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Résumé analytique


La production alimentaire mondiale est aujourd’hui largement suffisante pour assurer à tous une alimentation adéquate, pourtant 840 millions de personnes - soit près d’une sur sept - ne mangent pas à leur faim. La plupart d’entre elles vivent en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. Le fait que la faim soit aujourd’hui encore un problème de masse défie toute logique. A l’échelle mondiale, on dispose des techniques nécessaires pour que les agriculteurs continuent à produire des quantités excédentaires de nourriture, raison pour laquelle, avec le changement rapide des habitudes alimentaires, l’obésité est aujourd’hui l’un des problèmes de santé dont l’incidence s’accroît le plus rapidement tant dans les pays riches que dans le monde en développement. Des systèmes d’information nous permettent de savoir où la nourriture manque, et nous disposons des moyens nécessaires pour transporter rapidement les vivres partout dans le monde.

L’existence de la faim dans un monde d’abondance n’est pas seulement un scandale moral, c’est aussi le résultat de politiques économiques à courte vue. Ceux qui ne mangent pas à leur faim ne peuvent travailler correctement, ils étudient difficilement (si tant est qu’ils soient scolarisés), ils tombent facilement malades et meurent jeunes. La faim est un mal qui se transmet de génération en génération, car les mères sous-alimentées donnent le jour à des enfants malingres dont les capacités physiques et mentales sont amoindries. La productivité des individus, mais aussi la croissance de nations tout entières sont sévèrement compromises par la faim généralisée. La faim engendre le désespoir, et les personnes affamées sont la proie facile de ceux qui cherchent à imposer leur pouvoir par le crime, la force ou la terreur, déstabilisant les nations et la planète. Il est donc dans l’intérêt de chacun, riche ou pauvre, de combattre la faim.

Nous savons bien comment combattre le fléau de la faim. Dans les pays en développement, près des trois quarts des pauvres vivent en zone rurale et l’accroissement rapide de la pauvreté urbaine s’explique par le déclin des activités agricoles et rurales. Le caractère rural de la pauvreté, de la misère humaine et de la faim n’est plus à démontrer. Bon nombre des ruraux pauvres sont des petits paysans pratiquant une agriculture de subsistance et des travailleurs sans terre qui tentent de louer leurs services. Ces ruraux pauvres tirent leurs revenus de l’agriculture, soit directement en tant que producteurs ou travailleurs rémunérés, soit indirectement dans des secteurs qui n’existeraient pas sans l’agriculture. Le commerce, le transport, la transformation occupent de nombreux petits entrepreneurs et sont nécessaires à l’agriculture, mais ces entrepreneurs ne pourraient pas survivre sans elle.

Il est possible de réduire rapidement l’incidence de la faim chronique dans les pays en développement si l’on parvient à mobiliser la volonté politique nécessaire. Il faut pour cela jouer sur deux tableaux, en combinant la promotion d’une croissance agricole rapide sous l’impulsion des petits exploitants avec des programmes ciblés visant à garantir un accès à une nourriture suffisante aux personnes sous-alimentées qui n’ont ni la possibilité de produire les aliments dont elles ont besoin, ni les moyens de les acheter. Ces deux démarches se renforcent mutuellement car les programmes visant à améliorer l’accès direct et immédiat à la nourriture offrent de nouveaux débouchés pour le surcroît de production. Les pays qui ont suivi cette approche en voient les avantages.

Il est essentiel, pour assurer le succès des investissements effectués au titre de l’action sur deux fronts, de créer un contexte politique, à la fois international et national, qui soit propice à une croissance économique générale. L’établissement d’un tel climat appartient tant aux gouvernements des pays en développement qu’à la communauté internationale. Au plan international, cela suppose des mesures qui contribuent à la paix et à la stabilité politique et économique, et un environnement commercial, notamment pour les échanges de produits agricoles, qui protège et favorise les intérêts des pays en développement en matière de sécurité alimentaire et de développement. A l’échelle des pays, cela suppose l’adoption de politiques macroéconomiques qui assurent la stabilité nécessaire pour encourager l’épargne et l’investissement. Dans la plupart des cas, cela nécessitera un accroissement des crédits budgétaires en faveur de l’agriculture et du développement rural. Ces politiques mettent l’accent sur une large participation à la prise et à l’application des décisions en matière de politique, ainsi que sur une décentralisation institutionnelle propre à accroître l’obligation redditionnelle des gouvernements à l’égard des populations rurales, et à renforcer la capacité des communautés et des organisations locales de solliciter efficacement les prestataires de services. Les politiques qui définissent des droits transparents et sûrs et favorisent un accès plus équitable aux ressources naturelles telles que la terre, l’eau et les espèces animales sauvages (poissons compris), contribuent à la fois à leur utilisation durable et à la lutte contre la pauvreté. En outre, on a besoin de politiques qui améliorent l’accès des pauvres, en particulier de ceux qui vivent dans des zones isolées, aux connaissances et à l’information qui leur sont nécessaires et qui puissent leur donner les moyens de participer aux bénéfices du progrès technologique. Enfin, il s’agit de mettre en place des mécanismes de protection sociale qui aboutissent à la création de filets de sécurité fiables pour ceux qui ne sont pas en mesure de pourvoir à leurs besoins fondamentaux, alimentaires notamment, par la production, par l’achat ou par des systèmes traditionnels d’adaptation.

D’après les estimations, quelque 24 milliards de dollars EU par an, d’investissements publics supplémentaires centrés sur les pays pauvres regroupant un grand nombre de personnes sous-alimentées, permettraient d’atteindre l’objectif du Sommet mondial de l’alimentation: réduire de moitié l’incidence de la faim d’ici 2015, de manière durable. Parvenir à la réalisation de cet objectif plutôt qu’obtenir des réductions moindres du nombre de personnes sous-alimentées, escomptées avec une stratégie habituelle, est susceptible d’augmenter la valeur des bénéfices sur les rendements estimés à 120 milliards de dollars EU par an au moins, grâce à l’allongement de la vie et à l’amélioration de la santé des bénéficiaires de ces réalisations. Ce montant global comprend, entre autres, des capitaux initiaux de 500 dollars EU en moyenne par famille, pour des investissements dans les exploitations visant à accroître la productivité et la production de 4 à 5 millions de ménages dans des communautés rurales pauvres. Ce montant couvre aussi le coût - évalué à 30 à 40 dollars EU par personne et par an - de programmes d’aide alimentaire directe destinés à 200 millions de personnes très gravement sous-alimentées, dont beaucoup sont des enfants d’âge scolaire. Les autres composantes ont trait à la création de réseaux d’irrigation et de routes rurales reliant les agriculteurs aux marchés; la conservation et la gestion durable des sols, des forêts, des pêches et des ressources génétiques; et les systèmes de recherche, de formation et d’information.

Les fonds nécessaires requis pour le développement agricole et rural pourraient être, pour l’essentiel, répartis entre les budgets des pays confrontés au problème de la faim et utilisés pour des transferts internationaux, sous forme de dons et de prêts à des conditions de faveur. On obtiendrait ainsi deux fois plus de fonds à des conditions de faveur pour le développement agricole et rural, et une augmentation globale des dépenses nationales, d’environ 20 pour cent, pour les pays en développement. La présente publication ne cherche pas à mobiliser des ressources supplémentaires pour une organisation ou un programme particulier.


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