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6. METHODES DE PECHE

Toute une gamme de méthodes de pêche sont utilisées dans les plaines inondables et les cours d'eau africains (Stauch, 1966; FAO, 1969, Welcomme, 1970; Centre technique forestier tropical, 1972; Ratcliffe, 1972). La plupart, cependant, sont d'usage commun à tout le continent. Dans ce chapitre, on se propose d'examiner les procédés qui utilisent une particularité morphologique du système fleuve/plaine inondable, ou bien les modalités de comportement des poissons. D'une manière générale, on peut les classer en deux catégories: (i) les procédés visant à enclore le poisson dans un espace limité au moment des basses eaux; (ii) ceux qui exploitent les migrations du poisson pour le capturer.

6.1 Pêches saisonnières

En saison sèche: C'est une période de pêche intense, car le poisson se trouve alors seulement dans les lagunes permanentes, les marais et le lit des cours d'eau. Les “battues” collectives des villages sont très répandues dans les mares de la plaine, qui ont été décrites pour beaucoup de régions du continent. L'empoisonnement des mares est aussi bien connu: ces endroits sont habituellement vidés complètement de leur poissons à une certaine période de la saison. Quant à la pêche dans le lit principal du fleuve, elle se pratique avec toutes sortes de filets, de nasses et de palangres. Le rendement de la pêche en saison sèche est inversement proportionnel au volume d'eau demeurant dans le système: en période de forte décrue, le poisson est plus concentré et d'autant plus facile à capturer. De la sorte, la mortalité du poisson, qu'elle soit naturelle ou le fait de la pêche, augmente proportionnellement à HI 2.

En période de crue ascendante: Au début, la pêche est intensive et s'efforce surtout de capturer le poisson migrant dans le lit du fleuve. Au fur et à mesure que le flot monte, la pêche devient techniquement plus difficile en raison des courants violents et de la dispersion du poisson sur une vaste superficie de la plaine inondée: aussi le rendement est-il médiocre et, presque partout en Afrique, la pêche connaît-elle alors un minimum d'activité. Son efficacité dépend essentiellement de l'intensité des premiers stades de la crue. Si celle-ci est rapide et forte, le poisson se disperse plus vite et les courants empêchent le bon fonctionnement de certains types d'engins de pêche. Les captures ont donc tendance à avoir une corrélation négative avec HI 1 (Muncy, 1973).

En période de crue descendante: Au fur et à mesure que le plan d'eau se rétrécit, le poisson se concentre davantage dans les dépressions de la plaine inondable et dans les principaux marigots d'écoulement des eaux. La pêche est à cette époque de nouveau très active pour capturer le poisson migrant, particulièrement les juvéniles, et les villages s'efforcent de le retenir dans la plaine au moyen de barrages et dans des étangs.

6.2 Pêche par barrage des eaux

La pêche par barrage des marigots a été décrite pour la Gambie (Svensson, 1933; Johnels, 1954), où l'on bloque les exutoires des marais par des barrages de terre. L'eau est alors contrainte de s'évacuer par un trou percé dans le barrage, muni d'une nasse pour capturer les poissons au passage. Ces clayonnages empêchent l'eau de s'évacuer à vitesse normale, ce qui prolonge l'opération. Reed (FAO, 1969) décrit une méthode expérimentale analogue utilisée dans la plaine inondable du Niger, où les marigots-déversoirs des marais sont bloqués par des barrages de terre, qui retiennent ainsi l'eau plus longtemps que d'habitude (Fig. 9). Les barrages sont laissés en place pendant plusieurs semaines ce qui donne au poisson le temps de grandir. A la saison sèche, on pratique une brèche dans le barrage, pourvue d'une nasse. Avec cette méthode, on est arrivé à doubler le rendement normal des marais.

Figure 9

Figure 9. Calque sur photos aériennes des barrages de retenue dans la plaine inondable du Niger, montrant le plan d'eau d'origine et la superficie inondée après fermeture

La Figure 10 montre les différences de niveau de l'eau sur 12 mois, dans une lagune de la plaine inondable du fleuve Sénégal, en utilisant le même système de barrages.

On pratique couramment la pêche dans les lagunes et étangs permanents de la plaine inondée, où, dans le delta de l'Ouémé, le nombre de ces accidents naturels du terrain a été considérablement multiplié par des sortes de fossés, ou trous à poisson nommés “Houédo” (ou “whedo”), creusés à une profondeur d'environ un mètre et qui sillonnent d'un véritable réseau toute la plaine (Welcomme, 1971). En moyenne, ces tranchées couvrent environ trois pour cent de la surface découverte de la plaine, atteignant en quelques endroits une concentration très dense (Fig. 11). Après avoir faucardé la végétation superficielle, on pêche à l'aide de claies que l'on fait progresser de manière à enfermer le poisson dans un espace réduit, d'où on le retire. On trouvera dans le chapitre 7 des commentaires sur le rendement de cette pêche.

6.3 Pêche du poisson migrant

Les modes de capture du poisson qui émigre dans les marigots drainant la plaine inondée ont déjà été décrits pour plusieurs régions d'Afrique. La pêche se fait principalement au moyen de barrières ou de claies qui ont été signalées par Whitehead (1958), dont deux types sont suffisamment represéntatifs: (i) le système de pêche “maalelo” de la plaine inondée du Barotsé, qui consiste en barrages de terre et d'herbe, longs et bas, où l'on dispose des nasses coniques à goulet, a été décrit par la FAO (1968), la FAO/ONU (1969, 1970a) et Bell-Cross (1971). Ce système pêche surtout les juvéniles au moment de leur migration vers le fleuve; (ii) les pièges installés en travers de l'El Beid sont décrits par Durand (1970). Lá, ce sont des barrages faits de branches et de troncs d'arbre entrelacés qui bloquent complètement le lit principal du fleuve, déviant le courant vers la plaine bordurière peu profonde où l'on a édifié des enclos en forme de V. Les claies sont munies d'une sorte de haveneau qui ferme l'espace entre les enclos: la densité des claies est telle qu'elle barre presque complètement le passage des migrations, de la plaine inondée des Yaérés au lac Tchad. Les poissons capturés sont en majorité des juvéniles d'une an.

Figure 10

Figure 10. Modifications de la profondeur et de la superficie d'une mare de plaine inondée, avant et après édification de barrage en travers du lit principal d'accès. Les lettres entourées de cercles se réfèrent aux illustrations de la Figure 7 (d'après Reitzer, 1974)


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