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Les OGM et
l'environnement



Le débat que les OGM suscitent dans le monde entier a donné lieu à des alliances entre des groupes disparates s'intéressant à la sécurité sanitaire des aliments et à la protection de l'environnement, mais il semble que les risques concernant l'environnement diffèrent à plusieurs égards de ceux qui concernent la sécurité sanitaire des aliments. L'expérience acquise au fil de plusieurs décennies d'évaluations de l'impact sur l'environnement donne à penser qu'il faudra attendre longtemps, peut-être des dizaines d'années, avant de connaître les répercussions des nouveaux éléments biologiques sur les écosystèmes.

Maïs Bt - Les problèmes liés aux cultures Bt résistantes aux insectes donnent lieu à des recherches approfondies

- AGRICULTURAL RESEARCH SERVICES

Les effets écologiques ou génétiques de l'introduction d'OGM dans l'environnement peuvent inclure:

Vu qu'il est établi que des espèces non transgéniques ont déjà été exposées à de tels effets qui pourraient avoir des conséquences graves, il est important de réglementer et de contrôler efficacement tous les cas d'introduction d'OGM. En matière d'écologie, il faut plusieurs mois ou plusieurs années pour valider les expériences réalisées sur le terrain. Toutes les données actuellement disponibles à ce sujet doivent être considérées comme reflétant les conditions propres à un endroit donné, et toute extrapolation à partir d'observations en laboratoire ou de simulations sur ordinateur requiert une grande prudence.

Les questions environnementales et les cultures transgéniques

Des plantes transgéniques sont déjà commercialisées et sont plantées sur plus de 40 millions d'hectares dans six continents. Ces plantations constituent la plus vaste expérience réalisée au sujet de l'introduction d'OGM dans des écosystèmes et elles suscitent des préoccupations relativement à l'environnement. Des écologistes, craignant la dissémination d'OGM dans la biosphère, ont détruit des parcelles d'essai dans au moins quatre continents, ce qui révèle peut-être combien cette question leur tient à cœur, mais empêche également quiconque de tirer des enseignements des données que ces essais auraient dû fournir.

Dans la majorité des cas, les plantes transgéniques ainsi cultivées sont des variétés résistant aux herbicides. L'utilisation d'herbicides va généralement de pair avec une réduction du labourage mécanique lorsque ces cultures sont pratiquées à grande échelle, ce qui réduit l'érosion primaire du sol. Dès le début, les chercheurs ont étudié les conséquences de l'introduction de cultures transgéniques sur l'environnement, en particulier pour la lutte contre les plantes adventices, et ont jugé leur effet positif.

La chenille du monarque - Le monarque est le papillon qui a fait l'objet des recherches les plus détaillées pour connaître l'incidence des OGM sur les espèces sauvages

- E. PIGNETTI JR

Lors d'une réunion technique internationale organisée en 1998 par la FAO sur les avantages et les risques des cultures transgéniques résistant aux herbicides, les participants ont conclu que:

Les papillons monarque et l'analyse des alternatives au maïs Bt

Le monarque (Danaus plexippus), lépidoptère migrateur qui se nourrit d'herbe à ouate, est le papillon le plus connu en Amérique du Nord. Une étude largement diffusée a montré la toxicité du pollen du maïs Bt pour des larves de monarque élevées en laboratoire. Dans le cadre d'une étude ultérieure, des monarques ont été nourris avec des plants d'herbe à ouate couverts de pollen, qui avaient poussé naturellement à côté de champs de maïs Bt. La mortalité des monarques ainsi alimentés a été beaucoup plus élevée que celle de ceux qui avaient été nourris avec des plantes exemptes de pollen.

Les insecticides conventionnels, qui constituent le moyen de lutte contre les lépidoptères parasites le plus employé pour la culture du maïs en Amérique du Nord, tuent aussi les monarques et d'autres papillons sauvages. Les options testées dans le cadre dsystème de gestion intégrée de la production et de la lutte contre les ravageurs sont notamment les suivantes:

  • encourager les prédateurs au moyen de cultures intercalaires, de refuges et d'alimentation supplémentaire pendant les mois où la nourriture est rare;
  • procéder aux semis en temps voulu pour éviter l'arrivée des vols de ravageurs (en particulier pour la production du maïs tropical);
  • pratiquer l'assolement pour contrer l'accumulation des ravageurs ciblés;
  • utiliser des phéromones pour semer la confusion chez les ravageurs et les piéger, ce qui permet de réduire leur taux de reproduction, et de les concentrer pour pouvoir utiliser des doses plus faibles d'insecticides;
  • semer des plantes attirant les ravageurs pour les détourner des cultures commerciales - méthode habituellement combinée avec des applications mieux ciblées d'insecticides conventionnels.

Bien que la superficie totale plantée de cultures Bt résistant aux insectes représente moins d'un quart du total des terres ensemencées en cultures tolérant les herbicides, les problèmes communément observés font l'objet de recherches intensives. Ces dernières portent sur les applications pratiques de la gestion des écosystèmes agricoles en vue de l'intensification de la production, mais, sous l'impulsion de l'intérêt manifesté par le public dans le cadre du débat sur les OGM, les chercheurs universitaires ou travaillant pour d'autres institutions du secteur public ont entrepris des études écologiques plus fondamentales, concernant en particulier l'impact des OGM sur les espèces non ciblées. Il a, par exemple, été constaté que les variétés Bt secrètent des toxines Bt dans la rhizosphère; ces toxines sont alors présentes dans des concentrations plus élevées que dans les conditions normales, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les populations d'insectes du sol qui ne se nourrissent pas de ces plantes.

Le vif intérêt suscité par le papillon monarque - très populaire en Amérique du Nord, où les cultures de plantes transgéniques sont aujourd'hui les plus importantes - a donné lieu aux travaux les plus détaillés sur l'impact des OGM sur les espèces sauvages, et les consommateurs s'intéressent de très près à cette question.

Les questions touchant la réglementation, surtout en ce qui concerne la quarantaine, les espèces envahissantes et la biosécurité, acquièrent une très grande importance quand les cultures transgéniques sont exportées, ce que facilitent les échanges commerciaux. Les organismes veillant à l'application des traités internationaux comme la Convention internationale pour la protection des végétaux, la Convention sur la diversité biologique et le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques s'emploient activement à élaborer un cadre efficace adapté à la situation. Entre autres mécanismes de réglementation plus spécifiques, plusieurs pays sont en train de formuler, par l'entremise de la FAO, un code d'éthique sur la biotechnologie portant sur les effets de cette dernière sur la conservation et l'utilisation des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture.

Le Principe 15 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement (adopté à l'occasion de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement en 1992) stipule:

«Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement.»

Le Protocole de Cartagena a été adopté au début de l'an 2000. Son objectif était le suivant:

«Conformément à l'approche de précaution consacrée par le Principe 15 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, l'objectif du présent Protocole est de contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine, en mettant plus précisément l'accent sur les mouvements transfrontières. Les parties veillent à ce que la mise au point, la manipulation, le transport, l'utilisation, le transfert et la libération de tout organisme vivant modifié se fassent de manière à prévenir ou réduire les risques pour la diversité biologique, en tenant compte également des risques pour la santé humaine.»

Les questions environnementales et
les arbres forestiers transgéniques

Les recherches relatives à la modification génétique des arbres forestiers ont presque exclusivement pour objet leur application aux plantations forestières. Ces dernières couvrent actuellement environ 25 pour cent des besoins de bois du monde. On s'attend à une augmentation de la superficie des plantations forestières, qui représentent actuellement moins de 5 pour cent de l'ensemble des zones forestières du monde, mais devraient augmenter et fournir un tiers des approvisionnements totaux en bois d'ici l'an 2010.

Une des premières expériences connues concernant les arbres transgéniques, en l'occurrence des peupliers, a commencé en 1988. Depuis lors, plus de 100 essais ont été signalés dans environ 16 pays, portant sur au moins 24 espèces différentes - principalement des espèces pouvant être utilisées pour la production de bois d'œuvre dans des plantations gérées de façon intensive. Aucun cas de production d'arbres forestiers transgéniques à l'échelle commerciale n'a été signalé.

Régénération des pousses de peupliers transgéniques - La modification génétique des arbres forestiers est étudiée presque exclusivement pour être appliquée en sylviculture

- K.H. HAN ET C. MA/UNIVERSITÉ D'ÉTAT DE L'OREGON

Les traits sur lesquels on peut s'attendre de façon réaliste à ce que portent les modifications génétiques dans un proche avenir sont notamment la résistance aux insectes et aux virus, la tolérance aux herbicides et la modification de la teneur en lignine. Cette dernière peut constituer un objectif important pour les espèces cultivées en vue de la production de pâte et de papier, car le bois peut alors être traité en utilisant moins de produits chimiques toxiques, ce qui porte donc moins atteinte à l'environnement. On a également signalé que la teneur en lignine étant associée à la résistance aux insectes xylophages, les impacts globaux d'une telle modification, en particulier en ce qui concerne les effets secondaires éventuels tels que l'incidence de dégâts dus aux insectes, y compris dans les forêts avoisinantes, devraient être attentivement examinés.

Un important facteur technique limitant la modification génétique des arbres forestiers est la connaissance encore insuffisante du contrôle moléculaire des traits présentant le plus d'intérêt, notamment ceux qui concernent la croissance, la forme du tronc et la qualité du bois.

Il serait bon d'examiner la valeur relative des investissements dans les technologies de modification génétique par rapport aux possibilités offertes par l'exploitation des multiples variations génétiques que les espèces d'arbres forestiers présentent dans la nature et qui sont généralement négligées.

Il faut examiner avec soin la question de la biosécurité des arbres transgéniques étant donné le long temps de reproduction des arbres, leur rôle important dans le fonctionnement des écosystèmes et la possibilité que leur pollen et leurs graines soient disséminés sur de longues distances.

Les questions environnementales et les poissons transgéniques

Dans le secteur des pêches, la plupart des OGM présentent des taux de croissance plus élevés; les préoccupations relatives aux risques pour l'environnement portent donc davantage sur la prédation, la concurrence et la pollution génétique. Les poissons transgéniques peuvent entraîner des risques pour l'environnement à cause de leur consommation accrue des espèces dont ils se nourrissent, de leurs tolérances environnementales plus grandes - qui leur permettent d'envahir de nouveaux territoires et éventuellement de déplacer les populations présentes à l'état naturel - et de leur potentiel de mélange génétique avec les populations naturelles de poisson, dont ils pourraient altérer la composition. Les partisans des poissons transgéniques affirment que ces derniers seront fortement domestiqués et survivront mal dans la nature.

L'application du principe de précaution aux OGM dans les pêches

L'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord (OCSAN), qui compte plus de 12 pays membres, a négocié certaines mesures conservatoires qu'elle a commencé à appliquer à l'aquaculture et à la modification génétique du saumon de l'Atlantique. Formulées durant une réunion technique Suède-FAO en 1995, ces différentes mesures font partie d'un processus dynamique portant sur la réglementation, l'établissement de normes, la gestion et la recherche. Elles forcent les gestionnaires ou les décideurs à se demander ce que l'on sait et ce que l'on ne sait pas, ce qui est raisonnable ou déraisonnable, et ce qui est réaliste ou irréaliste, puis à définir la marche à suivre en conséquence. Les éléments pris en considération sont notamment les suivants:

  • l'absence de certitude scientifique absolue ne devrait pas servir de prétexte pour remettre à plus tard les efforts de gestion;
  • des points de référence devraient être établis pour aider à déterminer les résultats souhaitables et les impacts non souhaitables, par exemple en fixant certaines limites, comme le pourcentage maximum de semences d'OGM dans un chargement, et les cibles à atteindre telles que la réduction de l'utilisation des pesticides;
  • des plans d'action devraient être élaborés, adoptés et mis en œuvre quand on approche des limites fixées ou que des effets négatifs se manifestent;
  • la priorité devrait être accordée au maintien de la capacité de production de la ressource ou de l'écosystème;
  • les impacts devraient être réversibles sur une période de deux ou trois décennies;
  • le fardeau de la preuve devrait être établi en fonction des exigences ci-dessus, et la norme de preuve devrait être proportionnelle aux risques et aux avantages.

Il est essentiel d'établir des points de référence qui permettront de déterminer les domaines à propos desquels l'incertitude est la plus grande et sur lesquels devront donc porter en grande partie les activités de suivi, de recherche ou d'étude. Au cours des discussions qui se sont déroulées au sein de l'OCSAN au sujet de la conservation du saumon de l'Atlantique, il est apparu qu'il n'existait aucun point de référence concernant les niveaux permissibles d'introgression génétique entre les saumons d'élevage et les stocks naturels.




Un saumon transgénique de l'Atlantique contenant l'activateur de la protéine antigel lié à un gène d'hormone de croissance, mesuré par rapport à des fratries témoins

- CHEMISTRY & INDUSTRY

Les génotypes et les espèces exogènes qui sont utilisés dans le monde entier, comme le tilapia et le saumon domestiqué, présentent les mêmes risques. Les risques posés par la pisciculture transgénique devraient être évalués de la même façon que pour toutes les autres espèces aquatiques provenant d'un autre écosystème. Il faudrait pour cela examiner la diffusion dans l'écosystème des impacts consécutifs à l'introduction d'une espèce.

Le principe de précaution: le cas des pêches

Aucun poisson transgénique n'est encore exploité commercialement, mais les pays qui s'intéressent à la pêche du saumon dans l'Atlantique Nord et les zones voisines se sont entendus pour appliquer certaines mesures de précaution. C'est peut-être à cause de la quasi-disparition des populations de plusieurs espèces de poisson importantes pour l'économie de cette région que les décideurs se sont montrés prêts à entreprendre cette négociation et à appliquer le principe de précaution.

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