CCP: ME 02/4





COMITÉ DES PRODUITS

GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL SUR LA VIANDE ET LES PRODUITS LAITIERS

Dix-neuvième session

Rome, 27-29 août 2002

ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE LA VIANDE ET DES PRODUITS LAITIERS BIOLOGIQUES: INCIDENCE POUR LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT1


Table des matières


I. INTRODUCTION

1. La dernière décennie a été le témoin d'une croissance substantielle du marché des produits biologiques, conséquence de l'évolution des préférences des consommateurs. Du point de vue de ses débouchés comme des approvisionnements, le secteur biologique a son implantation principale dans les pays développés, l'Union européenne et les États-Unis représentant les principaux marchés2. Cependant, même dans les pays dont le segment biologique du marché connaît une expansion rapide, la part du total des ventes de produits vivriers qui lui revient demeure réduite, se situant généralement entre 1 et 3 pour cent.
2. Compte tenu de cette demande croissante, des perspectives de nouveaux marchés s'offrent peut-être aux pays en développement malgré, dans certains cas, la préférence des consommateurs pour les produits biologiques locaux ou régionaux. Certains producteurs de viande et de produits laitiers des pays en développement ont réussi à exporter des produits de l'élevage biologique, alors même que les normes régissant la certification et la qualité sur les marchés extérieurs peuvent être extrêmement rigoureuses. C'est pourquoi il est fortement recommandé à tout pays envisageant de développer sa production de viande et de produits laitiers biologiques en vue de l'exportation, de conduire au préalable une analyse et une prospection approfondies.

II. DÉFINITION DES PRODUITS BIOLOGIQUES

3. Le label «biologique» certifie que les produits qui le portent ont été obtenus par des méthodes répondant clairement aux définitions de la production biologique. 3 Autrement dit, le qualificatif s'applique à un processus plutôt qu'à un produit. L'agriculture biologique est mieux connue comme étant une méthode culturale n'employant ni engrais synthétiques ni pesticides. La Commission du Codex Alimentarius définit ainsi l'agriculture biologique:
"l'agriculture biologique est un système de gestion holistique de la production qui favorise la santé de l'agrosystème y compris la biodiversité, les cycles biologiques et les activités biologiques des sols. Elle privilégie les pratiques de gestion plutôt que les méthodes de production d'origine extérieure, en tenant compte du fait que les systèmes locaux doivent s'adapter aux conditions régionales. Dans cette optique, des méthodes culturales, biologiques et mécaniques sont, dans la mesure du possible, utilisées de préférence aux produits de synthèse, pour remplir toutes les fonctions spécifiques du système."4
4. Parmi les critères essentiels qui distinguent l'agriculture biologique des autres types de systèmes agricoles, figure l'existence de normes de production et de procédures de certification; toutefois, ces dernières n'ont pas encore été adoptées de façon universelle. Les normes biologiques ont été initialement élaborées par des associations privées, qui conféraient à leurs membres le droit d'utiliser les marques et étiquettes respectives de ces associations à l'étape de la commercialisation. La Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (IFOAM), organisation non gouvernementale qui se consacre à la promotion de l'agriculture biologique à l'échelle internationale, a établi des directives qui ont été largement adoptées aux fins de la production et de la transformation biologiques. Ces directives sont généralement considérées comme des « normes de base » pouvant être complétées par des descriptions plus détaillées en fonction de la situation régionale ou locale.
5. À mesure que se poursuivait l'expansion de l'agriculture biologique, de nombreux pays développés ont fixé leurs propres normes dans ce domaine. Ainsi, les pays de l'Union européenne ont entériné une norme biologique commune pour le bétail.5 Par ailleurs, le Canada, le Japon et les États-Unis ont, eux aussi, adopté des normes et des règlements en la matière. Un certain nombre de pays en développement comme l'Argentine, le Brésil, la Chine et la Thaïlande, ont édicté des normes et des règlements nationaux pour les produits biologiques. Dans certains cas, en Argentine par exemple, des normes et des règlements ont été adoptés en vue de se conformer aux critères des principaux marchés d'exportation, voire d'adopter des règles plus rigoureuses.

III. NORMES RÉGISSANT L'EXPORTATION DE LA VIANDE ET DES PRODUITS LAITIERS BIOLOGIQUES

6. C'est dans les pays développés que la demande de produits alimentaires biologiques a connu la croissance la plus rapide. À titre d'exemple, en 2001, près de 3 pour cent des terres arables des pays de l'Union européenne ont été classées comme biologiques - soit 3,7 millions d'hectares et 129 000 exploitations. Témoignant du fait que l'agriculture biologique s'intègre aux principaux courants économiques, de nombreux chefs de file de la production de viande et de produits laitiers privilégient les produits organiques dans leur éventail d'activités. S'agissant des produits laitiers biologiques, les grandes fermes laitières traditionnelles sont d'ores et déjà les principaux fournisseurs de produits laitiers biologiques en Scandinavie, en France et aux Pays-Bas, et l'on peut s'attendre à ce que cette tendance s'étende aux autres pays européens et ailleurs.
7. Dans les pays en développement, les secteurs d'élevage biologique du bétail les plus développés et les plus avancés se trouvent, selon les observations, en Argentine et au Brésil. Pour les autres pays, on ne dispose que de données limitées; toutefois, selon les indications recueillies, l'intérêt pour les produits d'élevage biologique s'accentue, non seulement par la demande vigoureuse sur les marchés nationaux et sur les marchés d'exportation, mais également en raison du potentiel qu'il offre pour la préservation de la fertilité des sols.
8. Les producteurs et les exportateurs qui souhaitent vendre à l'étranger de la viande et des produits laitiers biologiques doivent, pour se faire, obtenir une certification biologique. À l'heure actuelle, dans les pays en développement, la certification pour l'exportation est souvent obtenue auprès des organismes de certification des pays importateurs, avec toutefois d'importantes exceptions, l'Argentine par exemple. L'avantage d'un tel système pour l'exportateur tient au fait que les logos des organismes certificateurs sont bien connus et jouissent de la confiance des consommateurs des pays importateurs, ce qui confère aux produits une plus grande notoriété et un avantage commercial. Le principal inconvénient découle du fait que ce type de certification peut être très coûteux, notamment lorsque les inspecteurs du pays accordant la certification doivent se déplacer à l'étranger. De nombreux organismes internationaux de certification, comme Ecocert, OCIA et BCS-Öko, ont créé des antennes locales dans les pays en développement. Lorsqu'il n'existe pas d'agence locale, c'est l'agence régionale établie dans un pays voisin qui sert de point d'appui pour les inspections et les certifications.
9. Même s'agissant d'un groupe de pays, comme l'Union européenne, où une norme commune de certification biologique a été adoptée, il demeure des différences entre les organismes de certification nationaux. Ainsi, le principal organisme de certification du Royaume-Uni a nié aux producteurs danois de viande de porc biologique le droit d'utiliser son logo, car ses normes interdisent la pratique concernant à placer un anneau dans le museau des porcs pour les empêcher de fouir avec trop de vigueur. Par ailleurs, en Allemagne, un groupement de producteurs d'agriculture biologique a adopté des normes plus strictes que celles éditées par les règlements européens, suscitant chez certains la crainte de voir apparaître deux niveaux de produits alimentaires biologiques, avec des coûts de production différents. À l'inverse, les producteurs suédois ont constaté que les règlements de l'Union européenne ne répondent pas aux conditions locales d'élevage de volaille biologique et ne peuvent, de ce fait, produire de poulets biologiques dans des conditions rentables.
10. Étant donné que les services douaniers et les autres autorités réglementaires n'établissent pas de distinction entre les produits alimentaires biologiques et les produits alimentaires conventionnels, les données concernant les produits biologiques soumis au commerce international sont nécessairement basées sur des estimations officieuses. En conséquence, dans les publications concernant les échanges commerciaux, les produits organiques ne sont par répertoriés sous une rubrique distincte.6 Cette observation contribue, une fois de plus, à souligner la nécessité d'une prospection approfondie des marchés potentiels avant d'entreprendre une production tournée vers l'exportation de viande et de produits laitiers biologiques.

IV. LES GRANDES TENDANCES DE L'ÉVOLUTION
DU MARCHÉ

11. Dans de nombreux pays, on enregistre une croissance phénoménale des ventes de produits biologiques. Ainsi, en 2001, le marché européen aurait connu, selon une estimation, une croissance de 26 pour cent des ventes de produits laitiers biologiques.7 Il convient toutefois de souligner que la croissance du marché se faisant à partir d'une base exiguë, il est peu probable que de tels taux de croissance persistent de façon durable. Du fait de l'augmentation des coûts de production et de manutention, les produits biologiques se vendent généralement plus chers que leurs équivalents conventionnels. Cependant, les cas varient selon les pays, le degré de développement du marché et des produits; il n'est pas rare, cela dit, d'observer une différence de 20 à 30 pour cent et, en fonction des conditions de l'offre et de la demande, un écart beaucoup plus marqué.
12. Parallèlement à sa croissance au cours de la dernière décennie, le marché des produits alimentaires biologiques s'est graduellement intégré aux circuits classiques de commercialisation et de distribution. La création de commerces spécialisés dans les produits biologiques ainsi que le développement des rayons biologiques dans les supermarchés ont profité aux produits de l'élevage biologique; en effet, les commerces qui, auparavant, vendaient traditionnellement des produits biologiques, tels que les boutiques spécialisées dans les produits alimentaires de santé et les marchés agricoles, manquent souvent des moyens de réfrigération et de la capacité d'entreposage nécessaires à la manutention et à la présentation de viandes et de produits laitiers. En outre, une certaine proportion des clients des boutiques de produits alimentaires de santé ne consomment pas de protéines animales. C'est pourquoi, pour l'ensemble de l'Europe occidentale, les supermarchés comptaient, en 2001, pour 63 pour cent des recettes provenant de la vente de produits laitiers biologiques. C'est en Scandinavie que l'on enregistre la proportion la plus élevée, soit plus de 90 pour cent, de ventes en supermarché de produits laitiers biologiques. S'agissant de la viande, la situation est analogue. Ainsi, en Irlande et au Royaume-Uni, les trois quarts des ventes de viande biologique se font dans les supermarchés. Cependant, tous les pays ne se conforment pas à cette tendance. Ainsi, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Canada, la vente au détail de produits alimentaires biologiques se fait principalement dans les boutiques spécialisées, lesquelles ressemblent souvent à des supermarchés pour ce qui est de l'organisation des rayonnages et la présentation des produits.
13. S'agissant de l'avenir, l'intégration des produits biologiques aux circuits classiques de détail, en rendant ces produits accessibles à un public élargi, notamment à travers les supermarchés, pourrait représenter le facteur le plus important de développement de la clientèle. La diffusion des produits alimentaires biologiques au sein du flux général des ventes de détail bénéficie, entre autres, du fait que les acheteurs de produits biologiques appartiennent généralement aux catégories aisées. En conséquence, les supermarchés s'efforcent d'attirer ces clients en leur proposant un large éventail de produits alimentaires, y compris biologiques. La participation accrue des supermarchés, qui jouissent d'un système centralisé d'achat et de distribution, pourrait entraîner des pressions tendant à la réduction de la différence actuelle entre les prix des produits biologiques et ceux des produits conventionnels. On assiste, au demeurant, à la ramification de la tendance avec l'introduction, par certains supermarchés, de leur « marque maison » de viande et de produits laitiers, dont le prix est inférieur à celui des marques concurrentes.
14. À l'échelle internationale, le rôle accru joué par les supermarchés dans la distribution des produits biologiques pourrait stimuler la demande intérieure dans les pays où ces produits sont encore nouveaux. Ainsi, une chaîne de supermarchés opérant en Europe disposerait de l'expérience nécessaire, en matière de gestion et de manutention des produits biologiques, pour en faire la promotion sur d'autres marchés moins développés de ce point de vue, en Asie ou en Amérique latine par exemple. En outre, étant donné que les supermarchés de grande envergure sont souvent des importateurs directs, ils constituent un point de contact désigné pour les exportateurs.
15. Alors que, dans de nombreux pays, la demande de viande et de produits laitiers biologiques connaît une croissance vigoureuse, on peut citer les exemples où l'offre a dépassé la demande, entraînant une sévère réduction de la différence de prix entre produits biologiques et produits conventionnels, ou encore le phénomène de la vente des produits biologiques comme produits conventionnels. Ce facteur pourrait remettre en question l'objectif que se sont fixé certains pays d'Europe occidentale, à savoir augmenter, durant la décennie en cours, la proportion de la consommation intérieure de produits alimentaires biologiques; en effet, une offre excessive associée à une réduction des prix pourrait ôter sa rentabilité à la production biologique. À titre d'exemple, avant 2001, année de croissance des marchés d'exportation, la production de viande de porc biologique était excédentaire sur le marché danois, et les prix s'en trouvaient affaiblis. Par ailleurs, on estime que 20 à 30 pour cent de la viande biologique produite en Irlande est vendue comme viande conventionnelle, tandis qu'en Suisse, une partie des animaux élevés dans des conditions biologiques, les porcs en particulier, sont vendus comme animaux d'élevage classique. S'agissant du lait, en Autriche, au Danemark et au Royaume-Uni, un tiers seulement du lait biologique serait commercialisé en tant que tel, et le reste comme lait conventionnel. Dans ces conditions, certaines associations d'agriculteurs de l'Union européenne ont récemment mis en garde contre la conversion rapide des exploitations à la production biologique; elles craignent en effet un manque de synchronisation avec la croissance de la demande.

V. LE CONSOMMATEUR

16. En règle générale, une personne qui privilégie l'alimentation biologique appartient à la catégorie soucieuse de la santé et de l'environnement et disposée à payer un prix plus élevé, voire à se déplacer pour acheter dans des magasins spécifiques, de manière à obtenir une alimentation qui satisfasse ses attentes. À titre d'exemple, un sondage des consommateurs français d'alimentation biologique a révélé que pour près de 30 pour cent des répondants, la santé personnelle et un goût plus agréable entraient l'un et l'autre en ligne de compte, tandis que pour près de 20 pour cent des personnes interrogées, entraient en jeu la conformité avec les convictions personnelles et les préoccupations relatives à l'environnement. Au Royaume-Uni, une enquête a révélé que les six préoccupations principales des consommateurs de produits biologiques sont : l'utilisation de pesticides sur les récoltes; les additifs alimentaires; les antibiotiques contenus dans la viande; la listeria ou salmonelle; les E-coli et l'encéphalite spongiforme bovine. La production biologique répond à certaines de ces préoccupations; ainsi, elle est exempte d'antibiotiques; cependant, d'autres problèmes tels que la listeria, la salmonelle et les E-coli constituent des problèmes plus généraux, liés à la santé publique; en d'autres termes, si les conditions d'entreposage ne sont pas satisfaisantes, les produits biologiques y sont également vulnérables. À plus long terme, à mesure que les consommateurs comprendront mieux en quoi consistent les produits biologiques, on verra peut-être s'imposer l'idée qu'ils sont produits dans le respect de l'environnement et du bien-être des animaux, et en conformité de normes nationales et internationales.
17. À mesure que s'élargit le marché, les distributeurs de produits biologiques doivent recourir à un éventail plus large de techniques de commercialisation et de promotion, du fait de la diversité accrue de leurs bassins de consommateurs. À ce propos, dans certains pays où le marché des produits biologiques est plus développé, il semble que le noyau de consommateurs de produits biologiques convaincus soit aujourd'hui pleinement approvisionné et ne présente guère de potentiel d'expansion future.8 En conséquence, la croissance du secteur pourrait bien ralentir, à mesure que les produits biologiques chercheront à se faire une place dans la panier des consommateurs traditionnels. Au demeurant, la consommation d'aliments biologiques n'est pas nécessairement homogène au sein d'une même famille. Ainsi, les parents peuvent donner à manger à leurs enfants des produits biologiques tout en consommant eux-mêmes une alimentation non biologique. On en trouve une illustration dans la part des ventes d'aliments biologiques pour bébés dans les supermarchés britanniques, lesquelles représentent entre 25 et 60 pour cent du total des ventes, alors que la part des produits organiques dans la consommation alimentaire totale n'est que de 3 pour cent environ.
18. Les produits de l'élevage jouissent d'un avantage particulier sur le marché des produits biologiques; en effet, tout comme les fruits et légumes frais, leur taux de transformation est très faible, voire inexistant, ce qui les rend attrayants pour les consommateurs à la recherche d'un produit « naturel ». Cependant, si la viande échappe en général au phénomène de la transformation, tel n'est pas le cas pour certains produits laitiers. De ce fait, peut-être en raison du degré de transformation, les ventes européennes de lait et de yoghourts biologiques comptent pour près de 85 pour cent de la valeur des ventes de produits laitiers biologiques, alors que les ventes de fromage biologique ne sont que de l'ordre de 10 pour cent. Du point de vue du processus de fabrication, étant donné qu'il faut maintenir une chaîne de transformation distincte pour les aliments biologiques, il est avantageux de produire des aliments dont le taux de transformation soit relativement limité. S'agissant du fromage, en raison du problème créé par la séparation du lait biologique et du lait conventionnel, la production se fait généralement dans des officines de faible dimension. Cette situation a un côté positif, à savoir que les petits producteurs peuvent, en proposant un produit biologique transformé tel que les saucisses, le lait, la viande ou le fromage de production biologique, servir de tremplin à la création d'une image identitaire et d'un créneau de marché dont ils seront les bénéficiaires, et s'ouvrir ainsi le marché national comme les marchés internationaux. Toutefois, plus l'on se déplace en aval de la chaîne de transformation, plus les obstacles se multiplient; ainsi surgit notamment la question de savoir si les ingrédients, tels que les substances donnant une saveur et les édulcorants, par exemple dans un yoghourt ou une crème glacée auxquels on aura donné un goût particulier, doivent être produits eux aussi selon les normes biologiques pour que le produit puisse être classé comme « biologique ». Parallèlement, il se peut que la mise au point d'autres produits alimentaires de transformation crée une demande de produits biologiques, tels que la poudre de lait ou le beurre, en tant qu'ingrédients pour la production de biscuits et de friandises.

VI. INCIDENCE POUR LES SECTEURS DE LA VIANDE ET DES PRODUITS LAITIERS

19. L'expansion de l'élevage biologique est entravée par les coûts de lancement élevés, les exigences liées à la conversion, le prix élevé de l'alimentation animale biologique et les difficultés d'obtention de la certification biologique. Les conditions spécifiques propres à l'élevage, à savoir un cycle biologique plus long que celui des cultures, la nécessité d'un stock d'élevage biologique, et les intrants biologiques dont l'obtention et l'utilisation sont coûteuses, ne manquent pas d'accroître les coûts et d'augmenter les risques d'une conversion de l'élevage conventionnel à l'élevage biologique. Le fait que l'élevage biologique doive se passer d'une utilisation routinière de médicaments, d'additifs synthétiques à l'alimentation animale et de substances stimulant la croissance met en relief l'importance d'une bonne gestion et d'une bonne nutrition animales, ainsi que d'une densité de stocks appropriée et d'une bonne sélection génétique permettant d'endiguer les maladies. S'engager à satisfaire aux normes de certification biologique signifie généralement accepter des coûts de production plus élevés. Ainsi, selon les observations, le coût de production du bœuf biologique dépasse de 20 pour cent, au Royaume-Uni, celui des méthodes conventionnelles. Dans certains cas, dans l'Union européenne par exemple, des subventions ont été versées aux agriculteurs pour les aider à supporter les coûts élevés de la conversion à la production de viande et de produits laitiers biologiques. En règle générale, les producteurs des pays en développement ne bénéficient pas de ce genre d'assistance, même si certains cas peuvent être évoqués, comme celui du Brésil, où l'aide au développement accordée par l'Union européenne a été utilisée pour mettre sur pied l'élevage biologique.
20. Alors que les pratiques de l'élevage conventionnel sont souvent examinées de façon critique, dans le contexte des récentes épizooties mais aussi de la préoccupation accrue pour la sécurité des aliments, l'on voit les consommateurs et les politiques joindre leurs forces pour appliquer des normes plus rigides de sécurité pour l'itinéraire allant « du sabot à l'assiette ». Il arrive souvent que ces politiques exigent que l'on s'écarte de l'utilisation généralisée d'antibiotiques et d'additifs alimentaires, pour renforcer les normes de bien-être des animaux. Si des éleveurs conventionnels devaient adopter de telles normes, cela pourrait limiter la demande générale de produits biologiques. Ces derniers peuvent être considérés comme un « palier de décompression» entre l'agriculture biologique et l'agriculture conventionnelle.
21. Il appartient aux producteurs de bien comprendre l'incertitude qui règne à propos de la future différence de prix entre les produits de l'élevage biologique et ceux de l'élevage conventionnel, car on ne connaît ni l'envergure que prendra le marché, ni l'acuité de la concurrence éventuelle. Cependant, étant donné que l'élevage et la production laitière biologiques tendent à employer davantage de main-d'œuvre que les méthodes de production conventionnelles, les pays en développement pourraient, à plus long terme, bénéficier d'un certain avantage comparatif.

VII. LES PRODUITS DE L'ÉLEVAGE BIOLOGIQUE DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

22. L'expansion de la production de viande biologique en Argentine peut être citée pour illustrer un cas de pays en développement fournisseur de marchés extérieurs. Alors que les origines du secteur biologique de l'Argentine sont relativement récentes, la première association de producteurs biologiques a été constituée en 1985. L'adéquation du climat ainsi que la fertilité élevée des sols se prêtent bien à la production biologique. Le Gouvernement argentin a fixé des normes nationales pour les produits biologiques. Ces normes sont au moins aussi sévères que celles de l'IFOAM et de l'Union européenne. En outre, le gouvernement n'apporte aucune assistance aux producteurs biologiques; cependant, certains d'entre eux ont bénéficié d'une aide de projet de l'Union européenne visant à promouvoir la production biologique.
23. Le secteur biologique argentin est principalement orienté vers l'exportation - 85 pour cent de la valeur produite, pour une valeur estimative de 32 millions de dollars E.-U. en 2001; cependant, un débouché national s'est développé à Buenos Aires. En 2000, sur une production totale de 40 000 tonnes de produits biologiques, la viande et les produits de l'élevage ont représenté 3 200 tonnes, soit 8 pour cent. Sur ce total, 35 000 tonnes ont été exportées, dont 3 pour cent sous forme de viande et de produits animaux. On devrait pouvoir en déduire qu'une proportion substantielle de la viande de production biologique a été consommée sur le marché national. Cependant, on ne sait pas quelle proportion en a été vendue comme viande biologique et quelle proportion sous forme de viande conventionnelle. L'Union européenne, principal destinataire des exportations de viande de bœuf biologique de l'Argentine, en a acheté à peine plus de 500 tonnes en 2000. En 2001, les exportations de viande biologique de l'Argentine ont accusé un net recul dû à l'interdiction d'importations sur les principaux marchés, suite à une épidémie de fièvre aphteuse. Pour ce qui est du lait, la production biologique de l'Argentine est aujourd'hui complètement absorbée par le marché national et ne donne lieu à aucune exportation.
24. S'agissant des autres pays, le Brésil comme l'Uruguay9 s'efforcent de développer leurs exportations de viande biologique. Au Brésil, la production de viande de bœuf biologique a été développée, dans le cadre d'un projet financé par l'Union européenne, dans la région des marais de Pantanal de l'État de Mato Grosso do Sul, au centre du pays. C'est la première fois que de la viande de bœuf biologique pleinement certifiée est produite au Brésil, et l'on prévoit une production annuelle de 15 000 tonnes de viande. Le principal marché de cette initiative devrait être l'Union européenne; cependant, il faudrait trouver un débouché national pour les abats. Les autorités brésiliennes voient dans le projet une façon de renforcer le revenu des producteurs locaux de bétail, tout en atténuant les dégâts causés à l'environnement par les méthodes traditionnelles d'élevage du bétail. Ajoutons que, même si 90 pour cent de la production biologique globale du Brésil part à l'exportation, le marché intérieur brésilien des aliments biologiques se développe au rythme d'environ 25 pour cent par an. Comme pour l'Argentine, le lait biologique est uniquement destiné au marché intérieur.

VIII. CONCLUSIONS

25. L'analyse du marché des produits biologiques doit, pour une bonne part, s'appuyer sur des indications officieuses et circonstancielles, tant du fait de ses origines récentes que de l'incapacité des données officielles sur le commerce et autres sources de statistique a établir une distinction entre les produits biologiques et les produits conventionnels. Dans ce contexte, l'objet du présent document a été de rassembler certains des aspects déterminants du marché des produits biologiques, y compris ceux du secteur de l'élevage, pour qu'ils servent de base à une discussion au sein du GIG sur la viande et les produits laitiers, et de toile de fond au Symposium sur les produits biologiques qui suivra immédiatement la réunion du GIG.
26. En résumé, les points principaux découlant des informations présentées dans ce document sont les suivants :

27. En conclusion, il existe peut-être des perspectives de débouchés pour les pays en développement qui souhaitent exporter de la viande et des produits laitiers biologiques, notamment dans les pays où les conditions climatiques et écologiques favorisent le développement de systèmes d'élevage extensif du bétail. Cependant, les critères régissant la certification et la qualité sur un marché extérieur peuvent être extrêmement rigoureux. En outre, rien ne garantit que la croissance vigoureuse de la demande observée au cours des dernières années se poursuivra au même rythme dans l'avenir.
28. En conséquence, il est hautement recommandé à tout pays envisageant de développer sa production de viande et de produits laitiers biologiques en vue de l'exportation, de procéder à des recherches et à des prospections approfondies.

1 Note: En concomitance avec le Groupe intergouvernemental sur la viande et les produits laitiers, un colloque d'une demi-journée sur les marchés de la viande et des produits laitiers biologiques se tiendra le 28 août (pour tout complément d'information, voir le document CCP: ME02/1 - Ordre du jour, notes relatives à l'ordre du jour et calendrier provisoires). Pendant ce colloque, nombre de questions abordées dans le présent document seront traitées plus en détail.

2 Selon une estimation, la taille du marché mondial de l'alimentation biologique représenterait 26 milliards de dollars E.-U. en 2001, sur la base d'une croissance du marché de 23 pour cent par rapport à l'année précédente. L'Europe représente, selon cette estimation, 12 milliards de dollars E.-U., tandis que le marché américain en représente 10 milliards et que le Japon est également un marché important. Source: Organic Monitor, cité dans World Organics News, 15.11.01.

3 Cette section est basée sur World Markets for Organic Fruit and Vegetables - CTA, ITC et FAO - Rome, 2001

4 Voir: http://www.codexalimentarius.net/STANDARD/standard.htm

5 Règlement du Conseil (UE) 1804/1999

6 La FAO a élaboré un questionnaire pilote qui vise à recueillir des données sur la production et le commerce de denrées biologiques. Ce questionnaire est actuellement à l'essai.

7 Organic Monitor, cité dans World Organic News, 9.5.02

8 Au Royaume-UNi, 57 pour cent de la production biologique sont consommés par 7 pour cent de la population.

9 Le cas de l'Uruguay sera présenté lors du Colloque du GIG sur la production de viande et de produits laitiers prévu pour le 28 août 2002.