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8. MODELES DE PECHERIES DANS LES PLAINES INONDABLES

La Fig. 15 résume les modifications auxquelles est soumise une plaine inondable pendant un cycle complet.

L'Université du Michigan (Fig. 16) a établi l'interdépendance entre les facteurs qui affectent seulement la phase aquatique du cycle. Ce schéma est particulièrement intéressant parce qu'il indique où devront se situer les lignes futures de la recherche. Pour bien connaître la situation écologique d'une plaine inondable, il sera nécessaire d'évaluer quantitativement un grand nombre des interactions indiquées.

8.1 Modèle simple, pour calculs à l'ordinateur, d'une plaine inondable et de ses populations ichtyologiques

Comme il y a actuellement peu de recherches en cours sur les pêcheries dans les plaines tropicales inondables, on a construit un modèle simple de celles-ci et de leur population ichtyologique. Son but est double: d'abord, pouvoir donner des réponses qualitatives aux questions sur le comportement probable des poissons d'une plaine inondable, selon différents régimes de crue et d'exploitation; ensuite, déterminer les zones dont l'étude sera nécessaire pour mieux comprendre l'écologie halieutique de ces systèmes.

Le modèle a été construit d'après ce que l'on connaît des populations de poissons habitant les plaines inondables, tel que résumé dans ce document. Chaque fois que c'était possible, on s'est servi de valeurs réelles pour la mortalité, la croissance, la densité des populations, etc., mais, inévitablement, il a fallu parfois recourir à des hypothèses. Le modèle est programmé de telle sorte que tous les paramètres peuvent être modifiés selon la convenance.

Détermination de l'ensemble aquatique: Celui-ci se compose de deux éléments, le système d'étiage et la plaine inondée elle-même. Le système d'étiage comporte deux phases, dont la première, de profondeur 0 à 0,69 m, est définie par la formule: Superficie (ha) = 28 571 x niveau de l'eau (m), qui représente un lit de rivière en V, dont l'étendue d'eau (et le volume) sont d'autant plus réduits que le niveau s'abaisse davantage. La seconde phase, dont la profondeur va de 0,70 m à 1 m, a une superficie constante de 20 000 ha, mais un volume différent selon le niveau.

Au niveau d'eau de 1 m correspond le lit du cours d'eau à plein bord.

A partir de 1 m et au dessus, la plaine inondée est définie par la formule: Superficie (ha) = 20 000 + 167 672 loge niveau d'eau (m).

Les niveaux d'eau, qui sont déterminés 52 fois à intervalles hebdomadaires, permettent de décrire un certain nombre de régimes d'inondation, y compris différents rapports entre l'inondation et l'eau résiduelle. Les régimes de crue sont déterminés de façon que le niveau ascendant atteigne 1 m la première semaine.

On calcule un indicateur F à partir de la somme des valeurs hebdomadaires, depuis la semaine 1 jusqu'au niveau maximum.

Le volume de l'eau dans le système est déduit, pour chaque semaine x, de la formule xV = xA (xWL) × 104, où V est le volume de l'eau, A la superficie, WL le niveau de l'eau.

Figure 15

Figure 15. Résumé des phases principales d'une plaine inondable au cours du cycle annuel

Figure 16

Figure 16. Interdépendance de certains facteurs qui affectent la production ichtyologique dans les plaines inondables (d'après l'Université du Michigan, 1971)

TABLEAU XII

Analyse de la précision des prévisions des captures futures à partir des équations de régression dérivées de l'historique des pêcheries

 AnnéeHIEstimation de la capture (Cest)Capture réelle
(C)
RégressionPrécision de la prévision
 [Cest/C × 100]
abrSy-x
KAFUE195949,1 5 401     
 196028,6 2 983-390117,91,0--
 196122,72 2874 7812 78148,00,531 50648
 196241,14 7554 6502 80446,60,541 066102
 196369,46 0408 5541 17597,20,881 13671
 196483,69 2989 706997102,20,9499296
 196557,76 8928 0361 011105,10,931 00386
 196635,24 7127 3961 91193,50,841 34964
 196723,74 1273 5141 67297,20,871 265117
 196825,34 1325 9282 21488,90,831 31570
 196921,04 0815 9572 74780,20,791 36269
 197064,17 8886 7472 86175,40,781 333117
 197161,57 4975 988    125
SHIRE196953,5 6 944     
 197025,9 8 2679 508-47,9-1,0  
 1971104,04 5239 0397 24113,80,511 28450
 1972171,59 60313 0626 03637,10,91 40474
 197353,88 0327 551    106
NIGER19661 407 47 467     
 19671 211 41 9858 11428,01,0  
 19681 32245 04044 6258 23327,81,0378101
 19691 29144 07245 1739 73226,8,9771998
 19701 24843 21046 01517 99820,9,761 47694
 19711 12841 55036 338-2 94936,7,882 099114
 197270622 97232 35615 69422,2,922 40971
 197356228 15221 1728 33928,0,962 872133
 197450022 37214 816    151

Voici quelques échantillons de superficie et de volume à différents niveaux d'eau:

Niveau
(m)
Superficie
(ha)   
Volume
(m3)   
0,257 1431,79 × 107
0,5014 2867,14 × 107
0,7520 0001,50 × 108
1,0020 0002,00 × 108
1,5  87 9851,32 × 109
2,0  136 2212,72 × 109
2,5  173 6364,34 × 109
3,0  204 2076,13 × 109

La population ichtyologique: Elle consiste en un stock d'une seule espèce, d'une durée de vie de cinq ans. Le stock peut aussi représenter un groupe d'espèces ayant les mêmes caractéristiques de recrutement, croissance et mortalité. Le nombre, la longueur et le poids des poissons dans chaque classe d'âge sont déterminés comme suit par le recrutement, la croissance et la mortalité.

Recrutement: Le nombre total de recrues venant s'ajouter au stock est déterminé par le nombre (n) de poissons des groupes d'âge II, III, IV et V à la semaine 52 de l'année précédente. Les recrues entrent dans le stock avec une longueur de 2 cm; les chiffres du recrutement comprennent les mortalités survenues depuis l'éclosion jusqu'à cette taille et ne sont donc pas équivalents aux chiffres connus de la fécondité.

On admet, pour chaque poisson, un nombre de base (r) de recrues, mais que l'on ajuste à l'intensité de la crue (F) au moyen d'un facteur α, tel que log10 α = 0,58 log10 F-0,79. Voici quelques valeurs d'échantillons de recrutement selon differents indicateurs de crue:

Groupe d'âge F
  313233343
II 3,077,1810,0012,3214,37
III 6,1314,3620,0024,6528,74
IV 10,7325,1335,0043,1350,29
V 18,4043,0860,0073,9486,21

Les recrues s'insèrent dans le stock au fur et à mesure que le nouveau groupe d'âge I et tous les autres montent d'un échelon, les effectifs disparaissant au fur et à mesure avec le groupe d'âge V (vieillesse);

Semaine  I II III IV V 
52 
0 

Bien que cette opération de transfert soit effectuée à la semaine O, c'est-à-dire avant l'incidence de toute autre opération de l'année en cours, les recrues (On1) s'insèrent en 9 semaines conformément aux pourcentages suivants: 50; 20; 10; 8; 5; 3; 2; 1; 1.

Croissance: La croissance s'effectue selon la formule générale:

Longueur l à la semaine x pour le group d'âge y [xly] = KylogeWkx + 52ly-1,

où Ky est un coefficient de croissance caractéristique de chaque groupe d'âge, 52ly-1 est la longueur finale du groupe d'âge précédent à la fin de l'année précédente. Pour les poissons du groupe d'âge I, 521y-1 = 2 cm. Le coefficient de croissance K est déduit d'un coefficient fondamental de croissance (g), caractéristique de chaque groupe d'âge: g (I) = 3,29; g (II) = 2,53; g(III) = 1,27; g (IV) = 0,76; g (V) = 0,51. Ce coefficient K est ajusté selon l'intensité de l'inondation F comformément à la formule suivante: Ky = gy (0,01 F + 0,8). Les courbes de croissance des différents groupes d'âge pour chaque année, telles qu'on les obtient par ce moyen, approchent des conditions naturelles connues là où la croissance s'effectue, à raison de 75 pour cent, vers le milieu de la crue. La croissance générale d'une classe d'âge au cours des cinq années de vie approche la courbe classique de von Bertanlanffy. Voici quelques valeurs d'échantillons de longueurs finales pour chaque groupe d'âge:

 Indicateur de crue (F)Longueurs (en cm) pour les différents groupes d'âge
IIIIIIIVV
311,8420,1424,3126,8028,47
1314,0923,3928,0530,8532,72
2315,3925,6930,8533,9536,02
3316,6927,9933,6637,0539,33
4317,9930,2936,4640,1542,63

Les longueurs (l) sont converties en poids (grammes) par la formule générale: Wg = 0,0251 l3, qui donne les valeurs d'échantillons suivantes:

10 cm = 25,10 g; 15 cm = 84,77 g; 20 cm = 200,95 g; 25 cm = 39,48 g;
30 cm = 678,20 g; 35 cm = 1 076,97 g.

Après calcul de la croissance hebdomadaire, on exprime l'ichtyomasse en poids de poisson par unité de volume (B), pour calculer les coefficients de mortalité.

Mortalité: Le coefficient de mortalité Z s'obtient d'après un coefficient fondamental de mortalité z, caractéristique de chaque groupe d'âge, affecté d'un facteur β. Les coefficients hebdomadaires fondamentaux de mortalité sont: z (I) = 0,0453; z (II) = 0,0274; z (III) = 0,0136; z (IV) = 0,0100; z (V) = 0,0124. Quant à β, il se calcule d'après la formule loge β = 1,0238 loge xB - 3,7132, qui dépend de la densité ichtyologique dans le système à la semaine x. On peut faire varier cette expression de manière à simuler des systèmes ayant différentes productivités fondamentales. Dans ce modèle, β a pour valeur l'unité quand la densité ichtyologique est de 37,6 g/m2, ce qui équivaut à un stock disponibile de 376 g/ha à une profondeur de 1 mètre.

Une fois effectuées les opérations précédentes, on dispose de l'ichtyomasse hebdomadaire totale et de l'ichtyomasse par unité de surface pour les imprimer en mémoire avec le niveau d'eau et la longueur, le poids et le nombre de chaque groupe d'âge.

La pêcherie: On peut estimer de plusieurs façons les effets de la pêche. Par suppression directe d'un certain pourcentage de l'ichtyomasse, ou bien en enlevant les effectifs de poissons de telle longueur ou d'un groupe d'âge pré-sélectionné, ou encore en vidant une zone déterminée de tous ses poissons. Ces modes de prélèvement peuvent être programmés pour chaque semaine et les différents types de pêche ou d'engins être simulés.

La Figure 17 montre un exemple d'imprimante du modèle, avec les variations du niveau de l'eau et de l'ichthyomasse totale en fonction du temps. D'autres études sur les effets des modifications des régimes hydrologique et halieutique seront publiées ultérieurement, en même temps qu'une évaluation de modèle. Le modèle actuel a ses limites: par exemple, les indicateurs ne permettent pas encore de distinguer entre un type d'inondation brève et intense et une inondation prolongée, mais faible (dont les indices peuvent avoir l'une et l'autre la même valeur). Si bien qu'il est impossible d'évaluer les effets de la durée et de l'intensité de la crue, comme composantes de son régime. Mais, outre les valeurs absolues de la hauteur de la crue et de la retenue d'eau, la soudaineté de la modification peut aussi influencer certains facteurs. C'est ainsi qu'une lente montée des eaux au début de la crue serait, pense-t-on, plus favorable à la réussite de la reproduction (R) qu'une crue subite. De même, une décrue rapide, qui ne laisse pas aux poissons suffisamment de temps pour quitter la plaine inondée, serait cause d'une plus grande mortalité naturelle. Mais, malheureusement, les renseignements dont on dispose sont insuffisants pour pouvoir évaluer l'importance relative du taux de modification dans le système. Hastings, par exemple, considère (communic.pers.) le degré de rapidité de hausse et de baisse des eaux comme l'un des facteurs majeurs qui règlent l'abondance du poisson dans le système du Shiré. Cette vue est, à un certain point, partagée par Lelek et El Zarka (1973), qui attribuent la modification des espèces dans la faune ictyo-logique en aval du barrage de Kainji à l'incidence des variations brutales du niveau sur la reproduction.

Figure 17

Figure 17. Imprimante fournie par l'ordinateur, montrant le niveau d'eau et l'ichtyologique sur un cycle d'un an, des populations théoriques de poisson dans une plaine inondée


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