IMPORTANCE SOCIOÉCONOMIQUE DE L'AVICULTURE FAMILIALE
L'aviculture familiale se définit comme la production de volaille à petite échelle pratiquée par des ménages utilisant la main-d'uvre familiale et, autant que faire se peut, les disponibilités alimentaires localement disponibles. Les volailles peuvent divaguer librement dans l'exploitation et rechercher une grande partie de leur propre nourriture, le supplément étant fourni par l'exploitant. Les participants à l'atelier tenu en 1989 à Ile-Ife, Nigéria, ont défini comme volaille rurale un troupeau de moins de 100 oiseaux de race améliorée ou non, élevé dans des systèmes fermiers de type extensif ou intensif. Le travail n'est pas rémunéré, et est effectué par les membres de la famille (Sonaiya, 1990 b). Cette définition a été ultérieurement clarifiée comme «de petits troupeaux, exploités par des familles rurales individuelles aux fins de sécurité alimentaire, de revenu, et d'emploi rémunérateur pour les femmes et les enfants» (Branckaert, cité par Sonaiya 1990c). L'aviculture familiale est donc distincte de l'aviculture commerciale de moyenne à grande échelle.
L'aviculture familiale est rarement le seul moyen d'existence du ménage, mais représente l'une des nombreuses activités intégrées et complémentaires du système fermier qui contribuent à son bien-être général.
Les volailles représentent une activité primordiale pour l'obtention d'un revenu à travers la vente d'ufs et d'oiseaux. La consommation occasionnelle de ces produits intervient comme source précieuse de protéines dans la ration alimentaire. La volaille joue également un rôle socioculturel important au sein de nombreuses sociétés. La production avicole utilise le travail familial: les femmes qui, souvent, combinent propriété et gestion du troupeau familial, en sont les bénéficiaires principales. Les femmes jouent également un rôle important dans le développement de l'aviculture familiale en tant que vulgarisatrices et vaccinatrices.
Pour les petits fermiers des pays en développement (spécialement dans les pays à faible revenu et déficitaires en produits vivriers (PFRDPV), l'aviculture familiale représente une des rares opportunités d'épargne, d'investissement et de protection contre le risque. Dans certains de ces pays, l'aviculture familiale représente approximativement 90 pour cent de la production avicole totale (Branckaert 1999). Au Bangladesh, par exemple, l'aviculture familiale représente plus de 80 pour cent de la production nationale et 90 pour cent des 18 millions de ménages ruraux élèvent des volailles. Les familles sans terre qui représentent 20 pour cent de la population (Fattah, 1999, citant le Bureau des Statistiques du Bangladesh, 1998) possèdent 5 à 7 poulets par ménage.
Dans les PFRDPV, les ufs et la viande de volaille produits à l'échelle familiale contribuent - selon les estimations - de 20 ò 30 pour cent de l'apport total en protéines animales. (Alam, 1997 et Branckaert, 1999), venant en seconde place après les produits laitiers (38 pour cent),qui, eux, sont majoritairement importés.
De même, au Nigéria, l'aviculture familiale représente approximativement 94 pour cent de l'élevage avicole total, et compte pour 4 pour cent environ de la valeur totale estimée des ressources animales du pays. Elle représente 83 pour cent de l'ensemble des volailles nationales estimé à 82 millions de sujets. En Ethiopie, la volaille rurale concourt à 99 pour cent de la production nationale totale de viande de poulet et d'ufs (Tadelle, et al. 2000).
La volaille est le plus faible investissement à la portée d 'un ménage rural. Même en ce cas, le fermier confronté à la pauvreté, a besoin de crédit pour obtenir le premier investissement qui lui permettra de s'élever de sa modeste condition. Au Bangladesh, les femmes représentent 20 à 30 pour cent de tous les chefs de ménage (Saleque, 1999); elles sont le plus souvent désavantagées en termes d'options pour la génération de revenu. En Afrique sub-saharienne, 85 pour cent des ménages élèvent des volailles, dont la propriété dépend des femmes à 70 pour cent (Gueye, 1998 et Branckaert, 1999, citant World Poultry 14 [10]).
Générer un revenu est le premier objectif d'un élevage avicole familial. Les ufs peuvent procurer un revenu régulier, quoique modeste. Alors que la vente d'oiseaux vivants procure une source de liquidités plus flexible adaptée aux besoins. En République Dominicaine, par exemple, l'aviculture familiale contribue pour 23% du revenu de la production animale (Rauen et al. 1990).
L'importance de la volaille pour les ménages ruraux est illustrée dans l'exemple ci-dessous provenant de Tanzanie (tableau 1.1). En supposant qu'une poule locale ponde 30 ufs par an, dont 50 pour cent sont consommés et les autres éclosent à 80 pour cent, chaque femelle produira 12 poussins annuellement. Avec un taux de survie de 50 pour cent et un sex-ratio de 50/50, la production totale d'une poule au bout de 5 ans sera de 120 kg de viande et de 195 (6,8kg) ufs.
Tableau 1.1 Production projetée d'une poule en Tanzanie
Temps (mois) |
Nombre ufs éclos |
Nombre coquelets |
Nombre poulettes |
Nombre coqs |
Nombre poules |
Nombre réformés |
0 |
- |
- |
1 |
- |
- |
- |
8 |
- |
- |
- |
- |
1 |
- |
20 |
15 |
3 |
3 |
- |
- |
1 |
28 |
- |
- |
- |
3 |
3 |
- |
40 |
45 |
9 |
9 |
- |
- |
6 |
48 |
- |
- |
- |
9 |
9 |
- |
60 |
135 |
27 |
27 |
- |
- |
18 |
Total |
195 |
39 |
40 |
12 |
13 |
25 |
Source: Kabatange et Katule, 1989
Dans une étude sur la génération de revenu dans les systèmes fermiers migrateurs de l'Est Kalimantan, Indonésie (voir tableau 1.2.), il est apparu que l'aviculture familiale générait 53 pour cent du revenu total, utilisés pour la nourriture, les frais scolaires et les dépenses imprévues, telles que les médicaments (Ramm et al. 1984).
Tableau 1.2 Budget annuel d'une ferme familiale possédant 0,4 ha de paddy irrigué, 0,1 ha de potager, 100 canards et 2 buffles en Indonésie
|
Unité |
Roupies |
||
Dépenses annuelles |
|
|
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|
Cultures |
|
1 198 000 |
|
|
Animaux |
|
|
|
|
|
- Buffles |
|
|
|
|
- Canards |
|
1 147 200 |
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Sous total |
|
2 345 200 |
|
Revenu annuel |
|
|
||
|
Cultures |
|
|
|
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|
- Maïs |
240 kg |
96 000 |
|
|
- Riz |
4 000 kg |
2 000 000 |
|
|
- Manioc |
600 kg |
60 000 |
|
|
- Arachide |
60 kg |
60 000 |
|
|
- Soja |
60 kg |
30 000 |
|
|
- Potager mixte |
|
150 000 |
|
Sous - total cultures |
|
2 396 000 |
|
|
Animaux |
|
|
|
|
|
- Buffles - viande |
150 kg |
300 000 |
|
|
- travail |
30 jours |
180 000 |
|
Sous - total buffles |
|
480 000 |
|
|
|
- Canards - ufs |
13 140 ufs |
5 256 000 |
|
Sous - total animaux |
|
5 736 000 |
|
Recettes nettes annuelles des cultures en travail familial |
1 198 000 |
|||
Recettes nettes annuelles du bétail en travail familial |
|
|||
|
- Buffles |
|
480 000 |
|
|
- Canards |
|
4 108 800 |
|
Recettes totales annuelles de l'agriculture en travail familial |
5 786 800 |
Source: Setioko, 1997
La composition du troupeau est fortement orientée vers les gallinacés en Afrique et en Asie du Sud, vers les canards en Asie de l'Est et en Amérique latine. La taille du troupeau varie de 5 - 100 sujets en Afrique, 20 - 30 en Amérique latine et de 5 - 20 en Asie. Elle est liée aux objectifs de l'aviculture fermière, à savoir:
revenu seulement
Tableau 1.3 Taille du troupeau et objectifs de l'aviculture fermière au Nigéria
Objectifs |
Taille du troupeau |
% échantillon |
Consommation personnelle |
1 - 10 |
30 |
Consommation personnelle et raisons culturelles |
1 - 10 |
|
Consommation personnelle et revenu |
11 - 30 |
44 |
Revenu seulement |
> 50 |
10,5 |
Source: Sonaiya, 1990a.
Au Bangladesh (Jensen,1999), la production moyenne de 50 ufs/poule/an était considérée comme faible par certains. Cependant, en considérant que 50 ufs/poule/an représentent quatre éclosions successives provenant de quatre couvées d'ufs pondus, incubés et amenés à éclosion par poule, le revenu sera de 30 poulets annuellement (si aucun uf n'est vendu ni consommé, avec un taux d'éclosion de 80 pour cent et de mortalité de 25 pour cent). Cela représente un taux de productivité remarquablement élevé.
SYSTEMES DE PRODUCTION
L'aviculture familiale se pratique suivant un large éventail de conditions, qui peuvent être classées au sein de quatre systèmes principaux de production (Bessei,1987):
intensif
Les indicateurs de production pour les différents systèmes sont résumés au tableau 1.4.
Systèmes extensifs en liberté (Systèmes divagants)
En Afrique, Asie et Amérique latine, 80 pour cent des fermiers élèvent leurs volailles en systèmes extensifs. En conditions de liberté, les oiseaux ne sont pas confinés et peuvent divaguer à la recherche de leur nourriture sur de larges étendues. Des abris élémentaires peuvent être installés, et utilisés ou non. Le troupeau renferme des oiseaux d'espèces et d'âges variés.
Systèmes extensifs en basse - cour
Les volailles sont logées pendant la nuit et libres de picorer pendant la journée. Matin et soir, un supplément en grains leur est distribué.
Systèmes semi-intensifs
Il s'agit de combinaisons entre systèmes extensifs et intensifs dans lesquelles les oiseaux sont confinés dans un espace déterminé avec accès à un abri. On les rencontre communément en milieu urbain et périurbain, mais aussi en milieu rural. Dans le système en parc, les oiseaux sont gardés dans un espace clôturé pendant la journée et logés dans la maison pendant la nuit. Nourriture et eau sont distribués à l'intérieur pour éviter gaspillage et pollution par la pluie, le vent et les animaux sauvages.
En Europe, il existe deux autres types de logement: l'arche est une construction légère, montée sur rails ou patins afin de la déplacer aisément de parc en parc. La volaille y est enfermée la nuit pour la protéger des prédateurs. Une arche standard de 2 x 2,5m. peut abriter environ 40 oiseaux.
Le second type est le poulailler - colonie permettant une densité de 3 - 4 oiseaux adultes par m2, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du bâtiment. Celui-ci, de petites dimensions, peut aisément être transporté par une personne.
Aucun de ces deux systèmes n'est commun dans les pays en développement.
Systèmes intensifs
Ces systèmes sont pratiqués par des entreprises moyennes à grandes, mais sont également utilisés au niveau familial. Les oiseaux vivent en complète claustration en bâtiment ou en cages. La mise de fonds est plus élevée et les oiseaux dépendent entièrement de l'éleveur pour la couverture de leurs besoins; la production est cependant plus élevée. Il existe trois types de systèmes:
Système à litière profonde: les oiseaux vivent en claustration complète (à une densité de 3-4 animaux par m2) mais peuvent se déplacer librement. Le plancher est couvert d'une litière épaisse (5 à 10 cm) composée de spathes de maïs, de balles de riz, de paille, de copeaux de bois ou d'un matériau similaire absorbant mais non toxique. Ce système complètement confiné protège les oiseaux des voleurs et des prédateurs et convient à l'élevage de souches commerciales spécialement sélectionnées pour la production d'ufs ou de viande (pondeuses, reproducteurs, poulets de chair).
Système sur caillebotis ou claie de fer ou de bois: permettant d'augmenter la densité à cinq oiseaux/m2 de plancher. Les oiseaux ont un contact réduit avec les matières fécales et peuvent circuler modérément.
Système en batteries: ce sont des cages généralement utilisées pour les poules pondeuses qui y demeurent pendant toute leur vie productive. L'investissement de départ est élevé pour ce système habituellement réservé aux grandes unités commerciales de ponte.
Les systèmes intensifs destinés à l'élevage de volailles indigènes sont peu communs. La seule exception notable est signalée en Malaisie, due à la forte demande pour des poulets autochtones dans les zones urbaines (Supramaniam, 1998). Il ne représente que 0,002 pour cent (2 pour 100 000) de la production de volaille autochtone.
Tableau 1.4 Paramètres de production et de reproduction par poule et par an selon différents systèmes.
Système de production |
Nombre ufs Poule/an |
Nombre poussins/an |
Nombre ufs pour vente et consommation |
Liberté |
20 - 30 |
2 - 3 |
0 |
Liberté améliorée 1/ |
40 - 60 |
4 - 8 |
10 - 20 |
Semi - intensif |
100 |
10 - 12 |
30 - 50 |
Intensif (litière profonde) |
160 - 180 |
25 - 30 |
50 - 60 |
Intensif (cage) |
180 - 220 |
- |
180 - 220 |
1/ Logement et vaccination Newcastle.
Source: Bessei,
1997.
Les systèmes ci-dessus se chevauchent fréquemment. Le système en liberté est quelquefois accompagné de supplémentation alimentaire; la basse-cour par un logement de nuit mais sans supplémentation, et les cages peuvent être utilisées pour de petites opérations dans des espaces réduits. (Branckaert et Gueye,1999).
CONCLUSIONS
Pendant la dernière décennie, la consommation de produits avicoles a augmenté de 5,8 pour cent par an dans les pays en développement, taux supérieur à la croissance démographique; elle a ainsi créé une forte demande. L'aviculture familiale possède le potentiel de satisfaire celle-ci, du moins en partie, en augmentant sa productivité, et en réduisant pertes et gaspillage, même si elle représente toujours un système à faibles intrants. Afin de demeurer durable, elle doit continuer à donner priorité au travail familial, à utiliser des races adaptées, à améliorer la situation sanitaire et l'emploi des ressources alimentaires localement disponibles. Cela n'exclut pas l'introduction de nouvelles technologies appropriées qui n'ont nul besoin d'être sophistiquées. Toutefois, des technologies préconisant l'augmentation substantielle de certains intrants coûteux, comme l'importation d'aliments concentrés et de matériel génétique, devront être évités. Cela ne signifie pas qu'elles n'auront pas leur place dans le secteur commercial à grande échelle, où leur utilisation est largement déterminée par des considérations économiques.
Par le passé, les initiatives proposées pour le développement ont mis l'accent sur l'amélioration génétique à travers l'introduction systématique de gènes exotiques, en arguant qu'une alimentation améliorée n'aurait pas d'effet sur des volailles indigènes à faible potentiel génétique. Actuellement, on est de plus en plus conscient qu'il convient d'équilibrer le niveau d'amélioration génétique avec celui de l'amélioration des disponibilités alimentaires, de la protection sanitaire et de la gestion. De plus, le potentiel génétique des races autochtones et leur pouvoir de conversion des ressources alimentaires localement disponibles en production durable est de plus en plus reconnus.
Ce manuel a pour objectif de procurer un guide pratique et une vision du potentiel de l'aviculture familiale à améliorer les moyens d'existence ruraux et à satisfaire la demande accrue en produits avicoles, pour tous ceux qui sont impliqués dans le développement avicole.