Réunion des ministres de l’agriculture du G7 à Syracuse L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2024 Déclaration
de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO
27/09/2024
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Le rapport 2024 sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde nous livre l’évaluation mondiale la plus récente des progrès accomplis dans la réalisation des cibles 2.1 et 2.2 des objectifs de développement durable (ODD).
Une fois de plus, il nous est rappelé qu’en l’absence d’un changement véritablement porteur de transformation, le monde ne sera pas en voie d’atteindre les objectifs d’élimination de la faim, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition sous toutes ses formes d’ici à 2030 ni à aucune autre date dans un proche avenir.
Pour pouvoir agir à l’échelle voulue, afin de relever le défi de la sécurité alimentaire et de la nutrition, des financements d’un montant suffisant seront indispensables.
C’est pourquoi le rapport de cette année porte sur la question des financements nécessaires pour atteindre les cibles 2.1 et 2.2 des ODD.
L’évaluation actualisée dresse un tableau préoccupant, mais nous donne aussi des raisons d’espérer.
Les niveaux de la faim et de l’insécurité alimentaire restent élevés, mais les progrès accomplis dans de nombreuses sous-régions du monde sont encourageants et par ailleurs la situation évolue favorablement en ce qui concerne plusieurs indicateurs de la nutrition.
Après avoir fortement augmenté à la suite de la pandémie de covid-19, la faim s’est maintenue à peu près au même niveau pendant trois années consécutives; elle touchait environ 9,1 pour cent de la population mondiale en 2023, contre 7,5 pour cent en 2019,.
Ce sont 733 millions de personnes environ qui ont connu la faim en 2023.
Ce nombre devrait diminuer pour s’établir à 582 millions d’ici à 2030, ce qui est encore bien loin de l’objectif d’élimination de la faim fixé dans l’ODD 2.
À cela s’ajoute le fait que près de 29 pour cent de la population mondiale, c’est-à-dire 2,3 milliards de personnes, étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2023. Les femmes étaient plus nombreuses que les hommes à souffrir d’insécurité alimentaire, et il en allait de même pour les habitants des zones rurales par rapport à ceux des zones urbaines.
D’après les estimations actualisées et affinées du coût et de l’accessibilité économique d’une alimentation saine, présentées dans le rapport, plus d’un tiers de la population mondiale, soit environ 2,8 milliards de personnes, n’avait pas les moyens de s’alimenter sainement en 2022.
Il sera difficile d’atteindre les objectifs mondiaux en matière de nutrition si l’on ne garantit pas l’accès des populations à une alimentation adéquate et à une nourriture saine. Comme je l’indiquerai plus loin, des progrès ont certes été faits vers la réalisation de l’objectif de l’élimination de la malnutrition sous toutes ses formes, mais le monde n’est en passe d’atteindre aucun des sept objectifs mondiaux qui ont été fixés en matière de nutrition d’ici à 2030.
Surtout, les dernières données indiquent que l’obésité chez l’adulte progresse dans toutes les régions du monde.
Dans certaines régions, des progrès ont été faits de 2022 à 2023 vers la réduction de la faim. En Asie, la sous-alimentation a légèrement diminué sous l’effet d’une baisse en Asie du Sud. La faim demeure cependant orientée à la hausse en Asie de l’Ouest.
Les progrès les plus notables ont été enregistrés dans la région Amérique latine et Caraïbes, grâce à une baisse de 0,7 point de pourcentage de la prévalence de la sous-alimentation en Amérique du Sud. En revanche, la situation dans les Caraïbes se dégrade, comme en témoigne la hausse de 0,4 point de pourcentage constatée en 2023 par rapport à 2022.
La situation est particulièrement préoccupante en Afrique, où la faim a augmenté d’un demi-point de pourcentage de 2022 à 2023. Cette situation est due à une recrudescence dans la plupart des sous-régions, l’Afrique centrale étant celle où la hausse a été la plus marquée.
L’Afrique reste aussi la région qui présente, d’après les estimations, la plus forte proportion de population touchée par la faim – environ 20 pour cent, contre 8 pour cent en Asie, 6 pour cent en Amérique latine et dans les Caraïbes et 7 pour cent en Océanie.
Les projections à l’horizon 2030 laissent présager d’importantes améliorations en Asie, ainsi que des progrès en Amérique latine et dans les Caraïbes, tandis que la situation en Afrique devrait se dégrader.
Le suivi de l’accès économique à une alimentation saine est essentiel pour éclairer les politiques visant à améliorer la sécurité alimentaire et les résultats nutritionnels, contribuant ainsi à la réalisation des cibles 2.1 et 2.2 des ODD.
Les prix des produits alimentaires ont augmenté tout au long de l’année 2022, faisant grimper le coût moyen d’une alimentation saine à l’échelle mondiale. De 2021 à 2022, le coût d’une alimentation saine a augmenté de 11 pour cent dans le monde, et c’est en Amérique latine et dans les Caraïbes que la plus forte hausse a été enregistrée (près de 12 pour cent).
Toutefois, malgré la hausse des prix des denrées alimentaires, le nombre de personnes dans le monde qui ne peuvent se permettre une alimentation saine a reculé, passant de 2,88 milliards en 2021 à 2,83 milliards en 2022, un niveau proche de ceux d’avant la pandémie.
Cette évolution s’explique en grande partie par la reprise économique qui a suivi la pandémie, et qui a contribué à accroître le revenu disponible des ménages. Notons toutefois que cette reprise a été inégale selon les régions et les groupes de pays classés par niveau de revenu.
Si on considère les pays par niveau de revenu, on constate que dans les pays à faible revenu le nombre de personnes n’ayant pas les moyens d’une alimentation saine a augmenté entre 2020 et 2022 et qu’il est bien supérieur aux niveaux de 2019, c’est-à-dire à ceux d’avant la pandémie. En revanche, dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, ce nombre a diminué tout en restant cependant supérieur aux niveaux d’avant à la pandémie. Enfin, dans les pays à revenu intermédiaire de la tanche supérieure et les pays à revenu élevé, il est tombé en 2022 en-dessous du niveau d’avant la pandémie.
Des progrès ont été accomplis ces dix dernières années. C’est ainsi que l’on note des améliorations dans la prévalence du retard de croissance et de l’émaciation chez les enfants de moins de 5 ans, et que l’allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois a progressé.
Le retard de croissance chez l’enfant a reculé, passant de 26,3 pour cent en 2012 à 22,3 pour cent en 2022, tandis que le pourcentage de nourrissons de moins de 6 mois nourris exclusivement au sein a progressé, passant de 37,1 pour cent en 2012 à 48 pour cent en 2022. Ces améliorations, ainsi que le recul de l’émaciation, sont très encourageantes, car elles augmentent les chances qu’ont les enfants de réaliser pleinement leur potentiel de croissance et de développement.
Toutefois, la prévalence mondiale de l’anémie chez les femmes âgées de 15 à 49 ans a augmenté, passant de 28,5 pour cent en 2012 à 29,9 pour cent en 2019. De même, les nouvelles estimations de la prévalence mondiale de l’obésité chez les adultes font apparaître une augmentation constante au cours de la dernière décennie, puisqu’on est passé de 12 pour cent en 2012 à près de 16 pour cent en 2022.
C’est maintenant qu’il faut enclencher un changement porteur de transformation si nous voulons atteindre les cibles de l’ODD 2, à savoir éliminer la faim, l’insécurité alimentaire et à la malnutrition sous toutes ses formes d’ici à 2030.
Cette transformation nécessitera un renforcement des moyens de mise en œuvre, ce qui ne peut passer que par un financement accru et mieux conçu.
D’après une analyse portant sur 119 pays à revenu faible ou intermédiaire, présentée dans le rapport, la majorité des pays considérés – près des deux tiers – ont une capacité d’accès au financement limitée ou modérée.
La prévalence de la sous-alimentation était plus élevée dans les pays qui ont le moins accès aux financements.
De plus, les trois quarts des pays analysés étaient touchés par un ou plusieurs des principaux facteurs de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition, à savoir les conflits, la variabilité et les extrêmes climatiques, ainsi que les ralentissements et les fléchissements économiques. Les extrêmes climatiques étaient le facteur le plus courant, mais près de la moitié des pays ayant une capacité d’accès au financement limitée étaient touchés par un conflit.
Il apparaît donc nécessaire de renforcer le nexus action humanitaire-développement-paix et l’on constate qu’il y a d’importantes possibilités d’intégrer les objectifs de sécurité alimentaire et de nutrition dans le financement de l’aide humanitaire, de la lutte contre le changement climatique et du développement.
Pour les pays qui ont un accès limité au financement, les prêts assortis de conditions de faveur et les dons demeurent les moyens les plus adaptés d’accroître le financement en faveur de la sécurité alimentaire et de la nutrition.
Les pays disposant d’une capacité d’accès au financement modérée peuvent mobiliser plus largement leurs recettes fiscales et lier l’impôt aux résultats en matière de sécurité alimentaire et de nutrition. Il est essentiel de développer des partenariats de financement fondés sur la collaboration, dans le cadre de financements mixtes, car le niveau de risque financier peut rendre les autres sources de financement trop coûteuses.
Il nous appartient de relever le défi de l’amélioration de l’accès au financement pour les pays qui en ont le plus besoin. Pour ce faire, il est essentiel d’accroître l’engagement financier en faveur de ces pays et d’utiliser les outils de financement dont nous disposons de manière plus novatrice, plus inclusive et plus équitable.
Je vous remercie.