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L’économie du bois-énergie

G.P. Horgan

Gerard Horgan est consultant auprès de l’APR Consultants, Nouvelle-Zélande.

Des subventions et des incitations sont souvent nécessaires pour encourager l’utilisation des combustibles ligneux – mais il est des cas où l’usage du bois-énergie peut devenir un choix économiquement rentable.

Suivant un principe de base de l’économie, les ressources ne sont disponibles qu’en quantité limitée ou exiguë. Cette exiguïté force le consommateur à choisir parmi différentes utilisations des ressources et impose des limitations tant à la quantité qu’aux types de biens pouvant être produits. Le choix d’une combinaison d’utilisations qui améliore le bien-être est normalement considéré comme le problème économique de base.

Il existe différentes raisons techniques, environnementales, sociales, culturelles et économiques pour choisir le bois de feu comme source d’énergie. Ces facteurs en font une option énergétique qui est fonction du lieu et de la situation. Le présent article examine les aspects économiques de la décision d’opter pour les combustibles ligneux selon les différentes conditions existant dans les pays développés et en développement.


L’ÉCONOMIE DES CHOIX DE SOURCES D’ÉNERGIE

La dépendance vis-à-vis du bois et de la combinaison de différents types de combustibles varie d’une région à l’autre. Diverses raisons poussent le consommateur à choisir le bois comme source d’énergie. Pour de nombreux usagers, le choix dépend de la disponibilité et du coût d’autres formes d’énergie.

Un groupe important et significatif d’usagers vit à l’écart de l’économie monétaire ou, dans la meilleure des hypothèses, n’y participe que faiblement. Près de 2,8 milliards de personnes, par exemple, gagnent moins de 2 dollars EU par jour, et le faible revenu quotidien est étroitement corrélé à l’emploi de la biomasse comme source d’énergie (voir figure). La plupart des utilisateurs de ce type vivent dans des pays en développement, où le combustible ligneux est un élément vital de l’approvisionnement en énergie primaire (AIE, 2002a). Une large part de ces consommateurs a un accès relativement limité à des combustibles de rechange pour la cuisson des aliments ou le chauffage de leur foyer. Pour un grand nombre d’entre eux, le choix du combustible se limite actuellement à l’énergie disponible localement au prix du temps employé et de l’effort physique déployé (“apport en travail”) pour se le procurer.

Le développement, et la participation accrue à l’économie monétaire qu’il entraîne, a haussé la valeur assignée au temps de l’individu et un choix élargi de combustibles est susceptible de réduire la consommation de bois de feu par ce groupe. Toutefois, à l’heure actuelle, les choix énergétiques de base de ce groupe sont limités. De nombreuses recherches visent donc, désormais, à rendre plus performants les fourneaux bon marché et à accroître l’offre (production) de bois de feu pour améliorer le bien-être de ces usagers.

Un deuxième groupe de consommateurs de bois-énergie participe à l’économie monétaire mais ses choix sont presque aussi limités que ceux du premier. Ce groupe comprend les entreprises commerciales, comme les industries de transformation des produits alimentaires qui utilisent du bois pour cuire au four, brasser, fumer et sécher.

Un troisième groupe est constitué par les industries (scieries, centrales électriques) qui utilisent des combustibles ligneux pour la production d’énergie. Les utilisateurs de liqueur noire, un sous-produit de la fabrication de la pâte et du papier, qui est brûlé pour dégager de l’énergie pendant la manufacture de la pâte, entrent dans cette catégorie, de même que les utilisateurs de résidus ligneux (y compris la sciure) pour la production combinée de chaleur et d’électricité dans les industries forestières telles que les scieries et les usines de panneaux de particules.

Lorsque l’énergie est produite comme partie intégrante de la manufacture d’un autre produit à base de bois, l’énergie ainsi produite est considérée en termes économiques comme étant essentiellement “gratuite”. Il est économiquement irrationnel de ne pas l’utiliser et d’opter, au contraire, pour l’achat de l’énergie nécessaire à partir d’autres sources, notamment si elle est déjà disponible sous la forme requise par le processus. Si la production d’énergie est supérieure aux besoins de la manufacture, la vente de l’excédent est également un bon choix économique pour le fabricant, tant que le prix de vente dépasse amplement le coût de la production de cette énergie.

Contrairement à ces groupes de producteurs et utilisateurs, qui se consacrent entièrement à des activités de production et d’utilisation du bois-énergie, d’autres consommateurs de bois de feu disposent du choix. Leur décision d’utiliser du bois pour satisfaire leurs besoins énergétiques ne se fonde pas sur la nécessité, mais sur le rapport entre les coûts de l’obtention des résultats désirés (une maison chaude, un repas digestible, de l’eau bouillie, un produit commercialisable) à l’aide de bois ou d’un combustible à base de bois et le prix payé pour obtenir le même résultat avec un autre type de combustible. Normalement, ils choisiront un combustible fossile (pétrole, gaz, charbon), mais il pourrait aussi s’agir d’une autre technologie ou source d’énergie renouvelable. Cependant, il est prévu que les combustibles fossiles continueront à dominer l’offre d’énergie primaire au moins pendant les 20 prochaines années (AIE, 2000).

Le type d’analyse servant à déterminer si le bois est, du point de vue économique, le plus approprié des combustibles peut aller d’une comptabilité extrêmement simple, où les prix du marché actuels et/ou projetés des différents combustibles permettent d’estimer le coût de la réalisation d’un objectif donné avec chaque combustible, à une évaluation économique extrêmement complexe. S’il est estimé que le coût relatif des différents combustibles restera raisonnablement constant, et si le coût et la durée de vie utile probable du matériel nécessaire pour l’utilisation de chaque combustible sont raisonnablement comparables, le classement fourni par la plus simple des analyses est susceptible d’être très précis. Cependant, si l’investissement initial ou la durée de vie utile, attendue du matériel exigé par différents combustibles, présente de fortes variations, et si les prix relatifs du combustible sont susceptibles de changer, ou si les impôts par unité d’énergie effective diffèrent et ne traduisent pas les facteurs externes imposés par différents combustibles, les résultats d’une simple analyse pourraient être fallacieux et une analyse plus poussée s’imposerait alors. L’analyse pourrait devoir tenir compte des caractéristiques particulières de chaque combustible – et non pas seulement des aspects généraux évidents, comme l’état solide, liquide ou gazeux –, mais peut-être des traits plus subtiles concernant sa composition chimique et le bien-fondé relatif de son emploi par rapport à l’équipement et à l’opération en jeu. Un consommateur qui envisage de changer de combustible pourrait devoir tenir compte des impacts possibles sur le matériel existant, et attribuer des valeurs économiques à des facteurs externes connus ou perçus (comme la pollution de l’eau et de l’air résultant du brûlage du combustible) qui pourraient varier en fonction de la source d’énergie ou de combustible.

Pauvreté et part de la biomasse traditionnelle dans la consommation familiale d’énergie


Pour de nombreux utilisateurs de bois de feu dans les pays en développement, les choix d’énergie sont limités; pour améliorer le bien-être de ces utilisateurs, on s’oriente vers la performance accrue des fourneaux bon marché (comme le promeut cette affiche au Niger)

DÉPARTEMENT DES FORÊTS DE LA FAO/FO-1014/S. BRAATZ


Certaines entreprises commerciales, comme les industries de transformation des produits alimentaires, participent à l’économie monétaire mais n’ont encore que des choix limités dans l’utilisation d’énergie (ici, préparation d’aliments sur la voie publique au Soudan)

M.A. TROSSERO


ÉCONOMIE DE LA BIOÉNERGIE INDUSTRIELLE

Dans l’analyse technoéconomique, l’énergie est souvent considérée comme un sous-produit obtenu par un processus visant à générer un autre résultat, ce qui influence considérablement l’économie et soulève des questions de répartition des coûts entre les résultats. Si la demande de certains résultats rend inélastiques les prix, il pourrait être possible de produire de l’énergie à des coûts rentables en garantissant tout simplement que ces produits renferment la totalité ou presque de tous les coûts de la production, la récolte et la transformation du bois.

Dans les pays développés, très souvent, les coûts directs de la dendroénergie sont à l’heure actuelle supérieurs (et parfois de beaucoup) à ceux du combustible fossile équivalent. Néanmoins, nombre de ces pays offrent des subventions et des incitations spéciales pour encourager l’usage des combustibles ligneux pour diverses raisons: exercer un contrôle au niveau national sur une partie au moins des ressources énergétiques du pays; encourager la familiarité avec les systèmes à base de bois dans l’espoir qu’elle contribuera à diminuer le coût du bois-énergie; et aider à réduire les facteurs externes négatifs associés à certains combustibles utilisés couramment. Il est estimé que les combustibles ligneux sont conformes à la nouvelle législation sur l’environnement et aux politiques énergétiques exigeant qu’à partir d’une date donnée un pourcentage établi d’énergie devra être fourni par des sources renouvelables. C’est ainsi qu’au Royaume-Uni, 10 pour cent de l’électricité devraient provenir de ressources renouvelables d’ici à 2010, et la moitié de l’électricité produite par des ressources renouvelables devrait être tirée de la combustion de la biomasse.

Toutefois, l’appui public n’est pas toujours nécessaire pour rendre économiquement viable l’énergie moderne tirée de la biomasse. Dans certains cas, les combustibles ligneux sont compétitifs vis-à-vis d’autres formes d’énergie pour une simple question de coût de la ressource. Cette compétitivité est normalement due à quelque facteur propre au lieu ou au système de fabrication, comme dans le cas des résidus utilisés pour produire de l’énergie destinée aux scieries, de la liqueur noire servant à la fabrication de pâte et de papier, ou quand l’usine alimentée à l’électricité est éloignée d’autres sources d’énergie et du reste de l’infrastructure de distribution du pays. Ces conditions se rencontrent le plus souvent dans les pays en développement. Cependant, l’éloignement et le coût élevé de la fourniture d’autres formes d’énergie ne sont pas le fait exclusif du monde en développement.

La biomasse est sans nul doute la source la plus universelle d’énergie disponible. Toutefois, par rapport à de nombreuses autres ressources énergétiques, la densité d’énergie du bois brut est relativement faible. A peine récolté, le bois peut contenir plus de 50 pour cent d’eau par volume. Sa faible densité d’énergie, conjuguée aux coûts de son exploitation et de son transport, impose de limiter la distance sur laquelle le bois-énergie peut être transporté avant son utilisation. Toutefois, un grand nombre de systèmes modernes de transformation du bois en énergie font preuve d’importantes économies d’échelle.

Du fait que les fonctions de production et de transport tendent à favoriser les opérations à petite échelle, alors que les technologies de conversion nécessitent souvent des opérations de grande envergure pour être rentables, le problème pour l’industrie moderne du bois-énergie est de trouver le juste équilibre. En réalité, dans de nombreuses situations, le volume réel de biomasse économiquement disponible pour l’énergie est bien inférieur au volume matériellement disponible signalé (East Harbour Management Services, 2002).

En ce qui concerne l’avenir, tant pour les technologies éprouvées de conversion du bois-énergie, comme la combustion et la gazéification, que pour d’autres techniques moins bien développées, comme la pyrolyse, les activités de recherche et développement entreprises promettent encore une réduction du coût de production de l’énergie. Pour ce faire, il conviendra d’améliorer l’efficacité de la conversion ou de réduire l’investissement initial, et de diminuer l’impact des économies d’échelle sur les économies en général.

L’utilisation améliorée des résidus et des déchets est une source potentielle de biomasse à coût relativement faible pour la production d’énergie. Une grande partie de ce matériel reste inutilisé, et son coût peut être modeste comparé à celui du matériel produit expressément. Le coût d’opportunité de grands volumes de déchets tirés des plantations conventionnelles ou de l’exploitation forestière se situe normalement entre 1,30 et 3,20 dollars EU par gigajoule (de 10 à 24 dollars EU par mètre cube) (Ford-Robertson, Horgan et Wakelin, 1996; Li, Gifford et Hooper, 2000).

Par ailleurs, les coûts de la production programmée de grands volumes de fibres pour créer des disponibilités de combustible sont normalement de l’ordre de 25 à 40 dollars EU le mètre cube (Graham et al., 1995; Mitchell et al., 1995; Samson et Girouard, 1998; Turhollow, 2000). A plus long terme, la recherche, y compris le développement de clones destinés spécifiquement à satisfaire les besoins du marché de l’énergie, pourrait réduire la culture générique et les coûts de distribution d’au moins 50 pour cent. D’après Carpentieri, Larson et Wood (1993), les plantations dans le nord-est du Brésil pourraient fournir 13 exajoules (EJ, 1018 joules) par an de biomasse au prix de 1,5 dollar EU par gigajoule (GJ, 109 joules) (12 dollars EU environ par mètre cube).

Même avec du matériel bon marché et un processus techniquement efficace de conversion, une viabilité commerciale autonome est, et restera sans doute, dépendante de facteurs propres au lieu, assortis souvent de niveaux élevés d’appui financier public. Cet appui peut même, dans certains cas, assurer la viabilité commerciale autonome pour des systèmes qui ne jouissent d’aucun avantage particulier dû à leur emplacement. Un tel appui est motivé d’une part, par le désir de démontrer l’efficacité d’un processus particulier et, d’autre part, par les préoccupations universelles concernant les changements climatiques, la sécurité des disponibilités d’énergie ou l’excès de dépendance vis-à-vis d’autres pays pour les approvisionnements intérieurs en énergie primaire. Toutefois, s’il est vrai que les préoccupations sont généralisées, la valeur attribuée au bois-énergie comme moyen de les dissiper est propre au lieu et à la situation.

Lorsque le lieu où l’énergie requise est éloigné d’autres sources d’énergie, le combustible ligneux peut les concurrencer – ici, fabrication de briques (au-dessous) et production industrielle de chaux (en dessous) utilisant le bois-énergie au Brésil

M.A. TROSSERO


M.A. TROSSERO


CONCLUSION

La reconnaissance croissante du rôle des combustibles ligneux comme source d’énergie potentiellement respectueuse de l’environnement suscite à l’heure actuelle un regain d’intérêt pour le bois-énergie et encourage un nombre croissant d’initiatives et de projets dans ce domaine. D’une manière générale, le coût direct de l’énergie tirée du bois est plus élevé, et dans certains cas, beaucoup plus élevé que le coût direct de l’énergie produite par des systèmes basés sur les combustibles fossiles conventionnels. D’après certaines projections internationales concernant le coût du pétrole et d’autres combustibles fossiles avant taxation, il paraît vraisemblable qu’il en sera ainsi pour quelque temps encore à moins qu’une brèche imprévue ne permette de procéder à une réduction immédiate et substantielle du coût des biocombustibles. C’est pourquoi des organismes comme l’AIE (2002b) ont prévu une croissance relativement modeste pour les sources renouvelables autres qu’hydrauliques, du moins au cours des cinq à dix prochaines années. Cette conclusion qui semblerait contredire l’essor des systèmes à base de bois, sert en fait à mettre en évidence l’importance du lieu et de la situation dans nombreuses conclusions économiques sur le bois-énergie.

L’intérêt porté actuellement aux combustibles ligneux ne concerne pas seulement le coût direct de la production de bois-énergie. Il traduit aussi une appréciation des facteurs externes associés à l’utilisation du bois comme combustible par rapport à ceux associés à d’autres combustibles. Bien que certains de ces facteurs, notamment ceux relatifs aux changements climatiques produits par l’utilisation de combustibles fossiles, pourraient s’appliquer à tous les combustibles, il n’existe encore aucun accord universel sur les coûts. Les valeurs attribuées aux réductions des émissions de gaz à effet de serre sont donc liées, à l’heure actuelle, au lieu, au pays ou à la région. De toute évidence, les facteurs externes relatifs à la sécurité nationale dépendent des circonstances particulières de la région ou du pays. De ce fait, l’inclusion des facteurs externes dans l’analyse renforce normalement le caractère spécifique du lieu et de la situation de l’économie des systèmes de production de dendroénergie.

Bibliographie

Agence internationale de l’énergie (AIE). 2000. World Energy Outlook 2000. Paris, France.

AIE. 2002a. Energy and poverty. Dans World Energy Outlook 2002, p. 365-406. Paris, France. Disponible sur Internet: www.iea.org

AIE. 2002b. Key World Energy Statistics 2002. Paris, France. Disponible sur Internet: www.iea.org

Carpentieri, A.E., Larson, E.D. et Wood, J. 1993. Future biomass-based electricity supply in Northeast Brazil. Biomass and Bioenergy, 4: 149-174.

East Harbour Management Services. 2002. Availabilities and cost of renewable sources of energy for generating electricity and heat: a report to the Ministry of Economic Development. Wellington, Nouvelle-Zélande. Disponible sur Internet: www.med.govt.nz

Ford-Robertson, J.B., Horgan, G.P. et Wakelin, S. 1996. Biomass site scoping study: a report for the Electricity Corporation of New Zealand. New Zealand Forest Research Institute, Rotorua, Nouvelle-Zélande.

Graham, R.L., Lichtenberg, E., Roningen, V.O., Shapouri, H. et Walsh, M.E. 1995. The economics of biomass production in the United States. Oak Ridge National Laboratory, Oak Ridge, Tennessee, Etats-Unis.

Li, J., Gifford, G. et Hooper, G. 2000. Reconstituted solid fuels from wood wastes. Présenté à la 12e Conférence annuelle de WasteMINZ, Auckland, Nouvelle-Zélande, 1-3 novembre.

Mitchell, C.P., Bridgwater, A.V., Stevens, D.J., Toft, A.J. et Watters, M.P. 1995. Technoeconomic assessment of biomass to energy. Biomass and Bioenergy, 9(1-5): 205-226.

Samson, R. et Girouard, P. 1998. Bioenergy opportunities from agriculture. Présenté à la 24e Conférence annuelle de la Société d’énergie solaire du Canada, “Technologies des énergies renouvelables dans les climats froids” Montréal, Canada, 4-6 mai.

Turhollow, A. 2000. Costs of producing biomass from riparian buffer strips. ORNL/TM-1999/146. Oak Ridge National Laboratory, Oak Ridge, Tennessee, Etats-Unis.

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