APRC/04/2


VINGT-SEPTIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE DE LA FAO POUR L’ASIE ET LE PACIFIQUE

Beijing, Chine, 17 - 21 mai 2004

RIZICULTURE ET DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL DURABLE EN ASIE ET DANS LE PACIFIQUE

Table des matières



I. INTRODUCTION

1. Le riz (Oryza sativa) est cultivé dans 26 des 43 pays membres d’Asie et du Pacifique, occupant un cinquième des terres arables et sous culture permanente de la région. La riziculture fournit un emploi à temps partiel à quelque 300 millions d’hommes, de femmes et d’enfants. En tant qu’aliment de base, il représente le tiers des protéines et de la disponibilité énergétique alimentaire totale de la moitié de la population mondiale.

2. Les recherches archéologiques menées dans la région ont retrouvé en République de Corée des traces de culture du riz de 15 000 ans d’âge. Au cours des siècles, une riziculture écologiquement rationnelle, conduite sur des terres fertiles et riches en eau, a durablement assuré la subsistance, voire l’aisance, et la sécurité alimentaire des populations.

3. Toutefois, les pressions démographiques ont poussé à l’augmentation des rendements, à l’exploitation intensive des ressources naturelles et à une pollution accrue, donnant ainsi naissance à un cercle vicieux de pauvreté et de dégradation environnementale dans une grande partie du secteur.

4. La détérioration de certaines terres rizicoles pourrait s’aggraver avec les changements climatiques qui s’annoncent. Dans l’intervalle, les producteurs de riz à prix de revient élevé se retrouvent mis à mal par la libéralisation du commerce agricole.

5. Les dotations en terre, les infrastructures et la disponibilité de services de soutien déterminent laquelle de l’aisance ou de la pauvreté prévaudra. Les inégalités se creusent. Les perspectives d’emploi et de création de revenus sont limitées pour des millions de ménages défavorisés qui cultivent le riz. En tant qu’aliment de base et mode de subsistance, le riz occupe donc une place de choix dans les scénarios de développement agricole et rural durable en Asie. C’est pourquoi la cinquante-septième Assemblée générale des Nations Unies a proclamé l’année 2004 comme Année internationale du riz, avec pour thème « Le riz, c’est la vie », et a invité la FAO à favoriser la mise en oeuvre d’activités en la matière.

6. Les politiques rizicoles ont atteint un tournant du fait de la diversité agroécologique accrue et du fossé croissant qui caractérisent les revenus rizicoles. Pour assurer la sécurité alimentaire, les pays en développement doivent-ils rechercher une expansion aveugle et coûteuse de la production, comme ils l’ont fait jusqu’ici ? Ou doivent-ils plutôt s’employer à restructurer le secteur rizicole pour assurer la pérennité de la production dans de bonnes conditions de rentabilité ? Il y a une pénurie générale de ressources pour le développement. Retenir les modes traditionnels d’intervention aurait sans doute pour effet d’apporter une aide superficielle et vaine aux riziculteurs marginaux et de perpétuer ainsi un mode d’existence marqué par la pauvreté. À court terme, l’autre solution pourrait toutefois exacerber l’insécurité alimentaire des groupes vulnérables qui seront les premiers à subir les contrecoups d’un processus de restructuration.

7. C’est pourquoi en dépit de son attrait et de ses avantages comparatifs et compétitifs, une réaffectation globale et soudaine des ressources dans le secteur rizicole n’est pas envisageable pour des raisons sociales et économiques. La plupart des pays en développement rechercheront probablement une voie médiane. Ils tenteront de stimuler la production au maximum pour optimiser la contribution du secteur au développement agricole et rural durable et atténuer la pauvreté à court terme. Ils jetteront simultanément les bases de la restructuration à long terme du secteur. Leur mode spécifique d’intervention sera dicté par la dynamique de la croissance démographique, de la sécurité alimentaire et des politiques propres à chaque pays. On constate en fait déjà que plusieurs pays s’acheminent dans cette voie.

8. Dans le but d’étayer la formulation des politiques, ce document i) met en évidence les grandes tendances de l’économie rizicole; ii) identifie les aspects critiques de l’évolution des systèmes de subsistance basés sur le riz; et iii) propose différents moyens et démarches visant à optimiser la contribution de la riziculture au développement agricole et rural durable et à préparer la voie de la restructuration. Il cherche à tirer les leçons de l’expérience en retraçant l’évolution de la riziculture sur quatre décennies afin d’aider les pays à s’engager dans la bonne voie.

9. Le document traite des systèmes de subsistance fondés sur le riz dans la région. À cette échelle, l’analyse entreprise met en lumière des questions et des constatations qui concernent le secteur rizicole dans son ensemble et s’appliquent à tous les pays, à toutes les zones agroécologiques et à tous les régimes d’approvisionnement en eau. En d’autres termes, la discussion ne porte que sur des aspects macropolitiques que les pays souhaiteront peut-être examiner. Le document est toutefois axé sur les systèmes de subsistance basés sur la riziculture pluviale où se situent la plupart des problèmes de développement agricole et rural durable.

II. LES GRANDES TENDANCES DE L’ÉCONOMIE RIZICOLE

10. L’Asie et le Pacifique représentent 91 pour cent de la production mondiale de paddy. Les neuf pour cent restants sont également répartis entre l’Afrique, l’Amérique du Sud et les autres régions du monde. Cette prédominance de la région signifie que les tendances à l’œuvre en Asie seront totalement déterminantes pour le scénario mondial futur.

11. Du côté de l’offre, la région a produit en moyenne 538 millions de tonnes de paddy durant la période 2000-02. Au cours des 40 dernières années, la production a augmenté plus rapidement que la population, dans des proportions respectives de 2,4 pour cent contre 1,9 pour cent l’an, soit une amélioration par habitant de 0,5 pour cent. Toutefois, les taux de croissance annuels de la production ont régulièrement baissé sur les quatre décennies, passant de 2,9 pour cent dans les années 60 à 1,3 pour cent dans les années 90.

12. Environ 80 pour cent des gains de production proviennent de l’amélioration des rendements et non d’une augmentation des superficies cultivées. L’amélioration des rendements se situe à une moyenne annuelle de 2,0 pour cent sur les 40 ans passés, avec une moyenne triennale de 4,0 tonnes à l’hectare en 2000/02. Les hausses de rendement ont elles aussi été plus rapides dans les premières décennies – diminuant respectivement de 1,9 et 2,3 pour cent l’an dans les années 60 et 70, et de 1,5 et 1,0 pour cent dans les deux décennies suivantes.

13. En revanche, l’expansion des superficies vouées à la riziculture dans la région s’établissait à une moyenne annuelle de seulement 0,4 pour cent dans les 40 dernières années et représentait 135 millions d’hectares en 2000/02. Suite à l’apparition des doubles campagnes due à l’expansion de l’irrigation et au déploiement des variétés à haut rendement dans les années 60 et le début des années 70, la croissance des superficies cultivées est restée marginale au cours des décennies suivantes. Les taux de croissance annuelle sont tombés de 1,0 pour cent dans les années 60, à 0,3 pour cent dans les années 90.

14. S’agissant du commerce du riz, les importations de riz usiné de la région Asie-Pacifique ont augmenté de manière irrégulière de 1,6 pour cent l’an durant les quatre dernières décennies, pour atteindre 11,7 millions de tonnes en 1999/2001. La croissance la plus rapide a été enregistrée dans les années 90, notamment pendant la seconde partie de la décennie, en raison de la sécheresse prolongée qui a sévi dans les pays importateurs, de la libéralisation des échanges et de la chute des prix.

15. La croissance annuelle des exportations s’est accrue à un taux plus rapide de 3,6 pour cent durant les quarante dernières années et représentait en moyenne 18 millions de tonnes en 1999/2001. Une poussée des exportations a également été enregistrée dans les années 90 marquées par une intensification des expéditions des exportateurs traditionnels – notamment la Chine, la Thaïlande, le Pakistan et le Myanmar – l’apparition de nouveaux exportateurs comme le Vietnam et l’Inde, et une forte augmentation des envois de riz du Japon et de République de Corée au titre de l’aide alimentaire. Au cours de cette décennie, la croissance des exportations dans la région a atteint un taux explosif de 7,3 pour cent l’an.

16. La région Asie-Pacifique, traditionnellement caractérisée par son autosuffisance (et d’occasionnels excédents de production), est ainsi devenue un exportateur net en 1976. Les exportations nettes de la région ont augmenté de façon irrégulière et presque doublé dans les dix ans écoulés de 1999 à 2001, passant de 3,6 à 6,5 millions de tonnes.

17. Dans le même temps, les prix nominaux du riz ont dégringolé. Dans les douze ans précédant la période 2000/03, le prix annuel moyen du populaire riz thaïlandais 100 pour cent deuxième qualité (f.o.b. Bangkok) a régulièrement chuté au taux annuel de 3,5 pour cent pour s’établir à 192 dollars EU la tonne. L’érosion des prix s’est principalement fait sentir dans la seconde moitié des années 90 où elle a coïncidé avec la poussée des exportations de la région. La compétition farouche qui s’est alors instaurée, notamment pour les qualités moyennes à inférieures, est à l’origine du fléchissement des prix qui a incité cinq pays exportateurs de la région à créer un groupe de négociation pour tenter de réduire la sous-enchère. La concurrence croissante entre les exportateurs traditionnels, occasionnels et nouveaux venus permettra peut-être de fixer un cours plafond dans un avenir prévisible.

18. Du côté de la demande, 90 pour cent de l’offre intérieure cumulée de la région, soit 346 millions de tonnes en 1999/2001, ont été absorbés par la consommation alimentaire, 2,0 pour cent par les fourrages, 1,0 pour cent par l’agroalimentaire, le reste concernant les semences et les déchets.

19. La consommation alimentaire de riz dans la région s’est accrue plus rapidement que la population, au taux annuel de 2,4 pour cent contre 1,9 pour cent respectivement dans les 40 dernières années, soit une augmentation annuelle par habitant d’un demi point de pourcentage. S’agissant de la consommation alimentaire, les progrès ont été plus rapides dans les premières décennies, avec une chute des taux de croissance annuels qui sont passés de plus de 3,4 dans les années 60, à 1,1 pour cent dans les années 90. Cette diminution peut s’expliquer par un moindre écart des disponibilités énergétiques alimentaires par habitant et par la diversification de l’alimentation. Dans un avenir prévisible, l’élasticité des prix face à la demande de riz sera peut-être positive, mais dans une faible mesure.

20. Partie de quasiment rien, l’utilisation du riz dans l’agroalimentaire (pour la transformation en denrées telles que le sucre, l’huile et les boissons alcoolisées) a augmenté au taux annuel de 2,3 pour cent en quatre décennies, pour atteindre 2,3 millions de tonnes. Ce chiffre représente moins d’un pour cent de l’offre totale. Toutefois, ces statistiques ne tiennent pas compte du riz utilisé pour la fabrication de préparations alimentaires comme les nouilles, les confiseries, les céréales de petit déjeuner, les aliments pour bébé, l’amidon et autres. La transformation peut apporter une valeur ajoutée.

21. Les extrapolations de la FAO indiquent que dans une avenir prévisible, la production rizicole de la région Asie-Pacifique devrait s’accroître de 0,9 pour cent l’an pour arriver à 398 millions de tonnes d’équivalent riz usiné dans la période 1998-2010. L’augmentation sera presque totalement due à l’amélioration des rendements plutôt qu’à l’expansion des superficies cultivées. Toutefois, comme ça a été le cas au cours des quatre décennies passées, l’amélioration des rendements va poursuivre son ralentissement, d’où des prévisions prudentes situant la production de paddy à 4,3 tonnes à l’hectare en 2010.

22. Selon les prévisions, l’utilisation de riz à moyen terme dans la région devrait augmenter à un rythme annuel légèrement plus lent que la croissance démographique, à savoir 0,9 contre 1,1 pour cent durant les dix précédentes années. À ce niveau, la consommation de riz à des fins principalement alimentaires devrait passer à 386 millions de tonnes en 2010.

23. Par rapport à cette tendance générale de l’utilisation, la consommation alimentaire de riz par habitant devrait chuter, dans la région, de 92 à 89,2 kg par personne au cours de la période 1998-2010. Ces chiffres sont à comparer à la légère baisse de 59,9 à 59,1 kg par personne pour le monde entier. Ils mettent en outre en évidence une tendance à la baisse en Asie de l’Est et du Sud-Est et une augmentation de la consommation en Asie du Sud, au Proche-Orient et dans le reste du monde.

24. Le commerce international du riz sera à l’avenir dicté par trois facteurs: l’étroitesse du marché rizicole mondial, la diversité des préférences des consommateurs et le rôle crucial du riz pour la sécurité alimentaire. En effet, le commerce international du riz ne concerne qu’environ six pour cent de la production mondiale. Le marché international est par ailleurs extrêmement fragmenté selon les variétés, le riz Indica ordinaire représentant 80 pour cent des flux commerciaux; le riz parfumé (Basmati, riz au jasmin) 10 pour cent; et les autres variétés, 10 pour cent. Même pour la variété Indica qui prédomine, la diversité morphologique et les multiples préférences culturelles et sociales n’ont pas permis l’élaboration d’un système international de classification. Par ailleurs, le riz est essentiel pour la sécurité alimentaire et l’atténuation de la pauvreté, ce qui a incité les gouvernements à appliquer des politiques visant à protéger les marchés intérieurs des pressions du marché international, d’où la volatilité exacerbée des cours internationaux.

25. Parallèlement, la mise en oeuvre de l’accord du cycle d’Uruguay a globalement entraîné des taux élevés de droits consolidés, certains cas de tarification différée, des droits parfois élevés sur les importations contingentées et une persistance du manque de transparence, voire du comportement monopolistique des organismes commerciaux d’État. Au plan intérieur, la réduction des mesures de soutien des prix dans les pays développés a été compensée par des paiements directs de soutien des revenus, des indemnités pour limitation de la production et des subventions pour mise à la retraite, catastrophes, et autres. En bref, on est passé des subventions de catégorie jaune aux catégories bleue et verte, sans grande réduction de la production. L’avenir du commerce international du riz sera fonction, dans une certaine mesure, du redressement des failles de l’accord du cycle d’Uruguay.

26. Selon les prévisions, le commerce mondial du riz devrait donc enregistrer une modeste hausse de 1,5 pour cent l’an durant la décennie en cours, pour s’établir à 29,3 millions de tonnes en 2010, soit bien en-deçà de la croissance explosive des années 90. La région devrait importer la moitié de ce volume, avec l’Indonésie, la Chine, l’Iran et la Malaisie comme principaux acheteurs.

27. Les exportations de la région devraient s’accroître au taux annuel de 1,8 pour cent, pour passer à 22,9 millions de tonnes en 2010. C’est là un ralentissement important par rapport à la croissance de 7 pour cent enregistrée dans les années 90. L’Asie et le Pacifique compteront pour 80 pour cent des exportations mondiales, la moitié des expéditions devant être effectuées par la Thaïlande et le Vietnam.

28. Au cours des deux dernières décennies, le nombre de gens sous-alimentés dans la région est tombé de 32 pour cent à 16 pour cent de la population globale. Les progrès sont toutefois parcellaires. Cinq des sept pays en régression qui ont enregistré une augmentation de la sous-alimentation sont essentiellement des consommateurs de riz. Par ailleurs, une forte proportion des victimes de la sous-alimentation de la région relève du secteur rizicole. Autant dire que pour atteindre les objectifs du plan d’action du Sommet mondial de l’alimentation – réduire de moitié le nombre de victimes de la faim d’ici 2015 – il faudra accorder la priorité au développement des systèmes de subsistance basés sur le riz.

III. SYSTÈMES DE SUBSISTANCE FONDÉS SUR LE RIZ: CONSIDÉRATIONS STRATÉGIQUES

29. Pour les intervenants du secteur rizicole – propriétaires-exploitants agricoles, propriétaires terriens, fermiers, agriculteurs nomades, ouvriers agricoles sans terre, négociants, minotiers, consommateurs et autres – l’évolution stratégique a des côtés à la fois positifs et négatifs. Au plan négatif tout d’abord, les progrès de l’irrigation ont été lents. Dans les années 80 et 90, l’expansion des systèmes d’irrigation du riz était de l’ordre de un pour cent l’an. Rien ne permet de prévoir une amélioration notable de ce taux de croissance. La rareté de l’eau, les réactions négatives que suscitent les grands barrages, la question non résolue du partage des ressources hydriques, le casse-tête de la réinstallation des populations et les préoccupations concernant l’habitat ne manqueront pas de faire obstacle à l’expansion de l’irrigation.

30. En conséquence, les rizières aquatiques pluviales, les rizières de montagne, d’eau profonde et des zones de marée – qui occupent 40 pour cent des superficies plantées en riz mais ne représentent qu’un cinquième de la production régionale – continueront à peser sur le développement agricole et rural durable. Il est difficile de faire évoluer les choses en raison de la fragilité de ces zones agroécologiques de culture pluviale et de la pénurie dans laquelle vivent les communautés locales.

31. La dégradation des terres – tout comme l’érosion éolienne et hydrique, les glissements de terrain, l’atterrissement, l’engorgement des sols, l’inondation des plaines côtières, l’épuisement des éléments nutritifs, la pollution due aux pesticides, l’acidification, l’alcalisation, la toxicité et la salinisation des sols, et nombre d’autres problèmes – n’a rien perdu de son intensité que ce soit dans les systèmes rizicoles de culture pluviale ou irriguée. On pourrait considérer que le gros des rizières sont dégradées à un titre ou un autre et qu’une bonne partie d’entre elles, désormais irrécupérables, devraient être exclues de la production.

32. L’agriculture, systèmes rizicoles inclus, est une source importante de pollution environnementale du fait de l’accumulation de nitrates et de phosphates dans l’eau, de l’injection d’ammoniaque dans les pluies acides, et de l’émission de gaz à effet de serre – dioxyde de carbone, méthane et oxyde nitreux. À titre indicatif, l’agriculture compte pour 30 pour cent des émissions de gaz à effet de serre imputables à l’activité humaine, notamment 80 pour cent d’oxyde nitreux, et pour 40 pour cent du méthane émis chaque année. La décomposition sous-jacente des rizières inondées, l’utilisation mal adaptée d’engrais, les feux de forêts, le recours aux combustibles fossiles, et les déchets solides, liquides et gazeux d’origine animale sont responsables de cette pollution.

33. La région est par ailleurs exposée aux catastrophes naturelles. Dans le dernier quart du XXe siècle, on y a enregistré 2 171 catastrophes naturelles, soit une moyenne annuelle de 87 événements catastrophiques frappant 120 millions de gens. En Asie, ce sont principalement les tempêtes, les inondations et les sécheresses qui ont endommagé les zones vouées à la riziculture. Divers éléments attestent une poussée subite de l’incidence et des impacts des catastrophes naturelles depuis la fin des années 90. Les sécheresses dévastatrices et généralisées qui ont frappé l’Asie centrale et l’Asie du Sud pendant plusieurs années consécutives, de 1999 à 2001, en sont une illustration claire. Il sera donc important de promouvoir les capacités de régénération des systèmes de production rizicole à la suite de catastrophes naturelles.

34. Les tentatives visant à développer l’irrigation pour améliorer la productivité ont été considérablement entravées par les pénuries d’eau. On estime qu’en Asie, près de 90 pour cent de l’eau douce prélevée sur les ressources est actuellement destinée à l’agriculture, le riz exigeant à lui seul les trois quarts de ce volume. Dans les 35 ans écoulés avant 1990, les disponibilités d’eau par habitant ont chuté de moitié dans la région et devraient encore être réduites du tiers d’ici 2025. Les pénuries d’eau sont encore aggravées par les pertes imputables à la mauvaise gestion et à la détérioration des ouvrages d’irrigation existants ainsi qu’à l’utilisation irraisonnée des ressources hydriques. Dès lors, la solution semble consister à relever la production agricole par unité d’eau.

35. Les problèmes d’eau dans la région tiennent aussi à la répartition inégale de la ressource, dans le temps comme dans l’espace. Les précipitations enregistrées dans les régions rizicoles surviennent principalement durant les quatre à six mois de la mousson. Les fortes pluies de mousson inondent les terres basses et érodent les coteaux. D’une mousson à l’autre, la raréfaction de l’eau augmente la vulnérabilité à la sécheresse. Par ailleurs, les terres vouées à la riziculture dans la région enregistrent entre 300 mm et 3 500 mm de pluies. On comprend ainsi que le drainage des terres et la maîtrise des inondations – que ce soit dans les terres basses pluviales ou irriguées ou dans les rizières d’eau profonde – soient aussi problématiques que les pénuries d’eau.

36. Les changements climatiques constituent également une menace pour la capacité de charge des fragiles terres rizicoles. La hausse des températures et l’élévation du niveau de la mer pourraient notamment provoquer des inondations en zones côtières, des moussons et des précipitations irrégulières, une recrudescence des inondations et des sécheresses, des infiltrations d’eau de mer dans les nappes phréatiques, une salinisation des sols, une intensification des stress dus à la chaleur pour les cultures et les animaux d’élevage, une évapotranspiration et une poussée des ravageurs et des maladies. Les pays doivent essayer de prévoir ces impacts et mettre en place des stratégies d’atténuation dans les zones vulnérables.

37. On constate également dans la région une diminution de la taille des exploitations rizicoles due aux subdivisions par héritage, vente et location et aux redistributions publiques de terres. Diverses données de recensement, d’enquête et autres montrent par exemple que:

38. Les petites exploitations rizicoles sont acceptables dans la mesure où elles sont exploitées plus intensément et distribuées plus équitablement. Au plan matériel cependant, il y a une taille minimum au-dessous de laquelle les revenus tirés de la terre ne suffisent pas assurer la subsistance des agriculteurs. Les gouvernements devront peut-être intervenir simultanément sur deux fronts, pour fusionner les exploitations de trop petite taille et subdiviser les grandes afin d’améliorer l’accès à la terre.

39. Il est tout aussi inquiétant d’observer la redistribution régulière de la population agricole, par âge et par sexe. À mesure des migrations urbaines, saisonnières et permanentes des jeunes hommes, les rizières ne sont plus exploitées que par les personnes âgées, les femmes et les enfants. Cette situation est problématique à deux titres. Premièrement, les pénuries saisonnières de main-d'œuvre posent des difficultés dans les grandes exploitations et les salaires augmentent. Deuxièmement, l’agriculture se féminise dans la plupart des pays en développement sans pour autant s’accompagner des changements nécessaires du point de vue de l’accès des femmes à la terre, aux capitaux, à l’éducation et aux services de soutien.

40. Dans le secteur du riz, les progrès enregistrés en matière de pertes après récolte ont été lents. Bien des gouvernements ne connaissent même pas précisément l’étendue des pertes. Selon des enquêtes de la FAO, elles seraient de l’ordre de 10 à 37 pour cent des rendements en fonction des conditions météorologiques, des infrastructures et des pratiques. Par ordre croissant d’importance, les pertes surviennent à la récolte, lors des opérations de manutention au champ, durant le battage, le séchage, le stockage et le transport.

41. S’agissant maintenant des évolutions positives, les schémas et les cadences d’assolement des systèmes rizicoles se sont diversifiés. Autrefois, les rotations riz-jachère, riz-maïs, riz-blé et riz-riz prédominaient, par refus de prendre du risque et par manque de technologies. Durant les dernières années, d’autres alternances se sont imposées, tels que riz-sorgho, riz-légumineuses, riz-racines (pomme de terre), riz-oléagineux, riz-arachide, riz-légumes et d’autres encore. On trouve parallèlement des systèmes d’assolement triennal, des cultures intercalaires, de la polyculture, des cultures relais et des schémas d’assolement sur plusieurs années. Ces initiatives qui favorisent la diversification agricole laissent bien augurer pour la régénération des systèmes, l’équilibre nutritionnel et la pérennité des ressources. On constate d’ailleurs des changements rapides en ce sens, notamment en Chine, en Inde et au Vietnam.

42. La diversification des cultures a ouvert la voie à de nouvelles possibilités permettant de tirer profit des synergies entre les systèmes d’exploitation cultures-élevage et cultures-pêche. Dans les régions rizicoles bien dotées, les progrès en matière de technologie, de gestion et d’organisation ont permis l’émergence d’entreprises prospères d’élevage de bétail, de volaille, de poissons et autres utilisant les produits et sous-produits des cultures. Ainsi, la paille et le son de riz tiennent une place importante dans l’alimentation des ruminants de régions rizicoles. Ces systèmes d’exploitation intégrés cultures-élevage-aquaculture ont le potentiel de générer des emplois et des revenus et d’améliorer la viabilité des écosystèmes rizicoles.

43. Aujourd'hui, le rendement régional moyen, toutes variétés de riz confondues, est de 4,0 tonnes à l’hectare, dont 5,0 tonnes pour le riz irrigué, 2,5 tonnes pour le riz aquatique pluvial, 1,3 tonnes pour le riz pluvial de montagne et 1,6 tonnes pour la riziculture en eau profonde. Les études montrent toutefois qu’il existe un écart considérable des rendements entre le rendement réel sur exploitation et celui que l’on peut réalistement atteindre. Au sein des pays, les rendements du décile supérieur font généralement plusieurs fois ceux du décile inférieur. D’autres éléments indiquent par ailleurs que les rendements réels des grandes exploitations sont largement inférieurs aux rendements effectivement réalisables. Il devrait donc être possible de combler les écarts de rendement en réalisant des analyses appropriées, accompagnées de mesures globales de soutien et de fourniture d’intrants. Le système de contrôle du riz, initialement élaboré par l’Australie, s’est avéré utile pour ce type d’analyse et il est désormais en voie d’introduction dans les pays en développement. La FAO a parrainé sa mise en place dans cinq pays d’Asie.

44. Les progrès rapides des biotechnologies sont très prometteurs pour l’amélioration des rendements rizicoles. On dénombre quelque 20 espèces, regroupant plus de mille variétés dans 111 pays, qui fourniront le matériel génétique nécessaire aux travaux d’amélioration. La génomique du riz et les applications de techniques telles que le sauvetage d’embryons, la culture d’anthères, la sélection moléculaire assistée par marqueurs, l’analyse et la transformation des empreintes génétiques ont développé les possibilités, guidé la définition des objectifs et accéléré les processus. Grâce aux travaux de recherche en cours qui visent à modifier le plant de riz et à élaborer un riz hybride, il sera peut-être bientôt possible de relever les rendements maximum de 10 à 12 tonnes à l’hectare pour le riz irrigué, et de 5 à 6 tonnes pour le riz aquatique pluvial. Les pays devront néanmoins déployer les efforts nécessaires pour se prémunir contre les effets néfastes des OGM sur la santé humaine et l’environnement en réalisant des évaluations complètes des risques avant toute introduction.

45. On verra bientôt apparaître de nouveaux cultivars présentant des caractéristiques désirables telles que la tolérance à la sécheresse et à l’immersion, une sensibilité accrue à la photopériode, une résistance aux ravageurs et aux maladies, un moindre besoin d’engrais, une résistance à la verse, une meilleure capacité de photosynthèse, un grain de qualité supérieure et autres. Citons quelques exemples intéressants d’innovations en la matière: le riz Golden enrichi en vitamine A, le riz C4 (plutôt que le C3 moins efficace du point de vue de la photosynthèse), le super rice qui présente un rendement potentiel de 15 tonnes à l’hectare, le riz interspécifique croisé Nerica qui concurrence les adventices et convient aux systèmes de gestion à faible intensité d’intrants. Signalons encore une innovation d’ores et déjà applicable, le riz hybride. Il peut produire jusqu’à 20 pour cent de plus que les variétés pures semi-naines dans les zones irriguées. Les percées réalisées en Chine grâce aux variétés hybrides et leur déploiement dans d’autres pays permettront de relever les rendements régionaux.

46. L’utilisation croissante des modèles de simulation des cultures permettra d’accélérer la formulation de stratégies localisées. Grâce à ces modèles, les conclusions de la recherche peuvent être appliqués à une large palette d’écosystèmes et ils sont notamment très utiles pour les travaux de sélection et d’analyse de l’écart des rendements rizicoles.

47. Les trois piliers d’une riziculture écologiquement rationnelle – systèmes intégrés de phytotrophie, gestion intégrée des ravageurs et gestion intégrée des adventices – sont parvenus à maturité. Ces systèmes de gestion portent sur l’élaboration de cultivars, les processus symbiotiques et asymbiotiques, l’utilisation raisonnée d’intrants, le recours minimum aux produits chimiques et les pratiques respectueuses de l’environnement permettant d’accroître la productivité et de préserver les ressources naturelles. Ils substituent des solutions logicielles au matériel, font le pont entre la station expérimentale et l’agriculteur et entre les zones rizicoles accessibles et isolées. Les écoles pratiques d’agriculture de la FAO ont été les pionnières du principe « produire plus avec moins ».

48. La demande de riz de bonne qualité s’accroît rapidement. La valeur ajoutée obtenue par l’enrichissement en protéines et en vitamine A, par l’aromatisation, et par l’amélioration du goût, de l’apparence et de la sécurité sanitaire est extrêmement appréciable; il en va de même de l’amélioration des rendements de l’usinage du riz complet et du maintien de la qualité pendant le stockage. Les riz spéciaux, comme le riz Basmati et le riz parfumé au jasmin recherchés par les consommateurs avertis, remporteront des parts croissantes du marché.

49. L’évolution de la situation institutionnelle se présente de manière inégale. Les choses ont un peu progressé du point de vue de la participation à la gestion des affaires publiques, des organismes d’aide aux agriculteurs (ONG et organisations de la société civile), de la privatisation et de la libéralisation du commerce intérieur. Les collectivités locales, telles que les Panchayat Raj indiens, ont été consolidées. Les ONG et les organisations de la société civile qui s’emploient à promouvoir la cause des agriculteurs en matière de soutien des prix, de protection de l'environnement, d’accès aux ressources génétiques et dans d’autres domaines, sont désormais plus visibles. Par ailleurs, la participation accrue du secteur privé au commerce du riz a entraîné une diminution du commerce d’État et stimulé la création d’entreprises rurales.

50. En revanche, les structures institutionnelles et les services de soutien sont distribués de façon inégale, non coordonnée et pour l’essentiel, sans substance. Notons particulièrement l’insuffisance des crédits publics alloués aux programmes et aux institutions responsables de la prestation de quatre services essentiels, à savoir les organisations agricoles, le financement rural, l’administration foncière et la conservation des ressources naturelles.

51. En conséquence, les riziculteurs marginaux sont mal organisés et non représentés et n’ont pas les capacités nécessaires pour mobiliser des ressources aux fins du développement. Ils ont en outre un accès limité à la recherche, à la vulgarisation, à l’information, à la commercialisation, au crédit, aux intrants et aux autres services de soutien.

52. Les capitaux manquent pour le développement des petites exploitations rizicoles. Les agriculteurs qui cultivent le riz pour leur seule subsistance sont sans ressources et n’ont qu’un accès limité au crédit officiel qui leur permettrait de ne pas sombrer dans le piège de la pauvreté. L’octroi de facilités officielles de microcrédit reste coûteux du fait des risques et des incertitudes liés à la distance, aux services de soutien défaillants, aux aberrations du temps et au manque de garantie.

53. L’accès à la terre demeure un problème majeur au niveau institutionnel. Les tentatives passées de réforme foncière, notamment par redistribution des terres, n’ont pas donné les résultats escomptés. Il deviendra plus difficile d’acheter ou de louer des parcelles à mesure que les prix de la terre augmenteront. Parallèlement, dans la plupart des pays en développement, les administrations foncières ne sont pas parvenues à satisfaire en temps opportun la demande des marchés fonciers en matière de levés de terrain, de bornage, d’enregistrement cadastral et d’attribution des titres fonciers. Le fermage est mal réglementé. L’aménagement de l’espace n’a pas abouti. Tout ceci explique que les prix des terres agricoles restent forts, sans raison légitime.

54. Dans la majorité des pays en développement, il reste encore à mettre en place des institutions et des services de soutien efficaces afin de préserver les ressources naturelles et de protéger l’environnement. Il est clair qu’il convient de mettre en place un cadre institutionnel de gestion communautaire de l’environnement. Les réussites enregistrées ici et là en matière de gestion communautaire des bassins versants, des systèmes d’irrigation et des forêts doivent être transposés à d’autres pays et dans l’ensemble de la région. Qu’il s’agisse de sensibilisation, de mobilisation politique, de l’adoption de textes législatifs et réglementaires ou de services de soutien, le travail de fond ne fait que commencer.

IV. OPTIMISER LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL DURABLE ET ENGAGER LA RESTRUCTURATION

55. Selon les extrapolations de la FAO, si l’on continue à aborder le développement du secteur rizicole de la même manière, la croissance obtenue ne sera que de la poudre aux yeux. Il y a lieu d’opter pour une démarche plus combative. Elle appellera des interventions globales dans les quatre grands secteurs du développement agricole et rural durable que sont la technologie, la gestion, les institutions et les ressources humaines.

56. Pour optimiser le développement agricole et rural durable, les gouvernements devront cependant inscrire leurs interventions dans un climat porteur. Pour faire en sorte que ces interventions aboutissent, autant dire qu’il faudra œuvrer pour un engagement politique appréciable, une gestion en participation des affaires publiques, la résolution des guerres et des conflits, la stabilité macroéconomique et la prise en compte de la parité hommes-femmes.

Technologies

57. La modernisation technologique si nécessaire pourrait être étendue à l’ensemble des systèmes de subsistance et pas seulement au secteur rizicole. Considérées sous cet angle, les technologies susceptibles de générer des emplois et des revenus et de pérenniser les ressources naturelles assument une importance nouvelle. Cette nouvelle orientation consisterait à stimuler la recherche-développement afin de surmonter les sept grands obstacles au développement durable de la riziculture, à savoir le plafonnement des rendements, les pénuries d’eau, les ravageurs, les maladies et les adventices, l’utilisation irraisonnée des engrais, la dégradation des ressources naturelles et la pollution, les changements climatiques et l’insuffisance des entreprises rémunératrices.

58. S’agissant de la création d’emplois qui revêt une importance particulière, les travaux de recherche-développement pourraient être axés sur de nouvelles formes d’entreprises rizicoles. Plusieurs initiatives prometteuses méritent d’être examinés, notamment la culture de plantes utilisées comme biocarburants, des herbes, des épices et des plantes médicinales, l’élevage de bétail en étable, l’aquaculture, l’apiculture et la sériculture. Il faut impérativement trouver des solutions et des moyens pour que les agriculteurs soient en mesure de créer des emplois, de relever les revenus et d’améliorer leur alimentation en tirant profit de la riche biodiversité végétale et aquatique des écosystèmes rizicoles. Les recherches pourraient également porter sur la gestion des déchets et les énergies renouvelables, susceptibles eux aussi de trouver leur place dans les systèmes de subsistance fondés sur la riziculture.

59. L’amélioration réelle des technologies passe par la mobilisation des talents et des ressources qui doit s’inscrire dans un climat porteur, reposant sur le relèvement des incitations offertes aux chercheurs et de nouveaux partenariats noués à l’échelon national et international. En conséquence, dans l’optique d’un élargissement du réseau international de recherche et de la revitalisation des systèmes nationaux de recherche agricole (SNRA), la Conférence souhaitera peut-être recommander aux pays de renforcer la recherche-développement sur le riz en axant les travaux sur ses qualités vivrières plutôt que marchandes.

60. Les pays pourraient ainsi travailler en collaboration avec l'Association des institutions de recherche agricole de l'Asie et du Pacifique (APAARI), un réseau de CTPD spécialement créé par la FAO pour redynamiser les SNRA. Ils doivent aussi renforcer leur collaboration avec le GCRAI et les autres organismes internationaux de recherche sur le riz en créant des consortiums et des co-entreprises pour rentabiliser les travaux de recherche.

61. S’agissant de la FAO, le Conférence pourrait recommander que l’on accorde un rang élevé de priorité aux travaux de la Commission internationale du riz (CIR) afin de promouvoir la coopération technique entre pays en développement dans le domaine de la riziculture vivrière.

Gestion des exploitations

62. Pour essentielle qu’elle soit, la modernisation des technologies visant à relever la productivité totale des facteurs et à assurer la pérennité des écosystèmes ne saurait suffire à elle seule. Le développement agricole et rural durable passe également par l’amélioration de la gestion des exploitations afin d’accroître les revenus et de développer les actifs agricoles. Pour ce faire, il conviendra de renforcer les compétences de gestion et les systèmes d’appui à la décision afin de promouvoir la mobilisation des ressources, les pratiques et systèmes agricoles, la recherche de valeur ajoutée et la commercialisation.

63. Le Programme spécial de la FAO pour la sécurité alimentaire (PSSA), qui accorde une importance particulière à l’amélioration de la gestion des exploitations, est à l’œuvre dans 17 pays membres de la région, principalement dans le secteur rizicole, et dans 89 pays au total. Il intervient de manière progressive, fondant son action sur la planification en participation, les actions pilotes, la levée des obstacles et le développement axé sur les transferts de technologies, la gestion de l’eau, l’intensification et la diversification de la production, et la recherche de valeur ajoutée. Les évaluations nationales périodiquement réalisées attestent les bons résultats obtenus par ce programme qui se concentre sur les systèmes agricoles. La Conférence envisagera peut-être de recommander aux pays donateurs ainsi qu’aux bailleurs et organismes de financement de la Coopération Sud-Sud d’accroître les financements accordés au Programme spécial de la FAO pour la sécurité alimentaire.

64. Afin d’accroître la rentabilité de ces financements, la Conférence souhaitera peut-être recommander aux pays de demander à la FAO d’engager des actions de renforcement des capacités en gestion des exploitations agricoles, particulièrement dans des domaines où elle a prouvé son expertise, comme la tenue de registres comptables, les liens entre exploitations et entreprises agroalimentaires, la diversification des moyens de subsistance, la gestion des ressources des agriculteurs, l’amélioration des systèmes de production, et la vulgarisation en matière de gestion des exploitations. Les pays souhaiteront peut-être aussi tirer profit de l’expertise de la FAO dans le domaine des synergies entre riziculture et élevage et riziculture et aquaculture.

Conservation des ressources et protection de l'environnement

65. Le développement agricole et rural durable implique d’atténuer et de combattre la dégradation des terres, la pénurie d’eau et la pollution de l’air et de l’eau dans le secteur rizicole. Cela exigera trois mesures essentielles: l’adoption et l’application de législations et de réglementations; le recours à des incitations telles que les subventions et les allégements fiscaux, et; la création de groupements de gestion des ressources naturelles dirigés par les agriculteurs.

66. Pour remédier à la dégradation des rizières, des mesures législatives, budgétaires et administratives pourraient être adoptées dans les cinq domaines suivants: la protection des forêts et des bassins hydrographiques; l’abandon de la riziculture au profit d’autres activités respectueuses de l’environnement sur les rizières dégradées et irrécupérables; l’identification de pratiques culturales exemplaires concernant notamment la gestion intégrée des ravageurs, les systèmes intégrés de nutrition des plantes, la gestion intégrée de l’eau, le drainage et l’amélioration des sols dégradés.

67. Pour atténuer les pénuries d’eau, on pourrait avoir recours aux mesures législatives, budgétaires et administratives précitées pour augmenter les ressources hydriques par dérivation de cours d’eau, stockage en citernes, collecte de l’eau de pluie, reconstitution des nappes phréatiques et traitement des eaux usées. Elles pourraient en outre être utilisées pour promouvoir une utilisation rationnelle de l’eau en créant des ouvrages d’irrigation économiseurs d’eau, en adoptant des façons culturales favorisant les économies d’eau et les cultivars résistant à la sécheresse, en optimisant les applications d’engrais à base d’eau, et en favorisant toute autre technologie permettant d’économiser l’eau. Les efforts en ce sens pourraient également porter sur la remise en état et la modernisation des anciens ouvrages d’irrigation et sur la prévention de la pollution. Pour faciliter le mise en oeuvre de ces mesures, il conviendra de rationaliser les systèmes de facturation de l’eau, la collecte des redevances et l’utilisation des crédits.

68. La lutte contre la pollution de l’air et de l’eau devra elle aussi reposer sur cette triple approche. Elle pourrait porter sur les aspects suivants: meilleure assimilation de l’azote; emploi minimum des herbicides et des pesticides toxiques; nouvelles technologies telles que l’urée à action retardée, les additifs minéraux et organiques d’engrais azoté, les chartes de coloration des feuilles, les applications d’azote en fonction du nombre de talles, les régulateurs de la croissance foliaire, les conditionneurs de sol et autres. Elle pourrait en outre encourager l’utilisation de produits d’alimentation du bétail respectueux de l’environnement, améliorer l’évaluation des déchets d’origine animale, augmenter le piégeage du carbone par le sol et les cultures sur pied, et promouvoir la production de biomasse pour la fabrication de biocarburant.

69. La Conférence souhaitera peut-être recommander aux gouvernements qui ne l’on pas déjà fait de formuler un régime de politique générale et un plan d’action visant à remédier à la dégradation des terres, aux pénuries d’eau et à la pollution de l’air et de l’eau, en les fondant sur des textes de loi, des mesures d’incitation et sur l’action communautaire.

70. Par ailleurs, elle pourrait envisager de recommander à la FAO de fournir une assistance technique par le biais de ses multiples programmes de conservation des ressources naturelles et de protection de l'environnement. Citons en particulier: Comptabilité économique et environnementale intégrée; agriculture écologique; diversité biologique et prévention des risques biotechnologiques; évaluation des terres dégradées; développement et gestion des ressources en eau; recherche sur le drainage et l’irrigation; et introduction des technologies agricoles de précision. Cette assistance technique peut aussi s’inscrire dans le cadre des trois grandes conventions internationales sur l’environnement dont la FAO est un partenaire majeur, à savoir la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Institutions et services

71. Pour que l’agriculture et notamment la riziculture puissent prospérer et favoriser le développement agricole et rural durable, il faudra remanier les systèmes d’aménagement, d’administration et de tenure foncière qui sont actuellement totalement désorganisés dans la plupart des pays en développement. L’objectif devra être d’assurer un accès équitable à la terre, la sécurité de la jouissance, l’utilisation économique et la santé des terres.

72. Ces systèmes d’amélioration de la productivité exigeront:

La Conférence pourrait recommander aux gouvernements concernés de renforcer les systèmes d’aménagement, d’administration et de tenure foncière dans le secteur du riz et de les intégrer dans le plan national d’aménagement.

73. La FAO a une longue expérience dans ce domaine. Elle est dépositaire du savoir sur la réforme agraire et tire cette distinction de quelque cinquante années consacrées à lancer, à accompagner et à évaluer les réformes. La Conférence pourrait recommander que la FAO fournisse une assistance technique en matière de planification de l’aménagement et d’administration des régimes fonciers, notamment pour propager les techniques exemplaires concernant le zonage agroécologique, le développement de marchés fonciers efficaces, la gestion des propriétés en jouissance communautaire, la mise en place de régimes équitables de tenure et le développement d’une administration efficace des terres agricoles. Les technologies de l’information et de la communication et les systèmes d'information géographique pourront être mis à profit dans certains cas. Il faudra s’attacher tout spécialement à améliorer l’accès des femmes à la terre et la maîtrise qu’elles en ont.

74. Il faut qu’un système de financement rural rentable soit en place pour que les riziculteurs puissent améliorer leur situation. Dans la mesure où il est cher et risqué de financer de petits exploitants, ce système doit être conçu de manière à favoriser la viabilité, la rentabilité et la pérennité de leurs exploitations, et comporter notamment:

75. Pour jeter les bases d’un système de crédit rural rentable, la Conférence souhaitera peut-être recommander aux gouvernements concernés de créer un environnement législatif et réglementaire porteur permettant aux institutions non gouvernementales de financement rural d’opérer de manière officielle et durable.

76. Elle pourrait encore recommander à la FAO d’apporter une assistance technique pour la formulation de politiques et de plans d’action en vue de la création de systèmes de financement rural bien conçus qui permettront d’améliorer l’accès au crédit des agriculteurs. Elle pourrait demander à la FAO de donner un rang élevé de priorité à la formation en matière de systèmes de micro-crédit, en collaboration avec les membres de l'Association régionale du crédit agricole pour l'Asie et le Pacifique (APRACA). Enfin, elle appellera peut-être la FAO à mettre l’accent sur l’amélioration de l’accès au crédit des femmes.

77. Une bonne commercialisation est indispensable à la croissance de la productivité et des revenus. À cet effet, les marchés doivent être caractérisés par la concurrence, la transparence et les technologies appropriées. Or, ces attributs essentiels font défaut dans la plupart des pays en développement. Il faut des politiques et des programmes pour favoriser la fixation de prix corrects et l’efficacité technique des marchés du riz et des produits et intrants associés. Ces interventions doivent être conçues de manière notamment à écarter progressivement les lois et réglementations faisant obstacle au commerce; à soutenir l’entreprise privée; à améliorer les réseaux de transport; à promouvoir l’investissement dans le matériel et l’équipement de stockage et de transformation; et à constituer des réseaux de vente en gros et au détail. La création de marchés intégrés à l’échelle nationale et capables de donner les signaux de prix nécessaires à l’affectation optimale des ressources stimulerait la croissance de la productivité et des revenus.

78. Par ailleurs, le moment est peut-être venu, pour de nombreux pays, de réviser le rôle, les responsabilités et les fonctions des systèmes publics de distribution. Pour appuyer l’élaboration des politiques, il convient d’examiner la situation de ces systèmes qui ont récemment perdu leur situation de monopole commercial et dont l’action a été réorientée sur les secours en cas de catastrophes, le relèvement et les distributions ciblées.

79. Afin d’améliorer la commercialisation des produits agricoles, notamment du riz, la Conférence pourrait recommander que les pays remanient leurs marchés au plan structurel et fonctionnel, qu’ils modernisent les infrastructures commerciales et améliorent leurs compétences dans le domaine de la commercialisation. Elle exprimera peut-être le vœu que cette tâche soit menée dans le cadre de la CTPD et en collaboration avec l'Association des instituts de commercialisation des produits alimentaires de l'Asie et du Pacifique (AFMA) qui est parrainée par la FAO.

80. Elle jugera peut-être opportun de recommander à la FAO d’apporter une assistance technique dans les domaines essentiels que sont l’analyse des échanges de riz en tant que produit de base, l’information sur les marchés, la libéralisation et la privatisation des marchés et la prévention des pertes après-récolte. À cette fin, le groupe de travail intergouvernemental de la FAO sur le riz pourrait assurer le travail de mise en relation.

81. Outre les services de vulgarisation dont il sera question au titre du point III de l’ordre du jour, d’autres entités méritent que l’on s’y intéresse, à savoir les organisations d’agriculteurs permettant des actions de groupe. Il est généralement admis qu’elles constituent le maillon faible du processus de décentralisation et de délégation du développement agricole et rural durable.

82. Les coopératives agricoles de la République de Corée, les organisations d’agriculteurs de Taïwan et de Chine et certaines coopératives régionales indiennes (laitières et autres) offrent peut-être des solutions envisageables. Elles ont remporté nombre de succès en confiant l’initiative aux agriculteurs, permettant ainsi aux communautés locales d’identifier les besoins, de faire entendre leur voix, de solliciter des ressources auprès du gouvernement et de décider des mesures de terrain qui s’imposent. En conséquence, la Conférence souhaitera peut-être appeler les gouvernements à encourager les organisations d’agriculteurs pour favoriser la décentralisation des pouvoirs et la mise à disposition des ressources nécessaires au développement agricole et rural durable.

83. Elle Conférence jugera peut-être opportun de recommander à la FAO d’apporter son assistance technique, en collaboration avec le Réseau régional pour le développement des coopératives agricoles en Asie et dans le Pacifique (NEDAC), en vue du développement des coopératives rizicoles.

Ressources humaines

84. L’issue d’une politique rizicole quelle qu’elle soit dépendra au bout du compte de la disponibilité en temps opportun de main-d'œuvre compétente. Il est vraiment important de relever les compétences techniques, les capacités de gestion et le niveau général d’éducation dans le secteur rizicole. De manière générale, le renforcement des capacités intellectuelles déterminera dans quelle mesure les riziculteurs seront à même d’atteindre les objectifs du millénaire. À cette fin, la Conférence pourrait recommander que les pays renforcent les politiques d’éducation rurale en rendant l’école primaire obligatoire et en subventionnant massivement l’enseignement secondaire, la formation des adultes et l’enseignement de compétences spéciales pour les femmes et les jeunes.

85. Les besoins de main-d'œuvre sont irréguliers dans la riziculture et sont au plus fort à l’époque des semis et de la récolte. L’apport de main-d'œuvre est souvent insuffisant à ces périodes, d’où un abaissement de la productivité totale des facteurs. Ce problème pourrait être surmonté de deux façons. La première consiste à limiter le recours à la main-d'œuvre grâce à la mécanisation et aux façons culturales qui économisent le travail. L’autre vise à créer des emplois sur et hors des exploitations rurales afin d’enrayer les migrations.

86. La Conférence souhaitera peut-être recommander que les pays pallient les pénuries saisonnières de main-d'œuvre dans la riziculture en développant la mécanisation et les façons culturales qui économisent le travail; et qu’ils s’emploient à assurer, à plus long terme, la disponibilité de main-d'œuvre productive en créant des emplois sur et hors des exploitations agricoles et dans d’autre secteurs afin d’enrayer les migrations.

87. À cette fin, la Conférence jugera peut-être opportun de recommander à la FAO d’accorder un rang élevé de priorité à la recherche-développement sur la mécanisation du riz. Elle pourrait également recommander à la FAO d’apporter une assistance technique pour l’élaboration d’activités de valorisation après-récolte, le développement de l’agroalimentaire et de l’agroindustrie afin de promouvoir l’emploi rural et la création de revenus.

V. CONCLUSION

88. Une vaste proportion des pauvres de la région dépendent du riz qui constitue pour eux un aliment essentiel ainsi qu’un moyen de subsistance. L’évolution de ce secteur a un effet majeur sur le développement agricole et rural durable et l’atténuation de la pauvreté. Les extrapolations à moyen terme de la FAO mettent cependant en évidence des améliorations modestes de la production, de la consommation et du commerce. Pour que ce pronostic décourageant ne se matérialise pas, il convient d’engager des changements radicaux d’orientation politique ainsi qu’un plan d’action. Ces réformes devront être fondées sur une recherche d’équilibre entre la lutte contre la sous-alimentation généralisée et le désir de donner à ce secteur un avantage comparatif et compétitif.

89. Quatre instruments sont nécessaires pour une promotion musclée du développement agricole et rural durable. Ce sont: l’adoption de lois et de réglementations et leur application; l’engagement de crédits budgétaires et l’adoption de mesures d’incitation fiscales; les organisations autonomes d’agriculteurs; et le financement rural. Ils doivent être appliqués de manière concertée aux trois domaines d’intervention de tout plan de développement durable de la riziculture.

90. Il faudra en premier lieu analyser les écosystèmes rizicoles et les classer par catégories en fonction de leur état de santé et de leur productivité. Ceci permettra de séparer les rizières en vue des mesures i) de stabilisation et d’amélioration de la productivité, ii) de remise en état, et iii) d’abandon de la riziculture. Ce travail de classement permettra aux gouvernements de savoir d’entrée de jeu comment utiliser rationnellement leurs ressources financières.

91. Deuxièmement, le plan en faveur du développement durable de la riziculture doit relever la productivité totale des facteurs tout en assurant la conservation des ressources et en protégeant l’environnement. Des programmes radicaux devront être engagés pour moderniser les technologies; améliorer la gestion des exploitations; enrayer et inverser la dégradation des terres; réduire la pollution de l’air et de l’eau; utiliser l’eau de façon plus efficace; favoriser l’accès à la terre; renforcer les institutions en vue d’une gestion en participation des affaires, du financement des petites exploitations, de la commercialisation rentable et de l’apport de services de soutien; et valoriser les ressources humaines.

92. Troisièmement, le développement durable de la riziculture doit également permettre de créer des emplois et de générer des revenus afin d’atténuer la pauvreté dans ce secteur. Il devra être une source d’emplois sur les exploitations, à l’extérieur et dans d’autres secteurs et ouvrir la voie à des activités rémunératrices à valeur ajoutée.

93. Lors de la planification du développement durable de la riziculture, il est important de reconnaître qu’avec les obstacles actuels en matière de technologies, de gestion et d’institutions, les changements seront lents et difficiles à instaurer. Des considérations d’ordre social empêchent en outre de se lancer dans des initiatives risquées et hasardeuses consistant à se tourner vers d’autres cultures ou entreprises. Pour que les choses changent, il est capital que des crédits plus importants soient dégagés sur les budgets d’État en faveur de la recherche-développement, de la décentralisation, de la mise à disposition de ressources pour autonomiser les agriculteurs et des régimes de protection sociale pour les ruraux.

94. La coopération entre les pays producteurs et consommateurs de riz peut elle aussi s’avérer utile. Les activités en collaboration sur des questions clé telles que l’amélioration de la qualité, la classification et la normalisation, la sécurité sanitaire des denrées alimentaires et la promotion de la consommation et du commerce permettent de développer les marchés et de relever les prix. Les activités conjointes de recherche-développement stimuleront la productivité, les revenus et la viabilité des améliorations. Il serait enfin utile de renforcer la coopération par le biais des réseaux et des consortiums, en particulier dans le cadre de l’Alliance contre la faim de la FAO.