APRC/04/7


VINGT-SEPTIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE DE LA FAO POUR L’ASIE ET LE PACIFIQUE

Beijing (Chine), 17 - 21 mai 2004

FINANCER LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE

Table des matières



I. INTRODUCTION

1. Le Sommet mondial de l'alimentation de 1996 a lancé un appel à tous les gouvernements pour qu'ils manifestent la volonté politique nécessaire pour renoncer à leur inaction et à des politiques inopérantes face à des niveaux élevés et persistants de sous-alimentation et a décidé de ramener à 400 millions le nombre de personnes sous-alimentées avant 2015. La Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale a été catégorique: « Nous estimons intolérable que plus de 800 millions de personnes dans le monde, et plus particulièrement dans les pays en développement, n'aient pas une nourriture suffisant à leurs besoins nutritionnels essentiels. Cette situation est inacceptable. »

2. Les objectifs du Sommet mondial de l'alimentation ont été réaffirmés en 2000, lors du Sommet du Millénaire et en juin 2002, lors du Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après. Cependant, malgré ces engagements solennels, la faim persiste et le nombre de personnes sous-alimentées diminue encore bien trop lentement: on estime qu'en 2015 elles seront encore 580 millions. A ce rythme là, l'objectif de 400 millions du Sommet mondial de l'alimentation ne pourra être atteint avant 2030.

3. En 1999-2001, d'après les estimations de la FAO, 840 millions de personnes souffraient de la faim, dont 60 pour cent, soit près de 500 millions, vivaient dans la région Asie-Pacifique. Ainsi et en dépit des succès que beaucoup de pays d'Asie et du Pacifique ont remportés dans la lutte contre la pauvreté et l'amélioration de la sécurité alimentaire et du bien-être général de la population, c'est cette région qui compte le plus grand nombre de personnes sous-alimentées et sans ressources. D'après les estimations, un total de 1,2 milliard de personnes qui vivent avec moins d'un dollar par jour, 768 millions – soit près des deux tiers – habitent dans la région Asie-Pacifique.

4. L'évaluation rapide menée par la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l'Asie et le Pacifique (CESAP) sur les progrès réalisés dans cette région par rapport aux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) permet de douter de la capacité de certains pays à atteindre tous les objectifs définis. Concernant la cible 2 de l'objectif 1 – réduire de moitié la proportion de personnes souffrant de la faim – les progrès des pays d'Asie Pacifique sont qualifiés de modestes, tandis que la réalisation de l'objectif est considérée comme seulement possible et serait donc loin d'être assurée.

5. L'objectif du Sommet mondial de l'alimentation peut être atteint grâce à une action coordonnée sur un certain nombre de fronts, compte tenu de la nature multidimensionnelle des causes profondes de la faim, de l'insécurité alimentaire et de la dénutrition. Les domaines d'action incluent la création d'un environnement politique, social et économique porteur, au niveau tant national qu'international; l'éradication de la pauvreté; des efforts pour promouvoir une agriculture durable; la prévention des catastrophes et des situations d'urgence et l'atténuation de leurs effets; l'investissement dans l'agriculture; et le suivi des progrès.

6. Ce document est axé sur l'investissement dans l'agriculture et, plus précisément, sur la mobilisation de ressources pour renforcer la productivité et la capacité de production du secteur agricole. Il démontre le rôle de l'agriculture dans la création de disponibilités alimentaires et de revenus supplémentaires, condition d'un meilleur accès à l'alimentation dans les pays en développement – surtout dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV) – où l'agriculture est la principale source de revenu national, d'emplois et d'exportations. Le présent document soutient que l'objectif du Sommet ne saurait être atteint sans une volonté politique plus ferme d'allouer suffisamment de ressources à la lutte contre la faim.

II. RESSOURCES À ALLOUER AU DÉVELOPPEMENT DE L'AGRICULTURE POUR LUTTER CONTRE LA PAUVRETÉ ET L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE DANS LES PAYS D'ASIE ET DU PACIFIQUE

Pauvreté et sécurité alimentaire dans la région Asie-Pacifique

7. Si la région Asie-Pacifique compte encore le nombre le plus élevé de pauvres de la planète, il existe, toutefois, de grandes disparités entre les pays. Certains pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est ont réalisé des progrès considérables et ont atteint leurs objectifs en matière de réduction de la pauvreté. La Chine en est un exemple notable: en effet, elle a assuré à elle seule près de 90 pour cent de la réduction de la pauvreté dans la région Asie-Pacifique. Pour l'Indonésie, ce taux est de 9 pour cent, tandis que le Viet Nam a également fait des progrès remarquables. En revanche, la performance de l'Asie du Sud est modeste, puisque jusqu'à 30 pour cent de la population de certains pays vit encore dans la pauvreté. L'évaluation des progrès dans les pays du Pacifique est rendue difficile par l'absence de données de référence.

8. Toutefois, la persistance du phénomène de sous-alimentation à l'échelle régionale ne doit pas être mal interprétée et il convient de reconnaître les progrès appréciables réalisés par l'agriculture pour nourrir une population en constante augmentation. Ainsi, entre 1990-92 et 1999-01, la population des pays d'Asie et du Pacifique est passée de 2,8 milliards à 3,2 milliards, alors qu'au cours de la même période, l'incidence de la dénutrition, définie comme le pourcentage de personnes sous-alimentées, est passée de 20 à 16 pour cent. Plus précisément, ce taux a été ramené de 16 à 11 pour cent en Asie de l'Est, de 17 à 13 pour cent en Asie du Sud-Est, et de 26 à 22 pour cent en Asie du Sud.

9. Ces progrès se traduisent également par une augmentation des disponibilités alimentaires pour la consommation humaine directe par habitant – une des variables clés utilisées pour mesurer la gravité de l'insécurité alimentaire dans chaque pays. La disponibilité énergétique alimentaire (DEA)1, exprimée en kilocalories par personne et par jour, est passée de 2000 environ dans les années 1970, à 2920 à la fin des années 1990 en Asie de l'Est et en Asie du Sud-Est; et de 2060 à 2400 en Asie du Sud pendant la même période.

10. Les pays de la région Asie-Pacifique s'étant engagés à atteindre les objectifs du Sommet mondial de l'alimentation et les objectifs du Millénaire pour le développement, leurs réalisations, bien que louables, restent insuffisantes. Par exemple, le nombre de personnes sous-alimentées dans la région a diminué de 61 millions pendant cette période de neuf ans, soit de 6,8 millions de personnes par an environ, ou la moitié du chiffre nécessaire (13 millions par an) pour atteindre les objectifs du Sommet mondial de l'alimentation.

Pourquoi s'intéresser aux ressources allouées à l'agriculture, dans le contexte de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté?

11. Globalement, environ 70 pour cent des populations démunies des pays en développement de la région Asie-Pacifique vivent dans des zones rurales. Ceci est particulièrement vrai des pays où prévaut la sous-alimentation. Dans ces pays, la majorité de la main d'œuvre dépend de l'agriculture, directement ou par des activités qui y sont liées, secteur qui assure une grande partie de la production économique nationale et des recettes d'exportations. En 2000, en Asie de l'Est et du Sud-Est, 62 pour cent en moyenne de la force de travail était employée dans le secteur agricole. Le chiffre correspondant pour l'Asie du Sud est de 59 pour cent (voir le tableau 1).

TABLEAU 1
L'importance de l'agriculture en Asie

 

Part de la population rurale dans la population totale

Part de la main-d'oeuvre agricole dans la main-d'oeuvre totale

Part du secteur agricole dans le PIB

 

1990

2000

1990

2000

1990

2000

 

(en pourcentage)

Pays en développement

65

60

61

55

15

14

Asie de l'Est et du Sud-Est

70

65

68

62

18

18

Asie du Sud

75

71

63

59

28

26

Source: FAO.

12. Dans les zones rurales, la plupart des pauvres tirent de l'agriculture leurs moyens de subsistance, sous forme de nourriture ou de revenus. Les ménages tirent des revenus d'activités agricoles (vente de produits agricoles ou rémunération d'un travail dans l'agriculture) et/ ou d'un emploi dans le secteur rural non agricole. Celui-ci comprend une grande variété de biens et de services, liés la plupart du temps au secteur agricole (production d'intrants, réparation d'outils agricoles et transformation de la production). De plus, les revenus issus des activités agricoles sont utilisés pour l'achat de biens produits localement, ce qui rend cette demande vitale pour la survie du secteur rural non agricole. Dans ces conditions, la croissance du secteur agricole est un élément essentiel des stratégies de réduction de la pauvreté et d'amélioration de la sécurité alimentaire. Il faut donc absolument mobiliser des ressources pour l'agriculture, de façon à augmenter la capacité de production et par là même à créer des emplois et des revenus dans les régions particulièrement démunies où frappe l'insécurité alimentaire.

13. Il est vital, pour la bonne croissance du secteur agricole, d'allouer des ressources suffisantes à des biens publics comme la recherche, la vulgarisation et les infrastructures rurales et de réaliser parallèlement des investissements dans l'infrastructure, la santé et l'éducation. La réduction des conflits, la démocratie et la bonne gouvernance, l'éducation et la santé, l'accès à une eau salubre et l'ouverture des marchés sont autant d'objectifs primordiaux pour l'aide publique au développement (APD) et la lutte contre la faim. La compréhension du développement économique et de ses liens avec le développement humain ont été grandement facilités par la publication d'études démontrant la forte rentabilité des investissements dans le capital humain. Le rôle de tels investissements est en effet à l'origine de stratégies de développement reconnues par la communauté internationale, par exemple lors du Sommet social de Copenhague de 1995, dans les orientations stratégiques pour la coopération au développement du Comité d'aide au développement (CAD) 1996 de l'OCDE, dans le Rapport sur le développement dans le monde 2000 de la Banque mondiale et dans la Déclaration du Millénaire des Nations Unies.

14. Le soutien à l'agriculture comme moyen de réduire la faim, devrait faire partie d'une stratégie multidimensionnelle appliquée par les États, les organisations régionales, les donateurs internationaux, les organismes multilatéraux de financement et le secteur privé. En outre, la lutte contre la faim et le soutien au développement agricole devraient être intégrés dans des instruments de développement coordonnés, comme le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP), le Plan cadre des Nations Unies pour l'aide au développement (PNUAD) et le Réseau du système des Nations Unies sur le développement rural et la sécurité alimentaire.

III. TENDANCES EN MATIÈRE D'INVESTISSEMENTS ET DE RESSOURCES ALLOUÉS À L'AGRICULTURE DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT DE LA RÉGION ASIE-PACIFIQUE

Investissements dans l'agriculture

15. On sait bien désormais que les investissements visant à améliorer la capacité de production de l'agriculture ne se limitent pas aux actifs physiques, mais incluent également la vulgarisation scientifique et technologique et la mise en valeur du capital social et humain. La création d'un climat favorable à l'investissement, pour augmenter les niveaux de productivité et réaliser les changements structurels nécessaires devient un défi politique majeur. L'environnement politique et institutionnel général doit en fait inciter les acteurs du secteur privé, notamment les agriculteurs, à investir.

16. Au cours des vingt dernières années, un certain nombre de gouvernements ont voulu corriger les préjugés anti-agricoles du passé en adoptant des politiques de dérégulation des marchés agricoles et de réduction des distorsions de prix et en donnant un rôle plus important aux acteurs du secteur privé dans l'activité économique. Néanmoins, de telles mesures, bien qu'indispensables, ne sont pas toujours suffisantes pour attirer des investissements aboutissant à une productivité et à une augmentation de la production durables. Pour attirer l'investissement, il convient de créer les institutions agraires requises, autrement dit de promouvoir des marchés transparents et efficaces, l'accès au financement et à la vulgarisation et des cadres réglementaires et juridiques adéquats. De façon plus générale, la stabilité politique et un cadre institutionnel bien défini et appliqué sont nécessaires pour attirer l'investissement privé. Pour assurer la croissance de l'agriculture, il faut aussi veiller à la complémentarité des investissements publics et privés, l'État investissant dans les secteurs importants pour la collectivité – recherche, vulgarisation, infrastructures (particulièrement contrôle de l'eau, routes, entreposage et mécanismes de commercialisation), enseignement et normes.

17. La FAO a créé, à partir de FAOSTAT, une vaste base de données sur le patrimoine national et l'investissement dans le secteur agricole, enrichie de données issues des comptes nationaux de pays considérés individuellement. Ces données incluent le capital social (comme la terre, l'irrigation, les tracteurs, le bétail, les plantations et les structures) de l'agriculture primaire, dans les principales régions en développement.

18. L'intensité du capital et le niveau technologique du secteur agricole variant selon les différents groupes de pays, le tableau 2 ci-dessous présente des données chronologiques sur le capital social par travailleur agricole. Or, celui-ci a très peu augmenté dans les deux ensembles sous-régionaux d'Asie.

TABLEAU 2
Capital social par travailleur agricole

Région

1975

1976-80

1981-85

1986-90

1991-95

1996-99

(en dollars constants 1995)

Asie de l'Est et du Sud-Est

1 120

1 142

1 140

1 134

1 167

1 225

Asie du Sud

1 207

1 204

1 215

1 226

1 244

1 252

Source: FAO.

Ressources allouées au développement agricole

19. Au niveau national, les ressources allouées au développement de l'agriculture et à l'amélioration de la sécurité alimentaire peuvent être publiques ou privées, internes ou externes. Dans les pays où le taux de dénutrition est élevé, il y a de fortes chances que les faibles revenus par habitant limitent l'épargne privée. Pour des raisons identiques, l'assiette fiscale, d'où l'État tire ses revenus, sera certainement faible. Par conséquent, même si certains pays peuvent générer des ressources intérieures supplémentaires en mettant sur pied des réformes fiscales, nombre de pays devront encore compter sur des ressources extérieures pour rassembler des fonds à l'appui du développement agricole. Les paragraphes suivants traitent du rôle des dépenses publiques affectées au secteur agricole ainsi que de celui du financement extérieur destiné à promouvoir le développement agricole et la sécurité alimentaire.

Dépenses publiques en faveur de l'agriculture

20. Dans la plupart des pays d'Asie, la dernière décennie, caractérisée par des réformes, la libéralisation et le passage à l'économie de marché, a vu le rôle des États dans l'économie en général, et l'agriculture en particulier, changer radicalement et, le plus souvent, s'amenuiser. Dorénavant, plutôt que de s'évertuer à remplacer ou à concurrencer l'entreprise privée, les États ont tendance à utiliser leurs ressources pour assurer les biens et services publics indispensables et créer un environnement favorable à l'initiative privée. Cependant, les dépenses publiques restent une condition sine qua non du développement économique et social. Ainsi, le secteur public doit-il toujours assurer certaines fonctions – quoique de plus en plus souvent d'une manière décentralisée et en partenariat avec le secteur privé et la société civile – comme la recherche et la vulgarisation agricoles, les services et les infrastructures publiques, les dispositifs de sécurité contre les crises passagères et enfin les programmes visant à faciliter l'ajustement de certains secteurs ou régions et à permettre des innovations qui peuvent comporter des risques, mais qui garantissent la durabilité environnementale et la sécurité alimentaire.

21. Les données chronologiques sur les dépenses publiques par secteur sont rares. Les tableaux 3 et 4 ci-dessous fournissent les données disponibles à partir d'agrégats, pour l'Asie de l'Est et du Sud-Est et pour l'Asie du Sud. Ces tableaux révèlent que la part des dépenses publiques dans l'agriculture, que ce soit par rapport aux dépenses totales ou au PIB agricole, est en diminution dans les deux ensembles sous-régionaux.

TABLEAU 3
Part des dépenses publiques consacrée à l'agriculture en pourcentage des dépenses publiques totales

Région

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

(en pourcentage)

Asie de l'Est et du Sud-Est

6.81

7.13

6.46

6.40

6.33

6.74

6.55

6.00

4.57

Asie du Sud

7.65

7.98

7.75

7.81

8.86

8.70

7.49

6.42

4.87

Source: FMI. 2000. Annuaire statistique des finances publiques 2000. Washington.

TABLEAU 4
Part des dépenses publiques consacrée à l'agriculture en pourcentage du PIB agricole

Région

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

(en pourcentage)

Asie de l'Est et du Sud-Est

12.49

10.24

9.88

10.08

9.49

11.16

11.40

12.59

6.71

Asie du Sud

8.51

9.11

11.31

12.17

12.02

14.84

9.57

5.38

4.82

Note: Les années faisant l'objet de moins de deux observations n'ont pas été prises en compte pour le calcul des moyennes.
Source: FMI. 2000. Annuaire statistique des finances publiques 2000. Washington

22. D'après les données nationales disponibles pour 13 pays de la région Asie-Pacifique, deux pays d'Asie de l'Est ont vu leur part des dépenses publiques à l'appui de l'agriculture, en pourcentage du PIB, passer de presque 1 pour cent en 1990 à 0,8 pour cent en 2000; et par rapport aux dépenses totales, de 8,4 pour cent à 3,8 pour cent pour la même période.

23. Entre 1990 et 2000, la part de l'agriculture dans les dépenses publiques totales a diminué de façon plus marquée dans quatre pays d'Asie du Sud-Est, passant de 8,4 à 3,8 pour cent, et sa part dans le PIB est passée de 1,6 à 0,8 pour cent. Dans trois pays d'Asie du Sud, la part des dépenses publiques à l'appui de l'agriculture est passée de 1,9 à 1,2 pour cent du PIB, alors que par rapport aux dépenses totales elle chutait de 9,2 à 5,2 pour cent. Enfin, dans quatre pays en développement de la région Pacifique, la part des dépenses publiques à l'appui de l'agriculture a diminué faiblement, se maintenant aux alentours de 2 pour cent du PIB, tandis que par rapport aux dépenses totales, elle passait d'environ 4,6 pour cent à 3,6 pour cent.

Ressources financières extérieures

24. Les ressources financières extérieures fournissent une part importante des ressources globales disponibles pour promouvoir le développement économique et social et la sécurité alimentaire, surtout dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier. Ces flux de ressources peuvent être d'origine publique ou privée.

25. Le flux net de ressources financières extérieures vers les pays en développement s'est accru, passant de près de 142 milliards de dollars en 1990-92 à 248 milliards en 1999. Pendant cette période, l'Asie a été la principale bénéficiaire de ces flux (respectivement 47 et 46 pour cent des flux). Simultanément, un changement radical dans la provenance de ces ressources s'est opéré. En effet, au cours de la même période, si l'aide publique au développement (le flux global net d'origine publique) a stagné à environ 85 milliards de dollars (en prix courants), les flux privés en revanche ont presque triplé, passant de 58 à 160 milliards de dollars. À ces flux s'ajoutent, à une échelle plus réduite, les crédits à l'exportation. Du fait des changements dans la composition des flux extérieurs, l'aide publique au développement ne représentait plus en 1999 que 20 pour cent des flux extérieurs totaux nets (contre 39 pour cent en 1990-92).

26. En 2000, les flux d'investissements étrangers directs (IED) mondiaux ont atteint 1,3 billion de dollars, soit 18 pour cent de plus qu'en 1999. Les pays en développement ont attiré 19 pour cent de ces flux, soit 240 milliards de dollars et une hausse de 8,2 pour cent par rapport à 1999. Cette hausse est encourageante, après la stagnation de 1998; cependant les investissements sont toujours concentrés dans un nombre limité de pays. En effet, l'augmentation des investissements étrangers directs dans les pays en développement est surtout notable dans les pays d'Asie du Sud, de l'Est et du Sud-Est, où elle a atteint 42 pour cent avec 137 milliards de dollars investis en 2000. L'augmentation a été la plus forte en Asie de l'Est, tandis que les investissements étrangers directs en Asie du Sud ont diminué de 11 pour cent en 2000.

27. Les données disponibles sur les flux de ressources extérieures dirigés vers l'agriculture sous forme de prêts accordés par des institutions financières régionales et internationales révèlent que les prêts de la Banque mondiale à l'appui de l'agriculture sont tombés de 3,656 milliards de dollars en 1990 à 1,337 milliard de dollars en 2000. Alors que les prêts à l'agriculture représentaient 18 pour cent des prêts totaux émis par la Banque mondiale en 1990, ils n'en représentaient plus que 9 pour cent en 2000. À l'exception du Fonds international de développement agricole (FIDA) dont les prêts sont destinés au secteur agricole, et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), où la proportion de crédits bénéficiant à l'agriculture varie considérablement d'une année sur l'autre, toutes les institutions financières, même la Banque asiatique de développement (BAsD), ont réduit leurs prêts au secteur agricole (voir le tableau 5).

TABLEAU 5
Prêts accordés par les principales institutions financières au secteur agricole

Année

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

(en millions de dollars courants)

Total des prêts accordés au secteur agricole

Banque mondiale /IDA1 (années fiscales)

3 656

3 707

3 894

3 267

3 868

2 752

2 063

3 541

2 637

2 763

1 337

BAsD

1 242

1 035

753

361

486

897

802

1 004

421

430

1 051

FIDA

308

276

324

336

349

392

408

398

413

433

409

Part de l'agriculture dans le total des prêts (en %)

Banque mondiale /IDA

18

16

18

14

19

12

10

19

10

10

9

BAsD

31

21

15

7

13

16

14

11

7

9

9

FIDA

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

1 Les chiffres de la Banque mondiale et de l'Association internationale de développement (IDA) s'entendent par année fiscale; en revanche, ceux des autres banques correspondent aux années civiles. Pour l'année fiscale 1998, la Banque mondiale a reclassé les chiffres utilisés.
Note: Les chiffres en gras indiquent les années pour lesquelles les crédits ont été les plus importants.
Source: Rapports annuels; pour 1998, les chiffres (autres que ceux de la Banque mondiale) sont ceux fournis par les institutions financières, à titre personnel.

IV. RESSOURCES NÉCESSAIRES POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS DU SOMMET MONDIAL DE L'ALIMENTATION

28. Les ressources nécessaires au secteur de l'alimentation et de l'agriculture dépendent des objectifs à atteindre. Les délégués au Sommet mondial de l'alimentation, ayant jugé inacceptable la réduction limitée de la faim que laissaient présager les données disponibles en 1996 se sont fixé l'objectif plus ambitieux de ramener à 400 millions le nombre de personnes sous-alimentées avant 2015.

29. La FAO a estimé le niveau d'investissement requis pour atteindre l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation. Cette estimation, effectuée avant même la tenue du Sommet, fut par la suite actualisée, puis communiquée au Comité de la sécurité alimentaire mondiale à sa vingt-cinquième session, en 1999. Ainsi, les experts de la FAO ont estimé l'investissement annuel brut total nécessaire pour que les secteurs agricoles des pays d'Asie atteignent les objectifs du Sommet à 53,3 milliards de dollars pour l'agriculture primaire et à 26,4 milliards de dollars pour l'entreposage et la transformation des produits.

30. La même étude, à partir d'estimations comparables de l'investissement réel dans l'agriculture primaire pendant la période 1986-95 montrait que les objectifs du Sommet ne pourraient être atteints si les taux annuels d'investissement n'augmentaient pas. Pour l'Asie, le manque était évalué à 12 pour cent des besoins estimés.

Investissements nécessaires pour aider temporairement les victimes de l'insécurité alimentaire

31. Pour réduire la pauvreté et l'insécurité alimentaire, il faut de toute évidence recourir à des investissements susceptibles de renforcer durablement la capacité des habitants à améliorer leurs conditions de vie. Par exemple, l'importance du secteur agricole et le problème de la pauvreté rurale ont conduit de nombreux pays à poursuivre des stratégies visant à réduire l'insécurité alimentaire chronique grâce à une hausse de la productivité des petits exploitants. Or, ces stratégies exigent que des ressources financières et des institutions efficaces soient disponibles, que les ruraux démunis aient accès à des terres productives et à des intrants bon marché et que les populations démunies non agricoles puissent traduire leurs besoins alimentaires non satisfaits en demande effective. Cependant, dans la plupart des pays à faible revenu et à déficit vivrier, la réalisation de telles stratégies est entravée par le manque de ressources intérieures et extérieures et par les faiblesses institutionnelles.

32. Une bonne nutrition, la santé et l'instruction primaire sont des conditions préalables indispensables à une croissance économique globale. Par conséquent, l'usage le plus efficace que l'on puisse faire des rares ressources disponibles pour atteindre les objectifs du Sommet mondial de l'alimentation, consiste sans doute à investir pour assurer l'accès le plus large possible aux produits alimentaires de base, à une eau salubre, aux soins de santé primaires et à l'instruction primaire. Pour créer un climat général porteur de développement, il faut donc accompagner de décisions politiques (fixant, notamment, des priorités pour l'investissement public) les interventions directes cherchant à réduire la malnutrition et à créer des conditions de vie saines. En effet, l'objectif 20/20 (20 pour cent des budgets nationaux et 20 pour cent de l'aide internationale consacrés à des objectifs sociaux), fixé lors du Sommet mondial sur le développement social, est fondé sur cette double exigence.

33. Pour combattre l'insécurité alimentaire (enjeu à la fois humanitaire et économique), cette démarche à deux pistes a été reconnue comme nécessaire par la FAO dans sa documentation technique préparée pour le Sommet mondial de l'alimentation, par la Banque mondiale dans son rapport: Développement rural, des actions concrètes, par l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) dans son rapport: Prévisions 2020 pour l'alimentation, l'agriculture et l'environnement et par le Fonds international de développement agricole (FIDA) dans son Rapport 2001 sur la pauvreté rurale. Cependant il faudra, pour concrétiser cette approche dans tous les pays à faible revenu et à déficit vivrier, mobiliser des ressources et des capacités institutionnelles bien supérieures à celles actuellement engagées dans la lutte contre l'insécurité alimentaire.

Améliorer les perspectives en matière d'investissement dans l'agriculture

34. Les importants investissements réalisés jusqu'à présent dans l'agriculture ont eu un impact appréciable. En effet, les craintes que la croissance rapide de la population mondiale (qui est passée d'environ 2,5 milliards en 1950 à 6 milliards en 2000) n'excède la capacité de l'agriculture à satisfaire les besoins de consommation ne se sont pas matérialisées. Au cours des cinquante dernières années, la Chine a multiplié par quatre sa production agricole, se substituant aux États-Unis comme premier producteur mondial , et l'Inde a triplé sa production.

Les investissements agricoles ont également eu un impact notable sur la réduction de la pauvreté. La croissance de l'offre a entraîné une baisse des prix réels, dont les populations démunies profitent. On estime que le prix du riz, par exemple, est inférieur de 40 pour cent à ce qu'il aurait été en l'absence d'investissements dans les technologies rizicoles.

35. Néanmoins, cette croissance n'a pas été uniforme et il subsiste des zones de faible performance et d'investissement sous optimisé. De nombreux pays consacrent d'importantes ressources publiques à la commercialisation des produits agricoles et à l'approvisionnement en intrants, ce qui a pour effet de fausser les investissements privés, d'inhiber le développement d'institutions de substitution et de promouvoir une utilisation non durable des ressources. L'analyse des cas patents de succès montre que des changements pragmatiques peuvent déclencher des investissements privés et la croissance économique. Au cours des années 90, les réformes mises en place en Chine, qui ont rapproché les prix publics d'achat des produits agricoles des prix mondiaux auraient joué un rôle majeur dans la réduction spectaculaire de la pauvreté rurale. De même, la libéralisation de la politique concernant l'irrigation par l'eau souterraine a conduit à la multiplication des puits tubulaires peu profonds au Bangladesh et provoqué un bond en avant de la production agricole.

36. On pourrait puiser dans la vaste expérience acquise en matière d'interventions publiques dans le domaine agricole, pour identifier les changements politiques et les interventions institutionnelles et sociales susceptibles d'induire les changements techniques et économiques utiles au secteur agricole. Dans le contexte actuel, il n'est pas seulement urgent mais possible de développer l'investissement agricole grâce aux avancées techniques, aux débouchés économiques et à l'expérience acquise en matière de politiques et de programmes publics. D'un point de vue économique, l'intégration du marché et l'élargissement du commerce, découlant de l'amélioration des transports et des infrastructures de communication, multiplient les possibilités de croissance et d'ajout de valeur, grâce au passage d'une production de subsistance à une production commerciale fondée sur des avantages comparatifs. Concernant l'aide publique à l'agriculture, un consensus se dégage sur sa nature et ses modalités, fondé sur une analyse comparative des interventions réussies, qui souligne l'importance des composantes clés que sont l'engagement communautaire, le renforcement des capacités institutionnelles et l'attention portée aux facteurs liés à la demande.

37. Techniquement, les possibilités se multiplient d'obtenir des gains supplémentaires de productivité. Dans les pays en développement, les limites techniques de l'agriculture (ou ce qu'il est techniquement possible de produire) ont été repoussées au fil des décennies grâce au travail de recherche et développement des centres de recherche agricoles nationaux et internationaux. Cependant, ces avancées technologiques n'ont pas été suffisamment diffusées au niveau des exploitations. Il faudrait donc saisir toutes ces occasions d'investir dans la diffusion de ces technologies, de façon à rentabiliser les ressources consacrées à la recherche. Par ailleurs, il faut inverser la tendance à la baisse des dépenses allouées à la recherche agricole afin que les technologies les plus récentes et les plus adaptées aux circonstances nouvelles et émergentes puissent être mises à la portée de tous.

V. MOBILISATION DE RESSOURCES INTÉRIEURES POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS DU SOMMET MONDIAL DE L'ALIMENTATION

38. Les obstacles au financement de l'agriculture et du développement rural par des ressources intérieures sont nombreux et souvent complexes. Le principal, toutefois, est le manque d'attractivité par rapport à d'autres possibilités d'investissement. Le secteur agricole doit donc nettement améliorer son image auprès des investisseurs du point de vue, notamment, de la rentabilité et de la durabilité s'il veut obtenir une plus grande part des ressources intérieures publiques et privées.

Dépenses publiques

39. Les dépenses publiques sont financées par les impôts, les emprunts intérieurs et extérieurs et les dons. Depuis la crise de la dette des années 1990, les incertitudes concernant la viabilité des emprunts à l'étranger et le remboursement de la dette limitent strictement le volume de la dette extérieur acceptable. Dans de nombreux cas, le budget du développement est largement financé par des sources externes, tandis que le budget ordinaire couvre, dans le meilleur des cas, les traitements et salaires et les dépenses de fonctionnement essentielles des gouvernements. La seule façon d'accroître les ressources intérieures pour financer les dépenses publiques est d'élargir l'assiette fiscale et d'améliorer l'efficacité du recouvrement des impôts. Malheureusement, lorsque l'agriculture est l'un des piliers de l'économie, toute tentative d'augmentation des impôts a un impact négatif sur le secteur et renforce la tendance favorable aux zones urbaines de l'équation imposition-dépenses.

40. Les décisions concernant l'allocation sectorielle des dépenses publiques sont prises par les ministres des finances et de la planification, en fonction d'impératifs politiques et des priorités des donateurs. Outre qu'il dispose des recettes fiscales intérieures, le ministère des finances affecte aussi les ressources disponibles provenant d'autres sources, dont l'aide étrangère. L'impact des dépenses publiques est d'autant plus marqué que les programmes sont plus cohérents et les dépenses potentiellement plus efficaces. À cet égard, les ministres de l'agriculture sont plutôt défavorisés par rapport à leurs homologues de la santé, de l'éducation ou des travaux publics. En effet, en matière de santé et d'éducation, par exemple, les programmes s'attaquant directement aux grandes priorités de développement peuvent inclure des objectifs dont il est possible de suivre la réalisation, alors que ces objectifs seront difficiles à définir et à évaluer dans le secteur agricole. Ces tendances se traduisent par une sous-représentation du secteur agricole dans les programmes des Documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté, et dans les allocations budgétaires correspondantes. Il s'agit donc, au niveau national, de renforcer la visibilité de l'agriculture et du développement rural, de désigner des porte-parole, afin de donner une « voix fiscale » aux ruraux démunis et de plaider en faveur de l'allocation de ressources extrabudgétaires à ce secteur.

41. Pour disposer d'une part plus importante des dépenses publiques, les ministres de l'agriculture doivent mieux planifier et mettre en œuvre leurs activités, notamment définir un ensemble de fonctions de base à l'appui de ce secteur. Les ministères doivent prendre des mesures pour créer un environnement propice à l'investissement, notamment dans les domaines de la réglementation, de la diffusion de l'information et des services comme la recherche et la vulgarisation – même si ces derniers peuvent être en grande partie confiés en sous-traitance au secteur privé, à des universités ou à des ONG.

Investissement privé

42. Les plus gros investisseurs privés du secteur agricole sont les agriculteurs eux-mêmes. La commercialisation de la petite agriculture, définie comme l'objectif ultime pour le développement de ce secteur, dépend de la rentabilité des produits cultivés. Or les petits exploitants qui veulent évoluer de la simple production vivrière à la production commerciale doivent investir dans un contexte où les marchés sont réduits et où les infrastructures institutionnelles et économiques sont rudimentaires. Cela présente souvent un risque inacceptable, au vu des maigres ressources financières dont ils disposent.

43. Quelle que soit l'ampleur des ressources mobilisées pour investir dans l'agriculture, il est indispensable de comprimer les coûts et d'améliorer l'accessibilité et la fiabilité des crédits accordés aux agriculteurs, qui sont les producteurs primaires du système. Il est également crucial de s'assurer qu'une part plus importante de ces ressources profite aux producteurs primaires (les agriculteurs), sous la forme de services de soutien à l'agriculture et de crédits à l'investissement.

44. Vu les contraintes qui pèsent sur la mobilisation des ressources publiques, tant intérieures qu'extérieures, il conviendrait d'accroître l'efficience et les performances des marchés monétaires et financiers nationaux. Plusieurs stratégies et politiques directes et indirectes peuvent être envisagées pour mobiliser l'épargne intérieure et accroître les flux financiers destinés au secteur agricole.

VI. CONTRAINTES LIÉES À LA CAPACITÉ D'ABSORPTION

45. Quel que soit le niveau des investissements publics financés par des sources extérieures et intérieures, il est indispensable d'améliorer l'efficacité de ces investissements et la capacité d'absorption des pays concernés. Le but des interventions financées par le secteur public dans le domaine agricole et rural est d'augmenter la production, la productivité ou les revenus en stimulant une activité privée complémentaire chez la population cible. En d'autres termes, le succès de l'opération dépend essentiellement de l'apparition d'une activité privée associée, tant sur le plan financier (dépenses consacrées à l'achat de nouveaux intrants ou actifs, ou à la valorisation et à la commercialisation des produits) que non financier (par exemple, temps et effort consacrés à la formation professionnelle et à la gestion des terres, de l'eau et d'autres ressources). Les performances généralement médiocres des projets agricoles tiennent en général à leur impuissance à stimuler une activité correspondante dans le secteur privé. C'est pourquoi l'étude des problèmes liés à la capacité d'absorption doit inclure l'analyse des contraintes auxquelles se heurte l'investissement privé.

Interventions du secteur public

46. Les perspectives en matière d'investissement dans l'agriculture dépendent en partie des mesures prises pour améliorer la nature et la qualité des interventions publiques et rendre l'environnement plus porteur. En augmentant la probabilité et les possibilités d'investissements privés complémentaires, ces mesures renforceraient les performances des investissements publics. Il est clair que les processus, les politiques et les structures liées aux dépenses publiques doivent être réformés en profondeur, qu'il faut renforcer les capacités des gouvernements et que les institutions donatrices doivent mettre en œuvre de nouvelles approches. Les dépenses publiques des gouvernements sont souvent concentrées sur un petit nombre de secteurs ou d'activités (irrigation, soutien des prix des produits, exportation et subventions, vulgarisation), cette orientation correspondant davantage à des tendances historiques, à des impératifs politiques ou à une solution de facilité qu'aux besoins réels du secteur. Les programmes publics ont également tendance à être interventionnistes, allant jusqu'à évincer ou supplanter les institutions commerciales et les organisations du secteur privé et de la société civile. Ainsi, la protection contre les risques du marché prend souvent la forme d'un contrôle des marchés plutôt que d'une gestion réelle des risques. De même, les gouvernements ont du mal à abandonner des services publics inefficaces, monopolistiques et dictés par l'offre. La mise en œuvre des projets financés par des sources externes est souvent inefficace, ce qui entraîne des retards et une sous-utilisation des fonds et compromet l'objectif de départ: créer un environnement porteur pour l'activité privée (par exemple, la petite production agricole). Les gouvernements ne sont cependant pas les seuls responsables; en effet, les institutions financières internationales et les institutions donatrices imposent souvent des procédures de décaissement complexes et des conditions rigides à leurs partenaires.

Créer un environnement porteur pour l'investissement

47. Un certain nombre de facteurs importants rendent l'environnement global plus ou moins porteur pour l'investissement au niveau national. On sait d'expérience que les distorsions créées par les politiques d'intervention sur le marché jouent contre les incitations à profiter des avantages comparatifs et conduisent à une mauvaise allocation des ressources. La croissance à court et à long termes peut être stimulée par des réformes visant à remplacer les interventions sur les prix par un soutien à la gestion des risques du marché, par la suppression des entraves à l'entrée et au commerce et par la lutte contre les pratiques abusives et monopolistiques grâce au renforcement des réglementations. En outre, la décentralisation, en particulier dans le domaine fiscal, permet d'améliorer le recouvrement des recettes et de mieux cibler et gérer les dépenses locales. Par ailleurs, les coûts de transport élevés liés au mauvais état des routes et des infrastructures, aux péages et aux taxes afférentes au transport en réduisant la rentabilité des investissements ont un effet dissuasif. En revanche, si l'on améliore l'intégration et la capacité d'absorption des marchés, grâce à des investissements dans les infrastructures de commercialisation et d'entreposage, à la réduction des obstacles tarifaires et non tarifaires, à des traités commerciaux et à l'intégration économique régionale, la stabilisation des prix qui s'ensuivra et l'amélioration des termes de l'échange stimuleront l'investissement. Des partenariats stratégiques entre des organisations publiques, commerciales et civiques doivent être conclus pour faciliter, par exemple, le cofinancement ou la sous-traitance du développement des infrastructures et d'autres équipements de type collectif. Il faut savoir enfin que pour créer un climat propice à l'investissement, les éléments suivants sont déterminants: régimes politiques fiables, procédures commerciales transparentes, responsabilisation des décideurs du secteur public et systèmes réglementaires équilibrés et efficaces.

48. Plusieurs interventions de soutien institutionnel peuvent être proposées, comme le renforcement des capacités, des procédures et des institutions chargées de gérer les dépenses publiques, ou l'amélioration de la conception, de la gestion et de la mise en œuvre des projets publics. Le processus d'apprentissage institutionnel pourrait aussi intégrer les expériences réussies de partenariats public-privé qui attirent des investissements complémentaires de la part du secteur privé, ou accroissent la portée, l'efficacité et la durabilité des interventions publiques grâce à une planification et à une mise en œuvre plus participatives.

VII. CONCLUSIONS

49. En dépit des engagements solennels pris lors du Sommet mondial de l'alimentation, la sous-alimentation ne diminue qu'à un rythme encore bien trop lent et il paraît peu plausible que cette tendance s'inverse. On estime aujourd'hui que, si des mesures drastiques ne sont pas prises, en 2015 le nombre de sous-alimentés sera encore de 580 millions de personnes – l'objectif de 400 millions du Sommet ne pouvant être atteint avant 2030. Lorsque cet objectif intermédiaire aura été atteint, le but final est d'éradiquer la faim dans tous les pays du monde.

50. Il faut certes agir de toute urgence sur plusieurs fronts, mais il est surtout indispensable d'accroître les flux de ressources destinées à l'agriculture, secteur d'importance vitale pour la survie des populations sous-alimentées ou victimes de l'insécurité alimentaire des pays en développement.

51. En ce qui concerne la part des dépenses publiques allouée au secteur agricole, les données disponibles montrent qu'elle reste bien inférieure à la part de l'agriculture dans la création d'emplois et de revenus. Or, 70 pour cent des personnes démunies touchées par l'insécurité alimentaire vivant dans les pays en développement dépendent directement ou indirectement de l'agriculture, de la pêche ou des forêts pour améliorer leurs modes de subsistance.

52. S'il convient d'intensifier les efforts pour améliorer le sort des populations démunies et victimes de l'insécurité alimentaire, il est désormais évident que ce n'est pas seulement pour des raisons humanitaires mais aussi pour des raisons économiques fort simples: la faim en compromettant la productivité et la santé des individus, sape aussi le potentiel de croissance des pays.

53. Les types d'intervention et les domaines spécifiques devant bénéficier de ressources supplémentaires seront fonction des besoins de chaque pays prioritaire. L'identification des domaines prioritaires pour la mobilisation de ressources reposera sur des analyses plus détaillées du potentiel et des contraintes, analyses qui seront menées selon une approche participative aux niveaux national, régional et local. Il importe, toutefois, d'assurer dans tous les pays des services de recherche et de vulgarisation agricoles qui contribueront à améliorer la productivité. De même, l'information et la régulation du marché ainsi que l'infrastructure rurale sont essentielles pour une allocation efficace des ressources et pour une meilleure compétitivité.

54. Pour permettre aux petits exploitants agricoles de relever les défis de la mondialisation, il convient de prêter une attention particulière au renforcement de la capacité des institutions rurales et d'améliorer les infrastructures rurales (routes, communications, commercialisation, transport, entreposage et transformation des produits). Des institutions agraires appropriées, comme celles qui facilitent l'octroi de crédits et le transfert de technologie, sont indispensables, tout comme l'est un cadre juridique qui protège les droits sur la terre et l'eau ou les droits d'accès. L'acteur clé capable d'assumer la composante commerciale de telles infrastructures et la gestion des activités en aval est le secteur privé, lui-même extrêmement sensible à un environnement macroéconomique porteur et aux investissements publics dans les infrastructures rurales.

55. En bref, le message est clair: en l'absence d'une volonté politique ferme d'allouer suffisamment de ressources à la lutte contre la faim, il n'y a aucun espoir d'atteindre les objectifs du Sommet. Il est indispensable d'allouer des ressources plus importantes aux secteurs alimentaire et agricole, de façon à provoquer des gains de productivité, à créer des emplois et à faciliter l'accès à l'alimentation, surtout dans les zones rurales, qui sont les plus touchées par l'insécurité alimentaire.

1 On notera que la référence communément admise pour évaluer l'insécurité alimentaire (nombre de personnes ne bénéficiant pas d'un apport énergétique alimentaire minimum) ne prend pas en compte toutes les dimensions de la dénutrition (qui peut être également causée par un mauvais état de santé) et de la malnutrition (où les carences alimentaires, surtout en micronutriments, peuvent avoir des conséquences nuisibles sur la santé). Le manque de nourriture provoque en effet des carences en éléments nutritifs et pas seulement en calories. De plus, en comparant le régime alimentaire d'adultes bien nourris et celui des adultes sous-alimentés et pas seulement en calories, on remarque que le régime de ces derniers est généralement moins diversifié, ce qui ajoute aux carences nutritionnelles des sous-alimentés.