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ANNEXE C

L'EXPLOITATION DES MERLUS ET DES CREVETTES PROFONDES AU SENEGAL

par

THIAM Djiby, CAVERIVIERE Alain, THIAM Modou

Jusqu'en 1981, l'exploitation des stocks profonds du Sénégal n'a été quasi exclusivement que le fait de chalutiers espagnols. Cette exploitation est relativement ancienne, elle aurait commencé au début des années 1960.

Les pêches profondes sur le talus continental sénégalais peuvent être séparées en deux entités bien distinctes : d'une part, la pêche effectuée par des chalutiers de pêche fraîche qui ont pour cible les merlus (Merluccius spp.), d'autre part la pêche effectuée par des crevettiers congélateurs qui rejettent le plus souvent les merlus et dont la principale espèce-cible est la crevette rose profonde ou gamba (Parapenaeus longirostris).

1. LA PECHE FRAICHE
(CHALUTIERS GLACIERS)

Elle est le fait de chalutiers glaciers espagnols et porte sur deux espèces de merlus : Merluccius polli et Merluccius senegalensis, dont la première est nettement dominante. Cette pêche est mal connue jusqu'en 1985, époque où des observateurs sénégalais ont embarqué à bord des navires de la flottille ; cependant les effectifs et les caractéristiques des chalutiers sont disponibles depuis 1979 (tabl. 1). A partir de données partielles relevées en 1983 (fiches de pêche détaillées portant sur 620 tonnes), une estimation grossière des captures a pu être effectuée pour la période 1979–1983 d'après le nombre de chalutiers en activité, dont on remarquera que les tonnages moyens de jauge brute (T.J.B.) sont restés relativement constants. Après avoir atteint quelque 10 000 t en 1979, les prises de merlus ont par la suite nettement diminué, elles sont à peine au niveau des 2 000 t en 1985 et la pêche cesse en 1988 et 1989 (tabl. 1). La pêche aux merlus ne s'exerce qu'une partie de l'année, plus précisément durant la saison froide et les saisons de transition, en relation avec le cycle migratoire. La meilleure période de pêche est située en pleine saison froide, de décembre à mai. Les fonds exploités sont compris entre 200 et 500 m au nord et au sud du Cap-Vert; les fonds correspondants situés en Casamance sont en grande partie non chalutables.

Les efforts et les rendements de 1985 à 1987 sont portés au tableau 2. La diminution puis l'arrêt de la pêche axée sur les merlus ne semble pas être due à une diminution de l'abondance, mais plutôt à des raisons économiques (au sens large). Le moindre intérêt pour les merlus est peut-être à l'origine de la diminution de la part de ces espèces par rapport à la prise totale, durant la dernière année de pêche.

2. LA PECHE DES CREVETTES PROFONDES
(CHALUTIERS CONGELATEURS)

Elle est effectuée par une flottille espagnole à laquelle s'est ajoutée, depuis 1982, une flottille sénégalaise composée d'anciens crevettiers espagnols. Le tableau 3 présente l'évolution des effectifs par classe de TJB pour les 2 flottilles entre 1975 et 1988.

Les captures conservées sont dominées par la gamba Parapenaeus longirostris (de 56 à 80 % suivant les années ) qui est pêchée entre 100 et 300 m. La seconde crevette en importance est Aristeus varidens (alistado) qui représente 2 à 8 % des prises ; elle est pêchée dans les strates plus profondes (500–700 m) en association avec le crabe rouge profond (Geryon maritae). D'autres crevettes de moindre importance forment entre 1 à 5 % des prises.

Les résultats 1977–1988 pour les 3 principales rubriques : “toutes espèces”, “toutes crevettes”, “gambas”, sont donnés au tableau 4. On remarquera que les chalutiers sénégalais, moins nombreux que les espagnols, pêchent proportionnellement plus par bateau que les crevettiers espagnols. Cela tient à ce que les chautiers sénégalais pêchent toute l'année et transbordent leurs prise près des lieux de pêche, alors que les espagnols les ramènent en général aux îles Canaries.

Les efforts de pêche les mieux connus sont ceux de la flottille espagnole à partir de 1980. Ils servent de base pour l'estimation des efforts totaux standardisés. Les crevettiers de 200 à 300 tonneaux de TJB ont été pris comme référence, car étant les plus nombreux.

Des précisions et commentaires sur la standardisation de l'effort sont développés dans le rapport CRODT-ISRA sur la prospection et l'évaluation des ressources halieutiques profondes du Sénégal de janvier 1985. On distingue un effort total et un effort “gamba”, ce dernier ne prenant en compte que les efforts des jours où il y a des prises de P. longirostris. On notera que dans ce cas l'effort “gamba” n'est pas strictement représentatif du fait de la mention uniquement journalière des captures dans les statistiques de pêche : il peut en effet inclure des efforts dirigés vers d'autres espèces que la “gamba”, en particulier la crevette “alistado” et le crabe rouge profond, si la “gamba” n'a été recherchée qu'une partie de la journée seulement (rendements de jours généralement supérieurs à ceux de nuit). Une étude en cours (THIAM D., 1990) élimine ce problème en ne prenant en compte que les traits de chalut effectués dans le domaine bathymétrique de répartition de la gamba. Les valeurs annuelles des efforts et des rendements sont données au tableau 5. Les rendements “toutes espèces”, traduits en prises journalières, correspondent à des captures conservées de 600 à 800 kg par jour de pêche.

Une analyse mensuelle des rendements de “gamba” de 1977 à 1982 montre que la meilleure saison de pêche se situe de novembre à juin (fig. 1), les plus mauvais rendements étant obtenus en fin de saison chaude (septembre).

Un modèle général de production par la méthode d'approximation d'équilibre de W.FOX a pu être appliqué à la crevette “gamba” du Sénégal (THIAM D., en cours). La prise optimale serait de 2 700 tonnes pour un effort de 67 000 heures de pêche et un rendement de 40 kg/h. Le modèle est représentésur la figure 2. L'effort de pêche de 1988 dépasse l'otimum calculé et, comme après la forte pêche de 1980, il est à craindre que les rendements des annés suivantes soient de ce fait en diminution.

Tableau 1. - Effectifs, jauges brutes (tonneaux)et prises effectuées par les chalutiers de pêche fraîche espagnols dans les eaux sénégalaises de 1979 à ( ) estimations
ANNEESNOMBRE CHALUTIERSTJB TOTALTJB MOYENPRISE TOTALE (tonnes)MERLUS (tonnes)
1979319 765315(11 700)(10 180)
1980133 989307(4 900)(4 260)
1981134 186322(4 900)(4 260)
1982206 480324(7 600)(6 610)
1983196 206327(7 200)(6 260)
1984-----
1985103 4503452 5002 040
198682 8503561 8001 480
198751 875375700390
198800000


Tableau 2. - Efforts (en heures de pêche effectives ) 1985–1987 et rendements des chalutiers glaciers.
 198519861987
EFFORTS9 7635 8272 389
RENDEMENTS TOUTES ESPECES260305279
RENDEMENTS EN MERLUS209253162


Tableau 3. - Nombre de crevettiers par classe de (tonneaux) de 1975 à 1988
E = Espagnols ; S =Sénégalais
CLASSES 1234567TOTAL
ANNEES0–150150–200200–250250–300300–350350–400400–450
1975E2107700 27
1976E188400122
1977E15111202132
1978E1761711134
1979E143400012
1980E18111811040
1981E1891111031
1982E263421126
S0007000
1983E363612130
S0008000
1984E153721230
S0009000
1985E025823231
S0009000
1986E047512230
S0009000
1987E036310224
S0009000
1988E0526431351
S0009000


Tableau 4.- Pries (t.) 1977–1988 des crevettiers profonds selon 3 rubriques. Les chiffres entre parenthèses indiquent la part des crévettiers sénégalais
 TOUTES ESPECESTOUTES CREVETTESGAMBAS
19771 8301 2101 070
19782 8001 9001 580
19792 2501 5301 470
19805 9905 1604 770
19812 4402 0401 830
19822 8702 4902 140
 (1 250)(1 130)(930)
19833 5303 0302 780
 (1 380)(1 200)(1 080)
19843 3302 6902 220
 (1 760)(1 450)(1 140)
19854 0203 260(2 220)
 (2 070)(1 700)(1 110)
19863 4802 570(1 620)
 (1 980)(1 480)(960)
19873 1802 430(1 550)
 (1 670)(1 400)(920)
19884 3003 7803 510
 (1 680)(1 540)(1 370)


Tableau 5. -Efforts annuels (heures de pêche) et rendements (kg/h) “totes espèces” et de gamba pour la flottille des crevettiers congélateurs profonds opérant au large du Sénégal.
 TOUTES ESPECESGAMBA
EFFORTRENDEMENTEFFORTRENDEMENT
1977(35 940)(51)20 80051
78(57 860)(48)28 60055
79(35 240)(50)19 50077*
80133 1604585 80056
8170 9803440 80050
8259 6904848 30049
8385 5704165 10040
84??48 90047
8579 0005154 00051
8663 0005539 00057
8758 4005534 20059
88102 0004470 30047

* données de Janvier à Avril

( ) valeurs non standardisées.

Figure 1

Figure 1 .- Indices mensuels de CPUE de gambas (moyenne annuelle = base 100)des crevettiers espagnols pour 5 années (tous bateaux en 1977–78, classe 3,4 et 2 respectivement de 1980 à 1982).

Figure 2

Figure 2.- : Modèle de production appliqué au stock de Parapenaeus longírostris (SENEGAL) (avec l'approximation d'équilibre de W. FOX)


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