Bureau régional de la FAO pour l'Afrique

Insécurité alimentaire etpauvreté: un défi majeur pour la réalisation de la cible 2.1 des ODDs en Afrique subsaharienne

Des millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire grave dans la région

(Photo: ©FAO/Jaward Keifa)

23 février 2017, Freetown– La deuxième édition de la Vue d’ensemble régionale de l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne (2016) confirme qu’environ 153 millions de personnes, soit environ 26 pour cent de la population âgée de plus de 15 ans en Afrique subsaharienne, ont souffert d’insécurité alimentaire grave en 2014/15. 

«Cela signifie qu’en Afrique subsaharienne, environ une personne sur quatre de plus de 15 ans avait eu faim mais n’a pas mangé ou est resté sans manger pendant toute une journée parce qu’il n’y avait pas assez d’argent ou d’autres ressources pour s’alimenter», a déclaré Bukar Tijani, Sous-Directeur général et Représentant régional de la FAO pour l’Afrique.

 «Cette évaluation souligne l’importance du défi auquel la région doit faire face pour atteindre la cible 2.1 des Objectifs de développement durable (ODD) et la nécessité d’un appui durable et substantiel aux politiques et programmes de sécurité alimentaire et de nutrition dans la région», a-t-il ajouté.

Dans l’ensemble, les disponibilités alimentaires ont été adéquates en Afrique subsaharienne au cours de la période 2014-2016, avec un indice de l’adéquation des disponibilités énergétiques alimentaires de 110. Toutefois, plusieurs pays de la région dépendent fortement des importations des produits alimentaires pour assurer un approvisionnement suffisant, certaines sous-régions dépendant des importations pour combler jusqu’à un tiers de leurs besoins en céréales.

Cela indique qu’il existe une demande importante de produits alimentaires dans ces pays et pour y répondre, il est nécessaire d’accroître, entre autres, la productivité agricole, la production alimentaire et la valeur ajoutée.

Le Ministre sierra-léonais de l’agriculture, des forêts et de la sécurité alimentaire, Patrick Monty Jones, a noté qu’en Afrique subsaharienne, l’agriculture est essentiellement familiale et à petite échelle et que la majorité des agriculteurs africains cultivent moins de 10 pourcent de leurs terres, ce qui pourrait être attribué à de nombreux facteurs dont la mauvaise gouvernance du régime foncier ainsi que les chocs et stress dus au changement climatique, qui entraîne finalement l’insécurité alimentaire.

«Pour surmonter ces défis, les objectifs stratégiques et les activités prioritaires du secteur agricole devraient inclure l’augmentation de la production et de la productivité des cultures vivrières de base grâce à une approche de la chaîne de valeur pour la sécurité alimentaire, la promotion de l’agriculture commerciale, la promotion et l’accroissement des activités à valeur ajoutée pour les produits agricoles, l’accroissement de la production et l’exportation des cultures de rente et l’amélioration de l’accès au financement pour les agriculteurs», a-t-il recommandé.

Le rapport reconnaît la nécessité de stimuler une transformation économique de grande envergure, surtout dans le secteur agricole – la principale source de revenus en Afrique subsaharienne – afin de réduire d’une manière substantielle les niveaux de pauvreté et améliorer l’accessibilité alimentaire.

Le rapport cite l’instabilité des marchés alimentaires et les prix des produits de base ainsi que les catastrophes naturelles – y compris des sécheresses et des inondations graves entraînant la perte de récoltes, l’insuffisance des pâturages et d’eau pour le bétail –, une instabilité politique persistante, des conflits et d’autres formes de violence comme quelques-unes des principales causes de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition dans la région.

Concernant le revenu moyen par habitant, le rapport indique qu’il était trois fois inférieur en Afrique subsaharienne que dans les autres régions du monde, bien qu’il ait connu une augmentation de 30 pour cent entre 1990 et 2014.

En outre, les niveaux de pauvreté y ont baissé mais sont relativement toujours les plus élevés dans le monde, et la région est loin de réduire de moitié la proportion de personnes vivant dans la pauvreté.

De plus, bien que des progrès aient été réalisés dans la réduction de la malnutrition, les faits montrent que la région souffre toujours du triple fardeau de la malnutrition sous la forme de la dénutrition, des carences en micronutriments et du surpoids/obésité, ce dernier étant responsable de l’augmentation des cas de maladies non transmissibles.

Principales stratégies d’intervention sociale

Selon le rapport, un certain nombre de cadres politiques détaillés et de dispositifs institutionnels de protection sociale ont été introduits dans la région pour intégrer la nutrition et l’agriculture.

À ce propos, Bukar Tijani observe qu’«il est impératif que les pays adoptent des approches multisectorielles et multidisciplinaires pour intégrer l’agriculture, la nutrition, la protection sociale et d’autres mesures y relatives qui passeront par le réalignement, l’intégration et la coordination des activités et mécanismes de responsabilité afin de parvenir à des solutions et résultats durables fondés sur des preuves en matière de nutrition.»

Le rapport appelle également les pays à faire un bilan des efforts entrepris afin de mieux traduire les engagements politiques et les déclarations en programmes efficaces sur le terrain, en particulier dans le contexte des objectifs ambitieux fixés dans la Déclaration de Malabo pour 2025 et dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Il déplore que plusieurs engagements et stratégies en matière de politiques n’ont pas encore permis d’obtenir les résultats escomptés, mais informe que de nombreuses expériences nationales montrent qu’il est possible de combiner des politiques et programmes intersectoriels pour éliminer la faim et la malnutrition.

Réformes politiques

Le rapport préconise la poursuite de la réforme des politiques pour mieux préciser leurs objectifs et créer un environnement propice à l’investissement et à la participation de toutes les parties prenantes, car cela est essentiel pour parvenir à éliminer la faim et assurer la sécurité alimentaire et la nutrition.

Plus précisément, il appelle à développer des mécanismes novateurs de mobilisation de ressources auprès d’un large éventail d’acteurs du secteur public et privé et d’instruments financiers si l’on veut que les actions soient menées de manière soutenue et généralisée pour renforcer les programmes de sécurité alimentaire et de nutrition en Afrique subsaharienne. 

«À mesure que l’ampleur et l’impact des crises et des catastrophes augmentent – qui sont aggravés par la surexploitation des ressources naturelles et le changement climatique – de plus en plus de ménages, communautés et gouvernements de la région deviennent de moins en moins capables de les absorber, de s’en approprier et de s’y adapter, ce qui les rend encore plus vulnérables aux chocs futurs», a expliqué le rapport.

Il exhorte les gouvernements à intensifier leurs efforts pour que des années de progrès soutenu en matière de développement agricole ne soient pas compromises par des chocs récurrents, ajoutant qu’accroître la résilience des moyens de subsistance agricoles et promouvoir et financer les pratiques de l’agriculture intelligente face au climat seraient un puissant levier pour atteindre l’engagement contenu dans les Objectifs de développement durable de «ne laisser personne en arrière. »

De plus, des mesures immédiates à court, à moyen et à long terme sont nécessaires pour promouvoir et mettre à l’échelle des technologies appropriées pour s’adapter à la variabilité et au changement climatiques et atténuer leurs effets, pour développer des cadres de suivi et d’évaluation de la résilience et pour réduire au minimum les impacts sur les communautés touchées.

«Le renforcement de la résilience grâce aux efforts de consolidation de la paix est essentiel à la sécurité alimentaire et à la nutrition. En période de conflits armés et de crises prolongées, la protection, la préservation et la reconstruction des moyens de subsistance agricoles dans le but de sauver des vies et créer les conditions d’une résilience à plus long terme sont des étapes importantes vers la paix et la stabilité. Il ne faut jamais oublier le rôle crucial du secteur agricole dans les situations de crise; des investissements nécessaires doivent donc y être faits», recommande le rapport.