Directeur général QU Dongyu

Note technique: Effets de la covid-19 et de la guerre en Ukraine sur les perspectives relatives à la sécurité alimentaire et à la nutrition Allocution liminaire

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

25/03/2022

Note technique: Effets de la covid-19 et de la guerre en Ukraine sur les perspectives relatives
à la sécurité alimentaire et à la nutrition 

Allocution liminaire 

de 

M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

 telle que prononcée

25 mars 2022

 

Chères et chers collègues,

Bonjour,

1.         La FAO a fait sien l’appel lancé par le Secrétaire général à mettre fin à la guerre, à restaurer la paix et à protéger les vies humaines.

2.         Nous exprimons notre solidarité avec toutes les personnes qui souffrent dans cette crise, en particulier celles qui vivent de l’agriculture.

3.         À la FAO, nous mobilisons nos ressources et nos capacités techniques pour apporter une aide dans les limites que nous impose la guerre et conformément à notre mandat.

4.         Cette guerre survient alors que les économies du monde entier pâtissent encore des effets négatifs de la covid‑19, qui a fait perdre leur revenu et leur emploi à des millions de personnes, ainsi précipitées dans la pauvreté et la faim.

5.         Le conflit n’affecte pas seulement les pays directement impliqués, mais aussi et surtout les populations vulnérables partout dans le monde.

6.         Les prix des denrées alimentaires augmentant parallèlement à ceux de l’énergie, le pouvoir d’achat des consommateurs vulnérables dans l’ensemble du monde a fortement régressé.

7.         Ce fardeau supplémentaire survient à un moment où l’augmentation des dépenses de santé et les coûts de la lutte contre la covid-19 grèvent déjà les budgets des États et des consommateurs du monde entier.

8.         Outre les prix des denrées alimentaires et du carburant, les prix des engrais sont en augmentation depuis la fin de 2021, et ont désormais atteint un niveau record, ce qui alourdit les coûts de production des aliments.

9.         Nous craignons que la hausse des prix des engrais n’entraîne un recul de leur utilisation, ce qui se répercuterait négativement sur les rendements des cultures de base et des cultures d’oléagineux et compromettrait les perspectives de production pour l’ensemble du monde.

10.       Cela se traduirait par un double problème de disponibilité alimentaire et d’accès aux aliments, et pourrait se solder par un accroissement du nombre de personnes souffrant de sous-alimentation au cours des deux années à venir.

11.       La Fédération de Russie et l’Ukraine sont des acteurs importants sur les trois marchés sur lesquels pèsent des craintes: les aliments (y compris pour animaux), les carburants (en particulier les carburants des machines agricoles) et les engrais.

12.       À l’échelle mondiale, ces deux pays cumulent 19 pour cent de l’offre d’orge, 14 pour cent de l’offre de blé, 4 pour cent de l’offre de maïs, et plus d’un tiers des exportations mondiales de céréales. 

13.       Ce sont aussi d’importants fournisseurs de colza, et ils réalisent 52 pour cent des exportations mondiales d’huile de tournesol – certains avancent le chiffre de 80 pour cent, mais ce pourcentage est celui de la production totale.

14.       La Fédération de Russie est aussi un gros exportateur d’engrais: en 2020, elle occupait la première place des pays exportateurs d’engrais azotés, était le deuxième fournisseur de potassium et le troisième plus grand exportateur d’engrais phosphatés.

15.       Les perturbations subies par la production et les filières d’approvisionnement et d’acheminement de céréales et de graines oléagineuses, ainsi que les restrictions qui s’appliquent aux exportations de la Russie, auront des répercussions sensibles sur la sécurité alimentaire. 

16.       Comme je l’ai dit au Secrétaire général de l’ONU, les sanctions sont des mesures à double tranchant.

17.       Cela est particulièrement le cas pour la cinquantaine de pays qui se procurent 30 pour cent, voire plus, de leur blé auprès de la Russie et de l’Ukraine.

18.       Nombre d’entre eux, qui se situent en Afrique du Nord, en Asie et au Proche-Orient, comptent parmi les pays les moins avancés ou à faible revenu et à déficit vivrier.

19.       Les perturbations de l’offre dans ces deux pays se répercutent déjà sur le système agroalimentaire mondial.

20.       De nombreux pays d’Europe et d’Asie centrale reçoivent de la Russie plus de 50 pour cent de leurs engrais, et les pénuries pourraient se prolonger jusqu’à l’année prochaine.

21.       Ces pays se tourneront vers d’autres fournisseurs, mais cela nécessite du temps et ils ont besoin d’une solution dans l’immédiat.

22.       L’augmentation des prix de l’énergie a aussi pour effet de rendre concurrentielle la production de bioénergie à partir de matières premières agricoles, ce qui pourrait induire une nouvelle hausse des prix des produits alimentaires. 

Chères et chers collègues,

23.       Comme vous le voyez, nous sommes confrontés à un ensemble de problèmes dont l’Ukraine n’est pas la seule affligée et qui ne fait qu’aggraver la situation globale. 

24.       En prévention d’une crise mondiale de la sécurité alimentaire, nous devons faire en sorte que le commerce mondial se poursuive sans heurts et de manière ouverte.

25.       Les exportations ne doivent pas être restreintes ni taxées et les marchés doivent rester en activité.

26.       Nous devons aussi accroître l’efficience de notre consommation, mais pas par un subventionnement de la consommation intérieure au sens large, qui pourrait se traduire par un gaspillage de nourriture, d’énergie et de ressources naturelles.

27.       Nous devons user de la protection sociale et de programmes qui, dans ce domaine, ciblent correctement leurs destinataires, en vue de garantir l’accessibilité des aliments, en particulier au profit des plus vulnérables.

28.       Nous devons aussi tout faire pour accroître la transparence du marché et améliorer l’information sur le marché.

29.       La FAO n’a de cesse de fournir une information actualisée sur les marchés qui s’avère capitale pour les décideurs et les partenaires puisqu’elle les aide à faire les bons choix.

30.       La FAO, qui héberge le secrétariat du Système d’information sur les marchés agricoles (AMIS), joue un rôle primordial à cet égard.

31.       Les faits concrets et les chiffres sont en effet indispensables pour apaiser les marchés.

32.       En Ukraine, avant même le déclenchement de la guerre, la FAO entretenait une forte présence sur le terrain et cumulait une solide expérience dans l’apport d’aide humanitaire.

33.       Désormais, nous donnons à nos interventions une autre dimension, en étroite collaboration avec le PAM sur le terrain, ainsi qu’avec d’autres institutions des Nations Unies.

34.       Cette crise requiert une approche commune, une collaboration plus étroite et des partenariats plus forts entre les pays et les institutions et parmi les parties prenantes dans leur ensemble.

35.       Les pays doivent se garder de décisions à visée intérieure, mais préférer au contraire des solutions collectives aux problèmes collectifs auxquels nous sommes actuellement confrontés.

36.       La FAO travaille avec la Présidence allemande du G7 à fournir un appui technique permanent, à produire différents scénarios des perspectives mondiales de l’alimentation et à recommander des politiques aux ministres de l’agriculture,

37.       et nous continuons d’agir au travers des processus du G7 qui sont en lien avec notre mandat.

38.       Cet appui comporte aussi une collaboration étroite avec la Banque mondiale et l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, ce qui doit nous permettre de regrouper nos avantages comparatifs et de présenter une proposition commune en réponse aux défis auxquels nous sommes confrontés.

39.       Pendant toute l’année 2022, la FAO s’emploiera aussi à fournir son assistance technique et à accompagner les politiques publiques en entretenant une collaboration étroite avec le G20 présidé par l’Indonésie.

40.       Vous n’êtes pas sans savoir que le Secrétaire général de l’ONU vient d’instaurer le Comité directeur du Groupe chargé d’apporter des réponses aux crises mondiales de l’alimentation (dont l’alimentation animale et les combustibles), de l’énergie et des financements.

41.       Comme j’en ai fait part au Secrétaire général, nous sommes convaincus qu’il est essentiel, dans une approche intégrée de la stabilité mondiale et de la paix, d’envisager la question de l’alimentation – laquelle est un droit humain fondamental – de pair avec celles de l’énergie et des financements.

42.       Mais aussi pour l’obtention de solutions concrètes qui maximisent les synergies entre tous les acteurs essentiels.

43.       La FAO accompagnera activement l’équipe spéciale intergouvernementale sur les produits alimentaires, aux côtés d’autres partenaires des Nations Unies, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et d’autres institutions financières internationales.

44.       Il est essentiel d’envisager l’alimentation, l’énergie et les financements comme un ensemble.

45.       Et la FAO, en tant qu’institution spécialisée des Nations Unies, aura un rôle capital à jouer dans ces trois domaines.

46.       C’est pourquoi, le 1ᵉʳ mars, j’étais le seul chef de secrétariat des organisations ayant leur siège à Rome à participer à l’Appel éclair de l’ONU pour l’Ukraine.

47.       Le 3 mars, accompagné de l’Équipe de direction centrale, j’ai créé une équipe spéciale, coordonnée par l’Économiste en chef et bénéficiant de l’appui des directeurs généraux adjoints, dont la mission est de mettre à jour les informations, chaque semaine ou tous les dix jours, en fonction de l’évolution de la situation.

48.       Le Secrétaire général et moi-même avons eu aussi des entretiens utiles, d’où il ressort qu’il est nécessaire de faire de l’alimentation un élément mondial dans la riposte à la crise mondiale.

49.       Et, le 23 mars, le Secrétaire général a réuni pour la première fois le Comité directeur sur l’alimentation, l’énergie et les financements.

50.       Nous devons travailler ensemble et faire de même face à d’autres crises.

51.       Le travail collectif représente le bon choix.

52.       Le professionnalisme, la transparence et l’ouverture sont au cœur de notre dialogue pour la solidarité,

53.       et ces atouts sont indispensables pour surmonter les crises et les défis qui s’annoncent.

54.       Je tiens à remercier l’Économiste en chef – nous travaillons jour et nuit pour affronter la crise, sans interrompre notre conduite des activités quotidiennes de l’Organisation.

55.       Comme je l’ai dit à l’Équipe de direction centrale, nous ne devons cesser de «jouer du piano», autrement dit veiller à la poursuite de toutes nos activités inscrites au mandat de la FAO et à leur bon déroulement.

56.       Je vous remercie.