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3.1 L'utilisation des noms commerciaux

L'utilisation des noms commerciaux dépend de deux critères. En premier lieu, elle diffère selon les pays importateur. Citons le cas des PFNL vendus à Bruxelles et à Madrid. Les PFNL vendus à Bruxelles ont des noms issus du lingala tandis que ceux utilisés à Madrid ont une origine nigériane. En deuxième lieu, il y a l'origine de l'épicier. Citons pour illustrer ce cas, l'exemple des noms utilisés dans les épiceries de Londres. Les épiciers originaires du Congo-Kinshasa utilisent des noms issus du lingala tandis que ceux originaires du Nigeria utilisent des noms issus des ethnies de leur pays. Cette absence de noms commerciaux unique illustre un manque de concertation entre tous les commerçants. Cette question est très importante, notamment dans les perspectives d'extension du marché vers les Européens, car l'utilisation d'un nom commercial unique est un outil promotionnel indispensable. Ce travail n'est pas insurmontable dans la mesure, où l'on assiste à l'émergence de certains noms dans certaines villes (okasi et ogbono à Londres ; fumbua et saka saka à Paris et pondu à Bruxelles) et l'utilisation de deux noms commerciaux (attiéké et kwanga) dans toutes les villes.

A Bruxelles le nom de pondu, nom commercial des feuilles de manioc (Manihot esculenta) a supplanté le nom de sombé désignant le même produit chez les Rwandais et les Burundais. De même, à Paris, le nom de fumbua (Gnetum spp.), issu du lingala, à supplanter le nom de okok utilisé par les Camerounais et celui de koko utilisé par les Centrafricains. Quant à Londres, on remarque que le nom d'okasi d'origine nigériane est utilisé par les Ghanéens et les Indo-Pakistanais.

3.2 Les différents PFNL importés

Comme l'ont révélé les études ethnobotaniques menées par Woldesselassié (1989) et nous mêmes (Tabuna, 1998 ; 1999 ; 2000), plusieurs PFNL importés de l'Afrique subsaharienne sont vendus dans plusieurs pays d'Europe. Bien que destinés principalement à la diaspora africaine, tous ces produits n'ont pas la même importance. Les importateurs et les détaillants rencontrés distinguent les PFNL principaux et les PFNL secondaires.

Les PFNL principaux sont des PFNL importés en quantités importantes. Ils sont constitués aussi bien des PFNL spontanés que des PFNL cultivés. Certains sont importés toute l'année : c'est le cas du fumbua ou okasi (Gnetum spp.), de la mangue sauvage ou ogbono (Irvingia gabonensis) et du kwanga (Manihot esculenta). D'autres le sont en fonction de leur saisonnalité : c'est le cas du safou (Dacryodes edulis). Les acteurs rencontrés affirment réaliser le maximum de leur chiffre d'affaires sur les PFNL principaux. Ils constituent le noeud du commerce des PFNL de l'Afrique subsaharienne dans tous les pays visités et sont vendus chez tous les détaillants quelle que soit leur origine. En conséquence, le fonctionnement de chaque épicerie dépend d'eux. Chaque détaillant doit tout faire pour éviter d'être en rupture de stock. Dans le cas contraire, il n'hésite pas de s'approvisionner chez un collègue pour garder sa clientèle.

Quant aux PFNL secondaires, ce sont des PFNL dont les volumes importés sont faibles voire très faibles. Leur vente est limitée généralement, notamment à Paris et à Londres, dans les épiceries tenues par les Africains. Certains sont issus de la flore spontanée : c'est le cas de matongué (Landolphia ovariensis), de tondolo (Aframomum giganteum), de mundongo (Aframomum melegueta), de bulukutu ou efirin (Lippia multiflora), du nététou (Parkia biglobosa), des feuilles de Maranthaceae et de l'éponge végétale (Luffa cylindrica).

D'autres sont issus des cultures : c'est le cas de la pomme cythère (Spondias cytherea) et le lumba lumba (Ocimum gratisimum), le pumpkin (Telfaira occidentalis), le soko (Celosia argentea) et le vin de palme (Elaeis guineensis). On y trouve aussi des PFNL animaux : le mpossé (Rhyncophorus phoenicis).

Limités généralement à la consommation d'une clientèle fidèle des épiceries tenues par les Africains, ils sont importés soit occasionnellement, soit à la demande des clients. Ainsi certains détaillants, pratiquant également l'importation, les utilisent comme des produits d'appel afin de détourner les clients des épiceries concurrentes et de fidéliser une clientèle. Pour ces détaillants, la vente des PFNL secondaires est un service supplémentaire qu'ils offrent à leur clientèle. Aussi, n'hésitent-ils pas d'importer des PFNL destinés exclusivement un client bien ciblé. En conséquence, celui-ci est obligé de venir au magasin pour chercher sa commande et en profiter pour acheter d'autres PFNL.

Nous avons observé cette stratégie auprès des détaillants originaires du Congo-Kinshasa installés à Château Rouge à Paris. Hormis les PFNL principaux présents dans toutes les épiceries de Château Rouge, le Marché Tout Kin (importateur et détaillant) propose à sa clientèle des PFNL introuvables ailleurs et rappelant à leur compatriote l'offre alimentaire des grands marchés de Kinshasa. Parmi les PFNL secondaires proposés, il y a entre autres : le missili (Pteridium aquilinum subsp. centrali africanum), un légume-feuille spontané ; le mpossé (Rhyncophorus phoenicis), les larves de palmier ; le tondolo (Aframomum giganteum), un fruit spontané ; le matongué (Landolphia ovariensis), un fruit spontané acide recherché par les femmes enceintes et le malemba (Manihot esculenta), un produit à base des racines de manioc.

Comme on le voit, les acteurs en Europe utilisent une autre classification basés sur des critères commerciaux. Elle permet aux futurs exportateurs de choisir les produits à développer. Ils ont le choix entre les PFNL principaux et les PFNL secondaires. Tout dépend de leurs objectifs commerciaux et des PFNL dont ils disposent. Dans ce travail, seuls les échanges concernant les PFNL principaux ont été évalués. Ce choix nous a permis de proposer aux importateurs une liste restreinte de produits, ce qui a facilité notre travail avec eux.

3.2.1 Les PFNL principaux végétaux importés par pays

En ce qui concerne le type de PFNL importé, on remarque que tous les pays sauf le Portugal, importent plus de PFNL cultivés, peu des PFNL spontanés et très peu PFNL transformés. Ces résultats peuvent s'expliquer par le fait que les PFNL cultivés sont plus disponibles que les PFNL spontanés. La production des fruits spontanés, par exemple, est dispersée dans l'espace et dans le temps, comme l'ont montré Hladick et al. (1996). En conséquence, un tel mode de production est incompatible avec un approvisionement régulier des marchés. Le Tableau 4 montre la répartition de chaque type de PFNL dans les cinq pays.

Tableau 4 : Les différents PFNL importés par pays

Pays

PFNL cultivés

PFNL spontané

PFNL transformé

Total

France

10

7

4

21

Royaume Uni

8

5

2

15

Portugal

3

5

2

11

Belgique

5

3

3

10

Espagne

3

2

1

5

A partir du Tableau 4, on remarque que la France est le pays qui importe plus de PFNL principaux et que l'Espagne est le pays qui en importe moins. Quant au Portugal et à la Belgique, ils en importent quasiment autant. Ces résultats sont en relation avec le nombre d'Africains qu'abritent chaque pays. En effet, on remarque que les pays qui abritent plus d'Africains importent plus de PFNL principaux. Il y a donc une relation entre le nombre d'Africains dans le pays et le nombre des PFNL principaux.

Comme le montrent les Tableaux 5, 6, 7, 8 et 9, nous avons identifié 21 PFNL principaux à Paris, 16 à Londres, 12 à Lisbonne, 9 à Bruxelles et 5 à Madrid. Dans tous ces pays, les produits importés sont constitués des PFNL végétaux, des PFNL cultivés et des PFNL transformés.

Tableau 5 : Liste des PFNL principaux importés en France

Nom commercial

Nom scientifique

Famille

Statut

Organe vendu

Attiéké CI

Manihot eculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

tubercule*

Bissap W ou ngai ngai Li

Hibiscus sabdariffa L.

Malvaceae

cultivé

feuilles

Biteku téku Li ou Epinard Fr

Amaranthus hybridus L.

Maranthaceae

cultivé

feuilles

Caroub CMR

Tetrapleura tetraptera Tauba

Mimosaceae

spontané

fruits

Ekolabuab CMR

Xylopia aethiopica A. Rich

Annonaceae

spontané

fruits

Escargots frais Fr

Achatina spp.

Achatinaceae

faune sauvage

escargot entier

Fumbua sec Li

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles

Fumbua frais Li

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles

Igname Fr

Dioscorea spp.

Dioscoreaceae

cultivé

tubercule

Kwanga Li

Manihot esculenta L.

Euphorbiaceae

cultivé

tubercule*

Mangue Fr

Mangifera indica L.

Burseraceae

cultivé

fruit

Mangue sauvage CMR ou Sioko CI

Irvingia gabonensis Baillon

Irvingiaceae

spontané

cotylédons

M'bika Li ou Graine de courge Fr

Cucumeropsis spp.

Cucurbitaceae

cultivé

graines

Ndolé CMR

Vernonia spp.

Asteraceae

cultivé

feuille

N'jansan CMR

Ricinodendron heudelotii (Baillon) Pax

Euphorbiaceae

spontané

graine

Noix de Kola

Cola nitida A. Chevalier

spontané

spontané

graine

Petit Kola Fr

Garcinia kola Haeckel

Clusiaceae

spontané

graines

Placali CI

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

tubrcule

Safou ki

Dacryodes edulis (G.Don)Lam

Burseraceae

cultivé

fruits

Saka saka en feuilles ki

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles

Saka saka surgelé ki

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles

Fr : français ki : kikongo ya léta : CMR : Camerounais Li : lingala CI : Côte d'Ivoire * transformé W : wolof

Tableau 6 : Liste des PFNL principaux vendus à Londres

Nom commercial

Nom scientifique

Famille

Statut

Organe vendu

African pear ou safou Li

Dacryodes edulis (G.Don) Lam

Burseraceae

cultivé

fruits

Bitter leaf ANG

Vernonia spp.

Asteraceae

cultivé

feuilles

Bitter kola ANG

Garcinia kola Haeckel

Sterculiacea

spontané

graine

Cassava leaves ANG ou pondu Li

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles

Gari**

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

tubercule

Egusi** Li

Cumeropsis spp.

Cucurbitaceae

cultivé

graines

Kwanga Li

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

tubercule*

Noix de kola ou kola nut ANG

Cola nitida A. Chevalier

Sterculiaceae

graine

spontané

Ogbono NGR

Irvingia gabonensis Baill

Irvingiaceae

spontané

cotylédons

Okasi NGR ou fumbua Li

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles

Pepper soup

Xylopia aethiopica A. Rich

Annonaceae

spontané

fruits secs

Potato leaves ou matembele Li

Ipomoea batatas (Lam)L.

Convolvulaceae

cultivé

feuilles

Prekesse GH

Tetrapleura tetraptera Tauba

Mimosaceae

spontané

fruits secs

Punder d'Iyan ANG

Dioscorea spp.

Dioscoreaceae

cultivé

tubercules*

Ugu NGR

Telfairea occidentalis Hook f.

Cucurbitaceae

cultivé

feuilles

Uziza NGR

Piper spp.

Piperaceae

cultivé

feuilles

Yam ANG

Dioscorea spp.

Dioscoreaceae

cultivé

tunbercule

NGR : Nigeria ; GH : Ghana ; Li : lingala ANG : Anglais ** n'est pas pris en compte dans l'évaluation *transformé

Tableau 7 : Liste des PFNL principaux PFNL vendus à Lisbonne

Nom commercial

Nom scientifique

Famille

Statut

Organe vendu

Baguitche Cr

Hibiscus sabadariffa L.

Malvaceae

cultivé

 

Cabacera Cr

Adansonia digitata L.

Bombacaceae

spontanée

graines séchées

Fodja de batata doce Cr

Ipomoea batatas (L.) Lam

Convolvulaceae

cultivé

feuilles séchées

Folio do mandioca Por

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles* séchées

Fumbua Li

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles séchées

kwanga Li

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

 

Lalo W

Adansonia digitata L.

Bombacaceae

spontané

feuilles séchées

Njakatou Cr

Solanum spp.

Solanaceae

cultivé

fruits

Noix de kola Fr

Cola nitida A.Chevalier

Clusiaceae

spontanée

graines

Pondu Li

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles

Veludo Cr

Dialium guineense Willd

Caesalpiniaceae

spontané

graines séchées

Li : lingala Cr : Créole Fr : Français Por : Portugais W : Wolof * transformé en farine

Tableau 8 : Liste des PFNL principaux importés par la Belgique

Nom commercial

Nom scientifique

Famille

Statut

Organe vendu

Bitéku téku Li

Amaranthus hybridus L.

Amaranthaceae

cultivé

feuilles

Fumbua sec Li

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles

Fumbua frais Li

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles

Ngai Ngai Li

Hibiscus sabdariffa L.

Malvaceae

cultivé

feuilles

Kwanga Li

Manihot esculenta L.

Euphorbiaceae

cultivé

tubercule

Mbizo Li

Imbrasia spp.

Attacideae

spontané

chenilles

Moambe surgelée Li

Elaeis guineensis Jacq

Arecaceae

cultivé

sauce

Pondu ya makasa Li

Manihot esculenta L.

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles

Pondu surgelé Li

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles

Safou Li

Dacryodes edulis (G. Don) Lam

Burseraceae

cultivé

fruits

Li : Lingala

Tableau 9 : Liste des PFNL principaux vendus à Madrid

Nom commercial

Nom scientifique

Famille

Statut

Organe vendu

Bitter leaf ANG

Vernonia spp.

Asteraceae

cultivé

feuilles

Foutou d'iyam

Dioscorea spp.

Dioscoreaceae

cultivé

tubercules

Gari

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

farine

Ogbono NGR

Irvingia gabonensis Baill

Irvingiaceae

spontané

cotylédons

Okasi NGR

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles

Punder d'iyam ANG

Dioscorea spp.

Dioscoreaceae

cultivé

tubercule*

Ugu NGR

Telfairea occidentalis Hook f.

Cucurbitaceae

cultivé

feuilles

NGR : Nigeria CMR : Cameroun ANG : Anglais * transformé

Quant aux PFNL transformés, leur absence s'expliquerait par deux raisons. Premièrement, il n'existe pas ou peu d'entreprises ou d'organisations spécialisées dans la transformation des PFNL en Afrique subsaharienne. Ce constat est en accord avec ceux trouvés par Bazabana et Bom Kondé (1997). Les deux auteurs avaient observé une absence des entreprises spécialisées dans la transformation des produits locaux au Cameroun et au Congo. La plupart des produits émanant des paysans sont vendus frais ou séchés sur les marchés. Deux produits, cependant, font exception à ce constat : le manioc (Manihot esculenta) et le maïs (Zea mays). Les paysans utilisent les racines de manioc pour fabriquer plusieurs produits : le kwanga, le bobolo et le miondo. Deuxièmement, le marché serait plus demandeur des produits frais que des produits transformés. Parmi ceux-ci, il y a les légume-feuilles comme le ngai ngai ou bissap (Hibiscus sabdariffa), le bitéku téku ou épinard (Amaranthus hybridus). Cette recherche des légume-feuille par les Africains de la diaspora reflète celle des ménages de Brazzaville Toreilles (1991).

3.2.2 Les PFNL principaux animaux

Deux PFNL animaux sont considérés comme PFNL principaux chez les acteurs rencontrés à Paris, Bruxelles et Londres. Il s'agit de deux invertébrés : les chenilles et les escargots. Appelées mbizo, les chenilles fumées et séchées sont vendues exclusivement dans les épiceries de Bruxelles et celles de Londres et Paris tenues soit par les ressortissants du Congo-Kinshasa, soit par les ressortissants du Congo-Brazzaville. Quant aux escargots frais, ils sont vendus à Paris et Londres.

3.3 Les PFNL émergents

Ce sont des PFNL sur lesquels est basé le fonctionnement du commerce actuel, du fait de l'importance de leur demande et sans doute de leur importance dans l'alimentation des Africains. Il s'agit du fumbua ou okasi, les produits des racines du manioc (Manihot esculenta), la mangue sauvage ou ogbono , l'egusi (Cucumeropsis manii), le saka saka ou cassava leaves, le ndolé ou bitter leaf et le safou (Dacryodes edulis), les chenilles, les escargots, le bitéku téku et le ngai ngai, certaines épices, les chenilles et les escargots.

3.3.1 Le fumbua ou okasi (Gnetum spp.)

a Description et caractéristiques du produit

Riches en protéines jusqu'à 6% en poids sec (Hladik, 1989), les feuilles sont très appréciées au Nigeria et en Afrique Centrale. Au Congo-Brazzaville, le fumbua (photo 1 et 2) est le deuxième légume-feuille consommé après le saka saka (Toreilles, 1991). Découvert par Welwitsh, cette liane demeure encore à l'état spontané, mais sa domestication a été amorcée au Cameroun et au Nigeria. Cette domestication a été possible grâce, entre autres, aux travaux de chercheurs de l'ICRAF, de l'IRA et du jardin botanique de Limbe au Cameroun. Ces travaux ont débouché sur des cultures expérimentales en plein champ à Kumba et à Limbe, deux localités situées à l'Ouest du Cameroun. La vulgarisation ultérieure de ces résultats auprès des paysans devrait contribuer à diminuer la pression anthropique sur cette ressource, constatée au Congo-Brazzaville (Profizi et al., 1993).

Coupées en fines lanières, les feuilles sont vendues dans toutes les villes européennes enquêtées. Nous n'avons pas pu déterminer l'espèce vendue à partir du matériel prélevé sur les étals. Cependant, nous sommes persuadés qu'il s'agit soit du Gnetum buccholzianum, soit du Gnetum africanum, deux espèces présentes dans le Golfe de Guinée (Busson, 1965 ; Mialoundama, 1985). Elles sont vendues sous des appellations commerciales différentes. En France, en Belgique et au Portugal, elles sont vendues sous le nom de fumbua tandis qu'à Londres et à Madrid, elles sont vendues sous le nom d'okasi. Importé de quatre pays (Ghana, du Nigeria, du Cameroun et du Congo-Kinshasa), le fumbua ou okasi est vendu sous trois formes : le fumbua frais, le fumbua séché et le fumbua surgelé. Nous avons identifié la première forme à Paris et à Bruxelles, la deuxième forme est vendue dans les 5 villes (Bruxelles, Lisbonne, Londres, Madrid et Paris) et la troisième forme à Londres. Les produits frais sont vendus en vrac tandis que les produits séchés et surgelés sont vendus emballés. Deux types de conditionnement sont utilisés pour les produits séchés : des sachets sans étiquetage noués manuellement et des sachets de cellophane soudés avec un étiquetage et des informations commerciales (le nom du fabricant, le poids, la composition du produit). Les premiers produits sont vendus dans toutes les villes tandis que ceux présentant un conditionnement plus "commercial" ne sont vendus qu'à Londres et Madrid. Pour les importateurs et les détaillants rencontrés à Londres, il s'agit là d'une innovation commerciale récente qui a permis l'accès de l'okasi ou fumbua dans les rayons des supermarchés indo-pakistanais.

Photo 1

Photo 2

b- Utilisateurs et utilisation du produit

Selon les détaillants et les importateurs, les produits importés sont destinés principalement aux Nigérians, aux ressortissants de l'Afrique Centrale (Centrafricains, Congolais du Congo-Brazzaville, Congolais du Congo-Kinshasa et Camerounais) et accessoirement aux Ghanéens et aux angolais, notamment ceux qui ont vécu à Kinshasa. Quant aux autres ressortissants africains, ils ne l'achètent pas sans doute par méconnaissance. Avec toutes ces personnes, on peut estimer le marché potentiel du fumbua ou okasi à plus de 156 341 consommateurs (Données Eurostat, 1994) dont 15 868 peronnes en Belgique, 64 286 personnes en France, 73 000 au Royaume Uni, 2 986 personnes en Espagne et 216 personnes au Portugal.

3.3.2 Les produits à base du manioc.

Originaire de l'Amérique du Sud, la culture du manioc (Manihot esculenta) est répandue dans toute l'Afrique subsaharienne sauf au Sahel (Agbor Egbe et al.,1995). C'est l'une des principales plantes qui peuplent les agroforêts en milieu rural. Le manioc est cultivé aussi bien pour ses feuilles que son tubercule. Si la consommation des feuilles est limitée à certains pays, en revanche celles des tubercules est répandue dans plusieurs pays. Nombreux produits sont obtenus à partir de cette culture. Citons le cas du saka saka ou cassava leaves, du kwanga, du miondo, de l'attiéké, du foufou, du gari du bobolo et du placali.

Présent dans toutes les villes de nos enquêtes sauf à Madrid, le saka saka (photo 3 et 4) est vendue sous trois formes : les feuilles pilées et surgelées , les feuilles fraîches et les feuilles séchées réduites en poudre. Ces dernières sont vendues exclusivement à Lisbonne. Inconnus par des Angolais et des Congolais du Congo-Kinshasa, elles sont destinées principalement aux ressortissants de la Guinée Bissau et de la Guinée Conakry, ce qui limite son marché potentiel à 11 018 personnes.

Quant aux feuilles fraîches et les feuilles fraîches pilées et surgelées, elles sont vendues à Bruxelles, Londres et Paris. En France et en Belgique, elles sont destinées principalement aux ressortissants du Congo-kinshasa, du Congo-Brazzaville, de Madagascar et des Comores. A Londres, elles sont destinées principalement aux Sierra Leonais, aux Ougandais, aux Kenyans et aux ressortissants du Congo-Kinshasa. Vu le nombre des nationalités consommant le saka saka ou cassava leaves, on peut estimer son marché potentiel à 106 324 personnes dans les cinq pays visités. Avec 72 474 personnes (Camerounais, Centrafricains, Congolais du Congo Brazzaville, Congolais du Congo Kinshasa, Gabonais et Malgaches), la France constitue le premier marché potentiel de ce légume-feuille. Elle est suivie par le Royaume Uni avec 29 000 consommateurs potentiels et la Belgique avec 15 868 consommateurs. Le Portugal est le plus petit marché potentiel, il est évalué 149 Congolais du Congo-Kinshasa auxquels il faut ajouter quelques Angolais. Comme dans le cas de la consommation du fumbua ou okasi et comme nous le verrons dans le cas de la consommation du kwanga, il s'agit des Angolais qui ont vécu à kinshasa et ceux qui viennent du Nord de l'Angola.

Photo 3

Photo 4

b. Les produits à base de racines de manioc

Les produits à base de racines manioc importés sont nombreux. Nous avons identifié : le kwanga, le miondo, le bobolo, le placali et l'attiéké. Il y a aussi certains produits marginaux comme la pâte de manioc roui importé du Ghana, les racines rouies fraiches et des produits déjà connus dans les échanges internationaux : le foufou ou farine de manioc et le gari, déjà répertoriés dans les statistiques internationales et issues des entreprises agro-alimentaires (ex : l'entreprise SAPA au Gabon).

Le kwanga est un nom générique, issu du lingala et désignant plusieurs formes de produits à base de racines de manioc fabriqué en Afrique Centrale, notamment au Congo-Brazzaville et au Congo-Kinshasa. Les détaillants et les importateurs de Paris, non originaires du Congo-Brazzaville et du Congo-Kinshasa, utilisent également le nom de chikwangue. Au Congo-Brazzaville, la chikwangue ou le kwanga est la forme de consommation la plus répandue en zone rurale et préférée par les consommateurs (Bazabana et Bom Kondé, 1997). En Europe, deux formes sont régulièrement importées : les produits conditionnés dans un double emballage fait de cellophane (photo 5) et de feuilles de Maranthaceae et les produits conditionnés uniquement dans les feuilles de Maranthaceae (photo 6). Destinée principalement aux Congolais, la première forme est vendue en Belgique et importée exclusivement du Congo-Kinshasa. Quant à la deuxième forme, elle est vendue dans toutes les villes visitées sauf à Madrid. Ils sont importés du Congo-Kinshasa et du Cameroun. A côté de ces deux formes, rappelant le munguélé du Congo-Brazzaville ou du Congo-Kinshasa, il y a d'autres formes vendus uniquement chez les détaillants originaires du Congo-Kinshasa. Il s'agit : du mumbanda, du nsessa et du tinga, trois produits destinés exclusivement aux Congolais du Congo-Kinshasa.

Hormis les produits importés d'Afrique, on assiste depuis quelques années à des productions de kwanga à Londres, Paris et Bruxelles. A Londres, les kwanga sont fabriqués par des femmes du Congo-Kinshasa, à partir de la pâte de manioc rouie importée du Ghana. A Bruxelles et à Paris, ils sont fabriqués, toujours par les personnes de la même nationalité, à partir des racines de manioc importées du Brésil ou de la Thaïlande. Mais les quantités produites sont faibles et marginales, ce qui fait que leur vente se fait de porte à porte ou entre amis. En cumulant le nombre des consommateurs du kwanga, on peut estimer son marché potentiel à 66 432 personnes dont 42 567 personnes en France, 8 000 personnes en Angleterre et 15 868 personnes en Belgique. Les produits vendus sont utilisés pour accompagner les sauces, constituant ainsi, comme en Afrique, l'aliment de base.

Quant au miondo et au bobolo, ils résultent, tout comme le kwanga, de plusieurs opérations unitaires successives à partir de la pâte fermentée des racines du manioc. Le miondo est un produit vendu frais, ce qui oblige l'acheteur à le cuire avant de le consommer. En revanche, le bobolo est vendu cuit et prêt à être consommé au même titre que le kwanga. Ils sont utilisés pour accompagner toutes les formes de sauce et de poisson braisé. Vendus dans quatre villes (Bruxelles, Londres, Paris et Madrid), ils sont importés du Cameroun ; ils sont emballés dans les feuilles de Maranthaceae et sont tous deux destinés exclusivement aux Camerounais. En conséquence, leur marché potentiel est de 18 037 consommateurs dont la France en est le berceau.

3.3.3 Le ndolè ou bitter leaf (Vernonia spp)

Ce sont des feuilles récoltées sur des plantes cultivées et subspontanées dont les trois espèces exploitées sont : Vernonia amygdalina, Vernonia colorata et Vernonia calvoana. En raison de l'amertume des feuilles, elles sont appellées bitter leaves par les anglais. De toutes ces espèces, Dupriez et De Leener (1987) pensent que les feuilles de Vernonia calvoana seraient moins amères. Par conséquent, elles seraient plus consommées que les autres espèces. Quant à Stevels (1990), il rapporte qu'au Cameroun ce sont les feuilles de Vernonia amygdalina qui sont plus consommées. Nous n'avons pas pu identifier les espèces qui sont vendues à partir du matériel trouvé sur les étals des épiceries visitées.

Photo 5

Photo 6

Comme en Afrique, les produits vendus sont désamérisés. Ils sont importés du Ghana, de la Sierra Leone, du Cameroun et du Nigeria. On distingue deux types de produits : les produits secs et les produits surgelés (photo 7 et 8). Les premiers sont importés de tous les pays ci-dessus cités et sont destinés principalement aux Nigérians et aux Ghanéens. Ils sont vendues à Londres et à Madrid dans des sachets en cellophane soudés portant ou pas des informations commerciales.

Quant au produit surgelé, il est importé du Cameroun francophone. Destiné aux Camerounais, il est vendu à Paris et à Bruxelles ; il est conditionné dans des sachets en cellophane portant des informations commerciales (poids et composition du produit, date de fabrication, etc.).

Pour le nom commercial utilisé, tout dépend du pays. A Londres et à Madrid, les commerçants utilisent le nom de bitter leaf tandis qu'en France les produits sont vendus sous le nom de ndolè, issu de l'ethnie douala.

Photo 7

Photo 8

Comme on le voit, le bitter leaf ou ndolè est un produit destiné à trois nationalités. De ce fait, son marché potentiel est de 84 460 consommateurs dont 65 000 au Royaume Uni, 18 058 en France et 142 en Espagne. Selon les détaillants rencontrés à Madrid, ils existe un effet de terroir dans le comportement d'achat des Nigérians. Ces derniers recherchent plutôt les produits nigérians qu'ils jugent meilleurs que ceux importés du Cameroun. En tant que légume-feuille, les feuilles de bitter leaf ou ndolè sont utilisées dans la préparation d'une sauce faite de viande, de pâte d'arachide et des condiments.

3.3.4 L'ogbono ou mangue sauvage (Irvingia gabonensis)

Arbre de forêt dense humide pouvant atteindre 20 mètres de haut, l'Irvingia gabonensis s'étend du Liberia jusqu'au sud Ouest du Congo-Kinshasa (Ladipo, 1996). Plante spontanée, elle fait l'objet de plusieurs travaux au Nigeria et au Cameroun, en vue de sa domestication depuis plusieurs années. Les chercheurs de l'ICRAF en Afrique l'ont placé en premier sur la liste des plantes utiles de forêts humides à domestiquer (Leakey and Simons, 1996). Ceci en raison de son importance dans l'alimentation des populations des pays forestiers de l'Afrique Centrale et de l'Afrique de l'Ouest.

L'ogbono ou mangue sauvage (photo 9 et 10) est recherchée pour son fruit qui ressemble à une mangue d'où les noms de bush mango et de mangue sauvage. Si la pulpe est comestible, mais son intérêt vient de l'importance de ses cotylédons. Ils sont utilisés comme un épaississant des sauces au même titre que la pâte d'arachide. Son importance est telle qu'il fait l'objet des échanges importants entre le milieu rural et les villes d'une part et entre les pays d'autre part (Ndoye et Ruiz-Perez, 1999 ; Sunderland, 1998). Selon Ndoye et Ruiz-Perez (1999) plusieurs PFNL sont échangées entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale. Les produits vendus en Europe sont importés de plusieurs pays (Bénin, Cameroun, Congo-Kinshasa, Côte d'Ivoire, Ghana et Nigeria).

Dans les épiceries visitées, nous avons identifié trois formes d'ogbono ou mangue sauvage : les cotylédons séchés les cotylédons réduits en poudre et les cotylédons transformés en pâte compactée. La première forme est la plus vendue et elle est présente dans les épiceries de toutes les villes. La deuxième forme est rare et n'est présente qu'à Bruxelles. Quant à la troisième forme, elle est vendue à Londres et Madrid.

Conditionnés dans des sachets en plastiques soudés ou non, ils sont vendus sous deux appellations commerciales. Ils sont appelés ogbono à Londres et chez les détaillants Ghanéens de Bruxelles et de Madrid. A Paris, ils sont vendus sous le nom de mangue sauvage ou de sioko, nom utilisé par les Ivoiriens. A Madrid où sont vendus les produits venant du Cameroun et du Nigeria, les détaillants ont constaté un effet de terroir chez les consommateurs. A l'image de bitter leaf, les Nigérians recherchent les produits venant de leur pays, car ils les jugent meilleurs que ceux du Cameroun.

Selon les détaillants rencontrés, la consommation de l'ogbono ou mangue sauvage concerne principalement les Ghanéens, les Camerounais, les Ivoiriens et secondairement les Congolais du Congo-Kinshasa et les Gabonais. De ce fait, son marché potentiel est de 102 965 personnes dont 65 000 au Royaume Uni, 37 557 personnes en France et 550 personnes en Espagne. Les cotylédons d'ogbono ou mangue sauvage sont utilisés pour leur propriété mucilagineuse au même titre que le gombo ou okra ou dongo dongo (Abelmoschus esculentus) frais ou séché. Sous sa forme séchée et rendue en poudre, le gombo est importé en petite quantité à Lisbonne où il est vendu sous le nom de

kiabo.


Photo 9

Photo 10

3.3.5 L'egusi ou m'bika (Cucumeropsis spp.)

L'egusi ou m'bika ou graine de courge sont des noms commerciaux génériques désignant plusieurs genres de la très vaste famille des cucurbitaceae (Pele et Le Berre, 1967). On y trouve entre autres les produits suivants : le Cucurbita pepo, le Cucurbita maxima et le Cucumeropsis manii. Nous n'avons pas pu déterminer à partir des graines entières ou rendues en farine, les deux formes de vente utilisées par les commerçants. L'utilisation des noms commerciaux dépend des villes. Dans les épiceries de Bruxelles et celles tenues par les ressortissants du Congo-Kinshasa à Paris, les détaillants utilisent le nom de mbika. Dans les autres épiceries de Paris, les détaillants (Maghrébins, Asiatiques et Camerounais) utilisent le nom de graine de courge. Dans les épiceries de Londres et de Madrid, elles sont vendues sous le nom commercial d'egusi. Contrairement à tous les PFNL, elles subissent la concurrence des produits provenant d'autres régions tropicales. Destinés quasiment à tous les Africains, il est utilisé comme légume et dans la fabrication de "gâteau de concombre" chez les Camerounais. Elles sont importées aussi bien de l'Afrique subsaharienne que d'autres pays tropicaux (ex : Jamaïque) et des pays de l'Orient (ex :Turquie ).

3.3.6 Le yam ou Igname (Dioscorea spp.)

Importé frais et transformé (photo 11 et 12), le yam ou igname est vendu dans toutes les villes visitées. Il est importé du Nigeria, du Cameroun, du Bénin et du Ghana. Mais, c'est la Ghana qui est le principal exportateur. Contrairement aux autres PFNL, il subit plus la concurrence des importations de l'Amérique Latine. Le concurrent des ignames frais importés d'Afrique est le Brésil. Il exporte ses produits dans plusieurs pays de l'Union Européenne (France, Espagne et Portugal). Pour faire face à cette concurrence, les exportateurs africains, notamment les nigérians, ont développé la farine d'igname vendue sous plusieurs noms : foutou d'iyan, punder d'yam et poundo iyan. Si les produits frais sont vendus dans toutes les villes, en revanche les

ignames transformés, en provenance du Nigeria, sont vendus à Londres, à Madrid et chez certains détaillants de Paris. Frais ou transformés, les ignames sont destinés aux Africains, aux Caraïbéens et aux Latino Américains, ce qui fait que le marché de l'igname est le plus important des PFNL de l'Afrique subsaharienne. En cumulant le nombre de tous les consommateurs (Africains, Afro-caraïbéens et Latino-américains), on peut estimer le marché potentiel de cette ressource est de près d'1 million de personnes.

3.3.7 Le safou (Dacryodes edulis)

Le safou (photo 13 et 14) est le fruit du safoutier (Dacryodes edulis), arbre endémique du golfe de Guinée dont l'aire de distribution s'étend de la Sierra Leone jusqu'à l'Est de l'Ouganda (Bourdeault, 1971 ; Silou, 1996). Mais c'est en Afrique Centrale (Cameroun, Gabon, Congo-Brazzaville et Congo-Kinshasa) et au Sud du Nigeria que sa présence est actuellement la plus observée. Sa culture dans le bassin du Congo est ancienne comme le remarquait déjà Chevalier en 1949. L'arbre est planté autour des cases, domine tous les vergers villageois et est dispersé ça et là aux abords des villages ou par petits groupes d'arbres. Son fruit est très apprécié et très prisé par les populations d'Afrique Centrale (Kiakouama et Silou, 1987). Comme dans le cas de l'ogbono ou mangue sauvage et l'okasi ou fumbua, sa domestication a fait l'objet de plusieurs travaux de recherche au Nigeria, au Cameroun, au Congo-Brazzaville.

Botaniquement, le safou est une drupe, mais il est consommé comme un légume. La consistance de sa chair le rapproche de l'avocat et ses dimensions varient suivant les arbres de 4 à 12 cm de long. Il est de couleur rose au stade jeune puis devient bleu, violet et bleu foncé à maturité. Il est vendu à Londres, Paris, et à Bruxelles. A Londres, il est importé soit directement d'Afrique Centrale (Cameroun et Congo-Kinshasa ) et du Nigeria, soit de Paris. En France et en Belgique, il est importé principalement du Cameroun et du Congo-Kinshasa. Ses principaux consommateurs sont les Nigérians, les Camerounais, les Congolais du Congo-Kinshasa, les Congolais du Congo-Brazzaville, les Centrafricains, les Angolais et les Gabonais. En cumulant le nombre de tous ces consommateurs, on peut estimer le marché potentiel du safou est de 113 342 personnes.

Photo 11

Photo 12

Photo 13


Photo 14

Sa préparation nécessite l'utilisation d'une source de chaleur afin d'obtenir le ramollissement de la pulpe. Trois sources de chaleur sont régulièrement utilisées en Afrique Centrale : l'eau chauffée à 100°C, la plaque chauffante et la braise. Il en découle trois modes de préparation du safou, décrits par nous-mêmes (Tabuna, 1993) et repris par Silou (1996). Il s'agit de :

3.3.8 Les autres PFNL végétaux émergents

Parmi, les légume-feuilles, il y a le bitéku téku ou épinard (Amaranthus hybridus) et le bissap ou ngai ngai ou encore baguitche (Hibiscus sabdariffa).

Le ngai ngai ou bissap ou baguitche est représenté par deux variétés (la variété aux feuilles vertes et la variété aux feuilles rouges) importées d'Afrique Centrale et d'Afrique de l'Ouest. Les trois noms commerciaux sont utilisés dans des villes différentes : le nom ngai-ngai est utilisé à Bruxelles et dans les épiceries de Paris tenues par les ressortissants du Congo-kinshasa ; celui de baguitche est utilisé à Lisbonne ; celui de bissap est utilisé à Paris chez tous les détaillants sauf chez ceux originaires du Congo-Kinshasa. C'est un légume-feuille destiné à tous les Africains et aux Caraïbéens, ce qui fait que son marché potentiel est supérieur à 209 972 personnes.

Quant au deuxième légume-feuille, le biteku téku, appelé aussi "épinard" par les ressortissants de l'Afrique de l'Ouest, il est vendu à Bruxelles, à Londres et à Paris. En France, il est importé du Congo-Kinshasa et du Togo ; à Bruxelles, il est importé du Togo, du Congo-Kinshasa et de l'Ouganda. Il subit actuellement la concurrence des produits cultivés dans les serres en Belgique et ceux importés de la Jamaïque.

Il s'agit des mangues (Mangifera indica) issues des vergers villageois. Elles sont différentes des mangues améliorées répertoriées dans les statistiques des échanges internationaux et vendues dans la Grande Distribution Européenne. Encore appelées "mangues de bouche", elles sont importées principalement du Cameroun. Elles sont destinées à tous les Africains, aux Afro-caraïbéens, aux Asiatiques et voire aux Européens. Par conséquent, leur marché potentiel est estimé à plus d'1 million de personnes.

Les épices sont nombreuses et sont vendues dans toutes les villes, mais il sont considérés comme PFNL principaux à Paris et à Londres. On trouve le pèbè (Monodora myristica), le njansan (Ricinodendron heudelotii) photo 15, l'ekolabuab (Xylopia aethiopica), le caroub ou prekesse (Tetrapleura tetraptera) photo 16. Si les quatre produits sont vendus séparément à Paris, en revanche à Londres certains sont mélangés et vendus sous le nom de pepper soup. Ce mélange est fait de Xylopia aethiopica, du poivre (Pipper guineense) et d'autres épices que nous pas pu identifier. A Paris, les principaux consommateurs de ces PFNL sont les Camerounais et les Ivoiriens tandis qu'à Londres, ils sont destinés principalement aux Nigérians et aux Ghanéens. Ainsi leur marché potentiel est de 103 430 personnes dont 65 000 personnes au Royaume Uni et 21 719 en France.

3.3.9 Les chenilles

Les chenilles sont avec les escargots, les PFNL animaux les plus vendus dans les épiceries visitées. Vendues sous le nom commercial de m'bizo à Paris et à Bruxelles, nom issu du lingala, les chenilles sont importées du Congo-kinshasa. Elles sont destinées principalement aux ressortissants du Congo-kinshasa, du Congo-Brazzaville et aux Centrafricains. Leur marché potentiel est de 51 363 personnes dont 15 868 personnes en Belgique et 39 554 personnes en France.

Dans les épiceries visitées, nous avons observé plusieurs genres des chenilles. Seulement, nous n'avons pas pu les déterminer toutes, malgré l'aide des entomologistes du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris. Ceci à cause de la qualité du matériel en notre disposition. Cependant, nous sommes persuadés de la présence de l'Imbrasia truncata parmi les produits vendus. Riches en protéines (plus de 90 % du poids sec), ils entrent dans la composition de plusieurs sauces parfois en association avec du poisson fumé ou du poisson salé et du fumbua ou okasi (Gnetum spp.)

3.3.10 Les escargots frais

Très appréciés par certaines ethnies d'Afrique tropicale, les escargots sont vendus frais et séchés dans trois villes (Bruxelles, Londres et Paris). Ils sont importés de l'Afrique de l'Ouest (Ghana et Côte d'Ivoire). Mais les produits les plus vendus sont les produits frais. A Château Rouge à Paris, ils sont vendus dans toutes les épiceries sauf dans celles tenues par les Congolais du Congo-Kinshasa et du Congo-Brazzaville. Ceci est du au fait qu'à Paris, les ressortissants de l'Afrique de l'Ouest (Ghanéens, Béninois et Ivoiriens) sont les principaux consommateurs de ces aliments. A Londres, ils sont destinés principalement aux Ghanéens et aux Nigérians. De ce fait le marché potentiel de cet aliment est de 86 015 consommateurs dont 65 000 personnes à Londres et 21 015 personnes en France.

Photo 15

Photo 16

3.4 Les lieux de vente des PFNL principaux

Comme le montre le Tableau 10, nous avons réalisé des enquêtes dans les différents points de vente des produits agro-alimentaires en général et les produits tropicaux en particulier. Hormis les marchés forains ou les marchés en plein air, nous avons visité les épiceries spécialisées dans les produits exotiques, les magasins de la Grande Distribution (Intermarché à Lisbonne, Carrefour et Auchan en France, Delhaize le Lion et GB à Bruxelles, Mark et Spencer et Tesco à Londres et Pryca en Espagne), quelques restaurants Africains (ex: Restaurant Ma Mapassa à Tottenham), les Supermarchés asiatiques du 13ème arrondissement de Paris (ex : Tang et Frères) et certains Supermarchés indo-Pakistanais de Londres. Le Tableau 10 montre les points de vente où sont distribués les PFNL de l'Afrique subsaharienne dans les pays visités.

Tableau 10. Les différents lieux de vente des PFNL de l'Afrique subsaharienne

Points de vente

Belgique

Espagne

France

Royaume Uni

Portugal

Epiceries

exotiques

++

non localisés

++

++

non localisés

Epiceries africaines

++++++

++++++

++++++

++++++

++++++

Grande Distribution

-

-

+

-

-

Restaurants africains

++++++

++++++

++++++

++++++

++++++

Supermarchés exotiques

-

-

+

+

non localisés

Les résultats récapitulés dans le Tableau 10 montrent que la distribution des PFNL en provenance de l'Afrique subsaharienne est limitée exclusivement aux réseaux spécialisés : les épiceries africaines et les restaurants africains, les épiceries et les Supermarchés exotiques. Ces deux derniers points de ventes, sont des établissements qui distribuent des produits en provenance soit des zones tropicales, soit du Maghreb ou de l'orient. Parmi les Supermarchés exotiques, citons le cas de ceux tenus par les Asiatiques dans le 13ème arrondissement à Paris et les Indo-Pakistanais à Londres. Nous y avons trouvé des PFNL surgelés comme le saka saka ou cassava leaves. Malgré leur présence dans ces Supermarchés, ils seraient destinés aux Africains, selon le responsable du magasin. De même à Londres, nous avons trouvé trois PFNL de l'Afrique subsaharienne dans les Supermarchés tenus par les Indo-Pakistanais. Il s'agit de l'ogbono ou mangue sauvage, du yam frais et en farine et l'okasi ou fumbua.

En ce qui concerne la Grande Distribution, elle ne vend en général aucun PFNL en provenance de l'Afrique subsaharienne sauf les ignames. Nous avons observé la présence de ce PFNL dans les magasins des Supermarchés de la région parisienne. Etant donné que ces magasins s'approvisionnent à Rungis où les importateurs vendent aussi bien les ignames du Ghana que ceux du Brésil. Aussi, il est probable que l'igname du Ghana ait intègré la Grande Distribution. Toutefois malgré cette exception de l'igname, on peut dire que les PFNL de l'Afrique subsaharienne n'attirent pas encore les professionnels de la Grande Distribution européenne. Cela serait dû au fait qu'il n'existe pas une offre émanant des entrepreneurs africains adaptée aux attentes et exigences de la Grande Distribution. Une deuxième raison tiendrait au fait que les PFNL en provenance de l'Afrique subsaharienne, au cas où ils répondraient aux attentes de la Grande Distribution, souffrent d'un déficit de politique de communication efficace. En effet, nous avons observé du vin de palme (Elaeis guineensis) fabriqué au Ghana et au Cameroun. Ce produit qui est bien embouteillé pourrait intégrer le segment des boissons "ethniques" ou exotique de la Grande Distribution où l'on trouve le Rhum des Caraïbes (Martinique, Guyane, Cuba) et la Tequila latino-américaine. Cette remarque se justifie d'autant plus que certaines enseignes, notamment de la Grande Distribution Belge et Portugaise, écoulent déjà des produits destinés aux Africains, mais fabriqués en Indonésie. Il s'agit des conserves de saka saka (Manihot esculenta) précuit, de moambe (Elaeis guineensis), une sauce à base des noix de palme et l'huile de palme (Elaeis guineensis).

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