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La dendroénergie: quelles perspectives?

M.A. Trossero

Miguel Angel Trossero est forestier principal à la Division des produits forestiers, Département des forêts, FAO, Rome (Italie).

Vue d’ensemble de la situation du bois de feu à l’aube du XXsiècle – problèmes posés et possibilités offertes

Il y a plusieurs années, le secteur des énergies a amorcé une “révolution silencieuse”, à la suite des politiques de déréglementation et de libéralisation mises en œuvre dans la plupart des pays, et des plus récentes réformes orientées vers la protection de l’environnement et la lutte contre la pauvreté. Des services publics importants ont été fragmentés et privatisés. De nouveaux projets et initiatives énergétiques ont été entrepris à plus petite échelle en tirant parti des compétences, de la main d’œuvre, des installations et des infrastructures locales, mais aussi de ressources (comme les sous-produits) qui étaient auparavant inutilisées. Cette “révolution” a ouvert de nouvelles perspectives pour le développement des énergies renouvelables en général et de la dendroénergie en particulier. Ainsi, le panorama a changé en deux décennies depuis le dernier numéro d’Unasylva (no 133, 1981) consacré au bois de feu.

Les changements n’ont pas concerné uniquement les pays en développement (comme le Brésil, qui a ouvert la voie au développement de la bioénergie pour résoudre les problèmes d’approvisionnement locaux). Des pays industrialisés comme l’Allemagne, l’Autriche, le Canada, les Etats-Unis, la Finlande, les Pays-Bas et la Suède ont aussi adopté de nouvelles politiques énergétiques faisant une plus large place à l’énergie ligneuse dans leur assortiment énergétique.

Malheureusement, la plupart des vieux problèmes associés à la dendroénergie – notamment à la production et à la gestion des ressources en bois de feu et en charbon de bois, et à leur utilisation par les populations les plus pauvres – n’ont pas encore été résolus. De même, les préoccupations des organisations publiques et privées actives dans ce domaine sont toujours actuelles: la mauvaise gestion des sources d’approvisionnement en bois de feu; le commerce informel du bois de feu et du charbon de bois; l’insuffisance du rendement de conversion du bois de feu obtenu par les ménages et les industries artisanales, qui est à l’origine de problèmes de pollution et de santé; ainsi que la répartition des rôles selon le sexe et les problèmes de politique – pour n’en citer que quelques-unes.

En outre, l’utilisation industrielle des combustibles ligneux suscite de nouveaux problèmes, nés des nouvelles politiques énergétiques, environnementales et forestières élaborées pour promouvoir une plus large utilisation du bois (et d’autres types de biomasse) pour la production d’énergie. Par exemple, dans de nombreuses zones, les pays disposent encore de moyens insuffisants pour promouvoir et réglementer les systèmes basés sur l’énergie ligneuse; dans bon nombre de régions, l’utilisation du bois comme combustible et sa concurrence avec d’autres utilisations soulèvent des problèmes économiques et sociaux; le commerce international des combustibles ligneux (y compris les nouveaux biocombustibles liquides) augmente rapidement dans de nombreuses régions du monde (voir l’article abrégéde A. Faaij), bien qu’il n’existe pas encore de normes pour leur commercialisation; et de nouvelles technologies sont mises au point, mais leur transfert aux principaux utilisateurs reste un problème épineux pour les responsables des politiques et les décideurs.

Le bois-énergie se fait peu à peu une place sur les nouveaux marchés des pays industrialisés, comme source d’énergie propre et disponible sur le plan local. Parallèlement, dans les pays en développement, les combustibles dérivés du bois restent la source d’énergie dominante pour plus de 2 milliards de pauvres. Dans ces pays, le bois-énergie est non seulement crucial comme combustible de cuisson pour les ménages ruraux et urbains, mais aussi souvent essentiel dans les industries de transformation alimentaire, pour la cuisson, le brassage, le fumage, le salage et la production d’électricité.

D’après une analyse de différents scénarios énergétiques intéressant les pays développés et en développement (FAO, 1998; IEA, 2002), la demande de combustibles ligneux restera ferme pendant de nombreuses années encore. On prévoit pourtant une diminution de la part des combustibles ligneux dans la demande totale d’énergie, du fait que la majorité des pays en développement ont adopté des politiques énergétiques visant à encourager les ménages à se tourner vers d’autres combustibles, comme le gaz de pétrole liquéfié (GPL) le gaz en bouteilles et le kérosène. En outre, la réduction de la part des combustibles ligneux dans la consommation énergétique des pays en développement est largement compensée par leur utilisation accrue à des fins industrielles (pour la production de chaleur et d’électricité), dictée par des considérations écologiques, dans de nombreux pays développés.

Les progrès des connaissances et des technologies, conjugués avec de nouvelles politiques, devraient au bout du compte favoriser l’apparition de systèmes dendro-énergétiques plus durables et plus efficaces par rapport aux coûts, ainsi que la lutte contre la pauvreté, en particulier dans les régions pauvres des pays en développement où il existe un large potentiel d’énergie ligneuse non exploitée et où des arbres peuvent être plantés.

Le bois-énergie pénètre graduellement dans les nouveaux marchés énergétiques des pays industrialisés en tant que source d’énergie propre et localement disponible – ici, production de copeaux de bois aux Pays-Bas

M.A. TROSSERO


Dans les pays en développement le combustible ligneux reste une source dominante d’énergie: des résidus de bois entassés alimentent cette chaudière pour la production d’électricité, Honduras

M.A. TROSSERO


VUE D’ENSEMBLE DE LA SITUATION ACTUELLE DE LA DENDROÉNERGIE


Combler les lacunes d’information

Les informations existantes sont trop limitées pour qu’il soit possible de faire une analyse exhaustive de la situation de la dendroénergie . En raison de la dispersion des systèmes basés sur la dendroénergie et de l’insuffisance des capacités nationales, les statistiques concernant l’énergie et les ressources forestières comprennent rarement autant de détails sur la consommation de combustibles ligneux que sur d’autres sources d’énergie conventionnelles, ou sur les produits forestiers. En outre, comme il n’existe pas de technologies, de définitions, d’unités et de facteurs de conversion uniformisés, il est difficile d’agréger et de comparer les données existantes.

Par le biais de son programme relatif à la dendroénergie , avec le concours de nombreuses autres organisations et avec l’appui financier du Programme de partenariat FAO-Communauté européenne (CE), intitulé “Gestion durable des forêts dans les pays africains ACP”, la FAO fournit depuis plusieurs années une assistance pour renforcer les capacités nationales et mettre à jour et améliorer les systèmes d’information sur la dendroénergie , aux niveaux national et international.

A l’issue de ce processus, une Terminologie unifiée sur le bois-énergie a été établie pour faciliter l’échange de données entre les principales organisations nationales et internationales (voir encadré de D. Thrän, p. 10). On distribue actuellement un Guide pour les enquêtes sur les combustibles ligneux; et les données nouvelles et existantes provenant de différentes sources comme FAOSTAT (base de données statistiques de la FAO), l’Annuaire de l’énergie des Nations Unies et la série d’études régionales de la FAO “Énergie ligneuse: Aujourd’hui pour demain ” sont rassemblées et intégrées dans une base de données, le Système d’information sur la dendroénergie (WEIS).

Les statistiques sur les combustibles ligneux contenues dans la base de données WEIS se distinguent de celles de FAOSTAT en ce sens qu’elles contiennent des statistiques sur la liqueur noire, un sous-produit de la préparation de la pâte à papier, utilisé comme source d’énergie par les industries papetières. La liqueur noire produit une grande quantité d’énergie, et son inclusion dans la base de données est importante pour estimer la part de l’énergie ligneuse dans la consommation totale. Les statistiques des produits forestiers de FAOSTAT ne comprennent pas ce produit, car c’est un dérivé d’autres produits ligneux, déjà comptés.

Les statistiques sur les combustibles ligneux de FAOSTAT ont récemment été révisées, à l’aide d’une nouvelle méthode adoptée pour produire des estimations concernant les pays qui n’ont pas fourni de données nationales (voir article de A. Whiteman, J. Broadhead et J. Badhon, p. 41). Les nouvelles statistiques indiquent que la consommation mondiale de bois de feu est un peu plus élevée qu’on le pensait auparavant, mais que la progression pourrait être plus lente que prévu.


Quelle est la part des approvisionnements mondiaux en énergie qui provient du bois?

Globalement, les combustibles ligneux représentent environ 7 pour cent de la consommation totale mondiale d’énergie primaire. Les combustibles ligneux sont essentiellement utilisés dans les pays en développement (76 pour cent), où vivent environ 77 pour cent de la population mondiale. Les pays asiatiques représentent environ 44 pour cent de la consommation de combustibles ligneux (figure 1).

Dans les pays en développement, la dendroénergie représente approximativement 15 pour cent de la consommation totale d’énergie primaire, même si ce chiffre masque des différences aux niveaux sous-régional et régional (figure 2). Par exemple, dans 34 pays de ces régions, les combustibles ligneux fournissent plus de 70 pour cent de l’énergie, et dans 13 pays, ce pourcentage atteint ou dépasse 90 pour cent.

Dans les pays développés, les combustibles ligneux ne représentent que 2 pour cent de la consommation totale d’énergie (approximativement 5 400 petajoules [PJ][1 PJ = 1015 joules, équivalant à l’énergie produite à partir de 100 000 m³ de bois]). Cette contribution s’élève cependant à 14 pour cent si d’autres biocombustibles sont pris en considération, et atteint alors une part comparable à celle d’autres sources d’énergie conventionnelles comme le charbon, le gaz et l’électricité (FAO, 2002; AIE, 1997).

Dans les pays développés, les contributions de la dendroénergie varient aussi considérablement d’un pays à l’autre. En Europe, par exemple, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne utilisent relativement peu de combustibles ligneux, alors qu’en Finlande, en Suède et en Autriche, la dendroénergie fournit respectivement 18, 16 et 12 pour cent de la demande (FAO, 1997a). Depuis 1990, la France est le principal consommateur de bois-énergie de l’Union européenne (UE), avec 370 PJ, mais vu l’ampleur de la demande énergétique totale du pays, les combustibles ligneux ne représentent que 4 pour cent des approvisionnements énergétiques totaux. L’Allemagne consomme aussi de grosses quantités de bois énergie, avec 184 PJ, bien que le bois énergie représente à peine 1,2 pour cent de l’énergie primaire utilisée dans le pays. Dans bon nombre de pays, en particulier de l’ex-Union soviétique, on ne dispose d’aucune information sur la dendroénergie .


Quelle est la quantité de bois utilisée comme source d’énergie?

Environ 60 pour cent du volume total de bois prélevé dans les forêts et sur les arbres hors forêt, dans le monde, est utilisé à des fins énergétiques. En d’autres termes, le bois de feu est l’un des principaux produits des forêts et des arbres. Alors que 30 pour cent seulement du bois produit dans les pays développés est utilisé comme source d’énergie (33 pour cent en Europe et 29 pour cent en Amérique du Nord), dans les pays en développement ce pourcentage atteint 80 pour cent. En Afrique, en Asie et en Amérique latine, les combustibles ligneux représentent respectivement 89, 81 et 66 pour cent de la consommation totale de bois (figure 3).

Au niveau des pays, la part des combustibles ligneux dans la consommation totale de bois s’échelonne entre à peine 22 pour cent seulement en Malaisie (niveau comparable à ceux des pays européens) et 98 pour cent au Bangladesh, au Cambodge, au Népal et au Pakistan (FAO, 1997b).

Malheureusement, la pénurie de données sur les combustibles ligneux (déjà signalée) fait qu’il est difficile de dire dans quelle mesure ces chiffres son fiables et empêche de bien comprendre la contribution de la dendroénergie par rapport aux autres sources d’énergie. Lorsque les statistiques de l’énergie nationales sont incomplètes et fallacieuses, les scénarios de l’énergie nationaux, régionaux et internationaux sont faussés, d’où l’importance de continuer à fournir une assistance aux pays pour les aider à améliorer leurs systèmes d’information nationaux sur la dendroénergie .

1
Distribution de la consommation d’énergie ligneuse, par région


2
Part des combustibles ligneux dans les approvisionnements totaux en énergie

Source: FAO’s Wood Energy Information System.

3
Consommation comparée bois-énergie/bois d’œuvre

Source: FAO’s Wood Energy Information System.


VERS DES SYSTÈMES DENDROÉNERGÉTIQUES VIABLES


Les systèmes basés sur la dendroénergie sont-ils écologiquement viables?

Où que l’on aille, les sources de combustibles ligneux sont toujours nombreuses: arbres morts, bois élagué et autres résidus ligneux récoltés dans les forêts, les terres boisées et sur les arbres des exploitations agricoles. Dans de nombreuses zones, une quantité importante de combustibles ligneux provient de la biomasse produite lors des opérations de défrichement des forêts et des terres boisées au profit de l’agriculture. Les arbres plantés sur des terres marginales ou agricoles, dans le cadre de systèmes agroforestiers, fournissent aussi des volumes importants de combustibles ligneux (FAO, 1996).

Cependant, dans les endroits où l’on fait une utilisation intensive des combustibles ligneux, par exemple autour des grandes agglomérations et dans les zones à forte concentration d’activités commerciales (briqueteries, chaufourneries, et raffineries de sucre), les ressources en bois de feu peuvent être soumises à une pression intense, ce qui conduit à la destruction des forêts et/ou du couvert végétal. Ces zones sont confrontées à des pénuries de bois de feu et de charbon de bois et à l’épuisement de leurs réserves de bois. Si l’utilisation du bois de feu, comme combustible de cuisson familial, semble d’une manière générale ne pas devoir subir de limitations, en particulier en milieu rural, il est clair que dans certains endroits, les ressources forestières sont soumises à une pression excessive; c’est notamment le cas en Haïti, dans les montagnes andines, dans les pays sahéliens et autour des grandes villes, en particulier les capitales du Soudan, du Sénégal, de la Sierra Leone et du Honduras. C’est pourquoi il est impossible de faire des généralisations sur la durabilité de l’utilisation du bois de feu au niveau local, sans analyser de façon approfondie la situation sur le terrain.


La dynamique des systèmes basés sur la dendroénergie

Des études sur les flux de combustibles ligneux, par zone, effectuées par la FAO et d’autres organisations internationales dans des pays comme le Brésil, les Philippines, le Pakistan, le Mexique et le Honduras, ont fourni des informations essentielles pour la compréhension de la dynamique qui sous-tend les systèmes basés sur la dendroénergie .

La figure 4 montre un flux typique, par zone, du bois utilisé à des fins énergétiques et non énergétiques, avec les types de combustibles ligneux tirés des différentes sources d’approvisionnement – forêts ou autres (y compris les arbres hors forêt, comme ceux qui sont plantés dans le cadre de systèmes agroforestiers ou de programmes de boisement communautaires). Comme on le voit, les sous-produits des industries forestières (scieries, fabriques de panneaux de particules, etc.) sont souvent une importante source d’énergie ligneuse, en particulier dans les pays développés.

La liqueur noire mérite une mention particulière, car elle produit une grande quantité d’énergie. Les industries des pâtes et papiers ont tellement amélioré leur rendement en énergie et leur productivité qu’elles produisent des surplus d’électricité qui peuvent être vendus au réseau de distribution public. Il s’agit d’une autre source d’énergie dérivée du bois qui est respectueuse de l’environnement et efficace par rapport au coût.

Malheureusement, on manque souvent de données concernant les flux de combustibles ligneux, par zone, et leur rassemblement coûte cher e demande du personnel qualifié. C’est la raison pour laquelle la FAO a mis au point le système (WISDOM) de cartographie globale de l’offre et de la demande intégrée de combustibles ligneux , une méthode qui fait appel à des systèmes d’information géographiques (SIG) pour représenter et visualiser les zones productrices et consommatrices de combustibles ligneux (voir article de Drigo, Masera et Trossero, dans ce numéro). Le système WISDOM devrait faciliter la planification et l’élaboration des politiques dendro-énergétiques, et l’identification de zones prioritaires pour la pénurie de bois de feu ou pour les ressources en bois énergie non exploitées.

4
Sources d’approvisionnement en combustibles ligneux


La “crise du bois de feu” qui n’est jamais arrivée

Durant la “crise pétrolière” du début des années 80, à la Conférence des Nations Unies sur les sources d’énergie nouvelles et renouvelables (Nairobi, 1981), de nombreuses organisations internationales ont tout fait pour attirer l’attention sur le risque d’une autre crise de l’énergie: la “crise du bois de feu” qui toucherait les approvisionnements quotidiens en énergie de près de la moitié de la population de la planète, la majorité d’entre eux étant des pauvres du tiers monde. De nombreuses études estimaient que les sources d’approvisionnement existantes ne permettraient pas de maintenir les habitudes de consommation du bois de feu et prévoyaient d’importantes pénuries pour les années à venir (voirbb FAO, 1983). Plusieurs facteurs étayaient ce point de vue: les prix du pétrole élevés, la croissance rapide de la population, la disparition de nombreuses forêts et les difficultés d’accès à d’autres sources d’énergie.

Vu ces hypothèses, on estimait que la consommation de bois de feu et de charbon de bois était une cause inéluctable de déforestation autour des zones urbaines et périurbaines, en particulier dans les zones fragiles et dans les pays sahéliens. La consommation de bois de feu était donc considérée comme un catalyseur dans un cycle inexorable de pauvreté et de dégradation des ressources naturelles.

Or, cette “crise du bois de feu” n’est jamais arrivée: le déficit alarmant que l’on prévoyait pour de nombreux pays en développement dans les années 80 ne s’est pas vérifié. On a réalisé plus tard que ces prévisions étaient dues au fait que la dynamique des systèmes d’énergie ligneuse était à la fois insuffisamment et mal comprise. L’hypothèse selon laquelle les ressources forestières étaient les principales sources d’approvisionnement en bois de feu et en charbon de bois, était en particulier erronée.

Des études réalisées par la FAO après la Conférence de Nairobi ont montré les combustibles ligneux pouvaient provenir de nombreuses sources, et non pas seulement des forêts. Ces études ont montré que les populations (en particulier les femmes et les enfants) ramassaient principalement du bois “mort”, des branches et des brindilles sèches, en guise de bois de feu. Un volume important de bois de feu provient d’arbres plantés dans des champs cultivés (agroforesterie), de vergers d’arbres fruitiers, de boisements villageois, des terrains entourant les maisons et les bâtiments communautaires (comme les jardins potagers) et des terres communales (par exemple le long des routes, des canaux et des rivières) (voir figure). Outre les arbres, d’autres plantes ligneuses, arbustes et broussailles sont aussi récoltées pour en tirer du bois de feu.

Les autres sources de bois de feu importantes comprennent les résidus des activités d’exploitation et de transformation du bois et le bois récupéré dans les décharges urbaines et les chantiers de construction, qui sont des sources particulièrement importantes pour les utilisateurs urbains. En outre, un volume important de bois de feu et de charbon de bois est obtenu en utilisant les sous-produits des opérations de coupe rase des forêts destinées à être converties à l’agriculture, de l’agriculture itinérante, des plantations et d’autres utilisations des terres.

Il n’en reste pas moins extrêmement difficile de garantir une offre durable de bois de feu aux habitants les plus pauvres du Tiers-Monde . Il faudrait par exemple dès aujourd’hui se préoccuper davantage de l’augmentation de la consommation de charbon de bois associée aux processus d’urbanisation (voir article de Girard p. 30), car les pratiques et les techniques de carbonisation actuelles se traduisent par une forte pression sur les ressources des forêts et des terres boisées. Le ramassage du bois de feu est aussi reconnu comme une cause de déboisement autour des grandes villes et plus particulièrement autour des camps de réfugiés.

D’une manière générale, on peut dire que les problèmes du bois de feu et de la pauvreté ne font qu’un. Tous les efforts déployés jusqu’à présent pour améliorer la situation de l’énergie ligneuse dans les pays en développement, grâce à une expansion des ressources en bois de feu, à la diffusion de fours améliorés et au renforcement des capacités nationales et internationales, ne sont qu’une goutte d’eau dans la mer, par rapport à l’ampleur et à l’importance de la tâche à accomplir.

Les approvisionnementsen bois de feu, par typede terre, au Viet Nam

Source: Données provenant du Programme FAO de développement dendroénergétique dans la région Asie et Pacifique (www.rwedp.org)


RÔLE ÉCONOMIQUE DES SYSTÈMES BASÉS SUR LA DENDRO ÉNERGIE

Si l’énergie est un moteur de développement, elle est aussi à l’origine de nombreux problèmes économiques et environnementaux actuels. L’accès à des sources d’énergie abordables est indispensable pour que les économies continuent à tourner. Il est essentiel pour renforcer la productivité des activités industrielles et commerciales en zone urbaine comme en zone rurale. Parmi les gains de développement associés aux énergies renouvelables, on peut citer la création d’emplois ruraux, les améliorations de la santé public urbaine et rurale, et l’autonomie locale (Equipe spéciale sur l’énergie renouvelable du G-8, 2001).

Les combustibles ligneux peuvent avoir une valeur économique élevée. La FAO a estimé la valeur des combustibles ligneux consommés dans 15 pays asiatiques, à 29 milliards de dollars EU par an, sur la base du pouvoir calorifique moyen et des prix de marché du bois de chauffe et du charbon de bois (FAO, 1996). En Thaïlande, au milieu des années 90, les combustibles ligneux représentaient 30 pour cent des approvisionnements totaux en énergie, pour une valeur approximative de 2 milliards de dollars EU, soit plus de 50 pour cent de la facture d’importation totale d’énergie de 1994. D’après une évaluation similaire couvrant 15 pays européens (FAO, 1997a), la dendroénergie a été évaluée à environ 4 milliards d’euros.

L’arboriculture et la récolte et la commercialisation des combustibles ligneux sont des activités à forte intensité de main-d’œuvre (FAO, 2001). Des études basées sur une vaste enquête sur les ménages effectuée par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)/Programme d’assistance pour la gestion du secteur énergétique de la Banque mondiale(ESMAP) du ont révélé que le bois de chauffe et le charbon de bois étaient des sources de revenu et d’emploi extrêmement importantes pour de nombreux ménages ruraux des pays en développement (voir tableau). Parmi les nombreux combustibles domestiques étudiés, le bois de feu et le charbon de bois sont ceux qui fournissent le plus d’emplois par unité standard d’énergie consommée, alors que les carburants à base de pétrole sont ceux qui fournissent le moins d’emplois.

L’Union européenne a prévu que le secteur de la bioénergie engendrera des centaines de milliers d’emplois à plein temps en Europe d’ici à 2020, dont une grande partie seront liés à la production et à l’utilisation du bois de feu (voir l’article abrégé de J. Domac, p. 18).


Une possibilité pour atténuer la pauvreté?

Dans de nombreux pays en développement, les résidus inutilisés des forêts et des industries forestières représentent un vaste potentiel d’énergie ligneuse inexploité. Leur utilisation pourrait être extrêmement importante pour le développement futur de la foresterie et des secteurs associés, et permettrait de réduire les importations de combustible, ce qui favoriserait la redistribution des revenus nationaux et des avantages macroéconomiques. L’exploitation de ce potentiel pourrait aussi renforcer l’autonomie grâce à l’utilisation des sources d’énergie locales, et fournir des avantages à l’échelle microéconomique, tels que la création d’emplois et l’amélioration de l’équité, ce qui contribuerait à réduire la pauvreté.

Diverses expériences signalées partout dans le monde, par exemple au Brésil, aux Pays-Bas, en Irlande, au Nicaragua, dans quelques pays asiatiques et dans l’Union européenne, confirment que l’énergie ligneuse peut contribuer à promouvoir le développement, en particulier dans les zones rurales, qui sont celles qui ont le plus besoin d’investissements et où il est le plus difficile de créer des emplois. Cela n’est cependant pas vrai pour tous les pays à toutes les périodes, et cela dépend de la situation spécifique des pays (FAO, 2001).

Une pépinière forestière communautaire appuyée par le gouvernement à Oaxaca, Mexique, produit des arbres à bois de feu pour contrebalancer les effets du déboisement causé par la surexploitation précédente

M.A. TROSSERO


Vente sur la voie publique de bois de feu extrait des mangroves, Sierra Leone

FAO FORESTRY DEPARTMENT/FO-0148/M.L. WILKIE


L’AVENIR

On prévoit pour les prochaines années un assortiment énergétique plus diversifié faisant une plus large place aux énergies renouvelables - compte tenu principalement de la nécessité de protéger l’environnement, d’atténuer les effets des changements climatiques et de lutter contre la pauvreté (ONU, 2002; CCNUCC, 2002).

Le bois, qui est une source d’énergie disponible localement et respectueuse de l’environnement (par rapport aux combustibles fossiles), offre un potentiel important. Cependant, à court terme, le passage à son utilisation accrue sera dicté par des facteurs économiques – plus spécifiquement le coût-efficacité de la technologie utilisée et les subventions et incitations, fournies non seulement pour encourager l’utilisation du bois-énergie, mais aussi des combustibles fossiles et des autres sources d’énergie conventionnelles.

Comme les combustibles fossiles, les combustibles ligneux peuvent être utilisés pour produire divers types de combustibles (solides, liquides et gazeux) et différents types d’énergie (électricité, chaleur et énergie) dont les secteurs de l’industrie, du commerce, de l’énergie domestique et des transports ont besoin. A l’heure actuelle, les autres sources d’énergie renouvelable, comme l’énergie solaire et éolienne, ne possèdent pas ces caractéristiques. Toutefois, les systèmes basés sur la dendroénergie sont plus difficiles à mettre en œuvre que ceux basés sur des sources d’énergie conventionnelles.

De nombreux obstacles techniques et non techniques devront être supprimés dans les années à venir. Par exemple, de nouvelles technologies doivent être mises au point pour améliorer la rentabilité et la compétitivité du bois par rapport aux autres sources d’énergie. De nouvelles politiques doivent être élaborées pour développer des marchés des combustibles ligneux, par exemple. Promouvoir l’utilisation de combustibles ligneux peut avoir de nombreux avantages économiques, notamment la création de marchés pour les déchets de la biomasse; l’amélioration de la viabilité économique des éclaircies et de la récolte; la promotion de nouvelles cultures, en particulier sur les terres marginales ou sur les terres arables non utilisées; et la création d’emplois dans l’arboriculture, la récolte, le transport et la conversion en énergie utile.

Une combinaison de facteurs, dont ceux énumérés ci-après, devraient permettre de supprimer les principaux obstacles et de promouvoir le développement de systèmes de production d’énergie ligneuse plus durables.

En outre, une tendance à l’utilisation croissante de combustibles industriels dérivés du bois indique que, à long terme, la demande d’énergie de la biomasse pourrait augmenter non seulement dans les pays développés mais aussi dans les pays en développement, une augmentation des utilisations industrielles compensant un éventuel déclin de la demande de combustibles ligneux à usage domestique.

Un changement radical des politiques dans les secteurs des forêts et de l’énergie est indispensable pour garantir un climat propre à encourager l’investissement dans les énergies ligneuses. L’expansion de l’utilisation des combustibles ligneux dans les secteurs de l’électricité et de l’industrie, montre que les décideurs et les planificateurs des institutions spécialisées dans l’énergie, l’environnement et la foresterie commencent à prendre conscience du potentiel de la dendroénergie . Des investissements sont cependant surtout nécessaires dans les zones rurales où le bois de feu et le charbon de bois restent les principales sources d’énergie et peuvent devenir un moteur pour le développement économique et l’amélioration des moyens d’existence.

Des signes positifs ont été indiqués dans le Plan d’exécution récemment approuvé du Sommet mondial sur le développement durable, qui invite les pays à améliorer l’accès aux technologies modernes de la biomasse et aux sources de bois de feu, à commercialiser les opérations relatives à la biomasse dans les zones rurales (dans la mesure où elles sont viables) et à promouvoir l’utilisation durable de la biomasse et des autres sources d’énergie renouvelables, grâce à une meilleure gestion des ressources, à une utilisation plus performante du bois de feu et à des produits et technologies nouveaux ou améliorés (ONU, 2002, Para. 9b,c). Cependant, le grand défi futur reste de parvenir à mobiliser des fonds et des ressources pour mettre en œuvre des initiatives basées sur la dendroénergie .

La production de charbon de bois fournit emplois et revenus à ces travailleurs en Argentine

M.A. TROSSERO


Les systèmes dendroénergétiques englobent toutes les étapes (procédés et opérations) de la production, de la préparation, du transport, de la commercialisation et de l’utilisation de combustibles ligneux, en vue de leur conversion en énergie.

Bibliographie

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