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V. Europe centrale et orientale et Communauté des Etats indépendants

VUE D'ENSEMBLE

Tendances macroéconomiques et situation de l'agriculture

Les pays en transition d'Europe centrale et orientale et de la Communauté des Etats indépendants98 (CEI) ont obtenu un taux de croissance très satisfaisant pour la troisième année consécutive en 200199.

Les pays en transition ont enregistré un taux de croissance très satisfaisant pour la troisième année consécutive en 2001, même si légèrement en baisse par rapport à celui de 2000.

Leur PIB a progressé de 4,9 pour cent, ce qui est toutefois un peu moins que l'année précédente (6,3 pour cent). Comme les deux années précédentes, la sous-région qui a enregistré les meilleurs résultats est celle de la CEI, avec un taux de croissance estimé à 6,1 pour cent (5,8 pour cent pour la Fédération de Russie et 6,8 pour cent pour les autres pays), tandis que le taux de croissance des pays d'Europe centrale et orientale est estimé à 3 pour cent. Ce léger fléchissement est dû essentiellement à la baisse du taux de croissance des principaux producteurs de gaz et de pétrole de la région (Azerbaïdjan, Kazakhstan, Fédération de Russie et Turkménistan), ainsi qu'au ralentissement de la croissance en Pologne, qui est le poids lourd économique de l'Europe centrale et orientale. Néanmoins, les pays dont l'économie a crû le plus rapidement en 2001 sont surtout des producteurs de pétrole et de gaz comme l'Azerbaïdjan et le Turkménistan.

La production agricole a fortement augmenté en 2001 pour la première fois après 10 ans de déclin et de stagnation.

La production agricole nette (culture et élevage) des pays en transition a augmenté plus que le PIB en 2001 (5,9 pour cent)100. Les mauvaises récoltes enregistrées dans la plupart de ces pays en 2000, et particulièrement en Europe centrale et orientale, expliquent en partie cette amélioration. La production agricole des pays de l'ex-Union soviétique a été en hausse pour la troisième année consécutive en 2001; en Europe orientale, elle a augmenté alors qu'elle avait diminué les trois années précédentes. Les pays dans lesquels la production agricole a progressé le plus vite sont le Turkménistan (38 pour cent), l'Azerbaïdjan (25 pour cent), la Hongrie (17 pour cent), la Roumanie (16 pour cent) et la Géorgie (13 pour cent).

Sur le plus long terme, l'évolution récente du taux de croissance du PIB et de la production agricole nette est assez prometteuse. Au cours des huit dernières années (1993-2001), le PIB des pays en transition avait diminué en moyenne de 0,4 pour cent et leur production agricole de 1,9 pour cent par an. En 1999, après plusieurs années de récession due à la transition, la croissance a retrouvé un rythme assez soutenu dans la plupart des pays de la région. Cependant, pour le redressement de la production agricole, il a fallu attendre jusqu'à 2001, première année d'expansion de la production de la région depuis le début du processus de réforme de l'économie. Ce progrès est en partie illusoire dans la mesure où les récoltes avaient été très mauvaises l'année précédente, mais il peut être considéré comme un signe montrant que l'agriculture de la région pourrait enfin sortir du tunnel.

Tableau 30

TAUX DE CROISSANCE ANNUEL DU PIB, EN TERMES RÉELS, DANS LES PAYS EN TRANSITION D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE ET DANS LA CEI

 

1997

1998

1999

2000

20011

20021

 

(Pourcentage)

Europe centrale et orientale

2,6

2,3

2,0

3,8

3,0

3,2

CEI2

1,1

-2,8

4,6

7,8

6,1

3,9

Fédération de Russie

0,9

-4,9

5,4

8,3

5,8

3,6

A l'exclusion de la Fédération de Russie

1,5

1,6

2,8

6,8

6,8

4,6

Pays en transition

1,6

-0,8

3,6

6,3

4,9

3,6

1 Projections.

2 Mongolie comprise.

Source: FMI. 2001. Perspectives économiques mondiales, décembre. Washington.

Tableau 31

TAUX DE CROISSANCE NET DE LA PRODUCTION AGRICOLE POUR LES PAYS D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE ET DE LA CEI

Année

Agriculture

Cultures

Céréales

Elevage

 

(Pourcentage)

1992-1996

-5,1

-3,3

-6,0

-7,2

1997

1,4

7,9

32,5

-5,1

1998

-6,7

-14,1

-27,2

-0,1

1999

0,5

2,4

6,9

-2,5

2000

-0,1

2,6

-3,5

-1,0

20011

5,9

13,4

34,2

1,1

1 Chiffres provisoires.

Source: FAOSTAT.

LA TERRE ET LES EXPLOITATIONS AGRICOLES EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE ET DANS LA CEI À L'ÉPOQUE DE LA PLANIFICATION CENTRALISÉE

L'évolution globale esquissée plus haut ne rend pas compte des transformations institutionnelles considérables qui se sont produites au cours des 10 dernières années dans les pays d'Europe centrale et orientale et de la CEI, ni des importantes différences entre les divers pays. Les paragraphes qui suivent passent en revue les développements de l'une des transformations institutionnelles les plus fondamentales de la région: la réforme agraire.

Avant 1989-1990, les pays d'Europe orientale et de l'ex-Union soviétique avaient des structures institutionnelles similaires dans le secteur agricole. Le «modèle soviétique», c'est-à-dire planification et centralisation de la distribution d'intrants et de l'achat des produits des exploitations collectives ou des fermes d'Etat, était prédominant. La terre appartenait essentiellement à l'Etat et l'agriculture était divisée en deux secteurs.

Le secteur prédominant était le secteur des fermes d'Etat et des fermes collectives, c'est-à-dire des grandes exploitations employant des salariés. Ces fermes recevaient leurs intrants des organismes de distribution de l'Etat et livraient leur production à des organismes d'achat officiels. Les prix des produits qu'elles vendaient étaient administrés, de même que ceux des produits alimentaires vendus dans les magasins d'Etat.

L'autre secteur était l'agriculture privée, composée de petits lopins (0,1 à 0,2 ha) exploités par les salariés des fermes d'Etat et des fermes collectives, qui y cultivaient durant leur temps libre des fruits, des légumes et des pommes de terre, et y élevaient des animaux pour obtenir de la viande et du lait. Le secteur privé ne disposait que de très peu de terres et sa production était destinée essentiellement à l'autoconsommation. Les intrants provenaient des fermes collectives et des fermes d'Etat. Les travailleurs agricoles étaient autorisés à vendre leurs excédents sur les marchés urbains où les prix étaient généralement plus élevés que dans les magasins d'Etat. Toutefois, en raison des restrictions visant la superficie des lopins privés, la nature et la quantité des produits obtenus étaient limitées.

Ce modèle agricole a été imposé au début dans les années 30 dans l'ex-Union soviétique puis dans les années 50 en Europe orientale dans le but d'extraire du secteur agricole une alimentation bon marché pour les travailleurs industriels. Toutefois, depuis les années 60, on a en grande partie abandonné les politiques staliniennes101, essentiellement pour deux raisons: la stagnation de la productivité du secteur102 et la nécessité de produire des produits d'élevage «de luxe». Pour diversifier la production animale, un secteur de l'élevage industrialisé a été mis en place, avec d'importants investissements publics et des incitations accrues pour les producteurs.

Le modèle soviétique évoluait progressivement en Union soviétique et dans les pays les plus orthodoxes d'Europe orientale, mais d'autres pays de la région sont allés jusqu'à l'abandonner complètement. Après la guerre, en Pologne et en Yougoslavie les efforts de collectivisation ont été limités dès le début, et la plupart des terres étaient exploitées par des petits paysans privés. La Hongrie et la Yougoslavie ont rejeté le modèle soviétique dans les années 60: elles ont libéré en partie les prix des produits agricoles et alimentaires, abandonné la planification et encouragé la création de «coopératives» agricoles, plutôt que de fermes collectives et de fermes d'Etat.

L'agriculture d'avant la transition n'a pas réussi à obtenir les gains de productivité escomptés en raison de l'absence d'incitations adaptées et de l'omniprésence du contrôle de l'Etat.

Toutefois, même ces réformes très fondamentales et concrètes n'ont pas transformé ce que l'on peut considérer comme étant les caractéristiques essentielles de l'agriculture socialiste après la seconde guerre mondiale. Premièrement, toute l'activité agricole - même en Pologne et en Yougoslavie où la propriété privée a persisté - se faisait dans un environnement caractérisé par le contrôle des prix des intrants et des produits, et une surveillance étatique omniprésente de la commercialisation et de la distribution d'intrants. Le maintien d'incitations perverses et du contrôle centralisé est la principale raison pour laquelle l'agriculture socialiste réformée d'Europe orientale n'a pas obtenu les gains de productivité escomptés. Deuxièmement, même les coopératives agricoles de Hongrie et de Yougoslavie opéraient dans un environnement de laxisme financier dans lequel la faillite était quasiment inconnue.

LA RÉFORME FONCIÈRE ET AGRICOLE EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE ET DANS LES PAYS DE LA CEI

Pour créer une agriculture de marché dans les pays ex-socialistes, il a fallu remplacer ces caractéristiques essentielles de l'agriculture socialiste par l'environnement et les institutions de l'économie de marché. Il ne suffisait pas de pratiquer la «vérité des prix», il a fallu remplacer les anciennes organisations bureaucratiques par de nouvelles institutions compétitives et capables de répondre aux signaux du marché, et sanctionnées par la faillite en cas d'échec. Cela impliquait une transformation fondamentale de la relation entre l'Etat et les producteurs, tant en ce qui concerne le rôle que l'Etat peut jouer dans l'économie que les tâches et les responsabilités des producteurs.

Des droits de propriété et d'utilisation de la terre garantis, clairs et transférables sont essentiels pour une agriculture de marché.

Trois grands aspects de la réforme foncière et agricole ont été particulièrement importants pour la création d'une agriculture de marché. Le premier est l'établissement de droits de propriété et d'utilisation de la terre garantis, clairs et transférables. Ces droits sont notamment le droit d'utiliser la terre comme on le juge bon sans intervention de l'Etat, le droit de tirer un rendement de la terre sans subir une fiscalité confiscatoire, et le droit d'acheter et de vendre la terre. Pour garantir les droits de propriété et d'utilisation de la terre, qui sont essentiels pour la transparence et l'efficacité du marché de la terre et des capitaux, il faut avoir un système judiciaire fiable afin de faire respecter les contrats et un système d'enregistrement des titres. La garantie des droits liés à la terre est un signe de transformation radicale des relations entre l'Etat et les producteurs.

De même, il faut une structure efficiente de propriété et de gestion des exploitations agricoles.

Le deuxième aspect pour que la réforme foncière et agricole contribue à créer une agriculture de marché, est la mise en place d'une structure de propriété et de gestion efficiente des exploitations agricoles, Cette structure devant réduire les coûts de transaction et attribuer clairement les droits de propriété sur la terre, l'équipement et le revenu de l'exploitation. Une structure de gestion efficiente permet de produire au moindre coût.

Tous les pays d'Europe centrale et orientale et la plupart des pays de la CEI ont fini par admettre que les fermes coopératives, collectives ou d'Etat de la période socialiste avaient une structure de propriété inefficiente, qui ne permettait pas de produire au moindre coût. Sauf dans quelques pays de la CEI, cette prise de conscience a conduit à privatiser les exploitations agricoles.

Mais on a compris que la privatisation ne suffit pas ... et la création d'exploitations familiales est devenue un objectif important.

Toutefois, dans les pays d'Europe centrale et orientale, dans la région du Caucase et en République de Moldova, on a aussi compris que la privatisation en elle-même ne déboucherait pas sur la création d'une structure de propriété transparente (et donc efficiente). Les fermes «privées» issues des anciennes fermes d'Etat ou fermes collectives ont trop souvent continué de fonctionner de la même façon que celles qui les avaient précédées. Elles ont continué de recevoir des subventions publiques, notamment sous forme de crédits bancaires rarement remboursés, et de fonctionner avec un excédent de main-d'œuvre. En résumé, la privatisation des exploitations agricoles ne suffit pas à résoudre le problème du «laxisme financier».

Ce constat, s'ajoutant à la volonté de restituer l'agriculture à des exploitations familiales, a incité la plupart des pays d'Europe centrale et orientale et quelques pays de la CEI à démanteler les grandes fermes à structure socialiste pour restituer la terre à ses propriétaires précédents ou à la distribuer aux salariés agricoles. La création d'une agriculture familiale a donc été un des objectifs importants de la réforme agricole dans ces pays.

Toutefois, l'exploitation familiale n'est pas la seule structure de propriété et de gestion des exploitations agricoles dans les pays en transition. En Europe centrale et orientale et dans les pays de la CEI, la propriété d'une exploitation agricole peut prendre la forme d'une société anonyme, d'une SARL, d'une société de personnes ou d'une propriété individuelle ou familiale. Comme on le verra plus loin, de nombreux pays de la CEI ont eu du mal à faire fonctionner efficacement ces structures.

La création d'exploitations commerciales de taille moyenne peut aussi contribuer à la mise en place d'une agriculture de marché.

Le troisième aspect pour que la réforme foncière contribue à la création d'une agriculture de marché, est la nécessité de créer des exploitations commerciales de taille moyenne. Ces exploitations doivent être assez grandes pour intervenir activement sur le marché et assez rentables et souples pour survivre à la concurrence internationale. Elles sont plus grandes que des fermes de subsistance mais nettement plus petites que les grandes fermes de l'ère socialiste.

Pour créer des exploitations agricoles commerciales de taille moyenne, il ne suffit pas de privatiser. Les agriculteurs de subsistance n'utilisent pas le marché, et les grandes exploitations privatisées, qui ne sont pas soumises à des contraintes budgétaires rigoureuses, ont tendance à en fausser le fonctionnement. Il faut donc prendre des initiatives pour promouvoir le remembrement, la répartition des terres et un marché foncier, ainsi que pour liquider les grandes exploitations privatisées non rentables.

Les pays en transition ont suivi différentes stratégies pour la privatisation de l'agriculture.

Etablissement de droits de faire-valoir clairs et garantis

La plupart des intéressés, même dans les pays de la CEI, étaient d'accord sur le fait que la réforme agraire devait comporter une privatisation des terres et une augmentation des superficies en faire-valoir direct. Il y avait à cela plusieurs raisons. Premièrement, l'absence d'incitations était un problème évident dans les fermes collectives et les fermes d'Etat. Deuxièmement, en Europe centrale et orientale, la décollectivisation a été considérée comme un moyen d'intégrer l'agriculture dans le développement d'une économie de marché de type occidental. Troisièmement, le processus de réforme agraire conduit par la Chine (qui était l'exemple le mieux connu de réforme agraire d'un pays socialiste à l'époque), qui comportait une expansion des lopins privés et des baux de longue durée pour la terre, a stimulé la production agricole et l'ensemble de l'économie. Enfin, le fait que la productivité des lopins privés était beaucoup plus grande que celle des fermes collectives et des fermes d'Etat semblait être une preuve convaincante de la supériorité de l'agriculture privée103. Il y avait une préférence générale pour la privatisation dans les pays d'Europe centrale et de la CEI (tableau 32). Seuls le Kazakhstan, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Bélarus n'autorisent toujours pas la propriété privée de la terre.

Petite exploitation agricole en Hongrie
La parcelle, d'environ 5 ha, ainsi que le tracteur sont la propriété de l'agriculteur. Aujourd'hui, la majeure partie des terres agricoles d'Europe centrale et orientale est cultivée par des exploitants individuels

- FAO/20951/R. FAIDUTTI

Il faut faire une distinction entre le principe de la privatisation et la stratégie de sa mise en œuvre. Différentes stratégies ont été adoptées selon les pays104. Les pays d'Europe centrale et orientale, à l'exception de l'Albanie, ont opté pour la restitution des terres aux anciens propriétaires ou pour une stratégie associant restitution et distribution. Les pays de la CEI qui ont privatisé ont tous opté pour la distribution aux travailleurs agricoles.

Certains pays ont mieux réussi que d'autres à créer des droits de faire-valoir clairs et garantis.

Deux mécanismes ont été employés pour distribuer la terre aux travailleurs agricoles. Dans les pays d'Europe centrale et orientale, dans les pays du Caucase et en Moldova, la terre et les équipements ont été divisés en lots qui ont été distribués aux membres de la ferme collective en tant que propriété privée. Dans les autres pays de la CEI, on a distribué des parts représentant un droit sur une portion de l'ensemble des terres et des équipements de la ferme.

En conséquence, la privatisation des fermes et des terres agricoles n'a pas nécessairement débouché sur un droit de faire-valoir clair et garanti. Dans beaucoup des pays où les terres agricoles ont été distribuées sous forme d'actions et non de lopins, la privatisation n'a pas créé un tel droit. Les colonnes 3 et 4 du tableau 32 illustrent ces différences. En Ukraine et en Fédération de Russie, les propriétaires d'actions représentant un titre sur la terre peuvent difficilement les échanger contre des lopins, et il est improbable qu'ils puissent les négocier105.

Tableau 32

CARACTÉRISTIQUES DES RELATIONS FONCIÈRES DANS LES PAYS EN TRANSITION D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE ET DE LA CEI

 

(1)

(2)

(3)

(4)

 

Propriété privée en perspective

Stratégie de privatisation

Stratégie d'attribution

Mode de transfert

Europe centrale et orientale

       

Albanie

Tout le domaine foncier

Distribution

Parcelles

Achat/vente, location

Bulgarie

Tout le domaine foncier

Restitution

Parcelles

Achat/vente, location

République tchèque

Tout le domaine foncier

Restitution

Parcelles

Achat/vente, location

Estonie

Tout le domaine foncier

Restitution

Parcelles

Achat/vente, location

Hongrie

Tout le domaine foncier

Restitution +

   
   

distribution

Parcelles

Achat/vente, location

Lettonie

Tout le domaine foncier

Restitution

Parcelles

Achat/vente, location

Lituanie

Tout le domaine foncier

Restitution

Parcelles

Achat/vente, location

Pologne

Tout le domaine foncier

Vente des

   
   

terres de l'Etat

Néant

Achat/vente, location

Roumanie

Tout le domaine foncier

Restitution +

   
   

distribution

Parcelles

Achat/vente, location

Slovaquie

Tout le domaine foncier

Restitution

Parcelles

Achat/vente, location

CEI

       

Arménie

Tout le domaine foncier

Distribution

Parcelles

Achat/vente, location

Azerbaïdjan

Tout le domaine foncier

Distribution

Parcelles

Achat/vente, location

Bélarus

Parcelles familiales exclusivement:

Néant

Néant

Droits d'utilisation non transférables; achat/vente de parcelles familiales peu probable

Géorgie

Tout le domaine foncier

Distribution

Parcelles

Achat/vente, location

Kazakhstan

Parcelles familiales exclusivement

Néant

Parts

Droits d'utilisation non transférables; achat/vente de parcelles familiales peu probable

Kirghizistan1

Néant

Néant

Parts

Droits d'utilisation transférables

République de Moldova

Tout le domaine foncier

Distribution

Parcelles

Achat/vente, location

Fédération de Russie

Tout le domaine foncier

Distribution

Parts

Location, achat/vente de parcelles familiales peu probable

Tadjikistan

Néant

Néant

Parts

Droits d'utilisation

       

transférables

Turkménistan

Tout le domaine foncier

Néant

Location interne à l'exploit.

Droits d'utilisation non transférables

Ukraine

Tout le domaine foncier

Distribution

Parts

Location, achat/vente peu probable

Ouzbékistan

Néant

Néant

Location interne à l'exploit.

Droits d'utilisation non transférables

1 Le Kyrgyzistan a autorisé la propriété privée de la terre suite au référendum de juin 1998; toutefois, la législation correspondante n'est toujours pas appliquée intégralement.

Source: C. Csaki, Z. Lerman et S. Sotnikov. 2000. Farm sector restructuring in Belarus: progress and constraints. World Bank Technical Paper No. 475. Europe and Central Asia Environmentally and Socially Sustainable Development Series. Banque mondiale, Washington.

Les pays d'Europe centrale et orientale et quelques pays de la CEI ont démantelé les grandes exploitations agricoles; les autres pays de la CEI les ont préservées, mais les ont privatisées.

La création d'une structure de propriété et de gestion efficiente des exploitations agricoles

Comprenant que la privatisation ne garantissait pas une structure de propriété et de gestion efficiente, les pays d'Europe centrale et orientale et plusieurs pays de la CEI ont démantelé les grandes fermes en restituant la terre aux propriétaires précédents ou en la distribuant aux salariés agricoles. Dans les autres pays de la CEI, il y a eu beaucoup de désaccords sur ce qu'il fallait faire à cet égard. Ces pays ont préservé les grandes exploitations mais, généralement, en les confiant à des propriétaires privés. Dans de nombreux cas, les fermes collectives ont été privatisées par leurs gérants et salariés qui se sont approprié la terre et les équipements. Toutefois, la distribution des biens (y compris la terre) n'a jamais été officialisée. En conséquence, dans de nombreux cas, le régime de gestion antérieur a subsisté de fait. Il se traduit par les caractéristiques suivantes:

La principale objection à la dissolution des grandes exploitations tenait au fait qu'on pensait qu'elles étaient plus efficientes car elles jouissaient d'économies d'échelle. En fait, ni la taille ni l'économie d'échelle sont des facteurs importants: il est beaucoup plus important que les modalités de propriété et de gestion des fermes soient efficientes, ce qui exige des droits clairement définis sur la terre, les actifs et les revenus.

Lorsque les fermes ont été transformées en sociétés par actions, leurs nouveaux propriétaires n'avaient manifestement pas de droits bien définis. Pour répartir les droits de façon équitable, il faudrait subdiviser les équipements et la terre en lots, comme on le fait quand on liquide une grande exploitation. La privatisation des exploitations par vente d'actions a simplement remplacé une forme de propriété collective par une autre, gardant tous ses problèmes.

Plusieurs pays de la CEI ont cherché à sortir de ce dilemme. Ainsi, au Kazakhstan, en Fédération de Russie et en Ukraine, de grandes sociétés ont été autorisées à louer ou à acheter les parts des exploitations agricoles. Cela s'est souvent traduit par une amélioration de la gestion, des investissements, et un accroissement du rendement. Ces fermes exploitées de façon capitaliste peuvent donner l'impression d'avoir résolu la quadrature du cercle en ce qui concerne la réforme des fermes de l'ère socialiste. Elles sont souvent plus grandes que les plus grandes entreprises agricoles des Etats-Unis et sont gérées de façon commerciale. Toutefois, il est difficile de dire si elles resteront viables à long terme.

En revanche, la transformation des grandes fermes collectives en fermes familiales privées a redistribué une grande partie de la terre dans la plupart des pays d'Europe centrale et orientale (tableau 33). En 1997, la proportion des terres agricoles exploitées par des familles d'agriculteurs était aussi grande en Albanie, en Lettonie et en Slovénie que dans les pays développés à économie de marché et, en 2000, il en était de même en Arménie et en Lituanie.

Tableau 33

PART DES TERRES AGRICOLES EN RÉGIME D'EXPLOITATION INDIVIDUELLE EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE ET DANS LA CEI

Pays

Terres agricoles en régime foncier individuel

 

1990

1997

2000

 

(Pourcentage)

Europe centrale et orientale

 
 
 

Albanie

4

100

...

Bulgarie

13

52

...

République tchèque

5

38

26

Estonie

6

63

79

Hongrie

6

54

41

Lettonie

5

95

941

Lituanie

9

67

94

Pologne

77

82

...

Roumanie

12

67

85

Slovaquie

5

11

13

Slovénie

92

96

...

CEI

 
 
 

Arménie

4

33

1001

Azerbaïdjan

3

9

...

Bélarus

7

12

12

Géorgie

7

24

66

Kazakhstan

0,2

20

29

Kirghizistan

1

23

...

République de Moldova

9

27

50

Fédération de Russie

2

11

121

Tadjikistan

2

7

...

Turkménistan

0,2

0

...

Ukraine

7

17

181

Ouzbékistan

2

4

 

1 = 1999.

Sources: 2000: Bureaux nationaux de la statistique; 1990 et 1997: C. Csaki, Z. Lerman et S. Sotnikov. 2000. Farm sector restructuring in Belarus: progress and constraints. World Bank Technical Paper No. 475. Europe and Central Asia Environmentally and Socially Sustainable Development Series. Banque mondiale, Washington.

La formation d'une couche de fermes commerciales de taille moyenne

L'expérience acquise dans d'autres pays développés semble confirmer que dans un éventail de superficies assez large, on peut exploiter une ferme moderne à des conditions compétitives et commerciales. Les microexploitations de moins de 0,5 ha produisent essentiellement pour l'autoconsommation et ne font donc pas partie de l'agriculture commerciale. Les grandes fermes de type socialiste n'ont pas réussi à survivre dans les pays occidentaux. Entre ces deux extrêmes se trouvent ce que l'on appelle les fermes moyennes, plus grandes que les microexploitations et plus petites que les fermes géantes de l'ère socialiste.

La création de fermes de taille moyenne ne s'est pas faite de la même façon dans tous les pays en transition.

Là encore, la privatisation en Europe centrale et orientale et dans la CEI ne s'est pas immédiatement traduite par la formation d'une couche importante de fermes familiales commerciales compétitives. Au contraire, en Europe centrale et orientale, dans le Caucase et en République de Moldova, la restitution et la distribution des terres ont d'abord débouché sur la création d'un grand nombre de petites exploitations, souvent composées de nombreuses parcelles dispersées. Ces exploitations sont généralement trop petites pour constituer d'importantes unités de production commerciale et ce, même si elles produisent pour le marché. Dans les autres pays de la CEI, où les fermes socialistes de grande superficie ont été privatisées, la propriété (et parfois l'exploitation) est collective, et non individuelle ou familiale.

Dans les pays où des droits de propriété et d'utilisation de la terre ont été établis, notamment le droit d'acheter, de vendre et de louer librement, on peut penser que l'inégalité encore importante de la distribution des terres pourrait être temporaire. A mesure que les agriculteurs les plus efficaces louent ou achètent des terres, tandis que les actifs des entreprises agricoles par actions qui font faillite sont vendus, la taille des exploitations devrait s'uniformiser moyennant le transfert de ressources agricoles et de terres. Les enquêtes sur les exploitations agricoles appuient en partie cette hypothèse car elles montrent qu'actuellement en Europe centrale et orientale une grande partie de la terre est louée, et que les exploitants cultivent plus de terres qu'ils n'en possèdent. La politique agricole peut appuyer cette transition en facilitant le fonctionnement du marché foncier et en autorisant la concurrence pour modifier la structure de l'agriculture, y compris en laissant les exploitations agricoles déficitaires, qu'elles soient individuelles ou constituées en sociétés, faire faillite. Des aides publiques pour le remembrement parcellaire pourraient aussi aider à renforcer la compétitivité des exploitations.

Dans les pays qui n'ont pas établi des droits garantis sur la terre et son utilisation et où la restructuration de l'agriculture s'est faite par distribution d'actions, la distribution de la terre est plus problématique. En l'absence de droits de propriété et notamment du droit de céder la terre, il est peu probable que les petits lopins puissent progressivement se regrouper pour former des exploitations de taille moyenne. En fait, si les actions donnant droit à une partie de la terre ne sont pas distribuées sous forme de lopins, il est peu probable que les entreprises agricoles constituées en sociétés seront démantelées. Il est donc possible que l'une des conséquences à long terme de l'inégalité de la distribution de la terre dans ces pays sera une faible croissance des revenus agricoles106.

Tableau 34

PART DES TERRES AGRICOLES OCCUPÉES ET DIMENSION MOYENNE DES EXPLOITATIONS AGRICOLES INDIVIDUELLES AUX ÉTATS-UNIS, EN UNION EUROPÉENNE ET DANS UNE SÉLECTION DE PAYS D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE ET DE LA CEI

   

Exploitations individuelles

Sociétés agricoles

Pays

Année

Part des terres agricoles

Dimension moyenne

Part des terres agricoles

Dimension moyenne

   

(Pourcentage)

(ha)

(Pourcentage)

(ha)

Etats-Unis

1998

92

173

8

676

Union européenne1

...

97

...

3

...

Europe centrale et orientale

 
 
 
 
 

Albanie

1998

100

1

0

 

Bulgarie

1996

52

1

48

681

République tchèque

2000

26

19

74

989

Estonie

2000

79

3

21

471

Hongrie

2000

41

3

59

457

Lettonie

1996

95

14

5

314

Lituanie

1997

78

4

22

372

Pologne

1996

84

6

16

468

Roumanie

2000

85

 

15

 

Slovaquie

2000

13

1

87

1 361

Slovénie

1997

94

5

6

333

CEI

 
 
 
 
 

Arménie

1999

100

1

0

 

Bélarus

2000

12

1

88

3 130

Géorgie

2000

66

1

34

100

Kazakhstan

2000

29

15

71

11 248

Kirghizistan

1996

9

6

91

6 423

République de Moldova

2000

50

1

50

917

Fédération de Russie

1999

12

1

88

5 593

Ukraine

1999

18

1

82

1 850

1 UE (10).

Note: Compte tenu de la diversité des sources, la part des terres agricoles représentée par les exploitations individuelles peut s'écarter des chiffres du tableau 33.

Source: Bureaux statistiques nationaux. Commission européenne. 2001. Situation de l'agriculture dans l'Union européenne: rapport 1999. Commission européenne, Bruxelles.

CONCLUSIONS

Les pays d'Europe centrale et orientale, les pays du Caucase et la Moldova semblent avoir fait plus de progrès vers la mise en place d'une structure agricole viable dans une économie de marché que les autres pays de la CEI. Les stratégies de distribution choisies par ces derniers n'ont pas débouché sur un régime de droits fonciers garantis, clairs et transférables, ni sur une structure efficiente de propriété et de gestion des exploitations agricoles. Bien que tous les pays de la région aient renforcé les droits de faire-valoir direct et créé davantage de fermes familiales, il faut une réforme plus ambitieuse dans beaucoup d'entre eux, notamment dans ceux de la CEI.

Dans une ferme de propriété individuelle, des femmes préparent des sacs d'oignons qui seront vendus au marché central de Budapest
La réforme agraire, en créant une catégorie d'exploitations agricoles de dimension moyenne, contribue de façon importante à développer une agriculture de marché

- FAO/20956/R. FAIDUTTI

Pour construire une agriculture marchande compétitive et viable dans une économie post-socialiste, il faut créer l'environnement politique et les institutions de l'économie de marché, et encourager la formation de nouvelles exploitations commerciales capables de répondre aux signaux du marché et de produire et de vendre de façon à faire des bénéfices. La privatisation à elle seule n'a pas permis d'obtenir ce résultat.

La privatisation à elle seule ne crée pas une économie de marché efficace; elle doit être complétée par des politiques actives.

L'expérience montre au contraire que l'établissement de droits de propriété et d'utilisation de la terre clairement définis, la mise en place d'une structure de propriété et de gestion efficiente et la création d'une couche d'exploitations commerciales de taille moyenne sont le fruit de politiques plus globales. Ces politiques consistent notamment à transférer la terre et les autres biens de production à des exploitants individuels, à faciliter le fonctionnement du marché de la location de la terre, et à mettre en place un cadre qui permette aux exploitations de s'adapter à l'évolution du marché, au lieu de soutenir d'anciennes structures non compétitives.


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