Ex-Directeur général  José Graziano da Silva

FAO, de Fome Zero à #Faim Zéro

Le programme Fome Zero, lancé en  2003, visait comme son nom l’indique, l’éradication complète de la faim et de la malnutrition au Brésil, en s’attaquant à leurs causes profondes, la première d’entre elles étant la pauvreté, en particulier en milieu rural. 

Le programme a mis en place le plus grand système de transferts monétaires jamais déployé dans le monde et aidé environ un quart des Brésiliens à sortir de la faim et de l’extrême pauvreté. Fome Zero qui combine des initiatives à court, moyen et long termes, a utilisé 31 programmes interdépendants,  coordonnés et complémentaires pour atteindre ses objectifs.

Consciente dès le départ du potentiel du programme Fome Zero, la FAO lui a fourni un appui constant. Deux semaines après son lancement le 30 janvier 2003, l’Organisation a annoncé son intention d’y contribuer par un appui financier et technique, suite à un rapport favorable d’une équipe de la FAO qui a examiné, de concert avec la Banque mondiale, la Banque inter-américaine de développement et des experts brésiliens, la conception et les composantes individuelles du programme Fome Zero

Au départ, l’appui de la FAO au programme était centré sur trois projets de coopération technique, visant respectivement  à adapter des projets financés par des institutions financières internationales pour soutenir le programme Fome Zero; concevoir et assurer des stages de renforcement des capacités pour contrecarrer les effets des sécheresses et  renforcer la rentabilité et la productivité des populations rurales du Nordeste ; et organiser des consultations techniques sur l'agriculture urbaine et périurbaine, l'agriculture familiale en milieu rural, le système de concessions et la réforme agraire.  

Fome Zero a atteint des dizaines de millions de Brésiliens qui ont vu leur revenu moyen augmenter d’environ 20 pour cent grâce aux transferts monétaires, alors que les paysans pratiquant une agriculture familiale ont vu leurs revenus augmenter de 33 pour cent. Aujourd’hui, Fome Zero continue de faire parler de lui dans le monde entier, puisqu’une centaine de gouvernements annoncent leur intention d’adopter une approche similaire pour mettre un terme à la faim et à la pauvreté dans leur propre pays.

L’expérience acquise par le Brésil, et ses résultats dans la lutte contre la faim, sont devenus un point de référence pour d’autres nations, ce qui engendre une forte demande de coopération bilatérale et multilatérale. La FAO est fière d’avoir été associée à ce programme et aux projets en cours qui ont été conçus pour reproduire son succès dans d’autres pays.  

En effet, le programme Fome Zero plonge ses racines dans « l’approche sur deux fronts » promue par la FAO depuis plusieurs années, qui propose une combinaison de mesures à court terme et de mesures à plus long terme pour parvenir à la sécurité alimentaire. On le doit aussi à la vision de l’alimentation en tant que droit humain universel -- un droit reconnu pour la première fois par les Nations Unies dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, inscrit dans la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale publiée par le Sommet mondial de l’alimentation organisé par la FAO en 1996, ainsi que dans les Directives de la FAO sur le droit à l’alimentation, adoptées par 187 pays en 2004.  

Dans les partenariats réussis, les parties prenantes apprennent les unes des autres et se complètent mutuellement en atteignant des objectifs communs. Le passage de Fome Zero à « Faim Zéro » en est un exemple parfait.

En octobre 2005, le Brésil et le Guatemala ont proposé de s’inspirer de Fome Zero pour une initiative sans précédent – libérer l’ensemble de la Région Amérique latine et Caraïbes de la faim et de la malnutrition. La proposition a par la suite été approuvée par 29 pays de la région et l’objectif d’éradication complète de la faim a été fixé à 2025 pour la région (Objectif 2025).

L’éradication totale de la faim était un objectif beaucoup plus ambitieux que celui officiellement poursuivi par les Nations Unies. Le premier des huit objectifs du Millénaire pour le développement adoptés en septembre 2000 était de réduire de moitié la proportion de personnes souffrant de la faim d’ici à 2015.

L’initiative latino-américaine a inspiré M. Jacques Diouf, alors Directeur général de la FAO, qui a immédiatement adhéré à cette idée, pour ne pas laisser la moitié de la population aux prises avec la faim. Au Sommet mondial sur la sécurité alimentaire tenu en 2009 à Rome, la FAO a invité la communauté internationale à prendre l’engagement d’éliminer totalement la faim de la surface de la planète d’ici à 2025.
Dans la déclaration prononcée à la clôture du Sommet, il s’agissait seulement de mettre un terme à la faim « dans les meilleurs délais ».  Mais trois ans plus tard, en 2012, le Secrétaire général des Nations Unies, a relevé le défi, en prenant la parole à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20), et en détaillant un « Défi Faim Zéro » en cinq points, à mettre en œuvre d’urgence pour éradiquer la faim et la malnutrition sous toutes ses formes. Il s’est référé en particulier au Brésil, dont l’exemple pourrait être suivi par d’autres pays. 

Il a fallu encore trois ans pour qu’en 2015, le Défi “Faim Zéro” devienne le deuxième Objectif de développement durable (ODD) des Nations Unies, adopté à l’unanimité en septembre de la même année. L’ODD 2 vise à «  éliminer la faim, à assurer la sécurité alimentaire, à améliorer la nutrition et à promouvoir l'agriculture durable », alors que l’ODD 1 vise à « mettre fin à la pauvreté, sous toutes ses formes et en tous lieux ».

Voici, en quelques mots, comment la vision Fome Zero, née au Brésil et défendue avec force par la FAO, a ensuite été reflétée dans les nouveaux Objectifs de développement durable des Nations Unies, ce qui a aidé à mobiliser un engagement international et des efforts pour éradiquer la faim et la pauvreté au cours des 15 prochaines années.

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