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Chapitre 11

Les vitamines

Les vitamines sont des substances organiques présentes dans les aliments à doses infimes et nécessaires au métabolisme. On les regroupe, non pas parce qu'elles sont chimiquement proches ou ont des rôles physiologiques similaires, mais parce que, comme leur nom l'indique, ce sont des facteurs vitaux de l'alimentation et qu'elles ont été découvertes lors des recherches sur les maladies résultant de leur carence. Enfin, elles ne peuvent se rattacher à aucun autre groupe d'aliments (glucides, lipides, protéines ou minéraux).

Lors de leur première classification, les vitamines ont reçu chacune le nom d'une lettre de l'alphabet. Ultérieurement, on est revenu aux noms chimiques. L'usage de ce dernier se justifie lorsque la formule chimique est connue comme c'est le cas des vitamines B. Néanmoins, il reste intéressant de regrouper certaines vitamines même si elles n'ont pas de parenté chimique, car on les trouve généralement dans les mêmes aliments.

Dans ce livre, seules la vitamine A, cinq vitamines du groupe B (thiamine, riboflavine, niacine, B12 et acide folique), la vitamine C et la vitamine D seront étudiées en détail. Les autres vitamines qui ont un rôle crucial pour la santé sont l'acide pantothénique (dont la carence provoque le syndrome des pieds brûlants mentionné plus loin), la biotine (ou vitamine H), l'acide paraminobenzoïque, la choline, la vitamine E et la vitamine K (antihémorragique). Ces dernières ne feront pas l'objet d'une description détaillée pour l'une ou l'autre des raisons suivantes:

Aucune d'elles n'est importante pour les personnes qui travaillent en nutrition communautaire dans les pays en développement. Ceux qui veulent en savoir plus peuvent se référer à des livres médicaux ou à des ouvrages de nutrition plus détaillés. Un résumé des principaux syndromes carentiels est fourni au chapitre 33, tableau 37.

VITAMINE A (RÉTINOL)

La vitamine A a été découverte en 1913 quand des chercheurs ont constaté un arrêt de la croissance de rats dont le seul apport lipidique était du gras de porc alors que leur croissance reprenait normalement si l'on substituait du beurre, au lard, le reste de l'alimentation étant inchangé. Des expériences ultérieures ont montré que le jaune d'œuf et l'huile de foie de morue contenaient le même facteur vital que l'on a appelé vitamine A.

On a remarqué plus tard que de nombreux aliments d'origine végétale avaient les mêmes propriétés que la vitamine A du beurre. Ces aliments contiennent un pigment jaune appelé carotène, dont une partie est convertie en vitamine A dans l'organisme.

Propriétés

Le rétinol est la forme principale de vitamine A dans l'alimentation humaine (rétinol est le nom de son dérivé alcoolique et c'est l'appellation habituelle). Dans sa forme cristalline, c'est une substance jaune-vert pâle, soluble dans la graisse mais insoluble dans l'eau, qui existe uniquement dans les produits d'origine animale. Il existe d'autres formes de vitamine A qui ont une structure moléculaire légèrement différente et sont moins actives, donc moins importantes en nutrition humaine.

Les carotènes qui jouent le rôle de provitamines ou précurseurs de la vitamine A sont des substances jaunes largement répandues dans les végétaux. Dans certains aliments, leur couleur jaune est masquée par la couleur verte de la chlorophylle, souvent associée aux carotènes. Il existe plusieurs carotènes, dont le bêtacarotène qui est la source de vitamine A la plus importante dans les pays non industrialisés. Les autres carotènes ou caroténoïdes ont peu d'importance en nutrition humaine. Les analyses réalisées autrefois ont rarement fait la distinction entre le bêtacarotène et les autres carotènes.

La vitamine A est un composant essentiel du pourpre rétinien et sa déficience réduit la vision en lumière atténuée ou crépusculaire. C'est ce qu'on appelle héméralopie ou cécité nocturne. Le mécanisme biochimique des autres symptômes causés par une déficience en vitamine A ne sont pas encore totalement élucidés. Sur le plan histologique, la modification principale est une métaplasie kératinisante qui affecte différents épithéliums. La vitamine A semble nécessaire à la protection des tissus de surface.

Plusieurs études ont démontré qu'un apport adéquat de vitamine A réduisait la mortalité des enfants dans certaines populations. Une supplémentation en vitamine A réduit le taux de mortalité de la rougeole. En ce qui concerne la diarrhée et les infections respiratoires, par contre, il n'y a pas de preuve formelle de réduction de leur incidence ou de leur durée.

Comme la vitamine A cristalline pure, appelée rétinol, est maintenant disponible, l'activité de la vitamine A dans les aliments est largement exprimée et mesurée en équivalents de rétinol (ER) plutôt qu'en unités internationales (UI) utilisées auparavant. Une UI de rétinol équivaut à 0,3 ER.

Calcul du contenu en vitamine A des aliments

1 UI de rétinol = 0,3 µg de rétinol = 0,3 ER

1 ER = 3,33 UI rétinol

1 ER = 6 µg de bêtacarotène

La vitamine A provient soit de vitamine A préformée soit de carotènes convertis en rétinol dans l'organisme. Le bêtacarotène est le plus important des carotènes pour l'alimentation humaine et le plus aisément converti en rétinol. Il faut six molécules de bêtacarotène pour aboutir à une molécule de rétinol, donc 6 µg de bêtacarotène pour obtenir 1 µg de rétinol ou 1 ER.

Sources alimentaires

La vitamine A proprement dite ne se trouve que dans les aliments d'origine animale, principalement le beurre, les œufs, le lait, la viande (surtout le foie) et certains poissons. Mais, dans les pays en développement, la majorité de la population ne peut compter que sur le bêtacarotène comme source de vitamine A. On le trouve dans de nombreuses plantes. Les feuilles vert foncé de l'épinard, de l'amarante, des patates douces ou du manioc sont une meilleure source que les feuilles vert clair de la laitue ou du chou. On en trouve également de bonnes quantités dans des fruits et légumes colorés comme les mangues, les papayes et les tomates ainsi que dans les patates douces de couleur jaune et dans des légumes jaunes comme le potiron. Les carottes sont aussi une excellente source, ainsi que le maïs jaune, seule céréale à contenir du bêtacarotène. En Afrique de l'Ouest, la principale source est l'huile de palme, largement utilisée pour la cuisson. La culture du palmier à huile s'est maintenant répandue à d'autres pays tropicaux. En Malaisie, il est largement cultivé mais surtout pour l'exportation de ses produits.

Le carotène comme la vitamine A tolèrent relativement bien les températures de cuisson usuelles. Par contre, le séchage au soleil des feuilles vertes et autres aliments réduit considérablement leur teneur en carotène. Or, c'est là une méthode traditionnelle de conservation des feuilles sauvages ou des légumes dans de nombreux pays arides. Il est donc important de développer d'autres méthodes dans ces pays où les déficits en vitamine A sont courants.

Absorption et utilisation

La conversion du bêtacarotène en vitamine A se fait dans la paroi de l'intestin. L'intestin le plus performant ne peut cependant en convertir qu'une fraction; c'est pourquoi il faut 6 mg de bêtacarotène sous forme d'aliment pour aboutir à 1 mg de rétinol. En l'absence de consommation de produits d'origine animale, il faut donc consommer une grande quantité de bêtacarotène pour couvrir les besoins en vitamine A.

L'utilisation du bêtacarotène est médiocre lorsque l'alimentation est pauvre en graisses et les régimes carencés en vitamine A sont souvent aussi déficients en lipides. Des affections intestinales comme la dysenterie, la maladie c_liaque et la sprue réduisent l'absorption de la vitamine A et la conversion du bêtacarotène. Les syndromes de malabsorption et les infestations notamment par ascaris, fréquentes sous les tropiques, réduisent également la capacité de conversion du bêtacarotène en vitamine A.

Les sels biliaires sont nécessaires à l'absorption, donc une obstruction des voies biliaires la compromet et peut induire un déficit. Quant aux enfants, même dans des circonstances idéales, ils ne convertissent pas aussi aisément le bêtacarotène en vitamine A que les adultes.

Le foie est le principal lieu de stockage de la vitamine A chez l'homme et la plupart des vertébrés, ce qui explique pourquoi l'huile de foie de poisson est si riche en vitamine A. Le rétinol est transporté du foie vers les autres organes par une protéine porteuse appelée Retinol Binding Protein (RBP). C'est pourquoi un déficit protéique peut compromettre le métabolisme de la vitamine A en réduisant la synthèse de cette protéine.

Stockage dans l'organisme

Le stockage hépatique est très important car, dans de nombreux pays tropicaux, les aliments contenant de la vitamine A ou du carotène ont une disponibilité saisonnière. Si on les consomme en quantité suffisante lorsqu'ils sont disponibles, généralement pendant la saison des pluies, le stockage peut permettre de traverser au moins en partie la saison sèche sans carence. La courte saison des mangues, par exemple, constitue une excellente occasion pour les jeunes de récolter ces fruits pour reconstituer leur stock hépatique.

Toxicité

La vitamine A est toxique si elle est consommée en excès. L'effet le plus remarquable est l'épaississement de certains os longs, accompagné de céphalées, de vomissements, d'hépatomégalie, d'altérations cutanées et de chute des cheveux. Les effets toxiques surviennent rarement à cause d'un apport alimentaire mais constituent un risque en cas de supplémentation. En outre, une supplémentation administrée avant la conception ou pendant la grossesse peut induire des anomalies congénitales.

Besoins humains

L'apport recommandé par la FAO et l'OMS est de 750 µg de rétinol par jour chez l'adulte; une femme qui allaite doit augmenter l'apport de 50 pour cent, et un enfant le réduire. Cela est valable pour une alimentation diversifiée comportant à la fois de la vitamine A et du bêtacarotène. Si l'alimentation est d'origine entièrement végétale, un apport plus important de bêtacarotène est recommandé pour compenser la faible conversion en vitamine A.

Carence

Une carence se traduit par une sécheresse pathologique de l'œil aboutissant à une xérophtalmie et parfois une kératomalacie et une cécité. D'autres tissus épithéliaux peuvent être affectés; la peau peut présenter une kératose folliculaire. Ces affections sont décrites en détail au chapitre 15.

THIAMINE (VITAMINE B1)

Dans les années 1890, le Hollandais Christiaan Eijkman avait remarqué que, lorsque ses poulets recevaient la même alimentation que ses patients atteints de béribéri, ils développaient une faiblesse des membres inférieurs et d'autres signes similaires à ceux du béribéri. Or, l'alimentation de ces patients consistait essentiellement en riz poli, très raffiné. Quand Eijkman remplaça ce dernier par du riz entier, les poulets guérirent. Il montra alors qu'il y avait une substance dans l'enveloppe et le germe du grain de riz qui protégeait les poulets du béribéri.

Les chercheurs essayèrent d'isoler la cause des différences entre ces deux riz mais, malgré de nombreuses tentatives, ce n'est qu'en 1926 que la vitamine B1 a finalement été isolée sous sa forme cristalline. Elle a été synthétisée 10 ans plus tard et on l'appelle maintenant plutôt thiamine.

Propriétés

C'est l'une des vitamines les plus instables. Sa structure est assez lâche et se décompose rapidement en milieu alcalin. La thiamine est très soluble dans l'eau et résiste à des élévations de température jusqu'à 100 ºC mais est rapidement détruite au-delà (par exemple dans une poêle à frire ou un autocuiseur).

Les propriétés physiologiques et biochimiques de la thiamine ont fait l'objet de nombreuses recherches. On a montré que la thiamine avait un rôle très important dans le métabolisme des glucides, notamment dans leur oxydation et dans le métabolisme de l'acide pyruvique.

L'énergie consommée par le système nerveux dérive entièrement des glucides, et un déficit en thiamine bloque la phase finale de leur utilisation, d'où une réduction de l'énergie disponible et des altérations des tissus nerveux et du cerveau. Comme la thiamine est impliquée dans le métabolisme des glucides, une déficience est davantage susceptible d'apparaître chez des sujets pour qui les glucides constituent la source d'énergie principale. C'est pourquoi les besoins en thiamine sont souvent exprimés en fonction de la consommation de glucides.

La thiamine est à présent synthétisable et mesurée en mg.

Sources alimentaires

La thiamine est largement répandue dans les aliments qu'ils soient d'origine végétale ou animale. Les céréales et les légumineuses en sont la meilleure source. Les légumes verts, le poisson, la viande, les fruits et le lait en contiennent tous des quantités non négligeables. Dans les grains de céréales, la thiamine se trouve surtout dans le germe et dans l'enveloppe, dont la majeure partie est perdue lors de la mouture (voir chapitre 32). Le son de riz ou de blé notamment sont très riches en thiamine, de même que la levure. Par contre, les racines en contiennent très peu: le manioc n'en renferme pas plus que le riz poli. Il est surprenant que les populations d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine dont le manioc est un aliment de base ne souffrent pas davantage de béribéri.

Comme elle est très soluble dans l'eau, la thiamine risque d'être perdue en cas de lavage prolongé ou de cuisson dans une grande quantité d'eau qui n'est pas consommée. Pour les consommateurs de riz, il est important de le cuire avec juste la quantité d'eau requise qui sera absorbée lors de la cuisson ou de consommer cette eau sous forme de soupe ou de ragoût puisqu'elle renferme de la thiamine et d'autres substances intéressantes.

Le contenu en thiamine des céréales et des légumineuses est stable pendant un an au moins dans de bonnes conditions de conservation, mais il diminue progressivement en cas d'attaque bactérienne ou fongique ou d'infestation par des insectes.

Absorption et stockage dans l'organisme

La thiamine est facilement absorbée mais peu stockée. Des preuves expérimentales montrent que la quantité stockée suffit pour six semaines. La concentration de thiamine est plus élevée dans le foie, le cœur et le cerveau que dans les muscles et les autres organes. En cas d'apport alimentaire abondant, le surplus est excrété dans l'urine. L'organisme n'en contient que 25 mg environ.

Besoins humains

Un apport journalier de 1 mg suffit à un homme modérément actif et 0,8 mg suffisent à une femme modérément active. Le besoin est probablement supérieur pour une femme enceinte ou allaitante. La FAO et l'OMS recommandent 0,4 mg pour 1 000 kcal.

Carences

La carence en thiamine est à l'origine du béribéri qui, à un stade avancé, entraîne une paralysie des membres inférieurs. Chez les alcooliques, le déficit en thiamine provoque le syndrome de Wernicke-Korsakoff. Tous deux sont décrits au chapitre 16.

RIBOFLAVINE (VITAMINE B2)

Les premiers travaux effectués sur les propriétés des vitamines de la levure et d'autres aliments ont montré que les facteurs antinévritiques qu'ils contenaient étaient détruits par un chauffage excessif, alors que le facteur de croissance ne l'était pas. Ce facteur était la riboflavine ultérieurement isolée de la fraction thermostable et synthétisée en 1935.

Propriétés

La riboflavine est une substance cristalline jaune. Elle est beaucoup moins soluble dans l'eau et plus résistante à la chaleur que la thiamine. Elle est par contre sensible à la lumière, si bien que le lait exposé à la lumière perd rapidement des quantités considérables de riboflavine. Elle agit comme coenzyme dans les processus d'oxydation des tissus. On la mesure en mg.

Sources alimentaires

Les principales sources de riboflavine sont le lait et ses dérivés. Les légumes verts, la viande (surtout le foie), le poisson et les œufs en contiennent des quantités intéressantes. Pour les populations asiatiques, africaines et sud-américaines qui consomment peu de ces aliments, les céréales et les légumineuses sont la source principale de riboflavine. Tout comme la thiamine, la quantité de riboflavine est réduite par le procédé de polissage des céréales. Les aliments à base d'amidon comme le manioc, le plantain, les ignames et les patates douces en contiennent très peu.

Besoins humains

Pour un adulte moyen, 1,5 mg suffisent largement tandis qu'une femme enceinte ou allaitante doit en consommer un peu plus. La FAO et l'OMS recommandent 0,55 mg par 1 000 kcal.

Carence

Une carence en riboflavine se traduit par une chéilite (inflammation des lèvres) et une stomatite angulaire. Ces manifestations sont décrites au chapitre 22. C'est une carence répandue mais elle ne met pas la vie en danger.

NIACINE (ACIDE NICOTINIQUE,
NICOTINAMIDE, VITAMINE PP)

De la même façon que l'histoire de la thiamine est liée au béribéri, celle de la niacine est liée à la pellagre. Le béribéri est une affection de l'Orient liée à la consommation de riz poli, alors que la pellagre est une maladie de l'Ouest liée à la consommation de maïs. Une alimentation médiocre a été mise en cause il y a plus de deux siècles par le physicien espagnol Gaspar Casal. On a d'abord évoqué un déficit protéique, car une alimentation enrichie en protéines permettait de le guérir. Puis on a montré qu'un extrait de foie, quasiment exempt de protéines, amenait également la guérison. En 1926, aux Etats-Unis, J. Goldberger a montré qu'un extrait de levure contenait un facteur de prévention de la pellagre, non protéique, qu'on a donc appelé PP. En 1937, le nicotinamide a été isolé et on a découvert qu'il guérissait une affection canine similaire à la pellagre, la maladie de la langue noire.

Comme la pellagre frappait surtout les populations dont l'aliment de base était le maïs, on a estimé que le maïs était particulièrement pauvre en niacine. On a montré depuis lors que le pain blanc était bien plus pauvre en niacine que le maïs. Mais la niacine du maïs est peu disponible car elle s'y trouve sous forme liée.

La découverte de l'effet préventif de l'acide aminé tryptophane sur la pellagre chez des animaux de laboratoire a encore compliqué les choses jusqu'à ce que l'on découvre que le tryptophane se convertissait en niacine dans l'organisme. Cela expliquait comment une alimentation riche en protéines pouvait guérir la pellagre. Enfin, le fait que la zéine, la protéine du maïs, soit très pauvre en tryptophane achève d'élucider le lien entre maïs et pellagre. On a aussi montré qu'une alimentation riche en leucine, comme un régime à base de sorgho, interférait avec le métabolisme du tryptophane et de la niacine et pouvait donc entraîner une pellagre.

Propriétés

La niacine, dérivée de la pyrimidine, est une substance cristalline blanche, soluble dans l'eau et très stable. Elle a été synthétisée. Son rôle principal concerne l'oxydation des tissus. Elle existe sous deux formes, l'acide nicotinique et le nicotinamide. Elle est mesurée en mg.

Sources alimentaires

La niacine est largement répandue dans les aliments d'origine animale et végétale. Les meilleures sources sont la viande (surtout le foie), les arachides et le son ou les germes de céréales. Comme pour les autres vitamines B, l'aliment de base tend à être la source principale. Les céréales entières ou légèrement polies, bien qu'elles ne soient pas très riches en niacine, en contiennent beaucoup plus que des céréales très polies. Les racines amylacées, les bananes plantains et le lait en contiennent très peu. Les haricots, les pois et les autres légumineuses en contiennent autant que les céréales.

Bien que la niacine du maïs ne soit pas totalement utilisable, le traitement du maïs avec un liquide alcalin comme le jus de citron vert, méthode traditionnelle au Mexique notamment, augmente sa disponibilité.

La cuisson, la conservation et le stockage causent peu de déperditions.

Besoins humains

Un apport suffisant est de 20 mg par jour. Les besoins varient avec la quantité de tryptophane de l'alimentation et selon l'aliment de base (maïs ou autre céréale). La FAO et l'OMS recommandent 6,6 mg par 1 000 kcal.

Carence

Une carence se traduit par la pellagre, la maladie des 3D: diarrhée, dermatose et démence (voir chapitre 17). Elle débute par des troubles cutanés et, en l'absence de traitement, s'aggrave au fil des années.

VITAMINE B12 (CYANOCOBALAMINE)

L'anémie pernicieuse, appelée ainsi parce qu'elle était toujours fatale, était connue bien avant que sa cause ne soit élucidée. En 1926, on a constaté que les malades amélioraient leur état en mangeant du foie cru. On a alors fabriqué des extraits de foie dont l'injection guérissait la maladie. En 1948, les chercheurs ont isolé du foie une substance qu'ils ont appelée vitamine B12. Injectée en très faible quantité, elle guérissait l'anémie pernicieuse.

Propriétés

La vitamine B12 est une substance cristalline rouge contenant du cobalt. Elle est indispensable à la production des globules rouges. Un apport supplémentaire de cette vitamine ou d'aliments qui en contiennent beaucoup stimule la croissance chez les animaux de laboratoire. On la mesure en µg.

Sources alimentaires

La vitamine B12 n'existe que dans les aliments d'origine animale. Mais elle peut être synthétisée par de nombreuses bactéries. Les animaux herbivores comme le bétail fabriquent leur vitamine B12 grâce à l'action des bactéries sur l'herbe dans leur estomac. Ce processus ne fonctionne pas chez l'homme. Par contre, des aliments végétaux fermentés pourraient fournir de la vitamine B12.

Besoins humains

Les besoins humains sont faibles, probablement autour de 3 µg pour l'adulte. Un apport inférieur ne semble pas entraîner de maladie.

Carence

L'anémie pernicieuse n'est pas due à un défaut d'apport alimentaire en vitamine B12, mais à une incapacité à utiliser cette vitamine à cause du déficit d'un facteur intrinsèque dans les sécrétions gastriques. Il est possible qu'un processus auto-immun limite l'absorption. Dans l'anémie pernicieuse, les globules rouges sont de grande taille (macrocytose) et la moelle osseuse contient de nombreuses cellules anormales appelées mégaloblastes. Cette anémie macrocytaire et mégaloblastique s'accompagne d'un manque d'acide chlorhydrique dans l'estomac. Après un certain temps d'évolution, des altérations de la moelle épinière entraînent des symptômes neurologiques. En l'absence de traitement, le malade meurt.

Le traitement consiste à injecter des doses massives de vitamine B12. Quand les analyses de sang sont redevenues normales, il suffit habituellement d'une injection de 250 mg toutes les deux à quatre semaines pour garder le patient en bonne santé.

La vitamine B12 guérit aussi l'anémie qui accompagne la sprue, maladie tropicale qui compromet l'absorption de la vitamine B12, de l'acide folique et d'autres nutriments.

Le ténia Diphyllobotrium latum, acquis par consommation de poisson peu ou pas cuit, vit dans l'intestin et a tendance à détourner la vitamine B12 des aliments. L'anémie mégaloblastique qui en résulte se traite par injection de vitamine B12 et élimination du parasite.

Il existe aussi des médicaments qui interfèrent avec l'absorption de la vitamine B12.

En dehors de ces cas particuliers, une carence ne survient qu'en cas de régime végétarien strict. Mais, même dans ce cas, l'anémie macrocytaire n'est pas fréquente et ne constitue pas un problème majeur de santé publique.

ACIDE FOLIQUE OU FOLATES

En 1929, Lucy Wills a décrit aux Indes une anémie macrocytaire fréquente chez les femmes enceintes. Cette anémie s'améliorait avec certaines préparations de levure mais ne répondait pas au fer ni aux autres vitamines connues. Cette substance contenue dans la levure a d'abord été appelée facteur de Wills. En 1946, on a isolé des feuilles d'épinard une substance appelée acide folique qui s'est avérée avoir le même effet.

Propriétés

Le terme "acide folique" ou "folates" recouvre plusieurs composés cristallins de couleur jaune dérivés de l'acide ptéroglutamique. L'acide folique est impliqué dans le métabolisme des acides aminés. L'acide folique des aliments est facilement détruit par la cuisson. On le mesure en mg.

Sources alimentaires

Les aliments les plus riches sont les légumes à feuilles vert foncé, le foie et les rognons. Les autres légumes et les autres morceaux de viande en contiennent en plus petites quantités.

Besoins humains

L'apport journalier recommandé a été fixé à 400 µg aux Etats-Unis.

Carence

Une carence est habituellement due à un apport alimentaire insuffisant, mais ce peut aussi être une malabsorption. Elle peut être induite par des traitements antiépileptiques. Elle entraîne une anémie macrocytaire. C'est la deuxième anémie nutritionnelle après la carence en fer.

Pendant la grossesse, cette carence entraîne des défauts de fermeture du tube neural du nouveau-né. Le rôle de l'acide folique dans la prévention des cardiopathies ischémiques a également fait l'objet récemment d'une attention renouvelée.

L'usage thérapeutique principal de l'acide folique réside dans le traitement de l'anémie macrocytaire de la grossesse et de la petite enfance et dans la prévention des défauts de fermeture du tube neural. La dose recommandée pour un adulte est de 5 à 10 mg par jour.

Bien que l'administration d'acide folique améliore les constantes sanguines d'un patient atteint d'anémie pernicieuse, il ne peut ni prévenir ni améliorer les troubles neurologiques. C'est pour cette raison qu'il ne faut pas administrer d'acide folique dans le traitement de l'anémie pernicieuse sauf en association avec la vitamine B12.

VITAMINE C (ACIDE ASCORBIQUE)

La découverte de la vitamine C est associée au scorbut qui a été rapporté en premier par les navigateurs au long cours. En 1497, Vasco de Gama a décrit le scorbut au sein de l'équipage de son voyage historique d'Europe aux Indes via le cap de Bonne-Espérance; plus de la moitié de l'équipage en est morte. On a progressivement réalisé que le scorbut atteignait les personnes qui ne consommaient pas d'aliments frais. Ce n'est qu'en 1747 que James Lind, en Ecosse, montra que la consommation d'agrumes prévenait ou guérissait le scorbut. Cette découverte amena les capitaines à inclure des aliments frais, notamment des agrumes, dans les rations des équipages. Et le scorbut devint beaucoup plus rare.

Cependant, au XIXe siècle, le scorbut réapparut chez des nourrissons qui recevaient, au lieu de lait maternel ou de lait de vache frais, du lait concentré, devenu tout récemment disponible. En effet, le processus de conservation par le chauffage, s'il laissait intact le contenu en glucides, lipides et protides, détruisait la vitamine C.

On découvrit ensuite que la vitamine C n'était autre que l'acide ascorbique qui avait été identifié dans l'intervalle.

Propriétés

L'acide ascorbique est une substance cristalline blanche, hautement soluble dans l'eau et facilement oxydable. Il n'est pas altéré par la lumière mais détruit par la forte chaleur surtout en solution alcaline. C'est un agent réducteur et antioxydant puissant capable de limiter les effets nocifs des radicaux libres. Il facilite aussi l'absorption de fer non héminique des aliments végétaux.

L'acide ascorbique est nécessaire à la formation et à la conservation du matériel intercellulaire, en particulier du collagène. Pour simplifier, il est essentiel à la production d'une partie des substances qui lient les cellules entre elles comme le ciment maintient des briques. Chez une personne carencée en acide ascorbique, les cellules endothéliales sont moins résistantes et de petites hémorragies sont fréquentes. De même, la dentine des dents et le tissu ostéoïde sont altérés. Cette propriété de liant cellulaire explique aussi les difficultés de cicatrisation et la lenteur de guérison des plaies manifestes chez les personnes carencées.

Beaucoup de gens, y compris des scientifiques, pensent que des doses massives de vitamine C préviennent le rhume et en atténuent les symptômes. Cela n'a pas été prouvé. Une vaste étude a suggéré une réduction de la gravité, mais la vitamine C n'a pas empêché la survenue du rhume. Il n'est pas recommandé de prendre des doses massives pendant une période prolongée.

Sources alimentaires

Les sources principales sont les fruits, les légumes et diverses feuilles (photo 14). Pour les populations pastorales, le lait est souvent la source principale. Les bananes plantains ou fruits sont les seuls aliments de base à contenir une quantité intéressante de vitamine C. Les feuilles vert foncé de l'amarante ou de l'épinard en contiennent beaucoup plus que les feuilles plus claires du chou et de la laitue. Les racines comme les pommes de terre en contiennent des quantités faibles mais non négligeables. Le jeune maïs en contient un peu, de même que les céréales et les légumineuses germées. Les produits animaux comme la viande, le poisson, les œufs et le lait en contiennent de faibles quantités.

Besoins humains

Les opinions divergent considérablement sur ce sujet. Il semble qu'au moins 75 mg par jour soient nécessaires pour que l'organisme reste saturé. Cependant, des apports aussi faibles que 10 mg par jour ne semblent pas compromettre la santé. Il semble donc raisonnable de recommander 25 mg pour un adulte, 30 mg pour un adolescent, 35 mg pendant la grossesse et 40 mg pendant l'allaitement.

Carence

Le scorbut et les autres manifestations cliniques de carence sont décrites au chapitre 19. Le scorbut est rare de nos jours. Néanmoins, des "épidémies" de scorbut sont survenues récemment dans des zones de famine et dans des camps de réfugiés en Afrique.

Au stade initial, la carence se traduit par un saignement des gencives et une lenteur de cicatrisation.

VITAMINE D

La vitamine D est associée à la prévention du rachitisme et de son équivalent adulte, l'ostéomalacie (un ramollissement des os). On a longtemps soupçonné le rachitisme d'être dû à une carence nutritionnelle, et l'huile de foie de morue était utilisée dans certains pays pour le guérir. Mais ce n'est qu'en 1919 que Sir Edward Mellanby a démontré de manière indiscutable chez des chiots que le rachitisme était bien d'origine nutritionnelle et que l'huile de foie de morue agissait par le biais de la vitamine D qu'elle contient. On a montré ultérieurement que l'effet du rayonnement solaire sur la peau était à l'origine d'une production de vitamine D par l'organisme.

Propriétés

Plusieurs composés, tous des stérols apparentés au cholestérol, ont des propriétés antirachitiques. Certains stérols qui ne possèdent pas initialement cette propriété l'acquièrent sous l'action de la lumière solaire. Les deux principaux stérols activés sont la vitamine D2 (ergocalciférol) et la vitamine D3 (cholécalciférol).

Chez l'homme, quand la peau est exposée aux rayons ultraviolets du soleil, un stérol est activé pour former de la vitamine D, qui est alors disponible pour l'organisme tout comme le serait la vitamine D provenant des aliments. Cette dernière n'est absorbée dans l'intestin qu'en présence de bile.

La fonction de la vitamine D est de permettre l'absorption du calcium. La vitamine D, qu'elle soit alimentaire ou synthétisée dans la peau, agit comme une hormone sur le métabolisme du calcium. Le rachitisme et l'ostéomalacie ne sont pas dus à un défaut d'apport alimentaire de calcium mais à un manque de vitamine D qui ne permet pas l'utilisation correcte du calcium alimentaire absorbé.

On la mesure habituellement en unités internationales; une UI équivaut à 0,025 µg de vitamine D3.

Sources alimentaires

La vitamine D n'existe à l'état naturel que dans les graisses de certains produits animaux. Les œufs, le fromage, le lait et le beurre en sont de bonnes sources. La viande et le poisson contribuent modestement. Les huiles de foie de poisson sont très riches. Il n'y a pas du tout de vitamine D dans les céréales, les légumes et les fruits.

Stockage dans l'organisme

La capacité de stockage dans les graisses et le foie est considérable. Ce stock est particulièrement important chez une femme enceinte pour prévenir les risques de rachitisme chez l'enfant.

Besoins humains

Il n'est pas possible de définir des besoins alimentaires puisque la vitamine D provient à la fois de l'alimentation et de l'exposition au soleil. Pour les adultes qui s'exposent raisonnablement au soleil, un apport alimentaire est inutile; de même, la majorité des enfants d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine vivent très bien sans apport alimentaire notable de vitamine D. Pour les enfants non exposés au soleil, une dose d'huile de foie de morue équivalant à 400 UI (10 µg) suffit à prévenir le rachitisme avec une marge de sécurité.

Carence

Le rachitisme et l'ostéomalacie sont décrits au chapitre 18. Puisque la vitamine D provient de l'action du soleil sur la peau, les carences sont très rares dans les pays tropicaux, bien que la production de vitamine D soit limitée par une moindre pénétration du rayonnement solaire à travers une peau pigmentée. Le rachitisme et l'ostéomalacie ne se voient que dans les régions où les femmes et les enfants sont confinés à l'intérieur pour des raisons culturelles. De nombreux cas ont par exemple été signalés au Yémen et en Ethiopie. Les principales manifestations sont des altérations du squelette.

Toxicité

Comme les autres vitamines liposolubles, la vitamine D consommée en excès est difficilement éliminée. Une surconsommation, liée notamment à un apport excessif d'huile de foie de morue aux enfants, peut donc être toxique. L'excès de vitamine D peut induire une hypercalcémie avec une perte d'appétit et de poids, suivie de confusion mentale et, enfin, d'une défaillance rénale. Quelques décès ont été rapportés.

AUTRES VITAMINES

Les vitamines décrites ci-dessus sont celles pour lesquelles les carences sont les plus fréquentes, donc celles qui sont importantes sur le plan de la santé publique dans les pays non industrialisés. Les cinq vitamines qui font l'objet des paragraphes suivants ont une importance vitale en termes de santé mais sont rarement l'objet de carence dans les régimes alimentaires.

Vitamine B6 (pyridoxine)

La vitamine B6 est soluble dans l'eau et très répandue dans les aliments d'origine animale autant que végétale. Elle a une fonction importante de coenzyme dans de nombreux processus métaboliques. Les carences primaires sont rares, mais de nombreuses carences secondaires ont affecté les patients tuberculeux traités par isoniazide. Cette carence a entraîné des troubles neurologiques et, parfois, une anémie et une dermatose. Maintenant ces patients reçoivent tous en principe 10 mg de vitamine B6 chaque jour en même temps que l'isoniazide. Mais cette vitamine est chère et augmente le coût du traitement antituberculeux.

Biotine

La biotine est une autre vitamine hydrosoluble du groupe B. Elle est largement répandue dans les aliments et les carences sont très rares, mais elle a un rôle très important dans divers processus biochimiques et métaboliques. L'avidine du blanc d'œuf cru empêche son absorption chez l'animal et l'homme. Un rat ne recevant que du blanc d'œuf comme source protéique maigrit et souffre de troubles neurologiques et cutanés. Des carences exceptionnelles ont été rapportées chez des personnes consommant surtout du blanc d'œuf et chez des patients souffrant de malabsorption sous alimentation parentérale.

Acide pantothénique

L'acide pantothénique est une vitamine hydrosoluble présente en quantité suffisante dans la plupart des alimentations humaines. Elle a des fonctions biochimiques très importantes dans plusieurs réactions enzymatiques, mais les déficits sont très rares. Une affection neurologique appelée "syndrome des pieds brûlants" a été rapportée chez des prisonniers de guerre détenus par les japonais entre 1942 et 1945 et attribuée à une carence en acide pantothénique.

Vitamine E (tocophérol)

Liposoluble, la vitamine E se trouve surtout dans les graisses végétales et les céréales entières. On l'a appelée "vitamine antistérilité" ou "vitamine du sexe", car les rats soumis à une alimentation carencée en vitamine E ne peuvent plus se reproduire: les testicules des mâles deviennent anormaux et les femelles avortent spontanément.

A cause de son rapport avec la fertilité et des effets des carences chez l'animal, la vitamine E est largement consommée en automédication ou prescrite pour toutes sortes de problèmes. Cependant, les carences véritables sont rares et ne surviennent généralement que dans un contexte de malabsorption grave (avec malabsorption des graisses), d'anémie génétique (dont le déficit en Glucose-6 Phosphate Déshydrogénase) ou parfois chez des bébés de très petit poids de naissance.

Comme la vitamine C, la vitamine E est un antioxydant et c'est à cause de cette aptitude à réduire les radicaux libres qu'elle est souvent recommandée en prévention de l'athérome et du cancer. Sa présence dans l'huile contribue à empêcher l'oxydation des acides gras insaturés.

Vitamine K

On l'appelle la vitamine de la coagulation à cause de sa relation avec la prothrombine et le processus de coagulation et parce qu'elle permet de guérir la maladie hémorragique du nouveau-né. La vitamine K provient en partie de l'alimentation, et le reste est synthétisé dans l'intestin sous l'action des bactéries. Cette dernière possibilité n'existe pas chez le bébé à la naissance puisque son intestin est exempt de bactéries. On admet maintenant que des patients en alimentation parentérale ou en situation de famine recevant des antibiotiques à large spectre qui tuent les bactéries intestinales puissent saigner par manque de vitamine K. Dans la plupart des hôpitaux, on donne de la vitamine K aux nouveau-nés pour éviter la maladie hémorragique.

PHOTO 14

Parmi tous les fruits sauvages comestibles, celui du baobab est particulièrement riche en vitamine C

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