APRC/04/3


VINGT-SEPTIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE DE LA FAO POUR L’ASIE ET LE PACIFIQUE

Beijing (Chine), 17 - 21 mai 2004

LE RENFORCEMENT DES INSTITUTIONS AU SERVICE DE LA VULGARISATION AGRICOLE

Table des matières


Bibliographie

Annexe


I. INTRODUCTION

Contexte actuel des services de vulgarisation agricole en Asie et dans le Pacifique

1. Environ 60 pour cent1 de la population d’Asie et du Pacifique travaille dans l’agriculture, contribuant de manière appréciable au produit intérieur brut des pays de la région, dans des proportions allant de 6 à 43 pour cent. Bien qu’elle évolue et soit confrontée à de nouveaux enjeux, l’agriculture continue à jouer un rôle capital pour la subsistance des populations et la stabilité économique des pays de la région.

2. Parallèlement, l’agriculture et le développement rural de la région sont influencés par les forces mondiales, régionales et nationales à l’œuvre. Nombre de ces forces s’exercent en réponse aux effets de la mondialisation et de la libéralisation de l’économie de marché, de la baisse des investissements dans l’agriculture, des mutations technologiques, de l’évolution des transports et des télécommunications et de facteurs démographiques divergents.

3. Au plan positif, la mondialisation et la libéralisation ont stimulé la coopération et l’intégration régionales, le commerce, l’investissement, la cadence de développement technologique, la croissance économique et la mutation des zones rurales. De nombreux pays de la région ont enregistré des avancées sans précédent dans la lutte contre la faim et la pauvreté.

4. L’expérience de nombreux pays de la région montre que l’agriculture vivrière s’achemine vers une industrialisation et une commercialisation accrues. On s’entend à reconnaître que l’augmentation de la production et l’application généralisée des technologies modernes sont nécessaires pour stimuler la croissance et que l’une et l’autre sont tributaires du renforcement des capacités et de l’investissement dans la conservation des ressources naturelles et le transfert des technologies. Le développement des connaissances et des compétences constitue lui aussi une nécessité impérieuse, en particulier lorsque le niveau d’éducation et de formation des ruraux est inférieur à celui des populations urbaines.

5. D’un point de vue négatif, la décentralisation, la mondialisation et la libéralisation des échanges exacerbent les difficultés rencontrées par les groupes vulnérables et marginalisés, notamment les femmes, les petits producteurs et les agriculteurs sans terres. Les écarts de revenus entre les riches et les pauvres se creusent, et garantir la sécurité alimentaire des ménages et l’accès à la nourriture aux victimes de la faim et de la pauvreté demeure un enjeu majeur. Dans certains cas, la situation des victimes de la faim et de la pauvreté s’est aggravée suite à la mise en oeuvre de politiques inadaptées qui favorisent les grands producteurs industriels ou offrent des incitations à des investissements directs porteurs de répercussions sociales et environnementales négatives.

6. Les politiques écologiquement rationnelles et favorables aux pauvres et les programmes spéciaux pour la sécurité alimentaire ont prouvé qu’ils aident effectivement les groupes défavorisés à s’engager dans des activités rémunératrices. Il convient d’établir en milieu rural des systèmes d’éducation efficaces ainsi que des régimes de protection sanitaire et sociale afin de créer un environnement porteur pour l’amélioration des moyens de subsistance des groupes marginalisés.

7. Au cours des dernières décennies, la région Asie-Pacifique a mis au point des modèles uniques de développement agricole et rural; on y trouve également toute une gamme de pratiques et de réussites exemplaires, de la révolution verte aux applications modernes des biotechnologies, en passant par la recherche, l’enseignement et la vulgarisation agricole, la création d’entreprises agro-industrielles innovantes, le commerce régional et international, le développement des communautés locales d’agriculteurs (notamment les écoles pratiques d'agriculture pour la gestion intégrée des ravageurs), les initiatives sociales des organisations non gouvernementales (ONG), le développement des réseaux de recherche et les systèmes de financement rural.

8. Bien que certains pays ne se soient pas pleinement relevés des conséquences de la crise financière de 1997, la région Asie-Pacifique est considérée comme la plus dynamique de toutes, avec le potentiel de devenir un pionnier du développement au vingt-et-unième siècle. Les expériences et les enseignements du développement et des transformations sociales, économiques et politiques engagés dans la région au cours des dernières années sont considérés comme des atouts qu’il conviendra d’exploiter dans les décennies à venir. Les gigantesques ressources humaines de la région sont elles aussi un atout qu’il faudra mettre mieux à profit.

9. La forte croissance démographique des pays d’Asie et du Pacifique viendra enrichir la masse des ressources humaines, mais elle est également source d’enjeux difficiles. D’ici 2030, la population de la région atteindra 4,2 milliards, soit la moitié de la population de la planète. Il faudra une colossale augmentation de la production agricole pour nourrir cette population en plein essor. Selon les estimations, la seule production céréalière devra augmenter d’environ 80 pour cent – soit un complément annuel de 380 millions de tonnes. La dynamique des populations constituera un facteur clé pour nombre de questions liées au développement et à l’environnement, comme l’enseignement, le VIH/SIDA, la santé des ruraux, les migrations, l’urbanisation et le chômage. En outre, les pays de la région seront pour la plupart de plus en plus touchés par la variation des tendances démographiques. Aujourd'hui déjà, les migrations des jeunes et des hommes ont créé une situation où globalement, seules des personnes âgées et des femmes demeurent en zones rurales.

10. La région est confrontée à d’autres défis de taille, dont la montée du chômage, la répartition inégale des richesses, les catastrophes naturelles telles que les typhons et les cyclones, l’incidence accrue des ravageurs et des maladies, et une dépendance croissante à l’égard des technologies modernes qui sont toutefois très inégalement réparties et accessibles.

11. Les services publics de vulgarisation agricole2 ont traditionnellement pour rôle de faire le lien entre la recherche agricole et les communautés d’agriculteurs, notamment pour assurer le transfert des technologies utiles au développement agricole et rural. Bien que les services de vulgarisation continuent à assumer cette fonction, les demandes de soutien – ainsi d’ailleurs que les cibles, les mécanismes, les processus et les stratégies – appellent une meilleure prise en compte des publics visés et de leurs besoins spécifiques.

12. Ce document traite de l’importante contribution des services de vulgarisation agricole au développement agricole et rural de la région Asie-Pacifique et examine l’évolution des rôles, des tendances et des possibilités afin que l’on puisse continuer de répondre aux besoins d’information et de technologies des communautés agricoles et des agriculteurs marginalisés et sans ressources.

Capacité des services de vulgarisation à toucher les agriculteurs pauvres et marginalisés pour améliorer leur sécurité alimentaire

13. Les succès remportés dans l’agriculture doivent beaucoup au rôle important des services de vulgarisation agricole qui ont fait le lien entre la recherche agricole, les agriculteurs et les communautés agricoles pour assurer le transfert de l’information et des technologies. Ce rôle a été particulièrement évident lors de la révolution verte qui a démarré dans la région durant les années 60. Grâce à ces efforts, de nombreux pays ont amélioré leur production et leur productivité dans l’agriculture, l’élevage, la pêche et la foresterie. Cependant, les services publics de vulgarisation agricole ont fait l’objet de critiques virulentes au cours des dernières années. Selon Qamar (2002), ces critiques sont dues à son approche directive, qui est dictée par l’offre, techniquement défaillante, paternaliste et uniquement axée sur les gros exploitants, laissant pour compte les petits agriculteurs avec lesquels les contacts sont trop peu fréquents. On leur reproche également leur mode d’intervention inflexible (tel que le système de formation et de visites (T & V) lancé par la Banque mondiale) et le principe selon lequel la vulgarisation a pour but de guérir plutôt que de prévenir. On s’est même demandé s’il y avait tout simplement lieu de fournir des services de vulgarisation.

14. Il est malheureusement vrai que les services publics de vulgarisation ne sont pas parvenus à transmettre aux communautés agricoles et aux agriculteurs les informations et les technologies nécessaires pour assurer leur sécurité alimentaire et leur développement durable. Là où ils ne sont pas suffisamment intervenus, les agriculteurs se sont débrouillés pour obtenir des informations auprès d’autres sources. Ils se sont en priorité tournés vers d’autres agriculteurs, des services de commercialisation et des fournisseurs du secteur privé (pour les semences, les engrais et les produits chimiques agricoles), vers les ONG ou les organisations de la société civile.3 La documentation sur la question ne manque pas. Il ressort néanmoins de nombreuses études que les agriculteurs et les communautés agricoles ont un besoin permanent d’information, ce qui implique d’améliorer constamment les moyens et modalités d’intervention afin de leur apporter le soutien et les services de vulgarisation dont ils ont besoin et qu’ils réclament.

II. TENDANCES NOUVELLES DE LA VULGARISATION AGRICOLE EN ASIE ET DANS LE PACIFIQUE

15. Étant donné la situation d’interdépendance du monde actuel, les tendances auxquelles la vulgarisation agricole se trouve confrontée dans le monde se manifestent aussi à l’échelon régional et national. Citons notamment l’adaptation aux effets de la mondialisation et de la privatisation, la commercialisation croissante de l’agriculture, la démocratisation et la participation accrues, la dégradation environnementale, l’incidence de plus en plus forte des catastrophes naturelles, l’amélioration des communications – notamment grâce au déploiement des technologies de l’information – la nécessité d’enrayer l’épidémie de VIH/SIDA, la préférence pour les démarches pluridisciplinaires et le développement holistique et enfin, les critiques dont la vulgarisation elle-même fait l’objet (Qamar, 2002). C’est sans doute dans l’agroalimentaire, secteur hautement compétitif et axé sur les marchés, que les effets de la mondialisation et de la privatisation sur la vulgarisation se font le plus sentir. Or pour la plupart, les services de vulgarisation ne sont pas bien préparés pour faire face à ces changements, par manque de connaissances et de compétences de leurs agents dans ces domaines. En outre, ces changements ont pour origine des forces extérieures qui échappent totalement ou partiellement au contrôle de ces services. Ces changements ont des conséquences multiples et complexes, notamment la traçabilité des produits, la sécurité sanitaire des denrées alimentaires, les demandes croissantes des consommateurs et des agriculteurs qui exigent des informations récentes sur les réglementations et les politiques en rapide évolution. Ces répercussions pèsent sur des individus et des systèmes qui sont globalement mal préparés pour faire face aux besoins et aux demandes, si tant est qu’ils n’y soient pas opposés.

16. Les tendances spécifiques qui caractérisent aujourd'hui la vulgarisation agricole dans la région Asie-Pacifique illustrent elles aussi les problèmes et les grands défis auxquels la vulgarisation agricole est confrontée. Signalons en particulier:

Pour tout un ensemble de raisons, les ressources de développement traditionnellement allouées à l’agriculture par les pouvoirs publics se sont raréfiées. Les budgets agricoles nationaux et internationaux sont aujourd'hui bien plus limités. De surcroît, les investissements dans l’agriculture ont considérablement chuté durant les dernières décennies, une tendance tout aussi évidente à l’échelle internationale que dans la région Asie-Pacifique (voir les discussions dans Siamwalla, 2002). Cette diminution des financements touche directement le secteur agricole et frappe encore plus durement certaines de ses composantes, comme la vulgarisation agricole, qui revêtent généralement un faible rang de priorité et sont donc moins bien dotées financièrement que d’autres secteurs agricoles (tels que la recherche-développement sur les cultures, l’élevage et les forêts). Dans certains cas, l’appui à la vulgarisation n’est plus garanti. Face à pareilles circonstances, les services de vulgarisation agricole resteront gravement entravés dans leur action. Il sera difficile de leur apporter le soutien – sous forme d’effectifs dûment formés et qualifiés et en nombre suffisant – et les financements nécessaires pour qu’ils s’acquittent pleinement et efficacement de leurs fonctions et de leurs responsabilités. Déjà diminués, les services publics de vulgarisation ne cesseront de s’affaiblir. Au plan positif, signalons la participation aux actions de vulgarisation des sociétés privées, des ONG, des coopératives et des associations qui fournissent des services complémentaires à ceux offerts par les pouvoirs publics.

Alors que les services publics de vulgarisation agricole se débattent, entre autres, avec des problèmes de financement, les ONG rencontrent des succès de plus en plus appréciables et font bouger les choses, notamment auprès des populations locales. Au niveau de la base, elles apportent en fait un soutien non gouvernemental majeur. Leur vocation et leur engagement marqués en faveur des communautés de base et les stratégies participatives qu’elles appliquent font d’elles des alliés utiles pour les actions de vulgarisation. L’importance qu’elles accordent à la sécurité alimentaire et aux groupes marginalisés fournit en outre une assise solide à la prestation de services de vulgarisation. Les coopératives et les associations jouent elles aussi un rôle utile, notamment en fournissant des services de vulgarisation, gratuits ou non, à leurs membres et aux non membres. Les tendances à la libéralisation, à la privatisation et à la décentralisation des marchés ont multiplié les acteurs du développement rural en Asie. (Siamwalla, 2002).

De nombreux pays ont abandonné les structures administratives classiques, caractérisées par leur centralisme et leurs multiples niveaux d’intervention, au profit de systèmes décentralisés de vulgarisation. On met désormais l’accent sur la création de petites unités nationales chargées des aspects de politique générale, de coordination et de formation, tandis que les fonctions liées à la planification et à la mise en oeuvre des programmes – responsabilité financière incluse – sont déléguées aux collectivités provinciales, aux districts et aux municipalités (Qamar, 2002). Comme le souligne Van Crowder (1996), la décentralisation permet aux collectivités locales de mieux contrôler les effectifs et les budgets mais aussi, en théorie, de mieux axer leur action sur les agriculteurs et donc de mieux répondre à leurs besoins. Dans la région, le Bangladesh, l’Inde, l’Indonésie, et les Philippines ont opté pour une décentralisation des services de vulgarisation tandis que d’autres pays sont en train de la mettre en place ou l’envisagent. Bien qu’il s’agisse d’une évolution positive dans son principe, l’expérience a mis en évidence des difficultés de démarrage dues à l’ajustement aux nouvelles modalités d’intervention et il conviendra d’engager des mesures appropriées de planification, de financement et de formation du personnel de vulgarisation transféré des structures centrales aux services décentralisés. De plus, la décentralisation s’opère lentement, sur de longues périodes, et exige une planification avisée ainsi qu’un engagement et une volonté politiques.

Si l’on considère les difficultés que rencontrent les agents de vulgarisation pour mettre les agriculteurs en contact direct avec les chercheurs du fait des distances et du manque de moyens de transport, les technologies de l’information et de la communication offrent des ouvertures considérables. Avant de recourir à ces technologies pour renforcer les liens entre la recherche, la vulgarisation et les agriculteurs, il conviendra d’en éprouver l’utilité dans le cadre d’actions pilotes pour les intégrer ensuite dans les systèmes de recherche et de vulgarisation et déborder le cadre urbain. Il faudra en outre examiner d’autres questions telles que la création d’un climat porteur, le développement des infrastructures, l’élaboration des logiciels et des contenus d’information, la viabilité des nouvelles technologies, le renforcement des capacités, l’association de ces technologies et des médias traditionnels, et la prise en compte des méthodes ayant donné de bons résultats (APO, 2002).

La démarginalisation et la participation des clients sont aujourd'hui jugées essentielles à la pérennité des initiatives. Diverses démarches ont été mises à l’essai. L’une des approches participatives lancées par la FAO, les écoles pratiques d’agriculture, a rencontré de grands succès et avait à l’origine pour objet de promouvoir la lutte intégrée contre les ravageurs en Asie, dans les années 80. Le concept a ensuite été transposé à d’autres régions et constitue aujourd'hui l’un des principaux modes d’intervention adopté dans les projets et actions de vulgarisation de la FAO et d’autres organisations (Rivera et al., 2002).

Du fait de la complexité de l’agriculture et des défis à relever, les démarches pluridisciplinaires associant divers domaines sont désormais largement la norme en matière de diffusion de l’information. Les experts techniques, les sociologues et les spécialistes de la communication et de l’information conjuguent leurs compétences pour répondre aux problèmes et aux besoins des agriculteurs.

Les études ont révélés que les agriculteurs dépendent de technologies et de sources d’information multiples. Dans la plupart des sociétés, le face à face reste le mode de communication privilégié. Étant donné la taille des populations concernées par la vulgarisation, leur dispersion et les distances à couvrir, la face à face n’est cependant pas toujours envisageable et il faut donc l’associer à d’autres modes et stratégies de communication tels que les médias classiques – radio, presse écrite, vidéo et télévision – et les nouveaux médias comme les technologies de l’information et de la communication qui peuvent être appliqués à la vulgarisation.

Outre les connaissances et l’information provenant de sources extérieures aux communautés locales et rurales, les exploitations agricoles et les groupements d’agriculteurs constituent un vivier de connaissances, d’acquis et de savoir-faire traditionnels. Ils sont très utiles pour introduire la vulgarisation auprès des communautés locales et développer l’expertise, l’information et les technologies.

III. POSSIBILITÉS ET DIFFICULTÉS DES INSTITUTIONS OFFRANT DES SERVICES DE VULGARISATION

17. En matière de vulgarisation agricole, les tendances à l’oeuvre en Asie et dans le Pacifique ont des retombées à la fois positives et négatives. Au plan positif, on note une persistance des stratégies permettant d’apporter un appui crucial aux communautés et aux agriculteurs ruraux, notamment aux plus marginalisés, si tant est qu’elles soient correctement appliquées. Pour être efficace, la vulgarisation doit en particulier:

18. Par ailleurs, il convient d’envisager différemment la question des financements publics et des activités décentralisées qui exigent une coordination et un dialogue entre intervenants. Il y a lieu, en outre, de veiller à leur intégration dans les programmes de développement rural et de lutte contre la, ainsi que dans les plans nationaux.

19. En dépit de certaines améliorations, les services de vulgarisation restent prioritairement axés sur les grands exploitants mieux dotés en ressources tandis que les agriculteurs pauvres et marginalisés sont en majorité laissés pour compte. De plus, les femmes et les filles ne profitent guère des services de vulgarisation, pour tout un ensemble de raisons d’ordre culturel, social et économique. Ces groupes marginalisés où figurent aussi des handicapés, des minorités ethniques et des victimes du VIH/SIDA, constituent la majorité de la population de la région – qui représente en gros les deux tiers des 1,2 milliard de gens vivant dans la pauvreté absolue et quelque 508 millions de gens, soit environ 64 pour cent, des victimes de la sous-alimentation dans le monde. On constate en Asie un vieillissement de la population rurale, une tendance lourde de conséquences pour la vulgarisation agricole. Certes, cette situation pose un défi – les personnes âgées étant moins susceptibles de se tourner vers les innovations technologiques et préférant par exemple l’information verbale ou écrite qu’électronique – mais elle peut aussi ouvrir sur d’autres possibilités, les personnes âgées pouvant faire office de moniteurs, de formateurs, voire de modèles pour les jeunes. Les groupes marginalisés sont généralement les moins éduqués et il s’agit principalement dans la région de ruraux et d’agriculteurs sans ressources. Il faut répondre à leurs besoins de vulgarisation si l’on veut effectivement améliorer notablement la sécurité alimentaire et le développement rural.

20. Des réformes de la vulgarisation sont déjà en cours, notamment dans les pays en développement, et elles ont pour objet de favoriser le pluralisme institutionnel (Rivera et al., 2003). La stratégie souvent mise en oeuvre consiste à passer des contrats avec les ONG, les sociétés commerciales, les entreprises de consultants et les coopératives agricoles en vue de la prestation de services de vulgarisation sur le terrain. Le soutien des gouvernements et des bailleurs, voire des deux, est nécessaire pour une plus large application de cette stratégie.

21. La création de partenariats de types divers est une autre stratégie de réforme envisageable. On trouve aujourd'hui dans la plupart des pays un « complexe » institutionnel de prestataires de services comprenant des organismes publics, privés, parapublics et des ONG (Rivera et al., 2003). Les services publics de vulgarisation peuvent créer des liens ou développer les partenariats existants en particulier avec les entreprises du privé, les ONG, les groupements de la société civile, les établissements d’enseignement rural et toute autre entité compétente afin d’offrir des services des vulgarisation agricole. On préconise les partenariats multi-intervenants, mais leur mise place exigera un travail déterminé de mise en réseaux et en relations ainsi que les actions appropriées de renforcement des capacités.

22. On pourrait par ailleurs envisager des changements de politique générale permettant aux agents de vulgarisation de faire davantage office de fournisseurs et de promoteurs de l’information et de laisser les autres organismes assurer les fonctions classiques de vulgarisation touchant au transfert de technologies. Comme on l’a déjà signalé, les agriculteurs préfèrent généralement obtenir les services d’information et de technologies auprès de sources autres que les services publics de vulgarisation. À la base, les ONG et les organisations de la société civile ont fait preuve d’un esprit novateur et rencontré nombre de succès dans les transferts de technologies. En tant que fournisseurs et promoteurs de l’information, des agents de vulgarisation dûment formés et motivés peuvent faciliter la recherche, l’adaptation et l’interprétation de l’information provenant de sources diverses, en particulier la recherche agricole, l’internet, les bibliothèques et autres. Cette évolution du rôle de la vulgarisation vient tout à fait confirmer l’idée selon laquelle l’agriculture moderne est davantage portée par la connaissance que par la technologie.

23. Il faut exploiter les possibilités qu’offre l’utilisation accrue des technologies de l’information et de la communication pour réduire le fossé entre ceux qui ont accès aux services de vulgarisation et ceux qui en sont privés, ainsi que l’utilisation stratégique des médias traditionnels. Les technologies de l’information et de la communication sont désormais de plus en plus disponibles et financièrement accessibles. Nombre de pays de la région ont déjà bien progressé dans ce domaine, mais leurs efforts dans ce domaine sont principalement axés sur des projets pilotes ou sur les zones urbaines disposant déjà des infrastructures nécessaires. Beaucoup s’interrogent sur les moyens de réduire la fracture numérique et de favoriser le déploiement des systèmes d’information, en agissant sur les facteurs de coûts.4 Dans le tableau de l’Annexe 1, on a tenté de regrouper les pays de la région Asie-Pacifique en fonction du déploiement et de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication et ce classement met bien en évidence le manque d’homogénéité à cet égard. Du fait des circonstances d’intervention très diverses, aucun système ne saurait s’appliquer à tous les pays et à toutes les situations. Les questions d’accès et de coût devront être au centre du débat. Ce qui est clair, c’est que la vulgarisation doit exploiter le colossal potentiel des technologies de l’information et de la communication. Divers modèles sont à l’heure actuelle utilisés ou mis à l’épreuve dans la région comme dans d’autres endroits de la planète et ils peuvent être riches d’enseignements. Les études réalisées sur ces modèles constituent un bon point de départ. On préconise aussi l’association des technologies de l’information et de la communication et des médias classiques que sont la radio, la presse écrite, la télévision, la vidéo et les CD-ROM, le choix dépendant des réalités et circonstances locales. Les technologies de l’information et de la communication permettent l’accès à l’information et sa mise en commun, deux aspects défaillants des systèmes actuels de vulgarisation, et constituent une passerelle entre la recherche et la vulgarisation d’une part, et la vulgarisation et les agriculteurs d’autre part.

24. La consolidation et l’amélioration de la formation et de l’enseignement en milieu rural sont le moyen imparable de combler le manque de connaissances, de compétences et d’information auquel sont actuellement confrontés les agriculteurs et les autres agents du changement. Les établissements d’enseignement rural peuvent donc jouer un rôle primordial, mais il faudra une modification des politiques ainsi que l’engagement et le soutien des gouvernements, des bailleurs et des communautés car les collèges et établissements d’enseignement agricole sont souvent les parents pauvres des institutions de zones urbaines, manquent de moyens et ne sont pas utilisés à plein. Il faudra également renforcer les liens entre les établissements d’enseignement et la vulgarisation.

IV. LEÇONS TIRÉES DE L’EXPÉRIENCE

25. Les démarches adoptées pour offrir des services efficaces de vulgarisation pourraient réunir toutes ou certaines des stratégies ci-dessous en fonction des circonstances locales et nationales. En matière de stratégie, Rivera (2003) préconise cinq éléments importants pour relever le défi de la sécurité alimentaire:

    1. mettre au point des stratégies différenciées pour réduire la pauvreté et l’insécurité alimentaire
    2. appliquer des démarches reconnaissant l’existence de moyens d’existence divers
    3. mettre en œuvre des programmes visant à développer les capacités de production
    4. axer les interventions sur le développement du capital humain et social
    5. créer des régimes de protection sociale pour améliorer la sécurité alimentaire des plus pauvres

26. On présent ci-après quelques pratiques et expériences couronnées de succès dans divers pays pour donner une idée de ce qui peut être fait:

V. CONCLUSIONS

27. Les besoins et les demandes engendrés par l’évolution de la situation micro et macroéconomique de l’agriculture – et plus particulièrement de la vulgarisation agricole – en Asie et dans le Pacifique appellent des solutions et des stratégies nouvelles. Malgré le rôle moins important que la vulgarisation joue aujourd'hui dans le développement agricole et rural, sa nécessité est toujours reconnue, même si les fonctions et les stratégies doivent évoluer ou être modifiées. Étant donné l’importance du développement agricole et rural, il est admis que la croissance agricole chez les populations pauvres passe nécessairement par la revitalisation et l’expansion des services de conseil et d’information.

28. Une solution générique ne saurait convenir du fait du manque d’homogénéité entre les pays et les situations. Diverses solutions et stratégies, fondées sur le renforcement des institutions, ont été suggérées pour remédier à certains des problèmes les plus sérieux auquel est confrontée la vulgarisation. Certaines pratiques sont utilisées ailleurs, après avoir été mises à l’épreuve et ajustées aux besoins et aux situations locales. On considère que la mise en commun de l’information sur les pratiques exemplaires est importante pour la promotion de l’apprentissage.

29. Il convient de poursuivre les actions de formation et de perfectionnement prévues aux programmes nationaux et internationaux de renforcement des capacités. C’est particulièrement important si l’on considère que nombre des agents – et spécialement les agents de vulgarisation des organismes publics – n’ont reçu aucune formation structurée en matière de communication et de vulgarisation.

VI. RECOMMANDATIONS INVITANT LES GOUVERNEMENTS À INVESTIR DANS LA VULGARISATION

30. Les participants à la Conférence souhaiteront peut-être adopter les recommandations suivantes:

 

BIBLIOGRAPHIE

Organisation asiatique de productivité (APO) 2002. Report of a study meeting on Integration of Agricultural Research and Extension.

Coldevin, G. 2001. Participatory communication and adult learning for rural development.

Das, P. 2002. Research-extension-farmer-marketing-civil society in India: New horizons and extension modalities, Document présenté à la consultation régionale d’experts de la FAO sur la vulgarisation agricole, l’interface recherche-vulgarisation-agriculteurs et le transfert de technologies, Bangkok, Thaïlande, 16-19 juillet 2002.

FAO. VERCON Réseau virtuel de communication sur la recherche en matière de vulgarisation (brochure FAO).

FAO & WB. 2000. Agricultural knowledge and information systems for rural development (AKIS/RD), Strategic Vision and Guiding Principles.

Food & Fertilizer Technology Centre. 1999. Information flow in three national extension systems.

Mee, A., Haylor, G., Vincent, S. & Savage, W. 2003. Information access survey: Cambodia, STREAM/NACA. 50 pp.

Qamar, K. 2002. Global trends in agricultural extension: Challenges facing Asia and the Pacific region, Document présenté à la consultation régionale d’experts de la FAO sur la vulgarisation agricole, l’interface recherche-vulgarisation-agriculteurs et le transfert de technologies, Bangkok, Thaïlande, 16-19 juillet 2002.

Rivera, W. M, 2003. A new extension vision for food security: Challenge to change. Rome: FAO, 2003.

Rivera, W. M., Qamar, K. & Van Crowder, L. 2002. Agricultural and rural extension worldwide: Options for institutional reform in the developing countries. Rome: FAO, 2002.

Siamwalla, Ammar, 2002. The evolving roles of the state, private and local actors in rural Asia. http://www.adb.org/Documents/Books/Rural_Asia/Evolving_Roles/default.asp

Van Crowder, L. 1996. Decentralized extension: Effects and opportunities, SD Dimensions, http://www.fao.org/sd/EXdirect/Exan0013.htm

Zakaria, A. 2002. Indonesia: Research-extension-farmer-market interface and technology transfer, Document présenté à la consultation régionale d’experts de la FAO sur la vulgarisation agricole, l’interface recherche-vulgarisation-agriculteurs et le transfert de technologies, Bangkok, Thaïlande, 16-19 juillet 2002.

Zhen, L. 2003. Sustainability of farming practices in Ningjin county of Shandong province, People’s Republic of China, thèse de doctorat non publiée, Asian Institute of Technology, Thaïlande, pp. 174.

 

Annexe

CLASSIFICATION DES PAYS EN FONCTION DE LEUR UTILISATION DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

Les pays d’Asie peuvent être classés en quatre catégories sur la base de leur utilisation globale des technologies de l’information et de la communication dans la recherche et le développement agricole:

Groupe

Pays

A- Gros utilisateurs

Australie, Japon, République de Corée, Taïwan Province de la République populaire de Chine

B- Utilisateurs moins avancés

Inde, République populaire de Chine, Malaisie, Pakistan, Philippines, Thaïlande

C- Développement rapide de l’utilisation des nouvelles technologies

Bangladesh, Fidji, Indonésie, Iran, Népal, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Mongolie, Sri Lanka, Vietnam

D- Faible utilisation des nouvelles technologies

Afghanistan, Cambodge, République démocratique populaire lao, Myanmar

Source: d’après un exposé d’Ajit Maru du Service international pour la recherche agricole nationale (SIRAN), 2003

Note: Bien que ces informations ne concernent pas la vulgarisation spécifiquement, elles fournissent une bonne indication de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans l’agriculture, utilisation qui serait certainement inférieure encore en ce qui concerne la vulgarisation.

__________________________

1 Données de la FAO pour 1999

2 Dans ce document, l’expression « vulgarisation agricole » se rapporte à tout programme ou système non scolaire d’enseignement ou de formation qui a pour objet la diffusion et le partage des connaissances et des informations en vue du développement agricole et rural.

3 Ainsi, une étude récemment réalisée dans le district de Ningjin, en Chine, montre que les prestataires d’information sont très nombreux, les plus prisés étant les médias (presse, radio et télévision), suivis par les autres agriculteurs et le personnel de vente des fournisseurs et, en dernier lieu, les services publics de vulgarisation. Des études effectuées au Cambodge, en Indonésie, aux Philippines et au Samoa sont parvenues aux mêmes conclusions.

4 Le Programme visant à combler le fossé numérique en milieu rural afin de réduire l’insécurité alimentaire et la pauvreté expose comment, par ce nouveau programme stratégique, la FAO entend faciliter un partenariat mondial pour remédier à la fracture numérique en zones rurales. Il renforcera les capacités humaines et institutionnelles pour exploiter plus efficacement l’information et les connaissances aux fins du développement agricole et rural. Cette proposition cherche à combler une réelle lacune à laquelle la communauté internationale du développement n’a pas encore répondu de manière cohérente. Pour de plus amples détails, on consultera le site suivant http://www.fao.org/gil/rdd/