Conférence de haut niveau à l’appui de la Stratégie relative à la santé des végétaux dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord – Allocution d’ouverture
de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO
12/05/2025
Mesdames et Messieurs les ministres de l’agriculture de la région Proche-Orient et Afrique du Nord,
Monsieur Michele Emiliano, Président de la région des Pouilles,
Chers donateurs,
Cher Maurizio Raeli, Directeur du Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes de Bari (CIHEAM Bari), et chers collègues du CIHEAM,
Mesdames, Messieurs,
Bonjour.
Je me réjouis d’être ici avec vous, en cette ville de Bari, qui est devenue un pôle d’innovation et de collaboration agricoles dans la région méditerranéenne.
J’exprime ma profonde gratitude au Gouvernement italien pour la coopération et le soutien de longue date apportés à la FAO par l’Italie, en sa qualité de pays hôte, ainsi qu’à la région des Pouilles pour son soutien indéfectible en faveur du CIHEAM, et pour sa chaleureuse hospitalité, alors qu’elle accueille l’importante conférence qui nous réunit aujourd’hui.
Je tiens en particulier à remercier le Président de la région des Pouilles, M. Michele Emiliano, d’avoir partagé avec nous son expérience personnelle, d’abord en tant que juge, puis sa compréhension profonde non seulement de l’importance de la santé des végétaux, mais aussi des organismes nuisibles et des maladies qui touchent les végétaux, dont les répercussions se ressentent non seulement sur les végétaux mais aussi sur les sols et sur l’économie - une telle conscience chez un homme politique est absolument remarquable et mérite que nous la saluons.
Je tiens aussi à remercier le Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM), à Bari, pour notre partenariat solide, utile et à long terme, qui remonte à la création du Centre en 1962, et en particulier pour l’engagement et le soutien qu’il témoigne depuis plus de soixante ans en faveur de la région, de la sous-région et au-delà.
Bari, située à mi-chemin entre l’Europe au sens large (y compris l’Italie), le Maghreb et la partie orientale de la Péninsule arabique, est un lieu très stratégique et chargé d’histoire.
C’est un honneur pour moi, en qualité de Directeur général de la FAO, de me rendre au CIHEAM (c’est la première fois dans l’histoire de notre coopération qu’un Directeur général de la FAO se rend à Bari pour visiter le CIHEAM) et je suis aussi très honoré de vous souhaiter à tous la bienvenue à cette Conférence de haut niveau à l’appui de la Stratégie relative à la santé des végétaux dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord.
Votre présence ici aujourd’hui reflète votre engagement continu dans la lutte essentielle contre les organismes nuisibles et maladies transfrontières des végétaux, dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord et au-delà. Elle reflète aussi la conscience que vous avez de l’importance de la formation fournie par le CIHEAM aux étudiants de votre région; elle offre l’occasion de partager des connaissances et des expériences, ainsi que de trouver des moyens de renforcer la coopération entre vos pays, votre région et vos sous-régions et le CIHEAM, ainsi qu’avec la FAO – illustrant ainsi parfaitement la coopération triangulaire.
Lorsque j’ai pris mes fonctions de directeur général de la FAO en 2019, j’ai établi le Bureau pour la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire, afin de refléter l’importance non seulement de la coopération bilatérale entre les pays du Sud, mais aussi de la nécessité impérieuse d’une coopération triangulaire ouverte et inclusive, qui intègre aussi les pays du Nord, ainsi que la FAO.
Que la FAO soit pour vous la plateforme et le point de rencontre mondial de référence, doté du plus vaste réseau en matière d’alimentation et d’agriculture à l’échelle planétaire.
Mesdames, Messieurs,
Votre présence aujourd’hui envoie un message clair: la santé des végétaux est essentielle à la sécurité alimentaire et à la nutrition, au développement durable et à la résilience, au sein de la région Proche‑Orient et Afrique du Nord, et partout dans le monde.
J’espère aussi qu’elle confirmera les financements fournis par les donateurs en vue d’atteindre nos objectifs communs.
Aujourd’hui, nous célébrons de surcroît la Journée internationale de la santé des végétaux, établie à l’initiative de la FAO et de ses membres, et désormais reconnue partout dans le monde.
Cet événement s’inscrit dans le prolongement des efforts entrepris dans le cadre de l’Année internationale de la santé des végétaux (2020), dont la FAO est cheffe de file, et qui vise à mieux faire prendre conscience au niveau mondial que la protection de la santé des végétaux peut contribuer à éliminer la faim, réduire la pauvreté, protéger l’environnement et stimuler le développement économique.
La biodiversité constitue le fondement de la diversité alimentaire. Or, la biodiversité découle de la protection de nos ressources génétiques, et notamment de la résilience et de la tolérance des végétaux. Ainsi, la santé des végétaux est un élément essentiel de la protection de la biodiversité.
Scientifiquement, il est impératif que nous soyons dotés d’une stratégie de gestion intégrée des organismes nuisibles et des maladies, qui englobe l’agronomie, l’élevage et la gestion des sols, ainsi que l’utilisation responsable des pesticides et insecticides.
Les bactéries (telles que Xylella fastidiosa) sont très difficiles à gérer, car il est tout aussi difficile de sélectionner les variétés génétiquement résistantes; elles exigent donc une approche plus novatrice, qui passe par exemple par l’édition génomique et permette de mettre au point des variétés résistantes de végétaux vecteurs.
Ce qui importe peut-être encore plus pour les gouvernements, c’est de former les agriculteurs, en particulier les petits exploitants, ainsi que les producteurs, afin de mettre en place une approche globale de recherche de solutions, pour une propagation des jeunes plants exempte de bactéries. Une telle intervention requiert un petit investissement, susceptible de produire de puissants effets, en coopération avec le CIHEAM et la FAO. Il s’agit d’une solution technique.
Par ailleurs, la technologie numérique est essentielle pour repérer les zones non infectées (vertes), et séparer et localiser les zones infectées (rouges) – il s’agit d’une solution administrative, au niveau des autorités locales, de gestion de la propagation des organismes nuisibles et des maladies touchant les végétaux, ainsi que de prévention des pandémies.
Autre élément essentiel, les centres de quarantaine (terme qui vient de l’italien et signifie «quarante jours»). De nos jours, une période de 14 jours peut suffire pour isoler les exploitations infectées, mais il est impératif que les règles de quarantaine soient respectées.
Mesdames, Messieurs,
La Journée internationale de la santé des végétaux sert à rappeler que la protection des végétaux est indispensable à la vie sur Terre.
La protection des végétaux ne consiste pas uniquement à sauvegarder les cultures, elle est essentielle pour offrir des systèmes agroalimentaires durables, préserver la biodiversité et sécuriser des millions de moyens d’existence.
La santé des végétaux se traduit par une alimentation saine, et des écosystèmes et des économies en bonne santé.
Des végétaux en bonne santé sont aussi le point de départ de la santé humaine et animale; elles sont la pierre angulaire de l’approche «Une seule santé», qui reconnaît l’interconnexion profonde entre la santé des personnes, des animaux, des végétaux et de l’environnement.
Chaque année, jusqu’à 40 pour cent de la production végétale mondiale succombe sous l’effet des organismes nuisibles et des maladies, entraînant des pertes économiques s’élevant à plus de 220 milliards d’USD annuels.
Ces pertes menacent la sécurité alimentaire et la nutrition, les moyens de subsistance ruraux et les économies nationales, en particulier dans les régions déjà vulnérables aux effets de la crise climatique ou en proie à des conflits, comme de nombreuses zones de la région Proche-Orient et Afrique du Nord, mais pas uniquement.
Dans toute la région Proche-Orient et Afrique du Nord, les organismes nuisibles et maladies transfrontières des végétaux font obstacle à nos efforts de transformation des systèmes agroalimentaires, de préservation de la biodiversité et de soutien aux économies rurales.
Les organismes nuisibles et maladies transfrontières de végétaux ne connaissent aucune frontière, avancent rapidement et dépassent les capacités nationales. À ce jour, aucun pays n’est en mesure de faire face seul à ces enjeux. La solidarité et la coopération régionales et mondiales sont essentielles, les partenariats sont indispensables et les financements sont déterminants.
Sans financements suffisants, nous ne pouvons lutter efficacement contre les organismes nuisibles et les maladies transfrontières.
Sans financement suffisants, nous ne pouvons mettre en place des solutions novatrices efficaces fondées sur la science.
Nous devons convertir les engagements des donateurs en financements effectifs.
Nous devons passer du discours à l’action. Voilà pourquoi nous sommes tous réunis ici aujourd’hui.
Et surtout, pour réussir, il nous faut la paix, la solidarité, la patience et la passion! La patience est essentielle, mais sans passion, elle n’a aucun sens!
Mesdames, Messieurs,
La région Proche-Orient et Afrique du Nord, dotée un riche patrimoine agricole, est particulièrement vulnérable aux organismes nuisibles et maladies transfrontières en raison des systèmes agraires traditionnels, du climat aride, du caractère limité des ressources en eau et d’une instabilité croissante. La Stratégie relative à la santé des végétaux dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord, mise au point conjointement par la FAO et le CIHEAM-Bari, offre un cadre complet pour renforcer les capacités de protection des végétaux, harmoniser les mesures phytosanitaires, renforcer la coopération régionale et promouvoir l’innovation. La Conférence de haut niveau qui nous réunit aujourd’hui marque une étape importante de notre action conjointe, qui s’inscrit dans le prolongement des engagements pris lors des 36e et 37e sessions de la Conférence régionale pour le Proche-Orient de la FAO, et tire parti de l’élan créé par la Déclaration de Bari en 2023.
À présent, il nous faut traduire ces engagements en actions concrètes sur le terrain.
En l’absence de financements, les engagements ne sont que de vaines promesses.
Cette conférence nous offre une occasion importante de passer de la stratégie à l’action, d’agir, et de financer nos engagements.
Chers partenaires de financement,
Votre soutien aujourd’hui aura des effets durables sur la sécurité alimentaire et la nutrition, les moyens d’existence ruraux et la stabilité commerciale.
Investir dans la santé des végétaux n’est pas une dépense, c’est un multiplicateur de développement.
Aux côtés de nos bailleurs de fonds, nous appelons aussi les ministres et responsables de l’élaboration des politiques à donner l’impulsion nécessaire pour intégrer la Stratégie relative à la santé des végétaux dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord dans les programmes nationaux, renforcer les systèmes de réglementation et créer les conditions propices pour que les financements reçus se traduisent en résultats concrets.
Vous faites le pont entre les donateurs et les agriculteurs sur le terrain.
Tous nos partenaires, des chercheurs aux agriculteurs en passant par le secteur privé, doivent contribuer ensemble. L’expertise, l’innovation et l’engagement sont eux aussi indispensables si l’on veut parvenir à une mise en œuvre réussie.
Grâce à nos efforts collectifs, nous pouvons soutenir de manière efficace, effective et cohérente la protection des végétaux contre les organismes nuisibles et les maladies qui les touchent, en rendant possible l’existence de systèmes agroalimentaires plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables, ainsi que d’écosystèmes plus sains.
La santé des végétaux est essentielle si l’on veut produire plus avec moins et garantir à tous une alimentation suffisante et nutritive. Notre action collective en faveur de la santé des végétaux est capitale pour la réalisation des quatre améliorations: améliorations de la production, de la nutrition, de l’environnement et des conditions de vie, sans laisser personne de côté.
Les quatre améliorations constituent le fondement du Cadre stratégique 2022-2031 de la FAO. Dans ce cadre, nous mettons en avant des efforts en matière de santé des végétaux fondés sur la science, l’innovation et une coopération internationale renforcée, et sur la construction d’un avenir plus sain et plus durable.
Cette année, la FAO célèbre son 80e anniversaire. Officiellement créée en 1945 à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la FAO, dont les bases avaient déjà été établies en 1943 à l’instigation du Président Franklin Roosevelt, promeut une agriculture durable, protège les ressources naturelles et améliore les conditions de vie, ce depuis huit décennies.
La santé des végétaux joue un rôle central dans cette mission. Aujourd’hui, nous restons plus engagés que jamais en faveur de la sauvegarde de nos systèmes agroalimentaires, de notre environnement et de notre avenir.
Lors de la conférence fondatrice de la FAO, les participants avaient en ligne de mire l’objectif de mettre la population mondiale à l’abri du besoin au regard de l’alimentation et de l’agriculture. Il a été reconnu que remplir cet objectif nécessitait d’offrir à chaque être humain une alimentation sûre, suffisante et adaptée. Ce principe est inscrit dans l’Acte constitutif de la FAO.
Aujourd’hui et plus que jamais, nous continuons d’affirmer que le droit à l’alimentation est un droit fondamental de l’être humain.
Il nous reste toutefois encore beaucoup à faire pour honorer la mémoire historique de nos prédécesseurs et faire plus et mieux, ensemble, au service des générations futures.
Je saisis cette occasion pour inviter nos amis donateurs à participer au Forum mondial de l’alimentation organisé tous les ans par la FAO, qui se tiendra cette année du 14 au 18 octobre au siège de l’Organisation, à Rome, et en particulier au Forum de l’investissement de l’initiative Main dans la main, lequel est devenu, depuis que je l’ai institué en 2019, une manifestation incontournable et mondialement reconnue pour les investissements dans le secteur agroalimentaire.
Le Forum de l’investissement de cette année présentera des dossiers d’investissements agroalimentaires issus de 28 pays membres et de cinq initiatives régionales, et s’inscrira dans le cadre du thème global «Main dans la main pour des aliments et un avenir meilleurs».
Ce thème souligne le rôle essentiel d’une coopération mondiale s’agissant de créer un avenir où règnent la durabilité, l’équité et la sécurité alimentaire.
Chers collègues, partenaires et amis,
Poursuivons notre action commune, guidés par la science et l’innovation, en faveur d’un avenir meilleur pour tous, où les végétaux et les populations prospèrent ensemble.
Faisons en sorte de disposer des fonds nécessaires pour offrir à tous un monde meilleur où règne la sécurité alimentaire.
La FAO s’engage à continuer à vous soutenir.
Je vous remercie.