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L'équité dans les entreprises forestières : l'assise de la gestion durable des forêts

K.A. Monk 1 et A. Cropper 2


Résumé

La gestion durable des forêts est maintenant un élément constitutif des principaux programmes de développement mais les problèmes liés à la complexité de sa mise en œuvre tant du point de vue technique que social n'ont pas encore été résolus. Aujourd'hui, priorité est donnée à la création d'entreprises innovantes, plus particulièrement sous forme de partenariats à multiples parties prenantes avec les collectivités établies dans les forêts ou à leur lisière. Dans cette étude, nous examinons un nombre de problèmes importants concernant les lignes directrices, le leadership et les systèmes de gouvernance en insistant plus spécialement sur l'importance de la prise en compte de l'équité et de la problématique des relations hommes-femmes ; nous expliquons pourquoi ces questions importent, comment elles évoluent, mais nous n'y apportons pas nécessairement de réponse.


Introduction

L'objet de la gestion durable des forêts - comment réaliser toute la valeur des services forestiers d'une manière écologique, économique et équitable - est maintenant bien établi au centre de nombreux programmes de développement. C'est un concept très vaste impliquant une gestion multi-échelle du paysage. Si l'on commence à préparer des critères et indicateurs multi-échelles de la gestion durable des forêts (Prabhu, Colfer et Shepherd, 1998), en pratique on n'applique souvent les techniques de gestion durable qu'au niveau des unités individuelles d'aménagement forestier. Les concepts à plus grande échelle, tel celui par exemple du commerce des titres compensatoires de carbone, semblent aussi avoir été ramenés à ce niveau. Les critères d'organisation spatiale de ces entreprises et les niveaux auxquels le partage entre les bénéficiaires est finalement jugé acceptable ne sont que rarement formulés. Avec la localisation de plus en plus poussée de la prise de décision, de la responsabilité de la gestion et de l'exploitation commerciale, il importe de planifier l'intégration des diverses utilisations de la forêt et aussi de demander qui doit initier ces diverses utilisations, les gérer et en bénéficier. Idéalement, à un niveau plus élevé, ces questions doivent être intégrées dans un mécanisme dans le cadre duquel les critères et indicateurs nationaux sont la somme des parties des critères et indicateurs locaux qui sont alors utilisés comme outils de planification et de gestion. Cela ne se passe que rarement, c'est l'étape logique suivante.

D'abord, il importe de préciser l'identité des communautés locales et des populations autochtones et leurs titres aux ressources et définir ce qui constitue les connaissances et modes de vie traditionnels basés sur ces ressources. La Convention sur le biodiversité biologique par exemple reconnaît l'existence de ces deux communautés mais sans les définir : elle fait en effet référence aux « communautés locales et populations autochtones [qui] dépendent étroitement et traditionnellement des ressources biologiques sur lesquelles sont fondées leurs traditions et [...] pratiques intéressant la conservation de la diversité biologique et l'utilisation durable de ses éléments. » (c'est nous qui soulignons). Dans le reste de la Convention et dans les discussions suivantes, on parle des « communautés autochtones » - raccourci rempli d'ambiguïtés. Nous voulons seulement souligner ici qu'il importe d'être conscient de la perception de l'identité des parties prenantes.

En deuxième lieu, la gestion durable des forêts a en soi des implications pour le développement commercial. Alors que cette gestion demande une approche collective, la majorité des entreprises commerciales luttent pour gagner des avantages comparatifs. Nous parlons rarement des défis et des sacrifices consentis par les communautés locales associées à des organismes publics et/ou commerciaux ou exploitant elles-mêmes des entreprises forestières, et surtout nous occultons la question fondamentale de l'équité entre les entreprises commerciales et les entreprises fondées sur les communautés locales et entre les collectivités et les individus. Il est facile de parler d'équité : il est plus difficile de la définir, de la mettre en œuvre ou d'en suivre le progrès. C'est une notion politique, pas une règle précise. Nous pensons qu'il faut envisager en termes de justice naturelle tout autant qu'en termes de finance les avantages et les inconvénients liés à la création d'une entreprise spécifique par une personne donnée à tel moment du processus de développement. Trois questions se posent dans le contexte du développement équitable des entreprises fondées sur les ressources forestières :

Nous pensons qu'il est indispensable d'examiner en profondeur les critères et processus afin de clarifier et si possible de systématiser les approches à ces questions afin qu'à l'avenir les individus et les forêts vivent en harmonie.

Existe-t-il des lignes directrices indiquant quand et dans quelles circonstances une entreprise doit avoir une base commerciale ou communautaire ?

Dans le contexte des programmes de gestion durable des forêts, nous nommons entreprise commerciale toute entreprise constituée par un groupe n'ayant aucun lien direct ou droit à la terre. Une entreprise communautaire est une entreprise constituée par une collectivité locale établie dans la forêt ou à sa lisière. Nous n'avons vu aucune vraie analyse montrant pourquoi une entreprise de gestion durable des forêts devait être commerciale ou communautaire. Dans le tableau 1 ci-dessous, nous proposons quelques comparaisons fondées sur l'expérience acquise dans le cadre de deux grands projets : le Leuser Development Programme, financé par l'Union européenne à Sumatra (Indonésie) et le Iwokrama Rain Forest Programme réalisé en Guyane.

On peut tirer quelques principes pour les partenariats d'entreprise des programmes de gestion durable des forêts (Higman et al., 1999). Le tableau 2 se fonde sur ceux du Iwokrama International Centre for Rain Forest Conservation and Development (2003) pour comparer leur validité pour les entreprises commerciales et communautaires.

Ces principes prévoient implicitement que les partenaires seront surtout internationaux - reflet de l'espoir de recevoir des investissements étrangers directs - et que le contrôle réglementaire sera exercé directement par Iwokrama ; les mécanismes de réglementation de la Guyane sont encore en cours d'élaboration. L'incorporation des principes de développement durable dans les entreprises commerciales prend toujours souvent la forme d'amélioration des relations communautaires passant par le biais de consultations de la collectivité, de dialogues et de programmes de développement communautaire local (Holliday et al., 2002; Zarsky et Gallagher, 2003).

Tableau 1 : Comparaison des entreprises commerciales et communautaires

Facteur

Entreprise commerciale

Entreprise communautaire locale

Distribution équitable des avantages

Evaluation et calcul des ressources de la forêt

S'intéresse d'abord à percevoir les bénéfices, surtout dans le court terme. Peut créer des liens plus élaborés pour réaliser la valeur des biens mondiaux.

Bénéfices principaux: valeur de remplacement et avantages indirects. Besoins de trésorerie augmentent pour les écoles, les soins de santé, etc.

Biens mondiaux

Création de fonds internationaux pour capter le marché émergeant du carbone.

Avantages liés directement à la conservation de la biodiversité. Rares exemples de revenus de la fixation du carbone pour les collectivités locales, par exemple, le Fonds de développement commun pour le carbone de la Banque mondiale.

Redevances

Les redevances passent dans les caisses du gouvernement

Baisse probable avec une petite entreprise

Distribution équitable des avantages économiques dans la collectivité

Probablement inéquitable dans la collectivité: vont aux personnes directement employées. Nécessité d'accords innovants de partage des bénéfices

Probablement mieux partagés en cas d'accords de gouvernance communautaire

.

Questions de parité hommes-femmes

Réceptive aux pressions mondiales ou aux prescriptions légales

.

Possibilité de restrictions traditionnelles conflictuelles concernant la parité

Compétence en gestion

   

Mono/poly exploitation

Tradition de mono-exploitation.

Traditions de poly-exploitation.

Utilisation plantations/forêts naturelles

Tradition de création et de gestion de plantations (questions de régime foncier et d'accès à l'emploi non résolues ).

Plus efficace dans la gestion des forêts naturelles

Compétences en gestion pour la poly-exploitation

Partenaires financiers et commerciaux recherchent des structures connues fiables

Perçue comme moins fiable; besoin de tierces parties agissant comme intermédiaires.

Questions de droit

   

Régime foncier et législation

Soutien de la législation ou de fonctionnaires corrompus.

Comprend mal les systèmes et manqué d'accès aux mécanismes d'aide.

Droits de propriété intellectuelle

Bon accès aux services juridiques pour garantir les droits de propriété intellectuelle. Le droit international est encore faible.

Réseaux autochtones en expansion mais manque des compétences financières et juridiques pour le développement des entreprises. État actuel des connaissances nuit au développement des entreprises..

Validité des contrats

Contrats acceptables.

Perçus comme non-fiables par les marchés extérieurs, nécessitent un nantissement de tierces parties

Arrangements contractuels

Clairs, fondés sur les documents d'entreprise et le droit commercial national Structure claire de prise de décisions.

Peu clairs ou révocables surtout dans les cas portant sur des propriétés communautaires ou l'accès

Corruption

Plus en mesure d'acheter des systèmes administratifs faibles et d'avoir accès à des mécènes influents.

Moins en mesure de comprendre les systèmes de gouvernement et d'éviter les obstacles ; moins en mesure de payer ; politiquement plus faible pour dénoncer la corruption ou influer sur la prise de décision.

Questions économiques

   

Durée

Projections de rentabilité: court ou moyen terme

S'il n'y a pas de problème foncier, bonne approche à long terme, mitigée par le besoin de liquidités à court terme.

Financement pour les initiatives de gestion durable

Investissements liés aux bénéfices engrangés par les étrangers

Manque de compréhension ou d'accès aux systèmes financiers étouffe l'innovation ; manque d'accès aux conseillers commerciaux

Liens commerciaux/ rapports avec les fournisseurs

Systèmes forts et perception de fiabilité pour les liens avec l'extérieur. Peut aussi créer des liens permettant aux fournisseurs locaux de prospérer.

Liens médiocres mais l'accès aux marches et la publicité augmentent.

Coussin économique/ obstacles au crédit

Plus grand recours aux investisseurs en cas de crise mais calendriers plus serrés. Possibilité d'assurance- risque

Recours à diverses sources de revenu pour survivre en cas de crise. Plus large distribution du risque dans la collectivité et possibilité de repli sur le système agricole. Pas d'assurance- risque.

Compétences technologiques

Liens et soutien technologiques plus importants ; moins de gaspillage du fait des systèmes de production plus élaborés ; possibilité d'introduire de nouvelles informations.

Systèmes de production peuvent être plus efficaces en cas d'utilisation traditionnelle des sous-produits. Difficultés d'avoir accès aux nouvelles technologies pouvant être utilisées dans les entreprises novatrices.

Tableau 2 : Implications des principes commerciaux d'Iwokrama sur le choix d'un partenaire

Principes commerciaux d'Iwokrama

Effet ou influence sur le partenaire :

commercial

communautaire local

Tous les droits d'utilisation des ressources et arrangements contractuels doivent être préparés dans le cadre de processus concurrentiels transparents ouverts à toutes les parties prenantes.

Favorise les entreprises bien établies. Pour créer des entreprises innovantes, les partenariats doivent être ouverts à l'innovation et à l'expérimentation et le secret s'impose pour empêcher les concurrents de voler les idées. Les appels d'offres peuvent empêcher la formulation de tels liens.

Lors de la mise sur pied de projets de ce genre, les collectivités bénéficiaires s'attendent souvent à recevoir un traitement préférentiel. .

Les partenaires potentiels doivent s'engager à faire évaluer et certifier leur performance environnementale par un organe indépendant et à établir des normes environnementales strictes dans le cadre de leur stratégie commerciale.

.

Les entreprises nationales peuvent avoir besoin d'une aide importante pour se faire certifier : dans les situations semblables à celle d'Iwokrama, l'organisation-mère peut agir comme organe de suivi pour toutes les opérations commerciales dans son aire d'influence. Elle peut suivre les partenaires, sous-traitants et franchisés et être elle-même suivie par des organismes externes.

La certification peut être trop difficile ou coûteuse pour les petites entreprises communautaires. Le marché local peut être une meilleure solution.

Les partenaires potentiels doivent s'engager à constituer des partenariats de participation avec leurs employés et les collectivités de l'écosystème d'Iwokrama.

Peut arrêter certains investisseurs ou des entreprises locales ayant besoin d'une formation importante pour s'adapter.

.

Incapacité de générer des fonds pour les prises de participation. Conséquences pour les activités appartenant aux collectivités plutôt qu'à des individus.

Les partenaires potentiels doivent s'engager à respecter les droits de propriété intellectuelle et les protocoles de partage des bénéfices élaborés par le Centre en liaison avec ses parties prenantes.

Le manque de législation nationale laisse l'entreprise à la merci d'un partenaire international interprétant les accords de propriété intellectuelle différemment ; Iwokrama peut ne pas être en mesure, financièrement ou juridiquement, de mener l'affaire devant les tribunaux. La réputation d'Iwokrama peut empêcher cela.

Les questions concernant la qualité d'autochtone et d'intégration par mariage, migration, etc., doivent être réglées au sein de la communauté.

Les partenaires potentiels doivent montrer qu'ils sont capables de faire entrer Iwokrama dans des créneaux de marché à forte valeur

Peut favoriser des partenaires internationaux au détriment des nationaux

.

Implique des partenaires non communautaires.

Accorde une préférence aux partenaires disposés à créer des co-entreprises avec les entreprises nationales

Implique que les partenaires internationaux constituent des partenariats avec des groupes nationaux..

N'accorde pas de priorité aux collectivités locales.

Les principes d'Iwokrama peuvent contribuer à renforcer la perception des étrangers qui voient dans les collectivités locales des bénéficiaires passifs plutôt que des centres commerciaux proactifs. Mais même dans ce cas, on peut noter au nombre des avantages reçus des améliorations dans les conditions de travail et les salaires, qui s'alignent sur les « meilleurs pratiques », ainsi que dans les conditions environnementales. Ils peuvent aussi inclure un soutien aux infrastructures et renforcer la participation équitable - même si, dans le tableau 2, nous insistons sur les difficultés d'atteindre cet objectif.

Les principes élaborés à Iwokrama mettent aussi en évidence les complexités inhérentes à la manière dont les entreprises doivent être constituées et par qui. Iwokrama par exemple participe au développement des entreprises à trois niveaux :

Ces principes doivent donc être plus complexes pour aider à élaborer des accord contractuels pour toute entreprise, à quelque niveau qu'elle se trouve.

Les entreprises communautaires doivent-elles être dirigées par la collectivité ou par un individu ?

La création de toute entreprise a plusieurs fonctions :

Les projets de développement peuvent inclure un postulat implicite, qu'une entreprise communautaire est une entreprise dirigée par la collectivité, pas par un individu. Dans le cadre d'un système de gestion durable des forêts, divers facteurs affectent la décision, à savoir :

La répartition des bénéfices des entreprises communautaires soulève aussi des questions :

Ces questions peuvent pousser les tierces parties à travailler avec des individus plutôt qu'avec les propriétaires terriens communautaires.

Si les entreprises sont dirigées par un individu dans la collectivité, quel doit être le rôle du système de gouvernance communautaire ?

Les collectivités sont organisées de diverses manières. Les dirigeants locaux peuvent être nommés ou élus de manière traditionnelle ou définie par le gouvernement. Les deux systèmes peuvent également co-exister, les dirigeants traditionnels étant élus comme représentants du gouvernement.

Quelle que soit la manière dont ils ont été choisis/élus, les chefs communautaires sont importants au plan de la mise en œuvre des programmes des bailleurs de fonds dans les collectivités puisqu'il n'est guère pratique de prendre contact avec chacun des individus concernés. Ils ont également un rôle important à jouer pour mitiger les effets des changements, notamment ceux liés à l'augmentation du revenu. Faute de système encourageant l'acquisition des compétences requises pour gérer l'augmentation de la fortune, les emprunts mal planifiés sont gaspillés, les bénéfices perdus et l'alcoolisme et la toxicomanie augmentent. Le changement doit aussi être géré à mesure que les jeunes absorbent les nouvelles idées, prennent le contrôle des finances et deviennent la nouvelle élite.

En 1996, le personnel d'Iwokrama a encouragé la création d'un système de représentation locale qui exerce aujourd'hui une grande influence dans la collectivité et qui est reconnu à de nombreux titre par le gouvernement central. Le North Rupununi District Development Board (NRDDB) est une forme d'organisation non gouvernementale composée de 14 représentants villageois élus (femmes et hommes) et de représentants d'autres groupes créés par Iwokrama pour encourager la gestion rationnelle des ressources naturelles, à savoir la Makushi Research Unit (cultures traditionnelles), les Community Environmental Workers (qui constituent des liens directs entre le programme et les villages), le Bina Hill Institute (centre local de formation), et les Junior Wildlife Clubs (appuyés depuis peu par l'Audubon Society avec Iwokrama).

En 1996, peu de villages pouvaient communiquer avec confiance avec les gens de l'extérieur. Leurs contacts directs avec le gouvernement et les bailleurs de fonds manquaient de dynamisme. En 2003, les 14 représentants villageois ont à un moment ou à un autre travaillé pour Iwokrama ; le NRDDB collabore directement avec les organismes de développement et dispose d'une radio communautaire efficace. Il est devenu un point de passage obligé pour les étrangers souhaitant travailler dans la région et il commence à exercer un certain pouvoir sur les villages. De centre d'information, il est en passe de devenir un autre organe de gouvernance. Par exemple, les chercheurs qui souhaitent travailler dans tel village précis doivent en faire la demande au NRDDB. Son rôle en matière de sélection des activités des entreprises évolue rapidement, mais il est controversé. Si le NRDDB grandit, les villages grandissent aussi et il sera intéressant de suivre l'évolution de leurs rapports.

Un système de gouvernance ou de représentation communautaire peut jouer un rôle important dans la mise en œuvre des processus de développement ; il peut mitiger les incidences négatives de l'apport de nouvelles richesses par les entreprises communautaires ou individuelles ; mais il peut aussi étouffer quelque peu d'esprit d'entreprise des individus.

Conclusions

Il existe aujourd'hui divers mécanismes de création de partenariats entre des entreprises commerciales et des collectivités. La lenteur des apports de fonds est cependant révélatrice de leur nature expérimentale et novatrice et indique que les liens avec le secteur de la foresterie ne sont toujours pas complètement acceptés. Notre étude s'est penchée sur trois questions et est arrivée aux conclusions suivantes :

Existe-t-il des lignes directrices indiquant quand et dans quelles circonstances une entreprise doit avoir une base commerciale ou communautaire ?

Il n'existe guère de principes directeurs mais il est de la nature de ces projets qu'ils doivent suivre les « meilleures pratiques » sociales et environnementales. Les systèmes commerciaux de certification des forêts et le programme du Centre pour le recherche forestières internationale (CIFOR) sur les critères et indicateurs imposent une certaine équité dans les entreprises commerciales mais nous ne savons pas encore quelles peuvent être les meilleurs pratiques pour la promotion des entreprises communautaires dans le cadre de la gestion durable des forêts. Tous les programmes existants sont expérimentaux ; l'utilisation multi-échelle des forêts est fluide ; certaines activités qui étaient considérées comme du ressort de l'État changent d'échelle sous l'influence de mécanismes de financement novateurs et l'intérêt croissant des investisseurs internationaux dans les titres compensatoires de carbone détenus par les communautés locales est révélateur de l'effacement des lignes de démarcation. Il existe peu d'analyse de la question et les projets sont gérés individuellement : le potentiel d'exploitation à grande échelle est donc important.

Les entreprises communautaires doivent-elles être dirigées par la collectivité ou par un individu ?

Si les projets de développement postulent implicitement qu'une entreprise communautaire est une entreprise dirigée par la collectivité, la décision n'en doit pas moins être prise en fonction des conditions locales et des objectifs recherchés. Cela est particulièrement important lorsque l'on considère les accords portant sur les droits de propriété intellectuelle et la manière de partager les bénéfices. En tout état de cause, il faut souligner l'importance de l'esprit d'entreprise individuel.

S'agissant des deux questions ci-dessus, il est possible de généraliser la situation et de souligner le défi de l'institutionnalisation des collectivités locales en entreprises commerciales, aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés.

Si les entreprises communautaires sont dirigées par un individu dans la collectivité, quel doit être le rôle du système de gouvernance communautaire ?

Notre expérience montre qu'un système de représentation locale est essentiel et qu'il doit être en mesure de communiquer au sein et à l'extérieur du groupe. L'ampleur de son contrôle de la collectivité doit être précisément défini et accepté.

Pour éviter que les questions d'équité ne restent marginalisées et traitées de manière ad hoc, nous devons œuvrer à plus sensibiliser les pouvoirs publics. Les gouvernements et les bailleurs de fonds présentent des « sites modèles » comme modèles de politique et engrangent ainsi une bonne presse mais ces modèles ne sont jamais reproduits. Ce peut être parce que les gouvernements-hôtes accordent une importance particulière à ce genre de projet, sachant que les structures et la législation sous-jacentes indispensables sont souvent inexistantes : le projet est donc une « réussite », mais le manque de structures empêche sa reprise par la société et il est donc un échec en tant que modèle. Nous devons nous demander si les bailleurs de fonds ne surestiment pas leurs capacités lorsqu'ils traitent directement avec les collectivités locales. Il faut reconnaître que de nombreux projets de développement promouvant la création d'entreprises posent comme acquis l'existence des structures et des pratiques nationales voulues mais, souvent, ce n'est pas le cas : ils doivent alors lancer et soutenir des campagnes en vue de l'institution de ces fondements législatifs et structurels. Du temps, de l'argent et des ressources sont ainsi détournés de leur destination originale. Tout cela est en opposition flagrante avec la réticence marquée par les bailleurs de fonds à soutenir ce genre d'activité dans le long terme. Cette dichotomie entre les besoins et les approches adoptées explique le nombre projets lancés et immédiatement abandonnés. La continuité de l'effort et du financement est essentielle : il est grand temps que nous adoptions une ligne de conduite plus logique et stratégique en matière de projets de développement pour que les bailleurs de fonds puissent établir des mécanismes de financement plus efficaces.

Enfin, les complexités de la gestion des forêts et l'évolution de l'exploitation forestière posent des défis importants à l'établissement d'entreprises durables dans les collectivités locales. Ces défis doivent cependant être relevés sinon, les collectivités pauvres tributaires des ressources de la forêt continueront à être marginalisées par le monde de la politique et des affaires.

Bibliographie

Iwokrama International Centre for Rain Forest Conservation and Development. 2003. Five-year review 1998-2002. Georgetown, Guyane, IICRFCD.

Higman, S., Bass, S., Judd, N., Mayers J. & Nussbaum, R. 1999. The sustainable forestry handbook. Londres, Earthscan.

Holliday, C.O., Schmidheriny, S. & Watts P. 2002. Walking the talk: The business case for sustainable development. Sheffield, UK, Greenleaf Publishing Ltd.; San Francisco, USA, Berrett-Koehler Publishers Inc.

Prabhu, R., Colfer, C. & Shepherd, G. 1998. Criteria and indicators for sustainable forest management: new findings from CIFOR's forest management unit level research. Rural Development Forestry network paper 23a.

Zarsky, L. & Gallagher, K. 2003. Searching for the Holy Grail. Présenté au WWF-UK Workshop on International Investment Frameworks for Sustainable Development: Framing the Debate. Londres, 10 mars 2003. (également disponible sur le site Web : http://www.ase.tufts.edu/gdae/highlights/holy_grail.pdf)


1 School of Animal and Microbial Science, University of Reading, Reading, Berks, Royaume-Uni. [email protected]

2 Mt. Anne Drive, Cascade, Port of Spain, Trinité et Tobago. [email protected]