Directeur général QU Dongyu

RÉUNION MINISTÉRIELLE DE L’ORGANISATION DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE ASIE PACIFIQUE (APEC) À LIMA (PÉROU) – Session 2: La croissance durable au service d’un développement résilient

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

14/11/2024

Quelles seraient les meilleures voies à suivre pour lutter plus efficacement contre les pertes et le gaspillage alimentaires dans la région Asie et Pacifique?

En dehors de quelques zones sensibles, la région Asie et Pacifique a éradiqué la faim, moins de 1,7 pour cent de sa population souffrant de carences en calories.

L’accès à une alimentation saine demeure toutefois insuffisant puisque 18,1 pour cent des habitants n’ont pas les moyens de se nourrir sainement.

Parallèlement, les coûts cachés des systèmes agroalimentaires représentent 8,5 pour cent du produit intérieur brut, 80 pour cent de ces coûts étant liés à la santé. 

Nous devons sans plus attendre faire reculer les pertes et le gaspillage de nourriture si nous voulons relever les défis actuels et futurs, et concrétiser les quatre améliorations.

Cette action contribuera non seulement à l’amélioration de l’environnement en permettant d’économiser les ressources naturelles, mais aussi à l’amélioration de la nutrition en facilitant l’accès à des produits sains mais périssables, et à l’amélioration des conditions de vie en assurant aux producteurs alimentaires davantage de revenus et une plus grande qualité de vie.

Au niveau mondial, les pertes alimentaires intervenant entre le stade de la récolte et celui de la vente au détail ont représenté 400 milliards d’USD. Par ailleurs, 1,4 milliard d’hectares de terres agricoles et de pâturages et 250 kilomètres cubes d’eau ont servi à produire des aliments qui ont fini par être perdus et gaspillés.

Les pertes à l’échelle mondiale sont généralement plus importantes pour les fruits et les légumes, puisqu’elles sont de l’ordre de 30 pour cent contre 7 pour cent pour les céréales et les légumineuses.

Pour remédier à ce problème, nous devons améliorer la production tout au long des chaînes de valeur, en ciblant les points critiques des pertes alimentaires, en misant sur l’innovation, la technologie et les investissements dans les infrastructures et en mettant en place des politiques propices à la réduction des pertes.

Si l’on prend l’exemple des pertes de fruits et légumes, on constate que c’est lors du transport qu’elles atteignent leur niveau maximal – jusqu’à 25 pour cent –, en Asie centrale et en Asie du Sud, alors que c’est à l’étape du stockage et de la transformation et à celle du conditionnement, avec respectivement 20 et 12 pour cent, qu’elles sont les plus importantes en Asie de l’Est et en Asie du Sud-Est.

Pour bien cibler les denrées et les stades des chaînes de valeur sur lesquels intervenir, il faut investir dans la collecte de données, et la FAO a mis au point des outils pour faciliter ce travail et intensifier les efforts.

Son indice des pertes alimentaires et son application Food Loss consacrée aux pertes de nourriture sont deux exemples qui illustrent les efforts de diffusion des savoirs à l’appui d’une action concrète et de résultats ciblés. L’application Food Loss permettra également à la FAO d’améliorer grandement sa capacité à déterminer où et pourquoi se produisent les pertes alimentaires dans les exploitations grâce aux informations recueillies de façon participative auprès des exploitants agricoles, et aidera les pays et les partenaires de l’Organisation dans leurs efforts visant à atteindre la cible 12.3 des objectifs de développement durable (ODD), et les indicateurs y afférents, en particulier l’indicateur 12.3.1 relatif à la réduction des pertes alimentaires.

Je vous remercie de votre attention.

Comment assurer une transition énergétique juste à la fois pour les pays et tous les pans de la société?

Une transition juste est indispensable pour assurer une croissance durable et un développement résilient. Il est particulièrement important d’aborder les enjeux que posent les transitions climatique, énergétique et environnementale dans le contexte des systèmes agroalimentaires. 

Nous devons transformer nos systèmes agroalimentaires pour les rendre plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables, de façon à ce qu’ils puissent nourrir une population mondiale qui approchera les 10 milliards d’habitants d’ici à 2050, tout en nous adaptant au changement climatique et en contenant le réchauffement planétaire sous le seuil de 1,5 °C.

Il nous faut absolument opérer cette transformation, en gardant pleinement à l’esprit que la décarbonation d’ici le milieu du siècle sera tout simplement impossible si nous n’investissons pas dans les systèmes agroalimentaires et les zones rurales. En particulier en ce qui concerne l’utilisation de l’énergie qui est nécessaire à chacun des stades des systèmes agroalimentaires.

Produire suffisamment pour nourrir la planète nécessite, des champs jusqu’aux marchés alimentaires, environ 30 pour cent de toute l’énergie consommée dans le monde, et plus du tiers des émissions de gaz à effet de serre des systèmes agroalimentaires sont le résultat de cette consommation énergétique.

Les systèmes agroalimentaires sont à la merci des effets de la crise climatique, comme nous en avons été témoins au cours des dernières années, mais contribuent aussi pour beaucoup aux émissions de gaz à effet de serre. Nous devons inverser cette tendance.

Il est impératif de transformer radicalement la manière dont les aliments sont produits, transformés, commercialisés et consommés, et c’est en renforçant le rôle des systèmes agroalimentaires en tant que solution aux problèmes climatiques que nous y parviendrons.

Pour concrétiser nos ambitions climatiques, nous devons prendre en compte tous les secteurs de la société dans une démarche cohérente et revoir complètement nos systèmes énergétiques. Face à l’ampleur des changements qui s’imposent, il est essentiel d’adopter une stratégie globale qui permette de créer des synergies. Dans bien des cas, les solutions se dessineront à l’intersection de différents secteurs: les approches sectorielles fragmentées ne donneront aucun résultat.

C’est pour cette raison que la FAO a présenté, à l’occasion de la 28e session de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28), une feuille de route mondiale visant à atteindre l’ODD 2 sans dépasser le seuil de 1,5 °C.

Nous avons intégré la feuille de route établie par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), et mis l’accent sur les solutions qui permettront de répondre aux besoins mondiaux en matière d’énergie et d’alimentation.

Nous avons également placé le principe d’une transition juste au cœur de la transformation des systèmes agroalimentaires mondiaux – tout comme il devrait être au cœur de la transition énergétique.

La région de l’APEC progresse déjà rapidement sur la voie de la transition énergétique. Elle est parvenue en peu de temps à élargir le recours aux technologies vertes.

Des initiatives visent à harmoniser les normes et les réglementations, à l’image de la feuille de route de l’APEC pour les véhicules électriques, qui facilite l’adoption plus large des véhicules électriques dans divers secteurs, dont l’agriculture.

Cela étant, il ne faut en aucun cas perdre de vue les conséquences indésirables que pourrait avoir le développement de certaines sources d’énergie prometteuses: agir vite est important, agir de façon stratégique l’est encore plus!

La transformation est, par nature, un processus systémique, et elle ne doit pas seulement permettre de produire davantage, mais de produire davantage avec moins de ressources grâce à l’innovation.

Pour ce faire, nous avons besoin d’une approche intégrée et d’une coordination internationale.

Il convient d’appliquer en priorité le principe d’une transition juste pour faire en sorte qu’aucun pays ni aucun individu ne soit laissé de côté, notamment les jeunes et les femmes en zone rurale.

En particulier, dans la région de l’APEC, les petites et moyennes entreprises (PME) représentent 97 pour cent de l’économie et leur rôle est essentiel puisqu’elles sont le principal pourvoyeur de travail et de nouveaux emplois et contribuent fortement à la création de valeur.

Leur apport est encore plus important lorsqu’on prend en compte les entreprises informelles, aussi devons-nous nous efforcer de faire une place à ces acteurs en les accompagnant avec les bons outils, les bonnes technologies et les bonnes mesures incitatives et en leur assurant un accès aux financements.

Nous devons impérativement veiller à ce que les incitations que nous mettons en place aillent dans le sens de nos ambitions climatiques, et nous devons investir dans l’innovation pour gagner en productivité.

Il est primordial de fournir un appui financier aux PME tout au long de la transition pour qu’elles puissent adopter les innovations.

Des innovations qui devraient favoriser les approches fondées sur la création collaborative et l’échange de connaissances entre les partenaires en vue de garantir une transition juste. 

Merci.

Comment parvenir rapidement à exploiter à plus grande échelle les avantages des sources d’énergie prometteuses, comme l’hydrogène propre et bas carbone, dans la région?

Chaque année, un tiers de la nourriture produite dans le monde est perdue ou gaspillée, ce à quoi il faut ajouter l’énergie utilisée par le secteur pour produire ces aliments, sans oublier les émissions de gaz à effet de serre qui y sont associées.

L’absence de systèmes efficaces de chaîne du froid est directement responsable de la perte de 526 millions de tonnes d’aliments, soit 12 pour cent de la production alimentaire mondiale. 

Dans un monde où un nombre croissant de personnes souffrent de la faim, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des tonnes de denrées alimentaires propres à la consommation.

L’accès à une énergie verte, à la fois fiable et abordable, est indispensable pour mettre en place des chaînes du froid qui garantiront un stockage plus efficace.

Il sera ainsi possible de s’assurer que les produits sont conservés dans des conditions adaptées et scientifiquement fondées tout au long de la filière alimentaire. 

Cet exemple nous montre clairement que les solutions axées sur les systèmes alimentaires intelligents du point de vue énergétique sont un moyen essentiel pour venir à bout de la crise alimentaire et climatique.

Ces solutions peuvent être mises en œuvre grâce à quatre axes d’action principaux:

Premièrement, il faudra tripler les investissements annuels dans les énergies propres à l’échelle mondiale d’ici 2030 pour atteindre 4 000 milliards d’USD si l’on veut parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050.

Ces investissements viseront notamment à accroître de manière notable le recours aux énergies renouvelables et durables dans les systèmes agroalimentaires. Selon une analyse réalisée il y a peu par la FAO, moins de 4 pour cent des fonds alloués à la lutte contre le changement climatique, et seulement 18 pour cent des fonds pour le développement réservés à l’action climatique, sont consacrés à ces solutions.

Deuxièmement, il faut veiller à ce que l’agriculture, les solutions agroalimentaires et les approches fondées sur les systèmes agroalimentaires intelligents sur le plan énergétique soient mieux intégrées et se voient accorder un degré de priorité plus important dans les politiques nationales et les contributions déterminées au niveau national.

Troisièmement, il faut aider les agriculteurs à mettre en place des solutions innovantes en matière d’énergie verte, de sorte qu’ils puissent améliorer la productivité et réduire les pertes et le gaspillage alimentaires grâce à de meilleures pratiques agricoles et après récolte, notamment grâce à la bioénergie durable, ainsi qu’à des technologies faisant appel aux énergies renouvelables pour l’irrigation et les chaînes du froid.

Enfin, quatrièmement, il faut promouvoir une transition énergétique juste dans le secteur agroalimentaire pour garantir l’égalité d’accès aux services et aux technologies énergétiques nécessaires.

La FAO s’engage à assurer un accès équitable aux énergies durables pour aider les acteurs des systèmes agroalimentaires à s’adapter au changement climatique, à améliorer la productivité, à soutenir la création d’emplois, l’égalité des genres et le développement local et rural, et à réduire la faim et la pauvreté.

Nous devons reconnaître le rôle déterminant et le potentiel des systèmes agroalimentaires.

La coopération régionale peut revêtir une grande importance pour ce qui est de promouvoir les engagements et les efforts visant à faire avancer les choses.

En traçant une voie nouvelle pour la collaboration en ce qui concerne le climat et la transition énergétique dans les systèmes agroalimentaires, nous serons en mesure d’exploiter le potentiel de ces systèmes pour contribuer à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à ses effets, tout en garantissant la sécurité alimentaire, les moyens d’existence et la durabilité environnementale pour les générations futures.

Au cours des 20 dernières années, la FAO a facilité l’accès à des sources d’énergie modernes et durables, en étroite collaboration avec les gouvernements et d’autres partenaires.

C’est un élément fondamental pour opérer la transformation devant conduire à des systèmes agroalimentaires plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables, qui contribuent à la réalisation des quatre améliorations (en matière de production, de nutrition, d’environnement et de conditions de vie), sans laisser personne de côté.   

L’accès universel à des services énergétiques propres et fiables est essentiel pour garantir une croissance durable et un développement résilient et assurer la sécurité alimentaire.

Je vous remercie de votre attention.