Renforcement des capacités

Les champs écoles pastoraux en Afrique de l’Est: une adaptation au changement climatique novatrice dans la pratique

26/04/2017

Le pastoralisme et l’agro-pastoralisme - systèmes d’élevage prédominants dans les zones arides de l’Afrique de l'Est – se heurtent à de nouveaux défis liés notamment au changement climatique, à la modification des régimes fonciers, aux conflits et aux maladies animales émergentes. Il est donc urgent pour les éleveurs d’élargir leurs connaissances et pratiques traditionnelles. C’est pourquoi, les champs écoles pastoraux constituent une approche novatrice de développement des capacités qui permet de renforcer les connaissances et les pratiques tout en améliorant l’apprentissage collaboratif.

 

Les champs écoles pastoraux: une approche novatrice de renforcement des capacités

Basés sur l’approche des Champs Écoles de Producteurs [1], les champs écoles pastoraux sont des « écoles dépourvues de murs » où les capacités sont développées à partir des connaissances locales. Ils sont guidés par les grands principes suivants:

  • L’apprentissage se fait par la pratique et est axé sur les problèmes;
  • Le troupeau et le paysage sont les principaux terrains d’apprentissage;
  • Les outils d’apprentissage basés sur la découverte suscitent un esprit de curiosité et d’innovation;
  • Des facilitateurs dûment formés guident le processus d’apprentissage, non par l’enseignement mais par l’accompagnement.

En règle générale, un champ école pastoral se compose d’un groupe de 25 à 30 éleveurs qui se retrouvent régulièrement sur le terrain, sous la conduite d'un facilitateur qui a été dûment formé. Ils font des observations sur la production animale et l’écosystème des parcours, se concentrent sur un sujet d’étude et comparent les effets de différentes  pratiques. En fonction des observations et des analyses faites directement sur place, les participants prennent des décisions sur la manière d’améliorer leurs pratiques. Tous les champs écoles pastoraux suivent ce processus systématique d’apprentissage par l’action dont les principales étapes sont l’observation, la réflexion, la discussion en groupe, l’analyse, la prise de décision et la planification des actions.

Le facilitateur joue un rôle fondamental pour le succès des champs écoles pastoraux, en guidant le processus et en fournissant un soutien de suivi systématique afin de s’assurer que l’apprentissage est mis en pratique.

En associant différentes activités de renforcement des capacités (par exemple, facilitation du partage d’expériences, formation de formateurs, contact/voyages d’études, apprentissage par la pratique), l’approche des champs écoles pastoraux montre très bien comment élaborer des interventions de renforcement durable des capacités.

Mieux s’adapter au changement climatique grâce aux champs écoles pastoraux: une réussite en Afrique de l'Est

Le concept de champs écoles pastoraux, actuellement développé au Kenya et en Ouganda, est repris par d’autres pays comme par exemple l’Éthiopie et Djibouti et de nombreux acteurs parmi les ONG et les gouvernements. Afin de mieux faire face collectivement au risque de sécheresse, cette approche a très souvent été mise en œuvre en complémentarité avec celle de la réduction des risques de catastrophe gérée au niveau des communautés. De puissantes plateformes d’action collective sont ainsi apparues sur des sites d’intervention au Karamoja (Ouganda) et au Turkana (Kenya).

Le processus de réduction des risques de catastrophe par la gestion communautaire fait participer activement les communautés à l’analyse des risques et des dangers, comme par exemple la sécheresse, et permet de définir un plan d’action visant à atténuer les dangers prioritaires. Au Turkana par exemple, la communauté Amethek a effectué une analyse des dangers et déterminé que la variabilité des pluies et le déboisement étaient à l’origine de l’insécurité alimentaire et de la faim auxquelles elle devait faire face. Le groupe a identifié des signaux avant-coureurs de la détérioration de la situation: il s’agissait notamment de la floraison des acacias, de l’assèchement des puits, de l’apparition de la comète, et de variations dans le chant des grenouilles. 

Les champs écoles pastoraux se sont servis de ces informations d’alerte précoce pour élaborer leurs plans d’action et programmes d’apprentissage. Ils ont ensuite identifiés des solutions possibles et formulé de nouvelles idées, qu’ils ont soumises à des essais comparatifs.

Ainsi, certains groupes dans le comté du Turkana ont organisé des systèmes de rotation permettant de gérer les pâturages pendant les périodes où les précipitations sont rares. D’autres ont axé leurs efforts sur la constitution de réserves de fourrage pour le bétail ou encore sur l’amélioration de la gestion des ressources en eau, comme autres solutions en vue de la sécheresse. Certains groupes ont mobilisé les agriculteurs pour construire des digues autour de leurs champs en vue de limiter les ruissellements et améliorer les cultures pluviales. D’autres communautés ont planté des arbres, utilisé des billons et aménagé des terrasses pour contribuer à restaurer des sites dégradés, ou encouragé la culture en courbe de niveau pour réduire l’érosion des sols.

Les éleveurs de ces champs écoles pastoraux ont tiré d’importants revenus de ces activités, notamment par la production et la vente de fourrage, ou l’engraissement des animaux. Par ailleurs, ils ont diversifié leurs revenus et leurs moyens d’existence en se lançant dans la production végétale ou l’élevage de volailles, en complément de leurs activités d’élevage.

Un changement de mentalité

A la suite de ce processus d’apprentissage par l’action, on a pu observer que les mentalités des participants aux champs écoles pastoraux évoluaient, et qu’elles n’étaient plus axées exclusivement sur la subsistance ou la survie mais étaient davantage orientées sur l’aspect économique.

Les communautés ont aussi acquis une meilleure connaissance du processus d’élaboration de plans visant à atténuer les catastrophes, et sont conscientes que les facteurs sociaux, comme les conflits et les inégalités entre les hommes et les femmes, peuvent en exacerber les effets.

Contrairement aux approches de vulgarisation plus conventionnelles dans lesquelles le transfert des technologies s’effectue du haut vers les bas, les champs écoles pastoraux s’avèrent une approche de renforcement des capacités novatrice et favorable à l’autonomisation des éleveurs. En associant le savoir traditionnel avec des informations extérieures, les éleveurs déterminent et adoptent les pratiques et les technologies les plus appropriées pour renforcer la productivité, la rentabilité et la résilience au changement climatique de leurs modes de subsistance.  

 

Pour plus de renseignements, consulter:

Champs écoles pastoraux

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Contacts:


[1] L’approche des champs écoles de producteurs (ou champs écoles paysans) a été mise au point par la FAO en Asie du Sud-Est en 1989, pour aider les petits riziculteurs à lutter contre les ravageurs du riz. Du fait de son efficacité avérée, l’approche a été rapidement étendue à d’autres pays, avec une portée dépassant largement la lutte contre les ravageurs.

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