SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO

ALERTE SPÉCIALE

N. 306

(Série diffusée uniquement pour les pays dans lesquels l'état des cultures vivrières ou la situation des approvisionnements alimentaires sont préoccupants)

Date: 18 avril 2000

UNE TRAGÉDIE HUMAINE MENACE LA CORNE DE L'AFRIQUE

VUE D'ENSEMBLE

La corne de l'Afrique a urgemment besoin d'une aide alimentaire adéquate pour conjurer la famine et la grave pénurie alimentaire dues aux sécheresses à répétition qui ont détruit les cultures et décimé le bétail. La pénurie alimentaire est particulièrement grave dans les zones pastorales de l'est et du sud de l'Éthiopie où de plus en plus de cas de décès par famine sont signalés. La situation alimentaire est également très préoccupante dans les zones pastorales de l'est et du nord-est du Kenya, le centre-ouest de la Somalie, frontalier de l'Éthiopie et dans le nord-est de l'Ouganda. Dans l'ensemble de la corne de l'Afrique, quelque 16 millions de personnes, dont plus de la moitié en Ethiopie, sont dans une situation désespérée. En outre, alors que la principale campagne agricole approche, les perspectives de reprise restent faibles à cause de l'arrivée tardive des pluies, la mort ou le sérieux affaiblissement des boeufs de labour et du fait que la plupart des familles rurales ont consommé les semences pour éviter la famine. On craint de plus en plus que la situation soit pire que durant la famine dévastatrice de 1984/85, si la pluie attendue pour les mois à venir devait faire défaut.

Djibouti, l'Érythrée et certaines régions du Soudan doivent également faire face à des difficultés d'approvisionnement dues aux conditions météorologiques défavorables et en partie à l'insécurité. On note le déplacement massif de populations du Soudan vers les pays frontaliers à la recherche de nourriture et d'eau.

Durant la dernière décennie, la production céréalière totale de la sous-région qui n'avait cessé de croître de 1991 à 1996 a subi un fléchissement du fait principalement des conditions météorologiques défavorables. Parallèlement, la production céréalière par d'habitant, en baisse depuis 1996, a enregistré peu de variations (graphique nº 1). Par conséquent, pour répondre aux besoins de la consommation, les importations céréalières totales de la sous-région avaient augmenté, quoiqu'avec des fluctuations et, pour 1999/2000 les prévisions des besoins d'importations céréalières atteignent le chiffre record de plus de 6 millions de tonnes, soit environ le double du niveau des importations réelles de 1998/1999 et 30 pour cent de plus que celui de 1984/85, une année de sécheresse et de famine exceptionnelles (graphique nº 2).

Pour répondre à l'alerte lancée par le Système mondial d'information et d'alerte rapide de la FAO et aux évaluations conjointes FAO/PAM, plusieurs opérations d'urgence, d'un montant d'environ 880 millions de dollars E.-U. avaient été conjointement approuvées par la FAO et le PAM entre 1998 et mars 2000 pour fournir une aide alimentaire aux populations touchées par la sécheresse, la guerre et les troubles civils dans la sous-région. Toutefois, les besoins d'aide alimentaire pour l'an 2000 ont nettement augmenté et sont actuellement estimés à 2 millions de tonnes, soit plus du double de l'année précédente et le niveau le plus important depuis 15 ans. Vu les sombres perspectives pour la campagne agricole de l'année en cours et les faibles recettes en devises pour certains de ces pays dues aux bas cours mondiaux des produits d'exportation comme le café, on s'attend à une hausse des besoins d'aide alimentaire. Les annonces d'aide alimentaire de la communauté internationale s'intensifient particulièrement depuis la visite de l'envoyé spécial des Nations Unies dans la région, mais il faudrait accélérer la livraison de l'aide et faire d'autres promesses d'aide pour éviter les souffrances et la perte de vies humaines.


Considérant la nature récurrente de la sécheresse et de la crise alimentaire dans la corne de l'Afrique, il est urgent de prévoir des solutions à long terme concernant la sécurité alimentaire et le développement agricole. Par conséquent, un groupe de travail spécial des Nations Unies guidé par la FAO a été chargé de développer une stratégie globale pour contrer les effets des sécheresses à répétition et instaurer une sécurité alimentaire durable dans la région.

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SITUATION PAR PAYS

ÉTHIOPIE

Des situations de famine se sont déclarées dans de nombreuses régions du pays, à cause de la sécheresse qui a entraîné d'importantes pertes de cultures et de bétail. Dans les zones pastorales de l'est et du sud, l'insuffisance ou l'absence totale de précipitations pendant trois années consécutives ont causé une perte importante de bétail et l'on signale de nombreux décès par famine, surtout parmi les enfants. On note un exode massif des populations vers les villes et les centres de distribution alimentaire à la recherche d'eau et de nourriture. Dans l'ensemble du pays, plus de 8 millions de personnes, dont 400 000 déplacées par le conflit frontalier avec l'Erythrée, sont confrontées à une grave pénurie alimentaire.

Considérant les sombres perspectives de rendement des cultures "Belg" de la campagne secondaire de 2000 dont la récolte devrait démarrer en mai, le nombre de personnes nécessitant des secours alimentaires pourrait dépasser le chiffre de 9 millions. La campagne Belg représente environ 8 à 10 pour cent de la production annuelle de céréales et de légumineuses mais dans certaines régions du Nord, elle constitue la récolte principale annuelle. La mauvaise campagne Belg de l'année précédente et la sécheresse persistante pendant la campagne principale "Meher" de 1999 ont sérieusement affecté la sécurité alimentaire d'une grande partie de la population.

Les besoins d'importations céréalières pour 2000, estimés à 764 000 tonnes par la FAO et le PAM en janvier, sont susceptibles d'augmenter en raison des faibles précipitations de la saison Belg.

SOMALIE

Les approvisionnements alimentaires dans le sud de la Somalie se détériorent rapidement malgré la récolte favorable de la campagne "Deyr" en février 2000. Environ 650 000 personnes sont confrontées à une grave pénurie alimentaire; les familles dans les régions de Bakool, de Gedo, de Bay et de Hiran étant les plus touchées. On signale des migrations massives aussi bien à l'intérieur du pays qu'au-delà de la frontière avec l'Éthiopie, à la recherche d'eau et de nourriture. Au vu des sombres perspectives de la campagne principale Gu, qui représente les trois quarts de la production céréalière annuelle, la situation est très préoccupante. Dans le nord-ouest (Somaliland) et le nord-est (Puntland), malgré des conditions relativement stables du bétail et des approvisionnements alimentaires, un nombre consistant d'éleveurs afflue du pays voisin, l'Ethiopie, épuisant les pâturages et l'approvisionnement en eau, ce qui cause des graves préoccupations. Environ 200 000 personnes dans ces régions sont confrontées à des pénuries d'eau et de nourriture. Le début de la saison Gu, à partir d'avril, est crucial pour atténuer les pénuries d'eau dans de nombreuses régions.

La récolte céréalière secondaire "Deyr" de 1999/2000, qui représente normalement environ 25 pour cent de la production céréalière annuelle, est terminée, tandis que les semis de la campagne principale pour l'année 2000/01 vont débuter. La production céréalière totale de la campagne Deyr de 1999/2000 est estimée à 108 000 tonnes, soit 53 pour cent au dessus de la moyenne de la période d'après guerre (1993-1998). Toutefois, la production céréalière de la principale campagne Gu de 1999, dont les récoltes ont été engrangées jusqu'en septembre dernier, estimée par une mission conjointe FAO/PAM à environ 135 683 tonnes est inférieure de quelque 32 pour cent à la moyenne de la production de l'après-guerre du fait de faibles précipitations, des infestations de ravageurs et du déplacement de la population agricole.

D'autre part, les livraisons d'aide alimentaire continuent d'être entravées par l'insécurité.

KENYA

La situation des approvisionnements alimentaires est critique dans les districts pastoraux du nord, de l'est et du nord-ouest ainsi que dans certaines zones des provinces du centre, de la côte et de la Vallée du Rift touchées par la sécheresse pendant la "saison des courtes pluies" de 1999/2000. Dans les zones pastorales, les "courtes pluies" sont essentielles pour la reconstitution des ressources hydriques et la régénération des pâturages après la saison sèche tandis que dans le reste de ces provinces, les récoltes de la campagne des "courtes pluies" fournissent l'essentiel de l'approvisionnement alimentaire. Les districts les plus touchés sont ceux de Turkana, Mandera, Moyale, Garissa, Kajiado, Machakos, Mbeere, Kitui, Wajir, Mwingi, Tana River, Marsabit, Isiolo, Baringo, Samburu, West Pokot, Makueni et Tharaka Niti. La principale récolte des céréales de "saison des longues pluies", engrangée jusqu'en octobre dernier, a subi une réduction importante, particulièrement dans les provinces de l'Est, du Centre, de l'Ouest et du Nyanza du fait de la sécheresse, de l'apport insuffisant d'intrants et, en partie, de l'infestation de chenilles processionnaires. D'après les estimations officielles, la production de maïs sera d'environ 2,1 millions de tonnes contre 2,44 millions de tonnes en 1998 et une moyenne de 2,5 millions de tonnes sur les cinq années précédentes. Les semis de la principale campagne de la "saison des longues pluies" sont en cours. Les perspectives de rendement demeurent cependant incertaines en raison des précipitations jusque-là faibles et irrégulières.

Les cours du maïs, principale denrée de base du pays, ont considérablement augmenté dans la plupart des régions réduisant l'accès aux vivres pour un grand nombre de personnes. Des rapports récents signalent que le pays devra importer environ 2,5 millions de tonnes de maïs pendant l'année 2000. En janvier 2000, une opération de secours alimentaire d'urgence, pour un montant de 43,4 millions de dollars E.-U. a été conjointement approuvée par la FAO et le PAM pour secourir 2,74 millions de personnes touchées par la sécheresse, sur une période de cinq mois. En février, le Gouvernement a lancé un appel demandant une aide de 62 millions de dollars E.-U. pour faire face à la menace de pénurie alimentaire et, pendant les huit derniers mois, a distribué quelque 57 000 tonnes de maïs à la population touchée.

ÉRYTHRÉE

La situation alimentaire est très difficile pour près de 600 000 personnes touchées par la guerre avec l'Éthiopie et par la sécheresse persistante qui sévit dans les zones côtières. Les prix des céréales sont très élevés pour la saison. Le besoin total d'importations céréalières pour 2000 est estimé à 290 000 tonnes, dont 100 000 tonnes au titre de l'aide alimentaire. En janvier 2000, l'équipe des Nations Unies sur le terrain a lancé un appel demandant une aide d'un montant de 42,7 millions de dollars E.-U. (62 800 tonnes de nourriture) pour secourir quelques 372 000 personnes touchées par la guerre et plus de 211 000 personnes touchées par la sécheresse. Fin mars, les annonces de contributions s'élevaient globalement à 30 000 tonnes.

Les semis des cultures céréalières pour 2000 débuteront en juin. En 1999, la production de céréales et de légumineuses a été faible à cause de la sécheresse et le retard dans les semis. La sécheresse dans les zones côtières a été particulièrement sévère et a touché aussi bien les cultures que l'élevage. De plus, dans les zones touchées par le conflit frontalier avec l'Éthiopie, la production a été sérieusement perturbée par le déplacement des populations.

DJIBOUTI

Le secteur agricole représente moins de 3 pour cent du produit intérieur brut. La population est en grande majorité urbaine et se concentre dans la capitale. La production agricole est marginale et la plupart des denrées alimentaires sont importées. L'économie du pays est dominée par les activités commerciales reposant sur les infrastructures portuaires et aéroportuaires.

Plus de 100 000 personnes, soit le sixième de la population du pays, sont menacées de famine suite à une grave sécheresse qui sévit depuis le mois de mai dernier. La distribution d'une aide alimentaire d'urgence à la population sinistrée est en cours.

SOUDAN

Les perspectives des cultures de blé irrigué de 2000, en cours de récolte, demeurent favorables, grâce aux disponibilités abondantes en eau d'irrigation. La production céréalière totale de 1999 est estimée à environ 3,8 millions de tonnes dont 3,05 millions de tonnes de sorgho, 499 000 tonnes de mil, 167 000 tonnes de blé et 65 000 tonnes de maïs (cultivé principalement dans le sud). A ce stade, la production céréalière est inférieure d'environ 37 pour cent par rapport à la récolte exceptionnelle de 1998.

Les récoltes réduites de sorgho et de mil en 1999 et l'épuisement des stocks, principalement à cause de l'augmentation des exportations, ont entraîné une hausse des prix des céréales préjudiciable aux couches de population les plus démunies. Dans l'ensemble, compte tenu de la production céréalière attendue et des importations de blé et de riz estimées respectivement à 680 000 tonnes et 38 000 tonnes, les besoins céréaliers du pays s'élèvent à environ 5,2 millions de tonnes pour 1999/2000; on prévoit un prélèvement d'environ 240 000 tonnes sur les stocks, pour satisfaire en partie ces besoins.

En début d'année, le besoin total d'aide alimentaire pour 2000 avait été évalué à 103 453 tonnes pour les différentes interventions dans le sud du Soudan et dans les régions déficitaires du nord. Cependant, des problèmes d'approvisionnement alimentaire apparaissent dans certaines régions, dus à la fois à la sécheresse et à l'insécurité, provoquant des migrations massives de la population vers les pays voisins.

En janvier 2000 une opération de secours d'urgence d'un montant de 58,14 millions de dollars E.-U., portant sur une période de 12 mois, a été conjointement approuvée par la FAO et le PAM pour fournir une aide alimentaire à 2,4 millions de personnes affectées par la guerre, la sécheresse et les inondations.

TANZANIE

La récolte de 1999/2000 des cultures de la campagne "Vuli" est à un stade avancé dans les régions à régime pluvial bimodal dans les régions du nord, de la côte et du nord-est, où les cultures représentent environ 40 pour cent de l'approvisionnement alimentaire annuel. Les faibles précipitations pendant la période de végétation a induit les agriculteurs à réduire considérablement les semis et a réduit les rendements. Il ressort des récents rapports officiels que l'actuelle récolte Vuli sera particulièrement faible dans les régions de Arusha, Kilimandjaro et Tanga.

D'après les estimations, la production céréalière de 1999/2000, principalement le maïs, devrait être de 4 millions de tonnes, soit environ 8 pour cent de moins que celle de l'année précédente, ceci en raison des précipitations irrégulières, de l'utilisation insuffisante d'intrants et d'une infestation de chenilles processionnaires. Par contre, la production d'autres cultures vivrières, notamment haricots, pommes de terre, manioc et bananes plantains a augmenté de près de 13 pour cent.

Dans l'ensemble, en dépit d'une baisse de la production céréalière en 1999/2000, la situation des approvisionnements alimentaires est stable, résultat d'importantes importations de maïs dans la seconde moitié de 1999 et de l'interdiction imposée par le Gouvernement d'exporter du maïs. En janvier 2000, les prix du maïs sur plusieurs marchés du pays ont été de 56 pour cent inférieurs par rapport à ceux de la même période l'année précédente et le prix des haricots a baissé de 41 pour cent. Toutefois, une aide alimentaire est requise pour 800 000 personnes, signalées comme étant en situation d'insécurité alimentaire, principalement dans les régions de Dodoma, Mara, Shinyanga, Singida, Tabora, Tanga et le sud de Mwanza, toutes ayant souffert de récoltes médiocres pour la troisième année consécutive. Le programme d'alimentation scolaire du PAM a débuté en janvier dans 128 écoles primaires dans la région de Dodoma et devrait être élargi aux régions d'Arusha et Singida.

OUGANDA

La récolte des cultures céréalières de la campagne secondaire 1999/2000 s'est achevée. La production serait moyenne ou supérieure à la moyenne, du fait d'une bonne répartition des précipitations pendant la campagne. Toutefois, dans les districts de Gulu et Kitgum, en dépit de l'augmentation sensible des surfaces cultivées due à une amélioration de la sécurité et à des précipitations précoces et favorables, l'intensification des troubles sociaux depuis fin décembre 1999 a provoqué le déplacement de beaucoup d'agriculteurs, empêchant ainsi d'effectuer les récoltes en temps opportun.

La récolte de la campagne principale en 1999 a été inférieure à la moyenne à cause d'une sécheresse prolongée qui a sévi dans plusieurs zones du pays. La production céréalière de 1999 est estimée à 1,7 million de tonnes, soit environ 9 pour cent en dessous de la moyenne.

La situation des approvisionnements alimentaires est satisfaisante dans la plupart des régions du pays. Les prix du maïs et des haricots en janvier et en février étaient inférieurs à la moyenne des trois dernières années. Néanmoins, la situation des approvisionnements alimentaires s'est détériorée dans les districts de Kotido et Moroto, à cause d'une mauvaise récolte et la perte de bétail du fait de razzias, nécessitant une aide alimentaire d'urgence pour environ 215 000 personnes. En outre, l'aide alimentaire demeure nécessaire pour environ 112 000 personnes dans le district de Bundibugyo, déplacées en raison des troubles civils.

Le présent rapport a été établi sous la responsabilité du Secrétariat de la FAO à partir d'informations provenant de sources officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s'adresser, pour tout complément d'information, à: M. Abdur Rashid, Chef, SMIAR, FAO (Télécopie: 0039-06-5705-4495, Mél: [email protected] ).

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