorde à présent aux programmes d’alimentation scolaire, et, à une échelle plus large, les effets bénéfiques sur les processus politiques. Ce programme a également conduit à un renouvellement de l’économie locale et d’une large gamme d’institutions et de secteurs, ce qui se traduit par une taxation plus écologique, la réforme du système de santé et celle de la politique agricole.


Source:

Rod MacRae, Conseil politique alimentaire <[email protected]> - <www.realfoodhome.net>

Allemagne: Soutien régional des Länder

En Allemagne, des schémas régionaux développés par les Länder (gouvernements régionaux) subventionnent les agriculteurs afin qu'ils ne dégradent pas l'environnement. En 1997, 200 000 agriculteurs ont adhéré à des projets qui couvrent 17 millions d'hectares, soit environ un dixième des terres agricoles. A ce jour, le meilleur accueil a été réservé à la gestion de pâturages extensifs, qui représentent environ 80 pour cent de l'ensemble des surfaces. Cependant, certains Etats ont réalisé d'importants progrès en direction d'une gestion positive de l'environnement.

Le schéma MEKA (Markentlastungs und Kulturlandschaftausgleich) dans le Baden-Würtemberg propose aux agriculteurs un menu technologique à la carte, qui leur rapporte des éco-points selon leur choix, chaque point leur rapportant 20 DM par hectare. Par exemple, la non-utilisation de régulateurs de la croissance végétale leur rapporte 10 points. Planter un engrais vert en automne rapporte six points, la non application de désherbants et l’utilisation du désherbage mécanique rapporte cinq points, ramener le cheptel de 1,8 à 1,2 unités adultes par hectare rapporte trois points et le semis direct sur des sols sensibles à l’érosion rapporte six points. Des mesures de protection directe de l’environnement permettent d’obtenir jusqu’à quinze points pour la réduction du cheptel dans des zones spéciales d’intérêt scientifique et des points peuvent également être gagnés grâce à l’élevage de races rares.

Le coût national du projet est partagé entre le gouvernement fédéral et le gouvernement régional, la Politique agricole commune (PAC) prenant en charge le reste dans le cadre de la réglementation agri-environnementale. En 1997, 102 000 agriculteurs ont souscrit au projet, pour une surface de 220 000 hectares d’herbages, qui sont maintenant gérés de manière extensive, de 225 000 hectares de terres arables, également gérés de manière extensive, avec une proportion considérable sans utilisation de pesticides et de fertilisants, de 97 000 hectares de vignobles et de vergers protégés. Néanmoins, seulement 2 300 hectares font partie du projet ayant pour objectif la mise en place de mesures de conservation de la nature tels que de nouvelles plantations de haies ou la gestion des berges des cours d’eau. 14 000 hectares ont cependant été classés en agriculture biologique.

Dans la région de Hesse, 82 000 hectares sont concernés par le programme HEKUL (Hessisches Kulturlandschaftsprogramm ou programme du paysage culturel de la Hesse) qui recherche l’extensification de l’agriculture et encourage l’adoption des technologies de l’agriculture biologique. Dans la région de Rhénanie-Palatinat, le programme FUL (Förderprogramm Umweltschonende Landbewirtschaftung ou programme régional de gestion de l’environnement) accorde des subventions pour la production biologique, pour les pratiques intégrées à faibles doses d’intrants et pour la gestion extensive des herbages.

Source: Pretty (1998). La terre vivante

Inde: Programme du gouvernement de l’Etat de Rajasthan pour le développement des bassins versants

Le département de développement des bassins versants et de la conservation des sols de l’Etat du Rajasthan a été créé en 1991 pour mettre en œuvre une approche participative pour le développement intégré des bassins. Depuis les années 40, les niveaux des nappes d’eau souterraines avaient baissé de manière inquiétante, les forêts s’étaient dégradées et les institutions communautaires s’étaient affaiblies. Mais, malgré des dépenses considérables pour la conservation des sols, les résultats obtenus restaient insignifiants, ainsi que le soulignait Krishna: «les observations sur le terrain confirment un entretien quasi nul de la part des bénéficiaires». Le gouvernement du Rajasthan a reconnu la nécessité d’impliquer la population locale et il a facilité la mise en place de 15 000 groupes d’utilisateurs de bassins. Ainsi des pratiques d’agriculture durable sont utilisées sur trois millions d’hectares (et plus probablement de 10 à 15 millions d’hectares). Ces technologies à faibles coûts sont basées sur des connaissances autochtones et biologiques. Elles comprennent des bandes de vétiver et d’autres graminées plantées en courbes de niveau, des bourrelets et des cultures en courbes de niveau, des bourrelets autour des parcelles, des chenaux de drainage aménagés et la régénération des terres communales avec des arbustes et des arbres. Les rendements de sorgho et de millet ont plus que doublé, passant de 400 à 875 kg/ha (sans utilisation de fertilisants) et les bandes enherbées ont amélioré les rendements de 50 à 200 pour cent, les faisant passer de 450 à 925 kg/ha.

Source: FAO

Philippines: L’Administration nationale de l’irrigation (NIA)

L’Administration nationale de l’irrigation du gouvernement philippin (NIA) cherche à constituer des associations d’usagers de l’irrigation (IAs) pour assurer le bon fonctionnement et l’entretien des systèmes d’irrigation à petite échelle dont la construction a bénéficié de l’aide du gouvernement. Ces petits périmètres couvrent en général moins de 1 000 hectares, mais représentent environ la moitié des terres irriguées du pays. Le reste appartient au gouvernement et fonctionne sous son autorité.

Dans les années 60 et 70, l’approche de la NIA fut clairement non participative. Des ingénieurs ont planifié les infrastructures et les systèmes ont été construits avec seulement quelques consultations locales et formelles. Les systèmes se sont souvent dégradés du fait que les agriculteurs étaient peu motivés pour prendre des responsabilités en matière de gestion. Durant les années 80, la NIA a finalement adopté une approche participative de l’irrigation.

Des changements fondamentaux ont été opérés par la NIA pour développer cette nouvelle approche participative. Il s’agit de l’implication dans les projets d’animateurs communautaires motivés, majoritairement des femmes, de la réorientation des procédures d’évaluation afin de prendre en compte la diversité des conditions locales et de la responsabilisation des ingénieurs en charge de l’irrigation au niveau régional afin de les charger de la coordination générale des programmes d’irrigation dans leurs provinces respectives, ainsi que du renforcement de la responsabilité de l’agence vis-à-vis des usagers.

L’approche concernant le renforcement institutionnel a également subi un changement radical. Dans l’approche non participative, on attendait des agriculteurs qu’ils se regroupent en associations d’usagers (IAs) peu de temps avant que la construction du système d’irrigation ne commence, au moment où la NIA réunissait les agriculteurs pour l’élection de leurs représentants. L’approche participative, au contraire, met l’accent sur l’implication des agriculteurs plusieurs mois avant que la construction ne commence. Des animateurs communautaires à plein temps résident sur le site du projet et préparent la population locale à travailler avec les ingénieurs. Les animateurs continuent également à travailler avec l’association pendant au moins deux cycles de culture après la mise en place du système d’irrigation amélioré. Les agriculteurs sont à présent impliqués dès le début du projet, depuis la conception du système d’irrigation proposé jusqu’à la construction des barrages, des canaux, et des autres infrastructures. Une fois la construction terminée, la NIA transfère l’entière autorité concernant la gestion du système aux IAs.

La NIA a développé ses approches participatives grâce à une expérimentation qui a demandé du temps. Cela signifie que des actions participatives et non-participatives ont eu lieu simultanément, ce qui a permis d’évaluer l’impact du facteur « participation » seul. Les effets immédiats comprennent une augmentation des rendements en riz de 19 pour cent pendant les saisons des pluies et de 16 pour cent durant les saisons sèches, un accroissement des contributions des agriculteurs aux coûts qui passent de 54 à 357 pesos/ha, une augmentation de 27 à 83 pour cent de l’efficience des systèmes d’irrigation là où les suggestions des agriculteurs ont été prises en compte lors de la conception, une diminution de moitié du nombre de canaux construits par la NIA et ensuite abandonnés ou déviés, une augmentation du nombre de membres de l’association présents à la cérémonie de passation de l’autorité, une augmentation en l’espace d’un an de 50 à 82 pour cent des paiements annuels de l’amortissement, une augmentation du temps consacré par les agriculteurs à l’entretien communautaire des systèmes et une capacité améliorée des IAs à gérer leurs propres affaires.

Source: Administration nationale de l’irrigation des Philippines

Iles Salomon: Formation professionnelle technique dans des centres de formation ruraux

Les îles Salomon constituent un archipel d’environ 900 îles, dont la plupart sont difficiles d’accès, et elles disposent de services et de ressources limités. Le mode de vie des communautés rurales a longtemps été basé sur l’agriculture vivrière, la pêche artisanale, l’exploitation forestière et le commerce intercommunautaire. L’expansion de l’économie de marché et l’exploitation croissante des ressources naturelles (les cultures commerciales, le bois, le thon) par des entrepreneurs étrangers ont favorisé l’exode vers les zones urbaines, un état de sous-développement pour les habitants des zones rurales et des conflits sociaux. Un accès difficile au crédit, le manque d’équipements et de matériel et une capacité technique déficiente ont limité le développement d’initiatives de la part des petits agriculteurs et de celui d’entreprises rurales. Au début des années 90, trente associations rurales nommées «Centres de formation ruraux» ou RTC se sont formées spontanément. Elles sont basées sur des relations communautaires, culturelles et/ou religieuses. Leur principal rôle a été de fournir du conseil, de l’assistance technique, d’assurer une formation professionnelle et de faciliter l’accès au crédit.

Les trente RTC (d’autres ont rejoint l’association pendant la mise en œuvre du projet) ont soutenu 10 à 30 initiatives dans leur domaine d’intérêt. Certains stagiaires sont eux-mêmes devenus des formateurs et ont trouvé des emplois à temps partiel dans les RTC. De nouveaux équipements et circuits commerciaux ont été mis en place dans les zones de production, en créant ainsi de nouvelles opportunités d’emplois. En conséquence de quoi, de nouvelles succursales de la Banque du développement ont été créées par la suite dans certaines provinces particulièrement dynamiques.

Les impacts les plus significatifs ont été les suivants:

® une lutte renforcée contre la pauvreté grâce à l’auto-emploi et la création d’entreprises, en limitant l’exode vers les zones urbaines;

® une gestion durable des terres, grâce à l’aide à la conception et à la mise en œuvre d’initiatives s’inspirant du savoir-faire traditionnel autochtone, grâce à l’adoption de techniques préservant l’environnement et prenant en compte les ressources disponibles localement et les besoins sociaux des communautés concernées;

® une agriculture durable grâce à une utilisation plus intensive et plus diversifiée des terres communautaires, avec de meilleurs profits pour les communautés locales. Ainsi, l’on observe le renforcement du rôle des responsables locaux, une valeur ajoutée aux produits locaux due à une participation aux processus de transformation et de commercialisation, un développement social grâce à de nouvelles facilités pour le commerce et les services;

® des retombées positives du développement rural pour les femmes grâce à l’adoption de nombreuses initiatives en leur faveur, les interventions les plus fréquentes en faveur des femmes concernant la couture, la préparation des aliments et l’élevage de volailles;

® le partenariat avec les organismes non-gouvernementaux (ONG). Les RTC sont des ONG basées sur la communauté, elles participent directement à la définition de leur propre rôle et de leurs activités et interviennent dans les processus de prise de décision;

® le financement du développement durable. Le schéma de crédit enregistre un taux de réussite satisfaisant, avec des modalités de remboursement des prêts généralement adaptées au type d’investissement.

Etats-Unis: Soutien aux marchés d’agriculteurs

Aux Etats-Unis, ces dernières années ont vu l’apparition à grande échelle de marchés d’agriculteurs. Depuis la loi fédérale sur la commercialisation directe agriculteurs-consommateurs de 1976, les services d’Etat de la vulgarisation agricole ont pour mission de promouvoir le développement et l’expansion de la commercialisation directe. Pour accroître la vente directe au public, les groupes d’agriculteurs et de consommateurs ont mis en place de nouveaux marchés qui se tiennent une à deux fois par semaine. Aux Etats-Unis se tiennent au moins 2 400 marchés d’agriculteurs, impliquant comme vendeurs plus de 20 000 agriculteurs dont le tiers ne possèdent pas d’autre point de vente. Chacun de ces marchés est unique, proposant une gamme étendue de légumes frais et biologiques, de fruits et d’herbes aromatiques, ainsi que des fleurs, du fromage, des produits cuits au four et parfois des fruits de mer. Chaque semaine, environ un million de personnes, dont 90 pour cent vivent dans un rayon de 11 kilomètres autour du marché, fréquentent ces marchés d’agriculteurs. Le chiffre d’affaires annuel avoisine le milliard de dollars EU.

Les bénéfices générés par ces marchés d’agriculteurs sont considérables. Ils améliorent l’accès aux produits alimentaires locaux; ils augmentent les bénéfices des agriculteurs et ils contribuent également à la dynamique de la vie communautaire et à la formation du capital social, en rassemblant régulièrement la population. Les consommateurs se rendent également compte de la meilleure qualité des produits et de leurs prix moins élevés que dans les supermarchés. Une recherche conduite sur quinze marchés de ce genre en Californie a montré que les produits étaient de 34 pour cent moins chers que dans les supermarchés. Les contributions à l’économie locale sont considérables. Un marché d’agriculteurs à Madison, dans l’Etat du Wisconsin, rapporte 5 millions de dollars EU à l’économie locale chaque année; un autre à Santa Fé, dans l’Etat du Nouveau Mexique, rapporte un supplément de 750 000 dollars EU aux systèmes agricoles et alimentaires environnants.

Il apparaît également évident que les marchés d’agriculteurs ont un impact très positif sur les autres entreprises et commerces locaux, dans la mesure où ils augmentent le flux des piétons et la fréquentation des commerces. Il n’y a aucune preuve d’un impact négatif sur le chiffre d’affaires de ces autres négoces. Les marchés d’agriculteurs mobilisent des ressources pour stimuler d’autres fonctions importantes de la communauté et ils en contribuent, notamment, à la formation du capital social. A Los Angeles, par exemple, le marché Encino est sponsorisé par une organisation d’aide aux personnes âgées et une partie de ses bénéfices revient aux services de santé. Les marchés tenus par la Coalition Contre la Faim de Géorgie (Georgie Hunger Coalition) permettent aux fermiers noirs de la Géorgie du Sud de vendre leurs produits à 300 ménages des quartiers noirs d’Atlanta. A la Nouvelle Orléans, les marchés vietnamiens proposent une large gamme de légumes asiatiques et de canards élevés sur 16 hectares de terres incultes qui ont été réhabilitées.

Source: <http://www.usda.gov> - <http://attra.ncat.org/attra-pub/farmmrkt.html>

Gestion intégrée des ravageurs

Inde: Programme national de gestion intégrée des ravageurs (IPM)

Comme un grand nombre d'autres pays d'Asie, le programme national IPM de l'Inde utilise des «écoles de terrain pour agriculteurs» (ETA), pour former ces derniers aux connaissances et à la pratique de l'agroécologie. 77 000 agriculteurs ont été formés dans 2 600 ETA sur le riz, le coton, la canne à sucre et les oléagineux. Après les stages en ETA, plus de 12 400 démonstrations ont été mises en place pour diffuser les concepts et les pratiques de l'IPM. Les ETA servent également à diffuser des connaissances sur les gestions du sol, de l'eau et des nutriments. Au Tamil Nadu, par exemple, les agriculteurs font des essais sur les plantations en ligne, l'espacement des semis, les bio-fertilisants (Azospirillum, Azolla), l'emploi du fumier organique et celui des fertilisants de base. L'adoption par les agriculteurs d'agents de contrôle biologique des ravageurs (par exemple, le Trichogramme, le neem) entraîne une baisse de l'utilisation de pesticides conventionnels de 50 pour cent en moyenne. Les revenus ont augmenté de 1 000 à 1 500 roupies en moyenne par hectare et les rendements du riz ont augmenté de 250 kg/ha.

Source: Kenmore (1999)

Indonésie: Programme IPM pour le riz

En 1986, un décret présidentiel a interdit 56 marques de pesticides jusque là utilisés pour le riz et a créé un programme national IPM ayant pour objectif de transformer les agriculteurs en experts dans leurs propres champs par le biais de la mise en place des «Ecoles de terrain pour agriculteurs» (ETA). A ce jour, un million d’agriculteurs ont assisté à près de 50 000 stages de formation, ce qui représente la plus forte participation de tous les pays asiatiques. Le programme est financé par la FAO, la Banque mondiale et les services de coopération des Etats-Unis. Il fonctionne dans 12 des 26 provinces du pays, y compris les six provinces où la production de riz est la plus importante. Les impacts ont été considérables; une étude réalisée sur 2 000 agriculteurs a révélé que les rendements du riz ont augmenté de 0,5 tonne à l’hectare en moyenne et que leur variabilité interannuelle a diminué. Dans le même temps, le nombre d’applications de pesticides a chuté de 2,9 à 1,1 par saison et l’emploi des pesticides interdits a notoirement diminué. En moyenne, un quart des agriculteurs n’emploie plus de pesticides, cette proportion passant à la moitié dans certains villages. Plusieurs ETA ont continué à être actives sous la forme de groupes IPM, organisant des réunions pour discuter des problèmes des agriculteurs, pour surveiller les populations de ravageurs et de prédateurs sur les terres de leurs villages, pour mener de larges campagnes afin de contrôler la population des rats, pour diffuser l’IPM dans les villages voisins et pour faire fonctionner des programmes d’épargne et de crédit.

Source: Kenmore (1999)

Sri Lanka: Programme national de gestion intégrée de ravageurs et des cultures (IPM)

Le projet intégré constitue un programme vulgarisant le IPM qui fonctionne dans une grande variété de zones agro-écologiques du Sri Lanka. Il est mise en œuvre par Care International avec la participation financière de la Communauté européenne et du DFID. Le projet s’appuie sur les «Ecoles de terrain pour agriculteurs» (ETA) pour promouvoir la gestion intégrée de ravageurs (IPM) et a formé 4 300 agriculteurs aux méthodes de production du riz et des légumes. Environ 55 000 foyers agricoles ont jusqu’ici adopté l’agriculture durable sur 33 000 hectares, entraînant d’importantes réductions dans l’usage des pesticides, celles-ci passant de 2,9 à 0,5 applications par saison pour le riz. Les rendements ont augmenté de 12 à 44 pour cent pour le riz et de 7 à 44 pour cent pour les légumes, selon les régions du pays.

Source: Jones (1999)

Vietnam: IPM pour le riz dans le Delta du Mékong

Pendant les huit dernières années, des chercheurs travaillant avec l’Institut international de recherche sur le Riz, le Ministère de l’agriculture et du développement rural vietnamien et le Collège d’agriculture de l’Etat de Visayas aux Philippines ont été engagés pour participer à une initiative unique (et qui fut couronnée de succès) visant à rendre la production de riz plus durable dans le Delta du Mékong au Vietnam. Au début des années 90, des enquêtes avaient révélé une utilisation élevée d’insecticides par les agriculteurs, particulièrement contre les larves des insectes phyllophages qui provoquaient une défoliation très visible des plantes. Les agriculteurs pensaient que ces dommages apparents entraînaient des pertes de rendement, mais les chercheurs ont découvert que la défoliation durant le stade de la croissance végétative du riz réduit rarement les rendements. En fait, l’utilisation d’insecticides contribuait probablement davantage à tuer les insectes utiles et à provoquer l’apparition de ravageurs secondaires.

Grâce à une campagne médiatique innovatrice s’appuyant sur les «Ecoles de terrain d’agriculteurs» (ETA), les agriculteurs de la province de Long Am ont été encouragés à tester le slogan didactique qui dit que «l’épandage pour le contrôle d’insectes plieurs de feuilles pendant les quarante premiers jours suivant l’ensemencement n’est pas nécessaire». La campagne a distribué 300 000 prospectus et 35 000 posters, organisé 1 390 démonstrations et diffusé 1 550 fois une fiction radiophonique; 97 pour cent des 20 000 agriculteurs de la zone en question et 82 pour cent de ceux de l’ensemble de la province ont reçu le message, soit un total de 172 000 agriculteurs. Deux ans et demi après la campagne, le nombre d’épandages d’insecticides est passé de 3,35 à 1,56 épandages par agriculteur et par saison. La perception de la question par les agriculteurs a considérablement changé. 77 pour cent ont arrêté les épandages au début de la saison et 20 à 30 pour cent ont intégralement arrêté l’application d’insecticides.

D’autres provinces du Delta du Mékong ont adopté cette approche et leurs campagnes ont sensibilisé 92 pour cent des 2,3 millions d’agriculteurs qui ont maintenant réduit la fréquence d’épandage à un seul par saison (soit une réduction de 70 pour cent). Les rendements de riz n’ont pas varié durant cette période, se maintenant aux environs de 4 tonnes/ha. Les chercheurs ont conclu que ces deux interventions, les «écoles de terrain d’agriculteurs» (ETA) conduisant à une meilleure compréhension de la question de la part des agriculteurs et la campagne médiatique vulgarisant les nouvelles pratiques, jouent un rôle complémentaire dans le changement des perceptions et des pratiques des agriculteurs. Les chercheurs explorent à présent la possibilité de développer des conseils techniques ciblés pour les autres phases du cycle végétatif du riz, car le public potentiel constitué par les producteurs de riz en Asie dépasse 200 millions d’agriculteurs.


Source:

K.L. Heong, Institut international de recherche sur le riz, MCPO Box 3127, Makati City 1271, Philippines <[email protected]>

Gestion des sols et des terres

Brésil: Labour zéro dans les grands domaines agricoles au Paranà et au Rio Grande do Sul

Le labour zéro (semis direct) a connu une diffusion considérable chez 200 000 agriculteurs dans les deux Etats méridionaux du Paranà et du Rio Grande do Sul. Cette technique a été diffusée dans le cadre de 2 000 micro-bassins hydrographiques (microbacias) dans l'Etat de Paraná et de 455 dans l'Etat de Rio Grande do Sul. En 1999, la superficie totale sous labour zéro était de 10,5 millions d'hectares. Cette superficie était de 700 000 hectares en 1990. Ces agriculteurs sont organisés en 8 000 clubs des «amis de la terre», qui sont eux-mêmes organisés aux niveaux local, communal, intercommunal et national.

Le modèle du labour zéro est différent de celui adopté dans les pays industrialisés, en particulier aux Etats-Unis, du fait que l’engrais vert, les cultures de couverture et les légumineuses ont été intégrés dans les rotations, réduisant ainsi le besoin d’avoir recours aux désherbants pour contrôler les mauvaises herbes. Les principaux impacts au niveau de la ferme concernent les rendements des cultures, la qualité du sol et sa capacité de rétention en eau, la demande de main-d’œuvre et l’utilisation réduite de produits dérivés du pétrole (qui diminue de 40 à 70 pour cent). Le rendement du maïs a augmenté de 67 pour cent, passant de 3 à 5 tonnes/ha en dix ans, et celui du soja de 68 pour cent, passant de 2,8 à 4,7 tonnes/ha. Récemment, cette technique a retenu l’attention du fait de ses effets remarquables sur la séquestration du carbone dans la matière organique des sols. Ce nouveau puits à carbone contribue à compenser les processus qui produisent le changement climatique actuel. Le changement conceptuel clé dans ce programme de labour zéro a été le passage d’une approche en termes de conservation du sol (basée sur la mise en place de structures physiques) à une approche en termes de restauration et d’amélioration du sol (basée sur des interventions biologiques). Le maintien en place de la couverture du sol a des effets bien plus importants que la simple prévention de l’érosion des sols par la construction de terrasses ou de structures interceptant le ruissellement. Il se traduit par des bénéfices pour les agriculteurs comme pour l’environnement. Et comme John Landers (1999) l’a souligné: «Le labour zéro a été un facteur déterminant de la transformation d’une approche descendante et dirigiste des services fournis aux agriculteurs en une approche participative et ascendante basée sur l’exploitation agricole».

Source: John Landers <[email protected]>

Malawi: Projet de vulgarisation agro-forestier (MAFE)

Le projet de vulgarisation participative (MAFE) travaille avec environ 70 000 agriculteurs et sur 4 200 ha pour promouvoir l’adoption de différentes pratiques agro-forestières dans les exploitations agricoles. Ces pratiques comprennent i) le semis de Tephrosia vogelii, de pois cajan et de Sesbania sesban dans la culture du maïs afin d’améliorer la fertilité du sol; ii) la culture intercalaire d’arbres (ex: Faidherbia, Acacia polycantha, A. galpinii); et des pratiques de conservation du sol et de l’eau, particulièrement des cordons enherbés en courbes de niveau.

Le projet utilise des approches participatives pour mettre en rapport un grand nombre d’organisations gouvernementales et non-gouvernementales avec les agriculteurs, afin que ces technologies soient bien adaptées aux conditions locales. Les agriculteurs sont formés dans des associations d’agriculteurs qui peuvent ensuite bénéficier de l’assistance d’organismes extérieures pour tel ou tel service. Le projet a formé les formateurs d’agriculteurs, qui transmettent leur savoir-faire à leurs confrères. Comme résultat des dynamiques sociales et grâce aux nouvelles technologies, les rendements du maïs sont passés de 700 kg/ha à 1 500-2 000 kg/ha. Les agriculteurs sont devenus moins dépendants des fertilisants (dont la plupart sont trop chers pour les petits agriculteurs) et le projet indique que davantage de ménages bénéficient d’une meilleure sécurité à la fois en matière d’alimentation et de bois de chauffe. Environ 6,98 millions d’arbres ont été plantés en 1999 par 1 155 913 ménages et le projet a pour objectif de réduire la pression sur la forêt naturelle au fur et à mesure que les arbres plantés grandissent.

Source: Zwide Jere, projet MAFE

Instruments économiques

Europe: Taxes environnementales sur l’agriculture

Les écotaxes ou taxes environnementales visent à transférer le poids des charges fiscales qui pèsent sur les «biens» économiques, tels que le travail, vers des «maux» affectant l’environnement, tels que les déchets et la pollution. Actuellement, les prix du marché pour les intrants agricoles et les produits ne reflètent pas l’ensemble des coûts de la production agricole. Les taxes environnementales ou la taxation de la pollution cherchent à internaliser certains de ces coûts, en incitant les individus et les entreprises à utiliser les ressources de manière plus efficace. De telles taxes vertes offrent l’avantage du «double bénéfice» en réduisant les dommages causés à l’environnement, plus particulièrement les pollutions diffuses, tout en favorisant le bien-être social. Une idée reçue largement répandue veut que la taxation environnementale étouffe la croissance économique. De plus en plus d’observations empiriques portant sur les coûts de la mise en conformité par rapport aux réglementations environnementales mettent en évidence que celles-ci n’ont qu’un impact insignifiant sur la compétitivité globale des entreprises ou des pays; ces observations laissent même supposer que des réglementations environnementales ont amélioré la compétitivité et l’emploi.

Bien qu’il y ait une grande variété de taxes et d’impôts environnementaux dans les pays d’Europe et en Amérique du Nord (par exemple, des taxes sur le carbone ou sur l’énergie, des taxes sur les CFT, des taxes sur le sulfure et sur le NOx, des taxes différentielles sur les carburants selon qu’ils sont avec ou sans plomb, des taxes sur l’enfouissement des déchets, celles portant sur les prélèvements dans les nappes, des taxes sur les eaux usées), les taxes environnementales n’ont pas été étendues à l’agriculture. Une exception notable est constituée par la taxe sur les pesticides au Danemark, en Finlande, en Suède et dans plusieurs Etats des Etats-Unis, la taxe sur les fertilisants en Autriche (1986-94), en Finlande (1976-94), en Suède et de nouveau dans plusieurs Etats des Etats-Unis et des taxes sur les fumiers en Belgique et aux Pays-Bas.

L’idéal pour une taxe sur les pesticides est d’imposer les coûts les plus élevés aux produits les plus nuisibles à l’environnement et à la santé humaine. Cependant, il n’y a pas de méthodologie acceptée par tous pour classer les risques potentiels. Il existe plusieurs options, incluant des systèmes de regroupement des pesticides en classes d’égal impact, et une taxe correspondant à leur valeur, à leur poids, à leur prix ou imposé sur la base de leur utilisation. Une question importante concerne le comportement des agriculteurs après l’établissement d’une taxe sur les pesticides. En particulier, l’utilisation des pesticides baissera-t-elle si leur prix augmente? Il est important de connaître l’élasticité de la demande selon la variation du prix pour préciser les effets environnementaux. Des estimations venant des Pays-Bas, de la Grèce, de la France, de l’Allemagne, du Danemark et du Royaume-Uni, situent cette élasticité à des valeurs comprises entre -0,2 et -0,4, valeurs et pouvant aller dans quelques cas jusqu’à -0,7 à -1,0. Ceci semble signifier qu’un grand changement de prix est nécessaire pour que les agriculteurs changent leurs pratiques agricoles, une demande rigide réduit l’efficacité environnementale, bien qu’elle soit bonne pour générer les revenus.

Mais plusieurs raisons permettent de croire que l’élasticité est probablement plus élevée. En premier lieu, la demande est rigide lorsque l’on suppose que l’augmentation des prix sera rapidement annulée. Mais si les agriculteurs acceptent l’idée que des prix plus élevés incluant les taxes environnementales seront maintenus, alors de nouveaux changements de comportements peuvent avoir lieu. En deuxième lieu, un ensemble équilibré de taxes associé à des mesures normatives, des conseils et des mesures incitatives peut améliorer l’effet de variations des prix. En dernier lieu, au fur et à mesure que l’innovation progresse, de nouvelles options d’agriculture durable deviennent accessibles aux agriculteurs, favorisant ainsi des changements supplémentaires.

Là où des taxes ont été instaurées, elles ont été définies en fonction des prix de vente ou du poids de principes actifs utilisés. Ces taxes varient de 0,7 pour cent du prix de vente (Etats-Unis) jusqu’à 36 pour cent (Danemark) et ont différents effets - au mieux une réduction de 65 pour cent de l’utilisation de pesticides en Suède depuis 1985. Les ressources collectées par ces taxes varient de 59 millions de dollars EU par an aux Etats-Unis (dont 24 pour cent pour la seule Californie) à 20 millions de dollars EU en Norvège et 1,5 millions de dollars EU en Suède. Des taxes sur l’utilisation des fertilisants ont été mises en place dans de nombreux pays et sont actuellement de l’ordre de 0,1 à 0,4 dollars EU par kg d’azote, de phosphore et de potassium en Autriche, en Norvège et en Suède. Elles sont plus basses aux Etats-Unis, où elles varient de 0,0006 à 0,02 dollars EU par kg d’azote dans plusieurs Etats. La plupart des personnes sont d’accord pour affirmer que les taxes qui ont le plus d’effets sur l’environnement sont celles qui sont associées avec d’autres politiques (conseils, subventions et réglementations) et dont le produit est affecté à des objectifs analogues, les revenus collectés étant investis uniquement dans la promotion d’une agriculture plus durable.

Source: Pretty (1998); Ekins (1999)

Soutien aux associations d’agriculteurs et aux groupes

L’Australie: Politique nationale pour les groupes de sauvegarde des terres

L'un des meilleurs exemples de partenariats ruraux vient d'Australie, où une expérimentation sociale remarquable fonctionne depuis les années 80 au niveau national. L'organisation «Sauvegarde des terres» encourage les groupes d'agriculteurs à travailler ensemble avec le gouvernement et avec les communautés locales pour résoudre un grand nombre de problèmes environnementaux et sociaux. Fin 1981, il y avait 4 500 groupes locaux en activité, regroupant plus de la moitié des ménages agricoles australiens. Pour un pays où les agriculteurs individuels sont fiers d'être combatifs et capables de résoudre leurs problèmes par eux-mêmes, ce fait traduit la reconnaissance extraordinaire par l'ensemble de la société de ce que certains problèmes ne peuvent être résolus que par le biais d'une action commune.

Les groupes de «Sauvegarde des terres» ont été créés pour faire face aux différents problèmes qui affectent la communauté dans son ensemble. Ces groupes traitent les problèmes de ravageurs, ceux posés par les mauvaises herbes, par la prolifération de lapins et par le déclin des arbres. Ils interviennent sur les questions de régénération des dunes, d'agriculture conservatrice, de la salinisation du sol, de préservation de la faune, de rentabilité des terres et de la gestion des affaires. Un exemple de ces groupes est celui du bassin hydrologique de Morbinning situé dans la ceinture du blé de l'Australie occidentale. Le bassin de Morbinning comprend vingt familles sur 25 000 hectares de terres arables. Les agriculteurs ont formé ce groupe pour faire face aux problèmes communs, à savoir la forte augmentation de la salinité du sol, un drainage du sol insuffisant et des inondations périodiques. Ces problèmes peuvent seulement être traités dans le cadre d'une planification et d'une coopération avec et pour les exploitations agricoles. En huit ans, le groupe a créé 300 hectares de chenaux enherbés, traité 550 hectares de terres salinisées, planté 440 000 arbres, incluant 91 kilomètres de rideaux coupe-vent et 90 hectares d'arbres fourragers, installé 249 kilomètres de clôtures en fil de fer pour protéger le «bush» naturel; planté 460 hectares de cultures en bandes arborées et 80 hectares de prairies permanentes et il a installé 145 piézomètres pour mesurer la profondeur de la nappe phréatique. Le groupe a également joué un rôle pionnier dans l'amélioration d'exploitation agricoles locales, dans des domaines comme les semences oléagineuses, la réduction du labour, les engrais alternatifs, l'aération du sol, la floriculture, la plantation de bois de santal, les séjours à la ferme et les programmes de visites scolaires à la ferme.

Source: Pretty (1998) <http://www.landcareaustralia.com.au/default.htm>

L’Inde: Les associations d’usagers d’eau au Gujarat

En juillet 1995, le gouvernement du Gujarat a adopté une résolution annonçant un programme participatif de gestion de l'irrigation (PIM). Ce programme organise le transfert complet aux associations d'usagers de l'eau (WUA) de la responsabilité du fonctionnement et de l'entretien du système de canaux. Les canaux continuent à rester la propriété du gouvernement et les grandes réparations incombent au département de l'irrigation, mais la responsabilité du fonctionnement quotidien du système devient du ressort du WUA. La planification des cultures, la définition du tour d'eau et la fixation de son tarif, l'enregistrement des demandes en eau et le paiement par chaque adhérent du coût de l'eau consommée et l'imposition de sanctions aux payeurs défaillants sont de la responsabilité du WUA sous l'autorité du PIM. Une fois les réparations et la réhabilitation des ouvrages achevées, les réseaux de canaux sont transférés au WUA.

Pendant la phase pilote du programme PIM, treize projets ont été sélectionnés pour expérimenter la nouvelle approche et en tirer des enseignements. Ce programme met l’accent sur la formation des membres des coopératives et sur le développement de liens entre les différents acteurs (les agriculteurs qui y participent, les ONG et le gouvernement). Les ONG mobilisent et organisent les agriculteurs pour créer une association d’usagers de l’eau (WUA) et la guider pendant la mise en place et pendant les phases ultérieures. Cependant, l’assistance technique et le suivi du Département de l’irrigation restent un élément important. Les agriculteurs membres de l’association en assurent la gestion et ils participent également aux dépenses initiales occasionnées par la réparation et réhabilitation des ouvrages d’irrigation. Le fait que les ONG ont été particulièrement efficaces dans le développement d’un esprit de coopération parmi les participants est largement reconnu.

Les résultats les plus importants concernent:

® la participation des agriculteurs s’est développée graduellement grâce aux associations d’usagers de l’eau (WUA), l’accent étant mis sur le principe «apprendre en agissant» (ce concept est apparu lors de la mise en œuvre du programme PIM);

® les prix de l’eau plus élevés pratiqués par les associations d’usagers de l’eau, en comparaison avec ceux pratiqués par le gouvernement, ont déclenché des négociations qui ont apporté la preuve, à la fois la prise en charge de leurs affaires par les agriculteurs eux-mêmes et de la difficulté du processus dynamique et délicat de la fixation du prix de l’eau;

® l’importance de la motivation dans un programme participatif et le rôle des ONG;

® les stratégies de phasage de la mise en œuvre du programme ont donné des enseignements précieux pour sa réplication;

® lors de la mise en œuvre du programme, l’importance de prendre en compte la dynamique des castes et celle des différences de classe au sein de la société et, plus généralement, les différences au sein d’un même village et entre villages différents;

® l’importance et le rôle crucial du chercheur chargé d’assurer le suivi de la mise en œuvre du programme. Une recherche se déroulant parallèlement au programme s’est avérée utile pour effectuer des corrections à mi-parcours.

Pakistan et Inde: Micro-crédits pour les groupes locaux

Dans les lointaines régions du Nord-Pakistan, le programme d'aide rurale Aga Khan a contribué à mettre en place plus de 2 600 organisations villageoises ou de femmes, celles-ci regroupant 53 000 ménages. Les groupes villageois se sont d'abord organisés pour faciliter la construction d'un canal d'irrigation, d'une route ou d'un pont, ensuite pour aider les adhérents à épargner régulièrement de petites sommes d'argent et à créer ainsi un fonds de réserve. Au bout de quelque temps, ces groupes ont été capables d'épargner des sommes considérables, sous le contrôle et la responsabilité locales.

D’autres succès ont été signalés en Inde méridionale, où des ONG telles que Myrada, SPEECH et Pradan ont là aussi démontré l’intérêt de petits groupes. Les pauvres n’avaient pas été gagnants pendant les nombreuses années où ils comptaient sur les banques et sur les coopératives locales pour obtenir du crédit. Quand ils ont commencé à travailler en petits groupes indépendants dont les membres pouvaient se faire mutuellement confiance, ils ont réalisé que non seulement l’argent était mieux géré, mais aussi que la responsabilisation des groupes se traduisait par un meilleur remboursement des emprunts, remboursements qui ne les préoccupaient pas outre mesure du temps où ils étaient membres d’une coopérative. Ce qui est particulièrement intéressant dans les programmes, c’est que 95 à 98 pour cent des emprunts ont été remboursés intégralement, alors que les banques n’obtiennent que 20 à 25 pour cent de remboursement des emprunts dans les programmes de développement rural intégré.

Source: Pretty (1995)


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