APRC/04/5


VINGT-SEPTIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE DE LA FAO POUR L'ASIE ET LE PACIFIQUE

Beijing (Chine), 17 - 21 mai 2004

STRATÉGIE SOUS-RÉGIONALE POUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE (SOUS-RÉGION DU PACIFIQUE)

Table des matières



I. INTRODUCTION

1. La sécurité alimentaire pour tous et la réduction de moitié du nombre de personnes sous-alimentées d'ici à 2015 sont deux des objectifs fondamentaux de développement international énoncés dans la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale, adoptée en 1996 à l'occasion du Sommet mondial de l'alimentation, et réaffirmés par les dirigeants politiques du monde entier lors du Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après, tenu en 2002. La Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation jettent les bases de l'action à mener en faveur d'un même objectif: renforcer la sécurité alimentaire au niveau des ménages ainsi qu'aux échelons national, régional et mondial. Dans ce contexte, les participants au Sommet ont porté une attention particulière à la situation des petits États insulaires en développement, qui regroupent la plupart des pays insulaires du Pacifique.

2. En 2002, le Secrétariat général du Forum des îles du Pacifique (PIFS) a officiellement approuvé la Stratégie régionale pour le développement agricole et la sécurité alimentaire et le Programme régional pour la sécurité alimentaire (PRSA) dans les pays insulaires membres, qui comprennent l'ensemble des pays de la Région membres de la FAO. Ces deux documents ont été préparés par le PIFS avec le concours du bureau sous-régional de la FAO pour les îles du Pacifique. Ce dernier intervenait dans le cadre du suivi du Sommet mondial de l'alimentation, qui s'effectue par le biais des groupements régionaux. La Stratégie régionale pour le développement agricole et la sécurité alimentaire appelle l'attention sur les carences relevées dans les capacités d'élaboration de politiques et programmes de promotion de la sécurité alimentaire, tant au niveau national que régional.

3. Le PRSA tient compte des stratégies nationales pour le développement agricole et la sécurité alimentaire à l'horizon 2010 dont se sont dotés les pays de la Région. À l'origine, ces documents de base ont été préparés en prévision du Sommet mondial de l'alimentation de 1996, puis réexaminés en 2000par les pays membres, avec le concours du bureau sous-régional de la FAO. Conformément à ces stratégies nationales, le PRSA recensera dans chaque pays les différents projets nationaux susceptibles de contribuer à l'amélioration de l'alimentation et des disponibilités alimentaires dans la Région du Pacifique (entre autres objectifs énoncés à la Section III du présent document).

4. Le présent document dresse un état des lieux général de la situation agricole et alimentaire des pays insulaires océaniens afin d'éclairer le débat sur la sécurité alimentaire. Il aborde notamment les questions relatives à l'état des ressources naturelles, à la sécurité alimentaire et au commerce des produits agricoles, et revient sur l'importance des interactions entre agriculture durable et développement rural. Enfin, il examine la Stratégie régionale pour la sécurité alimentaire et les questions relatives à sa mise en œuvre dans le cadre du PRSA.

II. CONTEXTE GÉNÉRAL

A. ÉTAT GÉNÉRAL DES RESSOURCES NATURELLES

5. Les pays insulaires du Pacifique1 se distinguent par l'extraordinaire diversité de leurs écosystèmes terrestres et marins. La superficie totale des terres émergées, constituées principalement de milliers de petites îles et d'atolls éparpillés dans l'océan, est d'à peine 500 000 km2 environ. En revanche, l'espace maritime, que les pays contrôlent par le biais de leurs zones économiques exclusives (ZEE) respectives, est estimé à 17 millions km2. La taille des pays de la Région et les ressources agricoles, forestières et halieutiques dont ils disposent sont très variables. Ainsi, la Papouasie-Nouvelle-Guinée représente à elle seule près de 90 pour cent des terres émergées de la région. Les Îles Salomon, Vanuatu et les Îles Fidji sont de grands pays au relief accidenté, constitués pour l'essentiel de formations volcaniques, généralement riches en ressources naturelles biologiques et physiques. Certains pays, comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Vanuatu et les Îles Fidji, disposent d'abondantes ressources minérales. À l'inverse, les pays-atolls comme les États fédérés de Micronésie, Kiribati, Nauru, Niue, les Îles Marshall, Tuvalu et Palau, sont très pauvres en ressources naturelles. Certain de ces États isolés et de très faible superficie disposent cependant de modestes ressources minérales, en dépit de sols particulièrement pauvres. Entre ces deux extrêmes, on trouve les Îles Cook, les Tonga et le Samoa, des îles volcaniques de taille moyenne aux sols riches, mais pratiquement dépourvues de ressources minérales.

6. En dépit de leurs différences, les pays insulaires océaniens sont confrontés à des problèmes communs, qui font obstacle aux efforts déployés à l'échelle régionale pour promouvoir une croissance économique équilibrée et renforcer durablement la sécurité alimentaire. Ces difficultés, caractéristiques des petits États insulaires en développement, tiennent notamment à la petite taille des pays, à leur isolement et à leur dispersion géographique, à la fragilité de leurs écosystèmes et à leur vulnérabilité aux catastrophes naturelles, sans parler de leur forte dépendance à l'égard de facteurs économiques externes comme l'évolution de l'environnement commercial mondial.

7. Les pays insulaires océaniens sont cependant de plus en plus conscients de l'importance vitale que la protection de l'environnement présente pour le développement durable de leurs économies. Les fragiles écosystèmes du Pacifique insulaire sont aujourd'hui menacés par une multitude de phénomènes comme l'urbanisation, la surexploitation des ressources terrestres et lagonaires qui relèvent de la propriété commune, la culture des terres marginales et la déforestation, entre autres facteurs. Le défi consiste donc à trouver un juste équilibre entre la préservation et l'utilisation durable des ressources naturelles. Il convient à cette fin d'adopter des mesures efficaces de lutte contre l'érosion des sols et de préservation des ressources en eau, et de mettre en place des régimes de gestion avisée des ressources forestières et halieutiques. Il faut aussi diversifier les systèmes de production, afin de favoriser une utilisation aussi rationnelle que possible des ressources terrestres, tout en réduisant au minimum les risques qui pèsent sur l'environnement et les économies de la Région. La protection des milieux marins et côtiers, qui abritent des ressources précieuses, mais néanmoins vulnérables, indispensables à la sécurité alimentaire des populations océaniennes, revêt à cet égard une importance stratégique.

B. AGRICULTURE ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

8. La plupart des Océaniens, et dans certains cas plus de 80 pour cent de la population nationale, vivent en milieu rural et sont de ce fait fortement dépendants des ressources agricoles, forestières et halieutiques, qui leur procurent à la fois des moyens d'existence et de quoi subvenir à leurs besoins alimentaires. La contribution du secteur agricole au PIB des pays du Pacifique est comprise entre 3 pour cent (États fédérés de Micronésie) et 40 pour cent (Îles Salomon). L'agriculture (pêches et foresterie comprises) et le tourisme demeurent les principaux secteurs d'activité économique de la Région et présentent le plus fort potentiel en matière de revenus, d'emplois et de moyens d'existence.

9. Le tourisme est une source importante de devises pour nombre de pays insulaires océaniens. C'est le cas notamment des Îles Cook, des Îles Fidji, de Kiribati, des Îles Marshall, des États fédérés de Micronésie, Palau, du Samoa, des Tonga et de Vanuatu. À titre d'exemple, 426 000 touristes ont visité les Îles Fidji ces dernières années, ce qui représente des recettes en devises de 464,9 millions de dollars fidjiens (selon une publication du Ministère fidjien de l'information et des relations avec les médias parue en 2003). D'autres pays comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Îles Salomon encouragent aussi le tourisme dans l'espoir de se procurer des devises. La plupart des pays de la Région s'emploient par ailleurs à promouvoir l'écotourisme en complément des activités touristiques traditionnelles. L'écotourisme est en effet considéré comme le moyen le plus efficace de générer des revenus hors des grands centres de tourisme de masse, et d'associer plus étroitement les populations locales aux activités touristiques. Les établissements touristiques relèvent en effet de la propriété collective des communautés locales, qui peuvent ainsi accroître leurs revenus et améliorer leur sécurité alimentaire et leurs moyens d'existence. Les politiques publiques de soutien du tourisme contribuent à attirer davantage de visiteurs et ont un effet positif sur le volume des ventes de produits agricoles (fruits, légumes, poissons et produits d'élevage), qui augmente à mesure de l'accroissement de la demande. À terme, le développement futur du tourisme dans le Pacifique sera fonction de la capacité d'absorption des pays, et en particulier du développement du secteur hôtelier et de l'amélioration des structures d'hébergement et de restauration.

10. Les données relatives au revenu moyen par habitant tendent à montrer que les Océaniens ne sont pas confrontés à des problèmes particulièrement graves de pauvreté ou d'accès à la nourriture. Cela étant, les indicateurs moyens nationaux (PIB par habitant enregistré en 2000) font état de revenus faibles (880 dollars EU aux Îles Salomon) à moyens supérieurs (plus de 8 000 dollars EU à Palau). La plupart des pays de la Région entre dans la catégorie des pays à revenus moyens inférieurs et enregistrent des PIB par habitant compris entre 1 070 dollars EU (Samoa) et 2 300 dollars EU (Îles Fidji). Ces indicateurs masquent néanmoins les fortes disparités que l'on peut observer à l'échelle nationale aux plans territorial et social. En effet, le développement économique semble s'être limité aux îles-capitales des pays de la Région, au détriment des petites îles plus reculées. Les raisons de cette situation sont nombreuses: niveau de développement économique, taille de la population et migration, développement insuffisant des infrastructures (en particulier des infrastructures de commercialisation des produits agricoles), accès insuffisant aux services, notamment sanitaires et éducatifs, pénurie de ressources terrestres dans les îles les plus reculées des archipels océaniens. En outre, dans certains pays de la Région, les revenus sont répartis de manière très inégale. Ainsi, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où le PIB moyen par habitant est estimé à quelque 1 100 dollars EU, près de 80 pour cent de la population disposerait en fait d'un revenu annuel inférieur à 350 dollars EU.

11. L'apport énergétique quotidien moyen enregistré dans la région est de 2 380 kcal, soit un niveau légèrement inférieur à la moyenne relevée pour l'ensemble des pays en développement (1994-96). Ce constat encourageant tend cependant à occulter une autre réalité: celle de la malnutrition, qui touche encore de manière chronique certaines poches de population dans la plupart des pays de la Région. Les cas d'anémie et de carences en fer et en vitamine A sont fréquents. À l'échelon national, l'apport énergétique quotidien moyen est compris entre 2 050 kcal aux Îles Salomon et plus de 3 000 kcal aux Îles Fidji, ce qui révèle d'importantes disparités entre les pays.

12. L'agriculture traditionnelle est pratiquée par de petits paysans qui cultivent souvent moins de 2 hectares de terre, en utilisant le plus souvent de la main d'œuvre familiale et de très faibles quantités d'intrants. En Mélanésie, la production des cultures vivrières incombe presque exclusivement aux femmes, alors qu'en Polynésie, les hommes jouent un rôle beaucoup plus important dans les systèmes de production agricole traditionnels. Les cultures vivrières sont destinées pour l'essentiel à la consommation des ménages, et dans une moindre mesure à la commercialisation. Les plantes-racines, qui sont les principales cultures vivrières de la Région, sont généralement cultivées dans des systèmes agroforestiers avec d'autres cultures de subsistance ou de rente comme la noix de coco, le fruit de l'arbre à pain, la banane et le plantain, les fruits, les noix, les épices, les plantes médicinales et divers végétaux utilisés comme matériaux de construction ou bois de feu ou pour fabriquer des objets artisanaux. Aux Îles Fiji, les activités agricoles sont davantage axées sur le commerce, mais l'agriculture vivrière demeure importante. Les activités agricoles à grande échelle s'articulent principalement autour de la production d'huile de palme, de noix de coco, de canne à sucre, de cacao et de café et de l'élevage bovin. Les difficultés que rencontrent les producteurs tiennent le plus souvent aux facteurs suivants: pénurie de main d'œuvre, qualité médiocre du matériel végétal, par ailleurs disponible en quantités insuffisantes; absence de programmes efficaces de lutte contre les ravageurs et de suivi; pertes post-récolte importantes; mauvais état sanitaire du cheptel; coût élevé des aliments pour animaux vendus dans le commerce; et déficiences des circuits de commercialisation sur les marchés intérieurs et des systèmes d'exportation des produits agricoles.

13. En zone côtière, la pêche côtière artisanale se substitue souvent à la culture des plantes-racines. La pêche vivrière est une source de protéines essentielle dans les pays insulaires océaniens. En dépit de statistiques incomplètes, il est établi que le volume total des captures réalisées par les pêcheurs qui pratiquent la pêche vivrière est souvent plusieurs fois supérieur aux prises des flottilles commerciales. Ainsi, aux Îles Fidji, où les pêcheries thonières commerciales sont très développées, la pêche de subsistance est la principale composante du secteur halieutique. Les ressources côtières des pays de la Région sont généralement limitées et, par conséquent, très vulnérables. Or, les opérations de pêche industrielle et l'abandon de la pêche vivrière au profit de la pêche commerciale se traduisent souvent par une surexploitation des ressources côtières. En dépit de l'impact relativement mineur de l'aquaculture sur les économies nationales, les pays insulaires du Pacifique s'accordent aujourd'hui à reconnaître que l'aquaculture, et en particulier les programmes de repeuplement et d'amélioration des stocks, comptent parmi les nombreuses options envisageables dans le long terme en matière d'exploitation durable des ressources halieutiques côtières.

C. COMMERCIALISATION DES PRODUITS AGRICOLES

14. Si les modes de production agricoles utilisés dans les pays du Pacifique insulaire varient considérablement d'un cas à l'autre, du point de vue commercial, les points communs semblent l'emporter sur les différences. Les pays de la Région sont constitués pour la plupart de petites îles et sont relativement peu peuplés. En d'autres termes, les problèmes liés au transport maritime sont d'autant plus complexes que les quantités de produits que les petites communautés insulaires ont à vendre ou qu'elles ont les moyens d'acheter sont limitées. À titre d'exemple, certaines petites îles reculées des Îles Salomon et des Îles Cook ne sont desservies par bateau qu'une fois par mois, dans le meilleur des cas. De toute évidence, cette situation n'est pas sans incidence sur les types de cultures que les communautés insulaires peuvent produire à des fins commerciales. Les îles plus vastes et plus peuplées ne sont pas épargnées par les problèmes de transport que connaît la Région. Ainsi, les produits frais cultivés dans les hauts plateaux de Papouasie-Nouvelle-Guinée doivent généralement être acheminés jusqu'au port de Lae, puis transportés par bateau jusqu'à la capitale, Port Moresby. En effet, il n'y a pas de route entre la région des hauts plateaux et la capitale, et le coût du fret aérien est particulièrement élevé.

15. Les produits locaux (plantes-racines, fruits, légumes, produits de la pêche) sont le plus souvent vendus frais sur les marchés intérieurs. La mise au point de technologies adaptées de traitement et de stockage revêt par conséquent une importance majeure. En règle générale, les agriculteurs, les agents des services de vulgarisation, les négociants et les détaillants qui opèrent sur les marchés locaux connaissent mal les règles applicables à la manutention post-récolte ou post-capture, au conditionnement, au transport et au stockage des produits frais destinés au commerce. Il conviendrait par conséquent de promouvoir, notamment auprès des négociants, l'utilisation de méthodes peu coûteuses de manutention et de stockage des produits frais, faisant appel, de préférence, à des ressources locales, afin de réduire les pertes liées au transport et au stockage. S'agissant des produits destinés à l'exportation, les filières post-récolte et post-capture sont généralement mieux organisées: le plus souvent, les exportateurs conditionnent eux-mêmes les produits; à défaut, ils se chargent de fournir les matériaux de conditionnement de leur choix et supervisent les opérations de conditionnement et de contrôle de la qualité. Ils assurent également le transport des produits depuis les ateliers de conditionnement jusqu'au quai. Le principal problème tient apparemment à la conformité des produits frais destinés à l'exportation aux normes relatives à la qualité et à la sécurité sanitaire des aliments.

16. Le secteur des exportations, qui constitue une source primordiale de revenus pour la plupart des pays insulaires océaniens, s'organise autour d'une gamme assez réduite de produits agricoles de base, destinés dans leur grande majorité à des marchés spécialisés. Les cultures arboricoles, le sucre, les fruits et légumes, le bois d'œuvre et les produits de la mer constituent l'essentiel des exportations de la Région. L'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, les États-Unis et l'Europe comptent parmi les principaux partenaires commerciaux des pays insulaires océaniens. Le commerce inter-îles est peu développé, dans la mesure où les pays proposent pratiquement tous les mêmes produits. En outre, le renforcement des liens commerciaux entre petits pays suppose nécessairement des pertes d'échelle. Les exportations sont donc vulnérables aux perturbations externes qui pourraient découler, entre autres exemples, d'une récession dans les pays partenaires, de l'effet des conditions météorologiques sur les marchandises destinées à l'exportation, ou encore de la forte concurrence de pays de plus grande taille dans lesquels les coûts de production sont moins élevés, et qui bénéficient de ce fait d'un avantage comparatif plus important.

17. Les Îles Fidji, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Îles Salomon sont membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Le Samoa, les Tonga et Vanuatu ont pour leur part déposé une demande d'admission. Les règles établies à ce jour dans le cadre de l'OMC ont une incidence directe sur les politiques nationales relatives au commerce des produits agricoles.

18. Les produits agricoles représentent plus de la moitié du volume total des exportations de la plupart des pays de la Région. Ces derniers importent en contrepartie de grosses quantités de produits non alimentaires importants (machines, biens d'équipement, produits pétroliers). En conséquence, à trois exceptions près (Nauru, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Îles Salomon), les pays insulaires du Pacifique enregistrent tous des balances commerciales fortement négatives. Les échanges de produits agricoles s'effectuent dans le cadre d'accords commerciaux divers qui viennent s'ajouter à l'Accord d'Uruguay sur l'agriculture. À l'échelon régional, les pays bénéficient d'un accès préférentiel aux marchés australien et néo-zélandais, conformément à l'Accord de coopération commerciale et économique pour la région du Pacifique Sud (SPARTECA). L'entrée des produits agricoles sur les marchés européens est régie par la Convention de Lomé/l'Accord de Cotonou et par le Système généralisé de préférences (SGP). Les exportations agricoles destinées au Japon et aux États-Unis sont également régulées par les SGP en place dans ces deux pays. Dans tous les cas de figure, les produits agricoles en provenance du Pacifique sont importés en franchise de droits ou bénéficient de tarifs préférentiels. À mesure que les pays importateurs révisent à la baisse la plupart des tarifs douaniers applicables à la nation la plus favorisée, la marge de préférence tend à diminuer. Dans le même temps, les pays insulaires océaniens ont adopté des mesures tarifaires et mis en place divers mécanismes afin de protéger leurs marchés.

19. Les gouvernements de la Région, soucieux d'améliorer la qualité de leurs produits et de tirer parti de certains marchés spécialisés, sont conscients de la nécessité de diversifier la gamme de leurs exportations, qui se limite le plus souvent aux produits agricoles traditionnels. Parmi les créneaux potentiels, on peut citer, entre autres, les cultures horticoles, les fruits frais et transformés, les plantes-racines, les épices et les plantes aromatiques, les variétés locales de fruits à coque, les fleurs, les produits dérivés de la noix de coco autres que le coprah, les produits biologiques certifiés et le poisson frais.

20. La qualité et la sécurité sanitaire des aliments demeurent au cœur des préoccupations des États insulaires du Pacifique en matière de sécurité alimentaire. En effet, pour mettre à profit la libéralisation du commerce des produits agricoles, les pays de la Région doivent satisfaire aux normes internationales relatives à la qualité et à la sécurité sanitaire des aliments, et notamment: renforcer leurs systèmes nationaux de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments; harmoniser les réglementations nationales relatives à la sécurité des aliments; et participer activement aux travaux de la Commission du Codex Alimentarius créée par la FAO et l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Si les législations nationales sur les produits alimentaires sont plus ou moins avancées selon les pays, les normes et réglementations alimentaires en vigueur dans la Région sont en revanche globalement très insuffisantes.

D. AGRICULTURE ET DÉVELOPPEMENT RURAL DURABLES

21. Comme dans nombre de petits États insulaires en développement, les populations des pays insulaires du Pacifique vivent dans leur grande majorité en milieu rural et sont fortement dépendantes de l'agriculture, de la foresterie et de la pêche, qui leur procurent à la fois des moyens d'existence et de quoi subvenir à leurs besoins alimentaires. Les pays de la Région sont confrontés de manière croissante aux difficultés qu'engendrent la mondialisation des échanges, les problèmes sanitaires liés à l'alimentation et leur dépendance à l'égard des importations. Pour faire face à cette situation, ils ont entrepris de diversifier leurs systèmes de production agricole. Les efforts qu'ils ont engagés en ce sens, avec l'appui de la communauté des donateurs et la FAO, ont pour but de: renforcer et améliorer les systèmes de production traditionnels; susciter un regain d'intérêt pour les cultures vivrières traditionnelles; élaborer des stratégies de gestion intégrée de la production et des ravageurs; préserver et gérer les ressources naturelles.

22. Pourtant, force est de constater que les efforts de développement sont généralement entrepris sans qu'aucune évaluation des relations et interactions complexes entre agriculture, développement rural et environnement n'ait été réalisée au préalable. À titre d'exemple, les activités de préservation de l'environnement (et de la biodiversité) sont axées le plus souvent sur la création de zones protégées et de réserves naturelles. En fait, il s'agit principalement de transformer en réserves des forêts, des zones de maquis, des récifs coralliens et des écosystèmes encore intacts, plutôt que de remettre en état des zones dégradées. Durant des décennies, les périmètres protégés et réserves naturelles du Pacifique ont fourni aux communautés rurales de quoi subvenir à leurs besoins (produits alimentaires, bois de feu, matières premières, etc.), et leur fermeture a contribué dans bon nombre de cas à la baisse de la production et de la productivité vivrières, aggravant de ce fait l'insécurité alimentaire en milieu rural.

23. L'Assemblée générale des Nations Unies, dans sa Résolution A/57/262, a approuvé la tenue d'une conférence internationale sur les petits États insulaires en développement, qui aura lieu à l'île Maurice du 30 août au 3 septembre 2004. Cette manifestation sera l'occasion de dresser un bilan complet de la mise en œuvre du Programme d'action de la Barbade pour le développement durable des petits États insulaires en développement, adopté en 1994. Trois réunions préparatoires sous-régionales ont été organisées en 2003 en prévision de la conférence de 2004. Par ailleurs, une réunion interrégionale et une réunion préparatoire se tiendront respectivement aux Bahamas et à New York au début de 2004.

24. Les délégués des pays insulaires océaniens qui ont pris part à la réunion régionale préparatoire organisée en août 2003 ont estimé que la position régionale défendue dans le projet d'évaluation régionale devait s'inscrire dans le droit fil de l'objectif énoncé dans la communication régionale présentée à l'occasion du Sommet mondial sur le développement durable, à savoir: «parvenir au développement durable et mesurable de la Région du Pacifique, afin d'améliorer la qualité de vie de l'ensemble de la population». Le but était alors de faire en sorte que les efforts de développement durable menés dans le Pacifique tiennent compte de la dimension à la fois humaine, maritime et insulaire du contexte régional. Cela étant, on s'accorde aujourd'hui à reconnaître que le Programme d'action de la Barbade n'accorde pas au secteur agricole toute l'importance qu'il mérite. De plus, lors de ces réunions préparatoires, les petits États insulaires en développement sont représentés principalement par des organismes nationaux à vocation environnementale. En conséquence, il est peu probable que la conférence de l'île Maurice traite de manière adéquate du rôle de l'agriculture dans le développement durable des pays insulaires océaniens (et des autres petits États insulaires en développement). Il faudrait pour cela que les pays réussissent à intégrer le secteur agricole à leurs programmes de développement durable respectifs.

25. En règle générale, l'impact de l'agriculture sur les biens publics n'est pas pleinement pris en compte dans l'élaboration des programmes de développement rural durable, ni du reste dans l'évaluation des coûts et avantages des programmes de développement agricole en milieu rural. Si l'agriculture peut apporter une contribution notable à la création de biens publics (préservation de la biodiversité agricole, atténuation des effets du changement climatique, protection des bassins hydrographiques, lutte contre les inondations, sécurité alimentaire, entre autres exemples), elle peut aussi être partiellement responsable d'effets externes négatifs comme l'appauvrissement des éléments nutritifs du sol, l'augmentation de la fréquence des inondations en aval des cours d'eau et la disparition des forêts naturelles et des zones humides. Tant que les projets de développement n'auront pas d'effets nets globalement positifs, il est peu probable que les efforts mis en œuvre aboutissent dans le long terme au développement durable du secteur agricole.

26. Il est difficile de formuler des indicateurs permettant de mesurer avec précision la contribution de l'agriculture à la création de biens publics. On considère néanmoins que les activités de remise en état des terres dégradées, l'adoption de méthodes d'agriculture de conservation (agriculture biologique, utilisation d'engrais biologiques, gestion intégrée de la production et des ravageurs) et l'amélioration des connaissances des agriculteurs contribuent de manière positive à la création de biens publics. Ces activités cadrent par ailleurs avec les objectifs des stratégies régionales pour le développement agricole et la sécurité alimentaire dans les pays insulaires du Pacifique.

III. STRATÉGIE RÉGIONALE POUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

27. La stratégie régionale pour la sécurité alimentaire dans les pays insulaires du Pacifique définit un certain nombre de principes applicables au processus de programmation des activités et préconise notamment le recensement des priorités nationales, la définition des priorités régionales sur la base des priorités nationales, la prise en compte par les donateurs de ces priorités régionales, le classement, dans l'ordre des priorités, des besoins régionaux et la formulation de propositions de projets et de programmes conformes aux grands axes d'intervention approuvés par les pays de la région. Les principales stratégies envisagées sont axées sur: l'intensification et la diversification des systèmes de production agricoles; l'agriculture durable; et l'adaptation des politiques agricoles aux changements intervenus dans le domaine du commerce mondial, tant au plan régional que national. Ces stratégies s'inscrivent dans le droit fil du Cadre stratégique que la FAO a défini en vue de répondre aux besoins des pays membres dans les domaines suivants: lutte contre l'insécurité alimentaire et la pauvreté en milieu rural; mise en place de dispositifs réglementaires favorables dans les domaines de l'alimentation, de l'agriculture, des pêches et de la foresterie; accroissement durable des approvisionnements et des disponibilités en produits agricoles et forestiers et en produits de la pêche; préservation et utilisation durable des ressources naturelles; amélioration des connaissances relatives à l'alimentation, à l'agriculture, à la pêche et à la foresterie.

28. Dans le court à moyen terme, la stratégie régionale pour la sécurité alimentaire vise à accélérer durablement la croissance de la productivité agricole et à renforcer la compétitivité du secteur de l'alimentation et de l'agriculture, tout en préservant l'environnement et en améliorant l'état des ressources naturelles. Elle doit permettre à terme d'améliorer la sécurité alimentaire et de faire reculer la pauvreté, dans le cadre d'efforts de grande envergure et selon des principes respectueux de l'égalité entre les sexes.

IV. PROGRAMME RÉGIONAL POUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE (PRSA)

29. Le PRSA a pour objectif global de renforcer la sécurité alimentaire aux échelons national et régional, ainsi qu'au niveau des communautés et des ménages. Il contribuera à améliorer durablement l'accès des populations océaniennes dans leur ensemble, et à tout moment, aux aliments dont elles ont besoin pour mener une vie saine et active, en favorisant l'accroissement de la productivité et de la production vivrières et en dynamisant le commerce des denrées alimentaires. Il s'agit donc d'un programme de très vaste portée, axé à la fois sur l'intensification et la diversification des systèmes de production agricole, le développement durable de l'agriculture, le soutien aux politiques et investissements agricoles et l'adaptation à l'évolution de l'environnement commercial mondial.

30. Le programme s'articule à cette fin autour de deux composantes connexes, élaborées à la lumière du cadre stratégique régional de développement et des priorités agricoles régionales définis par le Forum des îles du Pacifique. Ces deux composantes se présentent comme suit:

Composante 1: renforcement de la production vivrière et de la sécurité alimentaire. Cette composante vise à promouvoir les investissements en vue d'activités axées sur la production (offre). Il s'agira de financer des actions de proximité, entreprises à titre pilote dans l'ensemble des pays participants, conformément aux grandes priorités sous-sectorielles définies dans les domaines de l'agriculture, de la foresterie et des pêches. L'accent sera mis sur la recherche appliquée et la mise au point de technologies adaptées à l'agriculture à petite échelle, et sur l'élaboration d'approches participatives des problèmes liés à la production.
À l'échelon national, des sous-projets relevant du Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA), dont la FAO appuie l'exécution, seront mis en œuvre dans le but d'encourager, lorsque le contexte s'y prête, le développement de l'irrigation à petite échelle, et de promouvoir l'amélioration des pratiques culturales et la diversification des systèmes de production agricole, en particulier l'élevage de petits animaux. L'amélioration des infrastructures commerciales, et notamment le renforcement des systèmes de contrôle sanitaire, de contrôle de la qualité et d'inspection, se verront également accorder une attention particulière.
Composante 2: amélioration du commerce des produits agricoles et des politiques agricoles. Cette composante a pour objectif de favoriser la mise en œuvre dans les pays insulaires du Pacifique de politiques commerciales ouvertes et concurrentielles, et de promouvoir par ce biais l'utilisation de systèmes de production performants, mettant à profit les atouts particuliers dont disposent les pays. Les activités stratégiques prévues à ce titre sont axées sur le renforcement des capacités institutionnelles de facilitation des échanges, notamment en ce qui concerne l'élaboration de normes sanitaires et phytosanitaires applicables aux exportations agricoles. Elles porteront notamment sur: i) les normes relatives à la qualité et à la sécurité sanitaire des aliments; ii) la promotion du commerce intrarégional des produits agricoles; iii) la mise en œuvre de programmes de valorisation des produits agricoles de base; iv) les mesures transitoires à prendre pour faire face à la libéralisation des échanges; v) l'aide à apporter aux pays de la Région en matière de renforcement des capacités pour leur permettre de participer plus activement aux négociations commerciales multilatérales.

V. CONCLUSIONS

31. La stratégie régionale pour la sécurité alimentaire dans les pays insulaires du Pacifique tient compte des relations complexes entre agriculture et environnement et du lien entre insécurité alimentaire et pauvreté en milieu rural. Elle a pour objet d'accélérer durablement la croissance de la productivité agricole et d'accroître la compétitivité du secteur de l'alimentation et de l'agriculture, tout en préservant l'environnement et en améliorant l'état des ressources naturelles. Le Programme régional pour la sécurité alimentaire (PRSA) dans les pays insulaires du Pacifique, qui a pour objectif global de renforcer la sécurité alimentaire aux échelons national et régional, ainsi qu'au niveau des communautés et des ménages, devrait contribuer à améliorer l'accès des populations océaniennes aux aliments dont elles ont besoin pour mener une vie saine et active, en favorisant l'accroissement de la productivité et de la production vivrière et en dynamisant le commerce des produits alimentaires.

32. L'intégration de l'agriculture aux programmes de développement durable des pays insulaires du Pacifique est indispensable au succès des efforts visant le développement rural durable et le renforcement de la sécurité alimentaire, tant au niveau régional que national. Il convient par ailleurs de porter une attention particulière aux activités à mettre en œuvre pour sensibiliser la population à l'importance de l'agriculture en matière de création de biens publics. Ces efforts contribueront à la mise en place d'un cadre d'intervention favorable, qui permettra de s'attaquer efficacement aux problèmes liés au développement rural et à l'environnement, de renforcer la volonté politique des pays de la Région et d'accroître les financements destinés au développement agricole et à la protection de l'environnement.

33. La FAO, par l'entremise de son bureau sous-régional pour les îles du Pacifique, devrait être en mesure de fournir un appui stratégique aux pays de la Région, en vue de la mise en œuvre de leurs stratégies nationales pour la sécurité alimentaire. Elle s'emploiera notamment à:

34. En résumé, la Conférence souhaitera éventuellement adopter les recommandations suivantes:

  1. Agriculture, sécurité alimentaire et PRSA – Pour aider les pays membres et le Secrétariat général du Forum des îles du Pacifique à renforcer les politiques sectorielles axées sur le développement durable de l'agriculture, de l'élevage, de la foresterie et des pêches et sur le développement rural et à se doter de stratégies nationales et de programmes d'investissement en faveur de la sécurité alimentaire, la Conférence jugera peut-être utile de recommander que la communauté des donateurs renforce son soutien financier en faveur du développement agricole de la Région et que la FAO continue de promouvoir la Coopération Sud-Sud dans le cadre des programmes régionaux pour la sécurité alimentaire.
  2. Commercialisation des produits agricoles – La Conférence voudra éventuellement recommander que la FAO et les autres donateurs: renforcent leur assistance technique aux fins de la mise en place de systèmes de commercialisation des produits agricoles et d'information agricole et de la mobilisation de financements en faveur de programmes d'investissement à plus long terme axés sur le développement des infrastructures commerciales; interviennent à l'appui du renforcement des systèmes d'information commerciales et des bases de données agricoles; et œuvrent au renforcement des capacités nécessaires à l'élimination des obstacles à l'accès aux marchés, notamment en ce qui concerne l'OMC, les normes sanitaires et phytosanitaires et les accords sur les obstacles techniques au commerce.
  3. Agriculture et développement rural durable – La Conférence pourrait par ailleurs recommander que les organisations internationales comme la FAO et la communauté des donateurs: fournissent un soutien technique à l'appui du développement agricole écologiquement durable, dans le cadre de politiques et de plans d'action nationaux reposant sur des approches intégrées et participatives de la protection de l'environnement et de la préservation des ressources et de la biodiversité; s'emploient à promouvoir l'élaboration de politiques de sensibilisation à l'environnement; appuient les actions de préservation, de gestion et de valorisation des ressources halieutiques et aquacoles; et encouragent l'adoption de stratégies de développement de l'agroforesterie.

1 Les Pays insulaires du Pacifique membres du Secrétariat général du Forum des Îles du Pacifique entrant dans la catégorie des pays en développement sont: les Îles Cook, les États fédérés de Micronésie, les Îles Fidji, Kiribati, les Îles Marshall, Nauru, Nioué, Palaos, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Samoa, les Îles Salomon, les Tonga, Tuvalu et Vanuatu.