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2. Partie B: Etudes de cas

2.1 Cameroun: les chenilles et larves comestibles dans la zone forestière du Cameroun par Michel Philippe Balinga

Introduction

La forêt est depuis fort longtemps reconnue comme étant une source de biens et de services nécessaires à l’homme pour sa survie. Cela peut être de manière directe à travers la récolte de bois de feu ou bois d’œuvre, viande de brousse, légumes et de nombreux matériaux de construction ainsi que d’objets utilisés lors de cérémonies culturelles. Cela peut également être de manière indirecte puisque l’homme récolte ces ressources afin de les commercialiser et d’en obtenir des moyens financiers de subsistance et d’épanouissement social.

Durant des décennies, l’attention de ceux qui ont géré les forêts tropicales, que ce soit les Etats ou les populations rurales, s’est focalisée sur le bois en tant que source de revenus et sur le gibier comme source d’alimentation et de revenus. Désormais, il est de plus en plus question de diversifier les sources procurant des aliments et des revenus.

Les ressources forestières non ligneuses autres que le gibier sont reconnues comme améliorant considérablement les conditions de vie des populations rurales et les économies rurales et péri-urbaines. Au cours de ces 10 dernières années, ces ressources ont fait l’objet d’innombrables travaux de recherche. Cependant, la quasi-totalité s’est préoccupée des produits ligneux tels que Gnetum africanum, Pausynistalia yohime, Ricinodendron heudelotti, Irvingia spp., etc., en oubliant les ressources telles que les insectes, les gastéropodes, les oiseaux, etc. Celles-ci jouent pourtant un rôle important dans l’alimentation de certaines populations rurales et peuvent générer des revenus.

Il existe à ce jour très peu de connaissances sur la nature et l’importance de ces ressources. Les espèces consommées, les techniques de récolte et de commercialisation ou leur apport dans la lutte contre la pauvreté et la malnutrition ne sont pas non plus connues de manière exacte. Il est impossible actuellement de quantifier la consommation et encore moins d’évaluer la durabilité des récoltes, de la commercialisation et consommation de ces ressources.

Parmi ces ressources encore peu étudiées au Cameroun, mais très prisées par certaines communautés, les chenilles et larves comestibles sont consommées en grande quantité dans les provinces du Sud, Centre, Sud-Ouest et Nord-Ouest en fonction de la saison de récolte. A certaines périodes, il est aussi possible d’en acheter au marché de Melen, à Yaoundé. Ces informations ne sont qu’indicatives du fait qu’il pourrait exister un important circuit de collecte et de commercialisation de ces ressources dans d’autres régions du pays. Seules des études approfondies pourraient le confirmer.

Pour le développement et la valorisation de ce secteur, il est primordial de déterminer de manière plus exacte les espèces, la provenance, les circuits de commercialisation, les techniques de collecte et l’importance de cette activité pour les populations concernées, tout en tenant compte des exigences en termes de besoins économiques et de durabilité écologique.

2.1.1 Organisation de l’étude

Objectifs

Cette étude a pour objectif de déterminer le rôle actuel et potentiel des chenilles et autres larves comestibles dans l’alimentation et la création de revenus dans différentes localités cibles du Cameroun. Elle a été réalisée dans le cadre d’une consultation de la FAO. Elle a consisté à examiner le rôle nutritionnel et l’apport économique des activités de collecte et de commercialisation des chenilles et autres larves dans la zone forestière au sud du Cameroun.

De manière plus spécifique, trois tâches ont été définies: i) analyser les récoltes et perspectives de développement des principales espèces de chenilles et larves comestibles de la région forestière du Cameroun; ii) décrire la filière complète de production et les méthodes et techniques d’exploitation et de conditionnement utilisées, ainsi que l’organisation et le circuit de distribution; iii) étudier l’impact socioéconomique des activités de récolte et commercialisation et ainsi dégager les facteurs contribuant à la lutte contre l’insécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté.

Approche méthodologique

Il était question au départ d’effectuer une revue bibliographique des études et travaux réalisés dans ce domaine et d’en tirer les éléments nécessaires pour répondre aux objectifs assignés à l’étude. Toutefois, après une préenquête dans différents centres de documentation, un manque quasi-total de données sur ce sujet a été constaté. Il a donc été jugé opportun d’orienter l’étude sur des enquêtes et interviews de terrain, notamment auprès des différentes personnes ressources: commerçants, récolteurs et transporteurs, consommateurs, et divers agents techniques intervenant dans le domaine de la conservation environnementale.

Les données récoltées sont par conséquent essentiellement primaires avec toutefois l’apport de quelques articles et rapports de recherches. Le travail de terrain a consisté à réaliser des interviews et à recueillir des cartes et photographies et, lorsque cela était possible, des échantillons d’insectes vivants ou conservés. Ce rapport étant initialement prévu pour 2002, une préenquête a été menée dès octobre 2002, qui a permis de constater le manque de documentation sur ce sujet et a identifié les principales zones de consommation et commercialisation des chenilles/larves comestibles dans la région forestière du Cameroun. Une étude de cas de la zone commerciale de Yaoundé et de ses environs a ensuite permis de décrire la filière et d’évaluer l’importance économique de cette activité auprès des populations concernées.

Lors des enquêtes de février 2003, un certain nombre de critères ont été pris en compte lors du choix des localités à étudier: i) la présence, une partie de l’année au moins, d’une ou plusieurs espèces de chenilles et/ou larves comestibles; ii) la disponibilité en temps, personnel et financements allouée à cette étude; iii) la présence d’une bibliothèque ou centre de recherche à proximité des localités retenues qui sont Yaoundé (plus grand centre de distribution et de commercialisation de ces produits) et Ayos, Akonolinga et Abong-Mbang (principales zones de ravitaillement en chenilles et larves en fonction de la saison).

A Yaoundé, ce sont les revendeuses de trois marchés qui ont été interrogées alors que dans les autres localités, seuls les récolteurs et fournisseurs de ces produits ont répondu à l’enquête.

Plan de travail

Tableau 8: Plan d’exécution de l’étude

Période

Activités

Localités concernées

Octobre 2002

Préenquête dans la province du Sud-Ouest et visite des bibliothèques de l’Université de Buea et du Jardin botanique de Limbe

Limbe, Buea, Tiko, Kumba, Mamfe, Nguti, Mamfe et Mokoko

Octobre 2002

Préenquête dans la province de l’Ouest et visite des bibliothèques de l’Université de Dschang

Baffoussam, Foto, Foréké, Fokoué, Bafang, Bagangte, Bandjoun, Bamendjou et Bafang

Octobre 2002

Préenquête dans la province du Nord-Ouest

Bamenda, Mankon, Bali, Bafut, Batibo

Novembre 2002

Préenquête dans la province du Centre et visite à l’Institut de recherches agricoles et de développement

Yaoundé, Bafia, Bokito, Ombessa, Mbalmayo et Soa

Novembre 2002

Préenquête dans la province du Littoral et visite de la bibliothèque centrale de l’Université de Douala

Douala, Yabassi, Loum et Nkongsamba

Janvier 2003

Enquête sur les marchés de Yaoundé

Mvog-Mbi, Melen et Mfoundi

Février 2003

Enquêtes dans les zones d’approvisionnement

Ayos, Akonolinga et Abong Mbang

Mars 2003

Rédaction du rapport final

Limbe

2.1.2 Rôle des insectes comestibles

Les insectes ont depuis longtemps joué un rôle important dans diverses civilisations. Il sont particulièrement importants en Amazonie et dans le Bassin du Congo et toute la région du sud de l'Afrique où les populions les considèrent comme source inestimable pour leur ration alimentaire, leur tradition et leur médecine. Certaines espèces telles que Edessa cordifera, Rhynchophorus phoenicis, Imbrasia ertli, Cirina forda, Anaphe sp., Gonimbrasia belina, Gynanisa maia, et les familles Notodomidae, Curculionidae, Saturniidae, etc. sont d’ailleurs largement préférées.

En Afrique du Sud et centrale, les communautés récoltent les vers mopane (Gonimbrasia belina et Gynanisa maia) et les larves des vers de scarabée oryctes (Rhynchophorus phoenicis). Cette activité constitue une bonne source de revenus mais provoque aussi des conflits dans les régions où elle est pratiquée, obligeant les populations locales à mieux organiser l'exploitation de ces ressources. Au Zimbabwe, par exemple, de sérieux conflits existent entre les populations rurales et les exploitants venus de l’extérieur, les populations locales se plaignant de ne recevoir aucun bénéfice de l'activité menée par les récolteurs étrangers à la zone. Ce problème a même fait la une de la presse locale et les politiciens se sentant concernés, un débat a même eu lieu à plusieurs reprises. L'Etat a été appelé à intervenir et à rétablir l'ordre en confiant la ressource aux populations locales organisées en institutions traditionnelles (Programme d'aménagement des régions communautaires pour les ressources indigènes, CAMPFIRE). Dans cette région, ainsi que dans le district des Cataractes du Bas-Congo (RDC) où est implanté le projet d'apiculture et des chenilles comestibles, les populations locales dépendent fortement des chenilles pour se nourrir (Latham, 2001). De nombreuses études ont été menées pour déterminer les saisons de récolte, de préparation, de stockage et les différents débouchés sur le marché des plantes hôtes sur lesquelles se nourrissent les chenilles, ainsi que sur les possibilités de domestication de celles-ci.

Collecte, conditionnement et distribution

Les chenilles sont généralement collectées pendant la saison des pluies lorsque les plantes commencent à développer leur feuillage. Leur présence est indiquée par la perforation du feuillage, la chute des chenilles des arbres et leur rassemblement sur les tiges des arbres. Leur nombre dépend du type et de la disponibilité de nourriture. Au Zimbabwe, il semblerait qu’environ 5 kg/ha de Cirina forda sont collectés alors qu'au Malawi, la quantité serait de 14,63 kg/ha. Une bonne connaissance des plantes est nécessaire pour une récolte satisfaisante de chenilles (certaines des plantes hôtes sur lesquelles les chenilles se nourrissent sont toxiques). Les chenilles sont facilement récoltées: elles sont ramassées sur les feuilles, branches et la tige des plantes hôtes. Elles sont ensuite séchées au soleil, du moins pour les espèces qui ne doivent pas êtres vidées de leur contenu stomacal ou qui ne se nourrissent pas de plantes toxiques (Latham). Celles qui se nourrissent de plantes toxiques telles que Lobobunea phaedusa (le Blotched Emperor) sont soit perforées et leur contenu extrait, soit leur peau externe est retournée (c'est-à-dire que l'extérieur est tourné vers l'intérieur et vice-versa) en utilisant un bâton fin pour en extraire l’intérieur. Elles peuvent ensuite être séchées au soleil ou préparées fraîches. Les chenilles bien séchées peuvent être conservées pendant un an.

Il existe un système organisé de vente de ces produits sur les marchés spécialisés. Dans le sud de l'Afrique où opère le système CAMPFIRE, certains magasins vendent seulement des chenilles. En Afrique centrale, le niveau de coordination tel qu’il existe dans la zone sud-africaine est absent. Cependant, il existe des marchés spécialisés vendant des chenilles. Il est également possible de trouver des chenilles sur les marchés londoniens.

Impact socioéconomique

Les chenilles génèrent des revenus pour les populations locales. Dans les études du CAMPFIRE, les vers mopane séchés rapportaient environ 755 Rands/sac en 1993. Les vers mopane d’Afrique du Sud sont collectés et vendus pour une valeur d'1 million de Rands par an. Vu leur importance économique, les chenilles ont constitué une source de tension entre les ayant-droit sudafricains. De nouveaux problèmes sociaux sont apparus, créant un nouveau rapport entre occupation et utilisation des terres. Plus de 90 pour cent des collecteurs d’Afrique du Sud sont des femmes.

Dans le Bassin du Congo, la plupart des collecteurs sont des enfants. Cependant, les larves comestibles de charançon qui vivent dans les palmiers à huile sont généralement collectées par les hommes, plus précisement, les vignerons. Les larves et les chenilles ont une très grande importance du fait de leur utilisation alimentaire et médicinale, leur fonction religieuse, leur rôle dans les rituels et fêtes, et leur place dans l'économie. (Au Mexique, les chenilles sont même considérées comme sacrées.)

Facteurs contribuant à la sécurité alimentaire et à la diminution de la pauvreté

Généralement, les insectes représentent une part importante des mets consommés en Afrique du Sud et centrale. Il existe des données précises sur leur valeur nutritionnelle dans les régions où ils sont exploités. Les insectes, dans la plupart des régions du monde, causent d'énormes dégâts aux cultures. Une quantité importante de produits chimiques est utilisée pour les détruire; pourtant, beaucoup d'entre eux sont consommables et fournissent une source non négligeable de protéines aux populations. Les agriculteurs épargnent souvent des plantes contenant moins de 14 pour cent de protéines et éliminent les insectes qui en contiennent plus de 75 pour cent et possèdent, en outre, des substances minérales (calcium, sulphate et autres). Malaisse et Parent (1980) ont analysé la valeur nutritionnelle de plus de 24 espèces d'insectes et ont trouvé en moyenne 457 kcal/g de matière sèche et 63,5 pour cent de protéines brutes. Une étude de la consommation en protéines animales dans le district des Cataractes, dans le Bas-Congo, où opère le projet d'apiculture et de chenilles comestibles a montré que 12 pour cent des protéines animales consommées provenaient des insectes. En RDC, les chenilles comptent pour plus de 40 pour cent dans les protéines animales consommées. L'exploitation de cette ressource génère des revenus aux populations rurales pauvres et améliore notablement leurs conditions de vie.

Les études menées par Munthali et Mughogho (1992) ont montré que les bénéfices tirés de l'apiculture et de la production d’insectes comestibles sont de beaucoup supérieurs aux bénéfices provenant de la coupe des arbres.

Au Cameroun, il ne semble pas exister de littérature spécifique à ce sujet, à part le travail de Dunias sur les «vers blancs de palmier» qui souligne le fait que, bien que cette ressource soit connue (en particulier dans le Bassin du Congo et au Cameroun), son exploitation n’est pas suffisamment considérée. Elle est même mentionnée dans les études relatives aux aliments consommables. Il ajoute que peu d’informations sont disponibles sur le processus de récolte ainsi que sur la valeur économique de la ressource. Cependant, il fait remarquer que les larves sont des parasites qui attaquent le palmier raphia à son premier stade de croissance et infestent également les palmiers à huile quand ces derniers sont abattus pour la récolte du vin. Les quantités de larves récoltées ne sont pas suffisantes pour alimenter les marchés locaux et sont donc seulement destinées à une consommation domestique et insignifiante.

C’est seulement dans des localités bien circonscrites, que les palmiers raphia produisent des quantités assez importantes de larves vendues sur les marchés locaux. Le ramassage s’effectue dans les zones marécageuses et est surtout pratiqué par les hommes car il requiert un exercice physique très dur. Dunias estime que les populations locales ont une bonne connaissance traditionnelle du comportement des larves, ce qui facilite la récolte. Il y a des jours et des marchés spécifiques où les larves peuvent être achetées. Les larves vivantes coûtent plus cher. Cette vente contribue sans aucun doute aux faibles revenus des ruraux et à l’allégement de la pauvreté.

2.1.3 Enquête sur le terrain

Sélection des sites d'étude

Concentrée dans la moitié sud du pays, la zone forestière du Cameroun a une superficie de 20 millions d'hectares et renferme une multitude de facettes culturelles et sociopolitiques. Les sites d'étude ont été sélectionnés sur la base de l'importance culturelle et économique ainsi que de la proximité et de l’abondance de ces ressources. Des informations ont aussi été collectées dans les provinces de l’Est, Ouest, Nord-Ouest, Sud-Ouest, et Littoral du pays.

Méthode d'échantillonnage

L'enquête a été réalisée sur les marchés de Yaoundé. Les informations ont été recensées en utilisant un questionnaire standard modifié selon l’expérience acquise suite au grand nombre d’études et enquêtes conduites sur les marchés (Padoch, 1987; Falconer, 1994; Alexiades, 1996; Ndoye et al., 1999). Ce questionnaire a été modifié pour pouvoir recueillir les informations quantitatives et qualitatives afin d'évaluer le secteur des chenilles/larves du Cameroun au niveau socioéconomique.

La préenquête a mis en évidence le fait que les chenilles ne sont pas consommées par les populations de la province de l’Ouest alors que dans celle du Nord-Ouest, elles sont consommées mais de manière informelle et non commerciale.

Dans la province du Sud-Ouest, les chenilles sont consommées par certains membres des Bakundus, mais une fois de plus, ce n’est pas une activité commerciale. Dans le Littoral, il existe quelques «Mbo» qui consomment les chenilles et, parfois, il arrive que l’on en trouve au marché Nkololoun de Douala en quantités certes limitées. C’est surtout dans les provinces du Centre, Sud et Est que les chenilles sont assez couramment consommées. Il existe une forte activité de vente au niveau de Yaoundé qui s’approvisionne à partir des villes et villages le long des routes menant au sud et à l’est du pays.

A l’inverse des chenilles, les larves sont consommées par toutes les populations des provinces répertoriées. Par contre, leur commerce n’est vraiment développé que sur certains marchés de Yaoundé, ainsi que sur les axes Yaoundé-Mbalmayo et Mbalmayo-Ebolowa. Une fois de plus, le commerce des larves se démarque de celui des chenilles du fait qu’il se déroule tout au long de l’année pour autant que les récolteurs puissent en trouver en quantités suffisantes. Il ne s’agit donc pas d’une activité saisonnière.

Tableau 9: Consommation et vente des chenilles et larves selon les provinces

Province

Chenilles

Larves

Statut commercial

Ouest

Non consommées

Consommées

Pas de commerce de larves ou de chenilles

Nord-Ouest

Consommées par les Meta et les Bali

Consommées

Pas de commerce de larves ou de chenilles

Sud-Ouest

Consommées par les Bakundus

Consommées

Pas de commerce de larves ou de chenilles

Centre

Consommées par certains Betis et par beaucoup d’étrangers

Consommées

Commerce important de larves et chenilles (saisonnières)

Littoral

Consommées par certains Mbo ainsi que par quelques étrangers

Consommées

Petit commerce de larves et de chenilles pendant la saison des chenilles

Sud

Consommées par certains

Betis

Consommées

Pas de commerce de chenilles mais plutôt de larves

Est

Consommées

Consommées

Commercialisées à Yaoundé

Suite à ces résultats, notre intérêt s’est focalisé sur les marchés de Yaoundé afin d’y recenser les types de chenilles et larves commercialisés, les sources d’approvisionnement et la structure de la filière.

Sélection des marchés cibles

A l'issue de la préenquête menée à Yaoundé, trois marchés sur lesquels sont vendues les larves et les chenilles ont été recensés:

La vente des hannetons (larves) est courante dans les deux premiers marchés bien que les vendeuses soient rares. La vente des chenilles est exclusive au dernier marché. Au marché de Melen, il est possible de rencontrer des commerçants ambulants et spontanés.

Vu le temps imparti pour notre travail, il est apparu nécessaire d’effectuer un choix dans cette population. Ce choix s’est basé sur la diversité des profils des marchés. Les critères de différenciation qui ont permis de choisir les marchés sont les suivants: 1) le nombre de vendeurs de larves et chenilles: le marché ayant un grand nombre (relatif) de vendeurs a été sélectionné. Le nombre est un facteur important dans la mesure où il favorise la concurrence, engage une certaine stabilité commerciale et permet un flux commercial; 2) la spécificité du marché.

Tableau 10: Profil des marchés recensés

Compte tenu de cette diversité de profils, deux marchés sur trois ont été visités (Mvog-mbi et celui de Mvog-atangana mballa).

Choix des interviewés

Au marché de Mvog-mbi, sept vendeuses ont été recensées, qui vendent des petites et/ou des grosses larves. Cinq d’entre elles vendent des petites larves et deux en vendent des grosses. Cependant, dans le premier groupe, deux femmes vendent à la fois des petites larves et des chenilles. Nous avons ainsi interrogé:

Sur le marché de Mvog-atangana mballa, six femmes vendant des chenilles ont été recensées. Après une première enquête, il a été constaté que les chenilles vendues étaient d’espèces différentes. Ensuite, les femmes vendant des chenilles de diverses origines ont été interrogées. Au total, quatre femmes sur six ont été interrogées (soit 66,66 %).

Contraintes et limites de l’étude

La collecte des données a coïncidé avec la fin de la production des chenilles d’où leur pénurie sur les marchés. Les enquêtes se sont limitées aux espèces de chenilles encore disponibles souvent mortes et conditionnées. Quant aux larves, l’incertitude sur l’approvisionnement par des intermédiaires (livreurs) n’a pas permis de remonter la filière et d’obtenir des informations sur le circuit commercial en amont.

De manière générale, et suite à la première enquête de cette nature, il a été difficile de convaincre les commerçantes que nous n’étions ni de la police, ni de la commune. Leur réticence à fournir des informations a beaucoup limité les résultats obtenus. Il est probable que dans l’avenir, le contact avec ces commerçants soit plus facile puisqu’ils n’ont subi aucun dommage suite à notre intervention.

2.1.4 Résultats obtenus

Larves et chenilles

Les larves sont plus connues sous le nom de hanneton. Selon leur taille et leur coloration, il en existe deux types, communément appelés «phos» en langue ewondo. Les gros hannetons des charançons, ramassés sur les palmiers raphia, mesurent entre 4,5 et 5 cm de longueur. Ils se reconnaissent par leur couleur caramel sombre. Les hannetons conservés dans leurs déchets (fibres et matières organiques provenant de l’intérieur des tiges du raphia) peuvent vivre deux à quatre semaines. Les petits hannetons sont récoltés sur les palmiers raphia poussant dans les marécages. A leur maturité, ils mesurent de 3 à 3,5 cm de longueur et sont bruns clairs. Après récolte, ils peuvent vivre deux semaines à condition de les protéger du soleil et de les laver régulièrement pour conserver leur fraîcheur.

Description du marché

Demande

A Yaoundé, les larves et chenilles sont consommées par tous mais plus particulièrement par une classe sociale nantie, ou par les cercles des dignitaires de village. Sur les marchés, la clientèle est constituée autant d’hommes que de femmes.

Le marché des larves de Mvog-mbi existe depuis longtemps puisque les femmes y vendent des larves et chenilles depuis plus de 18 ans. Les larves et chenilles faisant partie des habitudes alimentaires des habitants du centre de Yaoundé, la majorité des consommateurs y viennent. Curieusement, les vendeuses qui sont pourtant de la région affirment ne pas consommer de chenilles.

La demande en chenilles est saisonnière et la chaîne de distribution se résume aux vendeuses qui récoltent elles-mêmes les chenilles ou se les font livrer par des membres de leur famille. Quant aux larves, la demande est permanente, surtout pour les plus grosses, présentes tout au long de l’année, contrairement aux petites, plus fréquentes en saison des pluies.

La chaîne de distribution compte trois niveaux: les collecteurs, les grossistes qui achètent directement aux collecteurs, et les revendeuses ici couramment appelées «buyam-sellam». Ces dernières revendent à certains détaillants lorsqu’ils passent une grosse commande. Ces revendeuses ont des contacts avec celles du marché de Mvog-ada et parfois se livrent réciproquement la marchandise. Il en est de même pour les revendeuses de chenilles.

Offre

L’offre des chenilles et petites larves est saisonnière et permanente pour les grosses larves. Au marché de Mvog-mbi, les revendeuses sont concentrées sur les mêmes emplacements, ce qui crée une forte concurrence. Seules les femmes les plus anciennes et probablement les plus expérimentées savent détecter les clients désireux d’acheter des larves. Elles se dirigent vers eux et les attirent en leur proposant des remises, effectuant ainsi des ventes importantes (la vente de larves et chenilles aux clients s’effectue le plus souvent en langue locale).

Au contraire, à Mvog-atangana mballa, les vendeuses de chenilles sont dispersées sur le marché. D’autres sont installées à l’intérieur et y restent même après la fin de la période de récolte. Il arrive parfois à une vendeuse, lorsqu’elle manque d’argent, de demander un prêt à ses consœurs pour l'achat de larves et insectes, surtout en période de forte demande. Le montant emprunté sera remboursé après la vente et le bénéfice réalisé sera pour elle seule.

Les vendeuses de larves vendent aussi des silures (poissons d’eau douce). Les vendeuses de chenilles vendent également des produits vivriers comme le manioc, les noix de palme ou des légumes.

2.1.5 Utilisation des chenilles

Collecte

D’après les enquêtes menées, il apparaît que dans la zone de Yaoundé et de ses environs, un minimum de neuf espèces de chenilles sont commercialisées17.

Tableau 11: Présentation des chenilles consommées et des arbres hôtes

Nom commun des chenilles(Ewondo)

Arbre hôte
(Ewondo)

Arbre hôte
(Nom scientifique)

Description

Minyos

Ayous

Triplochiton scleroxylon

Tachetées (marron)

Biwolo

Ewolo

Lovoa trichiloides

Couleur rouge

Bigombo

Abing

Essessang

Assié (sapelli)

Petersianthus macrocarpus

Ricinodendron heudoletii

Entandrophragma cylindricum

Grosses chenilles noires avec des traits jaunes et des poils non digestibles

Mikom/Mikomichan

Elon (tali)

Erythrophleum ivorensis

Taches jaunes avec poils irritants

Mimbinfsg

Abing
Essessang

Petersianthus macrocarpus
Ricinodendron heudoletii

Grosses chenilles noires avec des taches jaunes

Bitom

Manguier

Mangifera indica

 

Tonal

Tonal

   

Bissounal

Bissounal

   

Efok

Elé-ndamba

Funtumia africana

Couleur marron avec des taches blanches

La collecte s’effectue en forêt, le plus souvent (plus de 80 %) par des femmes et des enfants qui sont en vacances. Il n’y a aucune restriction à la récolte, tout le monde pouvant la pratiquer. Il n’existe pas de spécialistes à plein temps de cette activité, ni de périodicité pour la collecte des chenilles qui se fait lorsque des chenilles matures sont identifiées.

La collecte des chenilles se fait par ramassage au sol, sur les tiges, les branches et les feuilles. Pour un arbre moyen, un grand marteau est utilisé pour frapper contre l'arbre, entraînant ainsi la chute des chenilles. Pour un arbre très haut, une longue tige de bois (généralement le bambou de Chine) au sommet de laquelle est attaché horizontalement un petit morceau de bois, est le plus souvent utilisée pour faire tomber les chenilles du tronc et des branches. Durant nos enquêtes, il n'a été fait aucune mention d'abattage d'arbre pour la collecte des chenilles. Environ 60 pour cent des chenilles collectées sont ramassées par terre ou sur les arbustes qui sont à portée de mains.

Les principales zones d’approvisionnement ou de collecte se trouvent à l’ouest de Yaoundé sur l’axe routier Douala-Yaoundé, à Bog-Sama (village situé à environ 80 km de Yaoundé sur l’axe Yaoundé-Abong-Mbang), et à Mfou dans l’arrondissement de Yaoundé.

Les papillons déposent des œufs sur les arbres qui, après éclosion, donnent des chenilles qui aussitôt se mettent à dévorer les feuilles de l’arbre hôte. A ce stade, les enfants battent parfois les arbres pour faire tomber les chenilles et les ramasser pour la consommation. Cependant, les chenilles sont généralement très petites et ne se vendent pas bien. Par contre, après avoir consommé les feuilles, les chenilles se laissent tomber par terre ou descendent de l’arbre dès leur maturité. C’est alors que la collecte des grosses chenilles est pratiquée pour être commercialisée. Elles sont collectées manuellement et déposées dans des cuvettes, en général de fin juillet à fin septembre ou début octobre, en fonction de l’année.

L’Efok avec sa couleur jaune marron et ses poils blancs

Après cette récolte, les chenilles peuvent être rassemblées et alors former une carapace protectrice leur permettant de vivre encore pendant près d’une année. Cette carapace est une technique de conservation naturelle qui peut être brisée à la machette lorsqu’il est nécessaire de libérer les chenilles pour la vente ou la consommation.

Préservation

Il existe deux pratiques de conservation couramment rencontrées. Dans la première, les chenilles récoltées sont déposées sur une poêle chauffante et remuées. Elles s’étirent, perdent leurs poils et meurent. Dans la seconde, les chenilles sont déposées sur des braises et recouvertes de charbon de bois. Elles sont ainsi séchées au feu et leurs poils brûlés. Par la suite, elles sont séchées au soleil et peuvent être ainsi conservées pendant deux à trois mois. Lorsque ces chenilles sont vendues au stade frais, les feuilles de l'arbre hôte sont cueillies et conservées qvec les chenilles dans des cuvettes, ce qui permet de les conserver deux à trois jours.

Commercialisation

Filières

Collecteurs/fournisseurs: Les premiers intervenants dans le secteur des chenilles sont les collecteurs. La collecte est majoritairement pratiquée par les femmes et les enfants. Cependant, les hommes récoltent de temps à autre des quantités très limitées à leur retour des champs. Ces chenilles se nourrissent de plantes spécifiques (voir la liste des arbres hôtes). Les chenilles sont récoltées au niveau des feuilles, branches et tiges. Généralement, à maturité, elles tombent toutes seules et le ramassage se fait tout simplement à la main. Les chenilles ainsi récoltées sont mises dans des cuvettes métalliques qui normalement les empêchent de s’échapper. Dans certains cas, les arbres sont abattus pour récolter les chenilles.

Grossistes: Il s’agit surtout de femmes qui vendent des produits vivriers et qui se rendent dans les villages ou banlieues où est pratiquée la collecte. Elles achètent les chenilles aux récolteurs (avec des produits vivriers) pour les vendre en ville. Il est très important de remarquer que cette activité de vente des chenilles n'est pas l'activité principale de ces femmes. Une fois arrivées en ville, elles les fournissent aux revendeuses qui ne vont pas dans les villages.

Revendeuses: Les revendeuses sont les actrices finales par le biais desquelles les chenilles arrivent aux consommateurs. Ces produits sont vendus au détail, en tas ou au verre.

Rentabilité

Malgré les plaintes de la plupart des interviewés, les marges bénéficiaires liées à la vente de ces ressources sont relativement importantes. Les revenus moyens mensuels des vendeuses varient entre 15 000 et 20 000 FCFA. Cependant, il existe des fluctuations dans les bénéfices mensuels, et il est évident que ces revenus disparaissent lors de la saison sèche quand les chenilles se font rares dans les forêts. Nos enquêtes sur les marchés confirment le fait que les chenilles sont vendues en tas pour un taux variant de 500 à 1 000 FCFA selon les saisons. Une cuvette payée à 4 000 FCFA est généralement revendue à 5 500-6 500 FCFA.

Mode de préparation des chenilles

Le mode de cuisson des chenilles/larves est le suivant: déposer les chenilles dans une poêle chauffante et les remuer pour enlever les poils puis perforer et presser le ventre pour en vider le contenu (dans le cas des espèces se nourrissant de plantes toxiques). Les laver ensuite soigneusement dans de l'eau tiède et salée et les faire frire. Préparer une sauce (tomate, mets de pistache, feuilles de manioc, etc.) dans laquelle est mélangée la friture de chenilles puis servir avec du manioc sous toutes ses formes, ou du macabo.

2.1.6 Utilisation des larves

Collecte des larves (hannetons)

D’après les enquêtes menées, il apparaît que dans la zone de Yaoundé et de ses environs, les larves généralement commercialisées sont collectées sur les palmiers raphia. Cependant, les larves de palmiers à huile sont généralement disponibles en petites quantités et sont pour cela destinées à la consommation domestique. Il existe deux types de larves de palmier raphia, les grosses de couleur caramel sombre provenant des troncs pourris de raphia, et les petites de couleur brun clair provenant des palmiers raphia poussant dans les marécages. Ces larves sont couramment appelées «phos» en langue ewondo.

La collecte étant une tâche très difficile, elle est surtout pratiquée par les hommes: le tronc est fendu en deux pour le prélèvement de grandes quantités de larves. Le tronc une fois fendu, les larves sont ramassées et placées dans des feuilles de macabo. On prend soin de ne pas les tuer lors du transport.

Il existe des restrictions quant à la collecte de ces ressources car les palmiers se trouvent dans les champs des particuliers. Il n’est pas possible de pénétrer dans un champ sans l'accord préalable de son propriétaire. La récolte de ces ressources est principalement effectuée par des spécialistes. La présence des larves dans le tronc se manifeste par leur bourdonnement lorsqu'on tapote le tronc des palmiers. Contrairement aux chenilles, l'activité de collecte peut ête effectuée toute l'année.

Les principales zones d’approvisionnement ou de collecte sont Ayos, Akonnolinga, Yaoundé pour les marchés de Yaoundé et les autres grandes villes forestières du Cameroun.

Modes de conservation

Il existe deux techniques de conservation: dans l’arbre ou par séchage.

La conservation au frais: Les grosses larves sont conservées dans les déchets des palmiers alors qu'on prend soin de ne pas exposer les petites larves au soleil et de les laver régulièrement pour maintenir leur fraîcheur.

Le séchage: Les larves sont perforées avec des bâtons en bambou sur lesquels elles sont ensuite enfilées, puis exposées aux flammes. Dans la plupart des cas, ces larves sont assaisonnées avec du sel et du piment après séchage.

Activité de commercialisation

Filière: Les intervenants de ce secteur sont identiques à ceux du secteur des chenilles. L'activité suit également les mêmes étapes, cependant les récolteurs sont principalement des hommes vu la nature du travail.

Rentabilité: Les marges bénéficiaires liées à la vente des larves sont relativement importantes. Les revenus moyens mensuels des vendeuses varient entre 40 000 et 50 000 FCFA. Contrairement aux chenilles, il n’y a pas de grandes fluctuations dans les revenus annuels. Ces ressources sont disponibles tout au long de l'année, contrairement aux chenilles plutôt récoltées pendant la saison des pluies.

Nos enquêtes montrent que pour un seau de 15 litres de larves acheté à 4 000 FCFA, la revendeuse peut facilement le revendre à 7 000 FCFA, avec un bénéfice de plus de 60 pour cent. Le prix par tas varie de 100 à 200 FCFA. La variation dans les prix du tas dépend de la quantité disponible et du prix d'achat. Une femme interviewée le long de la route principale menant à Ebolowa nous a fait comprendre que les larves étaient récoltées par son mari et qu’elle réalisait facilement des recettes de 120 000 à 150 000 FCFA par mois.

Le bénéfice réalisé dans ce secteur est plus grand. Ceci s'explique par le fait que presque toutes les populations du Cameroun consomment des larves, ce qui n'est pas le cas des chenilles dont la consommation est restreinte aux provinces du Centre, et à certaines populations de la province du Nord-Ouest.

Il est important de noter que ces ressources ne se vendent pas forcément tous les jours. Elles sont vendues à des jours précis qui, généralement, correspondent aux grands jours de marché.

Mode de cuisson

Les chenilles sont frites et une sauce (tomate, mets de pistache, feuille de manioc, etc.) est ajoutée avec le bâton de manioc, le manioc, ou le macabo. Autrement, les larves peuvent également être grignotées sans acconpagnement.

2.1.7 Impacts écologiques et sociaux de l’exploitation des chenilles et larves

Les chenilles

Au Cameroun, il n’existe pas de problème de surexploitation des chenilles, leur consommation étant limitée à quelques populations. Elles sont plutôt consommées par les notables et hauts dignitaires. Toutefois, avec l’augmentation de la population, leur consommation devient plus importante et aura certainement un impact écologique. Il arrive déjà que des branches soient abattues pour récolter des chenilles. Il est donc probable que des arbres soient abattus pour leur collecte afin de satisfaire la demande croissante sur les marchés.

Les chenilles constituent un substitut viable aux protéines animales. Ceci est très important dans les zones où la chasse est interdite ou bien où les animaux sont rares. Il serait alors intéressant de mieux gérer et planifier cette activité.

Au Cameroun, les populations rurales sont beaucoup plus impliquées dans la collecte ou vente des chenilles. Cette activité leur rapporte des revenus importants. Nos enquêtes montrent que les bénéfices mensuels réalisés par les revendeuses varient de 40 000 à 50 000 FCFA durant la saison. Le salaire minimal autorisé au Cameroun se situant en dessous de 30 000 FCFA par mois, elles gagnent en fait plus que les domestiques, les jardiniers et parfois même les chauffeurs. Ainsi, cette activité contribue de manière significative à l'amélioration des conditions de vie des populations impliquées dans ce secteur.

Les larves

Les larves de charançons connaissent un problème de surexploitation en raison de la forte demande sur les marchés et de leur consommation par la majorité des populations du Cameroun.

Elles sont récoltées dans les palmiers à huile après abattage pour le prélèvement de la sève qui permet de produire le vin de palme. La production est ainsi limitée à la consommation domestique.

Les larves vendues sur les marchés urbains sont prélevées massivement dans certaines espèces de Raphia. Cependant, la larve étant un parasite qui attaque la plante hôte dès les premiers stades de sa croissance, son prélèvement dans une plante de toute façon condamnée, n'affecte pas la régulation naturelle du milieu écologique (Dunias, 1999). En outre, la ressource se vend très bien et apporte de bons revenus aux acteurs de la filière.

Conclusions et recommandations

La consommation des insectes peut paraître nouvelle ou même répugnante pour certaines personnes, cependant, les insectes comestibles représentent une source importante de protéines pour de nombreuses familles en Afrique. Un potentiel existe pour une production beaucoup plus importante et à des coûts minimes.

La plupart des chenilles comestibles vivent sur des arbres de la forêt donnant ainsi un poids aux jachères traditionnelles. Il existe au moins neuf espèces de chenilles comestibles dans le sud du Cameroun, et peut-être deux espèces de larves. Cependant, aucune n’a été identifiée avec précision.

Il apparaît que la récolte et la vente de chenilles/larves constitue une activité importante dans les provinces du Sud, de l’Est et du Centre du Cameroun. Beaucoup de femmes y sont impliquées à tous les niveaux ainsi qu’un certain nombre d’enfants, durant les vacances.

Les recettes générées sont relativement importantes et contribuent fortement aux revenus des ménages durant les périodes de commercialisation des chenilles et toute l’année pour les larves. Ces recettes atteignent parfois mensuellement 50 000 FCFA pour les chenilles et plus de 120 000 FCFA pour les larves. Cependant, ces activités connaissent des fluctuations selon la demande et la disponibilité (des chenilles surtout) rendant les recettes instables au cours de l’année.

Cette étude préliminaire sur la filière chenilles/larves du Cameroun permet de dégager un certain nombre de recommandations:

Références bibliographiques de l’étude de cas sur le Cameroun

Alexiades, M.N. éd. 1996. Selected guidelines for ethnobotanical research. New York Botanical Garden. New York, 306 p., Bull. Ag. Congo belge 52 (4) 689.

Dunias, E. 1999. L'exploitation d'une ressource bien connue: la récolte des larves comestibles de charançons dans les palmiers raphia au Cameroun.

Falconer, J. 1994. Non-Timber Forest Products in Southern Ghana. Main report. Natural Resource Institute/Overseas Development Administration.

Gomez, P.A., Halut, R. et Colin A. 1961. Production de protéines animales au Congo. Bulletin agricole du Congo 52 (4) 682-815.

Latham, P. 2001. Edible caterpillars and their food plants in Bas-Congo, RDC. Forneth, Royaume-Uni, 41 p.

Malaisse, E.F. et Parent, G. 1980. Les chenilles comestibles du Shaba méridional (RDC). Les naturalistes belges 61 (1) 2-24.

Martin, G.J. 1995. Species concepts and problems in practice. Insight from botanical monographs. Syst. Bot. 20: 606-622.

Munthali, S.M. et Mughogho, D.E.C. 1992. Economic incentives for conservation: beekeeping and Saturniidae caterpillar utilization by rural communities. Biodiversity and Conservation. 1, 143-154.

Ndoye, O., Ruiz-Perez, M. et Eyebe, A. 1999. Non-wood forest product markets and potential forest degradation in Central Africa: the role of research in providing a balance between welfare improvement and forest conservation. In: Sunderland, T.C.H.; Clark, L.E. et Vantomme, P. eds. The non-wood forest products of Central Africa: current research issues and prospects for conservation and development. FAO, Rome, pp.183-206. Nutrition 36, pp. 247-276.

Padoch, C. 1987. The economic importance and marketing of forest and fallow products in the Iquitos region. In: W.M. Denevan et C. Padoch (eds). Swidden-fallow agroforestry in the Peruvian Amazon. Adv. Econ. Bot. 5: 74-89.

Ramos-Elorduy, J. 1997. Insects: A sustainable source of food? Ecology of Food.

2.2. République centrafricaine: Contribution des chenilles/larves comestibles à la réduction de l’insécurité alimentaire en République centrafricaine par Georges N’Gasse

Remerciements

Je tiens à remercier François Ndeckere-Ziangba, Paul Vantomme et Tina Etherington de la FAO, à Rome (Italie), qui m’ont encouragé à finaliser ce rapport. Mes remerciements vont également à toutes les bonnes volontés qui en dépit de ma modeste contribution financière, m’ont aidé dans la collecte de données relatives à l’évolution des prix sur les différents marchés de Bangui et des provinces. Que les agents de bonne volonté qui m’ont aidé à estimer la production moyenne des chenilles/larves comestibles par plante hôte sur les layons 5, 6, 14 et 16 du PEA 169 de la forêt de Ngotto durant la période de ramassage des chenilles en forêt (juillet à septembre) de 1995 à 2002, soient également remerciés. A toutes les commerçantes qui m’ont facilité la collecte de données nécessaires à l’estimation de la marge bénéficiaire de cette ressource alimentaire, je réitère ma profonde reconnaissance. Que ceux qui ont accepté les différentes prises de vues ayant enrichi ce rapport reçoivent également mes sincères remerciements.

Résumé

Les principales ressources naturelles du Bassin du Congo ont, depuis des siècles, joué un rôle alimentaire et commercial très important pour les communautés riveraines. Elles continuent à contribuer de manière non négligeable à la réduction de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté de certaines populations.

La République centrafricaine (RCA) fait partie des pays du Bassin du Congo; elle est caractérisée par son enclavement, un climat et des végétations variés et une diversité biologique exceptionnelle. A ce titre, la RCA est qualifiée de réservoir biologique aux multiples espèces animales et végétales, ressources halieutiques et touristiques. Outre les principaux produits forestiers non ligneux (PFNL) comme le gibier, les plantes comestibles, les plantes médicinales, plus ou moins connues, d’autres PFNL de moindre importance jusqu’à présent: les champignons, le miel, les chenilles/larves comestibles, permettent aux communautés de combattre les menaces de famine et améliorent le revenu des populations riveraines.

La richesse et la diversité des plantes hôtes des chenilles/larves comestibles présentent tant au niveau des forêts de production, des galeries, des savanes boisées et savanes herbeuses, constituent un atout dont la gestion durable doit stimuler la pérennisation. La collecte et les échanges des chenilles/larves comestibles demeurent une activité informelle, leur commercialisation apportant un complément économique intéressant, jusqu’ici sous-estimé. Les chenilles sont présentes sur tous les marchés centrafricains. Selon les estimations, plus de 85 pour cent de la population en consomment. La nécessité d’effectuer des inventaires et de recueillir des données sur la dynamique des chenilles/larves, les interactions bio-culturelles des populations humaines avec cet environnement spécifique, leurs impacts socioéconomiques, permettront d’appréhender certains problèmes de valorisation de cette ressource et de formuler des propositions susceptibles d’améliorer les moyens d’existence et d’augmenter les revenus des centrafricains. De plus, l’intégration des PFNL dans les processus d’aménagement a plus de chance de rencontrer l’adhésion des populations et donc d’être plus effectif.

Introduction

La République centrafricaine (RCA) est une nation en développement classée parmi les pays pauvres et fortement endettés en dépit des énormes potentialités physiques, culturelles et morales dont elle dispose. Par sa position géographique (située au cœur du continent africain), la RCA est dotée de conditions climatiques et pédologiques qui offrent d’immenses opportunités pour le développement du secteur agricole et forestier. Elle possède également un riche sous-sol qui devrait appuyer les stratégies de promotion du développement. Une bonne gestion et une répartition équitable des bénéfices tirés de l’exploitation de ces ressources devraient servir de base à sa croissance économique.

Pour rendre l’environnement économique viable et propice à la croissance et la réussite des initiatives de développement durable, des défis majeurs sont à relever parmi lesquels la réduction de la pauvreté se trouve être la première des priorités. L’accès accru de la population centrafricaine aux ressources forestières en général, et particulièrement aux PFNL, est l’une des voies à explorer. En effet, des milliers de centrafricains vivent en relation directe avec les PFNL dont dépend leur survie. Plusieurs espèecs de chenilles/larves comestibles réparties sur tout le territoire centrafricain, font l’objet de cueillette périodique. Elles sont consommées au stade frais, séché ou boucané par environ 80 pour cent des centrafricains. Cette ressource omniprésente sur tous les marchés du pays, représente une ressource alimentaire alternative au gibier et bœuf. Le suivi formel de la filière cueillette et commercialisation des chenilles/larves comestibles, la vulgarisation des systèmes d’agroforesterie à usages multiples et la maîtrise des interrelations chenilles/larves et leurs arbres nourriciers, peuvent contribuer à réduire l’insécurité alimentaire en RCA.

2.2.1 Intérêt de l’étude et méthodologie

Ce rapport a pour objectif de montrer que les PFNL sont devenus, depuis la crise économique de 1986 et la dévaluation du FCFA qui a suivi en 1994, une source de revenus et d’emploi pour les populations rurales et une certaine partie de la population urbaine. En effet, la RCA dispose d’innombrables ressources naturelles dont tout une variété de produits forestiers non ligneux, parmi lesquels les chenilles/larves comestibles occupent une place non négligeable en procurant une source d’aliments.

Depuis janvier 1995, quatre layons pédagogiques ont été réalisés dans la forêt de Ngotto (en particulier le PEA 169) zone d’action de la composante ECOFAC (Conservation et utilisation rationnelle des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale). Les données phénologiques mensuelles des plantes hôtes des chenilles/larves comestibles et les études quantitatives des chenilles/larves sur chaque plante hôte ont permis de réaliser un inventaire de cette ressource et d’évaluer leurs effets sur l’écosystème.

Le suivi des activités de collecte, conservation, consommation et commercialisation des chenilles/larves comestibles a été réalisé dans un certain nombre de ménages, sur quatre layons de Ngotto (en ce qui concerne la consommation), mais aussi au niveau des marchés de Bangui (Kokoro et km 5) et de ceux qui l’entourent (sur un rayon de 400 km).

Une femme qui assure la commercialisation des chenilles/larves comestibles a été suivie de 1996 à 2002, durant les mois de juillet à septembre. Les dépenses et recettes de cette commerçante ont permis le calcul de sa marge bénéficiaire. Les résultats de cette enquête peuvent être extrapolés au niveau de cette catégorie de commerçants.

Les analyses réalisées font suite aux enquêtes de terrain et discussions avec les personnes ressources impliquées dans la gestion de cette ressource. Les recommandations proposées s’appuient, d’un point de vue social, sur la valorisation du rôle de ces acteurs et, d’un point de vue technique, sur les principes de base de l’agroforesterie. Cependant, l’intensification du système de troc basé sur la cueillette en forêt risque d’entraîner la disparition de certaines espèces.

Contexte

La forêt de Ngotto est le site d’intervention de la composante du Projet régional ECOFAC. Elle est située à environ 260 km de Bangui et au nord de la forêt dense humide du bloc guinéo-congolais. C’est une forêt semi-décidue de basse altitude qui est apparentée à la forêt semi-décidue à Méliacées, Ulmacées et Sterculiacées.

La forêt de Ngotto présente des particularités exceptionnelles liées à sa géomorphologie: sol sableux sur grès de Carnot, réseau hydrographique extrêmement réduit (Censier, 1991); elle est riche en ignames sauvages (genre Dioscorea, à tubercule comestible). Le PEA 169 (attribué à la société IFB depuis 1996) de la forêt de Ngotto couvre une superficie de 195 000 ha (dont 75 000 ha écrémés et 120 000 ha en phase d’exploitation) et constitue le site de l’étude. Ce PEA a fait l’objet d’un inventaire d’aménagement à environ 1 pour cent à but de production ligneuse.

2.2.2 Les chenilles/larves comestibles de la RCA

Les principaux PFNL de RCA ont été inventoriés suite à des études réalisées dans la forêt de Ngotto (et sur le PEA 169) et des enquêtes menées dans les régions de savanes productrices de chenilles/larves comestibles dont les périodes de production ont été enregistrées. Le Tableau 12 suivant présente les principaux PFNL de la RCA que l’on retrouve sur tous les marchés des villes et qui, dans la plupart des cas, procurent des aliments et des condiments aux populations riveraines.

PFNL/Mois

Janv.

Févr.

Mars

Avril

Mai

Juin

Juill.

Août

Sept.

Oct.

Nov.

Déc.

Gnetum sp.

                       

Vin de palme

                       

Vin de raphia

                       

Feuille de raphia

                       

Feuilles de Marantacée

                       

Rotin

                       

Miel

                       

Huile de palme

                       

Igname sauvage

                       

Champignon

                       

Chenilles

X

       

X

X

X

X

     

Fruit Irvingia

                       

Fruit Treculia

         

X

X

         

Fruit Afrostyrax

                       

Piper guinense

                       

Escargot

             

X

X

     

Termites

       

X

X

     

X

X

 

Réserve Canarium

                       

Source: Travaux de recherches de Georges N’Gasse.
X = Disponibilité dans le mois.

Les inventaires des chenilles/larves comestibles de la RCA sont établis sur la base de nos connaissances des écosystèmes forestiers du Bassin du Congo et sur les données recueillies dans la forêt de Ngotto et les formations forestières du sud-ouest (forêt de production ligneuse), de la savane boisée de Bouar, la savane herbeuse de Ndélè et des savanes arborées du centre (Sibut-Bambari) ainsi qu’à partir des visites de terrain et des marchés avec l’appui des personnes ressources volontaires.

Inventaire pour l’identification des chenilles/larves comestibles

En 1938, Hladik a réalisé des études dans l’ancienne préfecture de la Haute-Sangha (actuelle Mambéré-Kadéi et Sangha-Mbaéré). Ces études ont abouti à un répertoire de 21 chenilles/larves comestibles de forêts et galeries dont 13, spécifiquement, sont connues. Certaines méliacées, sterculiacées, combretacées, lecythidacées sont les principales familles de plantes hôtes. Certaines chenilles/larves comme Imbrasia oyemensis, Pseudanthera discrepans, Imbrasia truncata, Anaphe veniata, etc. ont une seule plante hôte alors que d’autres sont polyphages.

La forêt de Ngotto a la particularité d’abriter de grands arbres parmi les plus productifs de la RCA sur lesquels une diversité de lépidoptères vient périodiquement déposer des milliers d’œufs qui, en fonction de la saison, se métamorphosent en chenilles/larves. En zone de forêt, ces chenilles/larves sont disponibles de mi-juin à fin septembre, alors qu’en savane, elles le sont à partir du mois d’août.

Dans la partie sud-ouest de la RCA (Berberati, Baboua, Gamboula), les chenilles/larves de fougère sont ramassées à partir de janvier. Le Tableau 13 à la page suivante, donne une mesure de la diversité des chenilles/larves réparties sur tout le territoire centrafricain (galerie forestière, forêt de production, forêt sèche, savanes boisée arbustive et herbeuse). Les photos ci-après présentent les principales chenilles/larves de la forêt vendues régulièrement sur les marchés comme ressource alternative à la viande de brousse ou de boucherie.

Description des principales espèces commercialisées

En zone forestière, trois principales espèces de chenilles/larves sont commercialisées sur les marchés, au stade frais, de juin à mi-juillet: Imbrasia (obscura, truncata, oyemensis) et Pseudauthera discrepaus. A partir de septembre, Anaphe spp. est omniprésente au stade frais.

En zone de savane, les chenilles/larves fraîches sont disponibles selon la région. Elles sont généralement matures à partir d’août avant d’être ramassées. En dehors des périodes de disponibilité au stade frais, elles sont commercialisées pendant toute l’année au stade séché ou boucané.

Tableau 13: Principales chenilles comestibles de RCA et leurs arbres hôtes

 

Chenilles comestibles

     

Plantes hôtes

   

Familles

Noms scientifiques

Noms locaux Issongo

Période

Familles

Noms scientifiques

Noms pilotes

Noms locaux Issongo

ATTACIDEES

NOCTUDEE

NYMPHALIDES

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Imbrasia oyemensis

Pseudanthera discrepans

Imbrasia truncata

Anaphe venata

Imbrasia epimethea

Imbrasia truncata

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Cymothe caenus

Cymothe aranus

Anaphe venata

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

Indéterminé

MBOYO

KANGA

MBANGA

Mboyo-Kondi

MOPOKO

SOUNGA

MBANGA

NDENDE

SOUSSOU

BOUBOULA

DOUDOUMA

GUEGUERE

GUEGUERE

SAINSE

MOKONGOKOLO

MOKONGO K

NDOSSI

KOUNDOU

MOBOTO

MOKOLILI

TOUKOUSSOU

NDONDI

MPOSSE

KPOKOR

Indéterminé

Août-sept.

Sept.

Juillet

Août

Août

Sept.

Sept.

Sept.

Août

Sept.

Sept.

Sept.

Oct.

Août-sept.

Août-sept.

MELIACEES

MELIACEES

STERCULIACEE

EUPHRORBIACEES

ULMACEES

LECYTIDACEES

STERCUL

IRVINGIACEES

OCHNACEES

MYRISTICALLES

SAPINDALEES

MIMOSALEES

EUPHORBIACEES

EUPRORBIACEES

MELIACEES

EUPHROBIACEES

FLACOMIACEES

MORACEES

STERCULIACEES

EUPHORBIACEES

SAPOTACEES

MORACEES

GUITHIRACEES

COMRETACEES

Entandrophragma cyl.

Angoles

Lovoa trichilioïdes

Cola lateritia

Rinocidendron hend

Celtis sp./Grewia sp.

Petersianthus macroc

Eribro oblonga

Irvingia grandi fol

Lophira alata

Pycnanthus angolens

Blighla welwitschil

Piptadeniastrum afr.

Albizzia adiathiiofolia

Albizzia zygia

Bridellia grandis

Crossopterix febr

Entandrophragma cylindricum

Accacia mangium

Uapaca guineuse

Caloncoba weilw

Musanga cercopioïdes

Triplochiton sclerox

Bridelia grandis

Anicer altissima

Ficus exasperata

Garcinia punctata

Cirina forda

Elais guineuse

Raphia

Terminalia dokaer

Sapelli

Tiama

Dibetou

Mopoko

Mboboko

Essessang

Mossoba

Essia

Eyong

Ngolo

Azobé

Ilomba

Mokoungou

Dabema

Molomobak

Parasolier

Ayous

MBOYO

Kanga

Mboyo K

Mopoka

Mboyo K

Ngombé

Mossobé

Gboyo

Sombo

Ngolo

Kolo

Toko

Makong

Tedo

Tedo

Kasala

Mboyo

Sengui

Dolo

Kombo

Sepa

Kasala

Mboula

Koyo

Ngalé

Mbourou

Péké

Source: Travaux de recherche de Georges N’Gasse.

Imbrasia oyemensis (Mboyo)

L’Imbrasia oyemensis est la chenille/larve la plus prisée par les centrafricains; il est possible de la trouver sur presque tous les marchés du pays. Elle se trouve spécifiquement sur l’Entandrophragma cylindricum (sapelli), principale essence recherchée et commercialisée par les sociétés forestières. Elle appartient au genre Athacide reliant les espèces du groupe d’Alopia avec des pattes internes et la nervulation aux Gonimbrasia. Les deux sexes sont semblables; le mâle a les pattes antérieures légèrement falquées, tandis que chez la femelle, le bord externe de ses ailes est presque droit. Le mâle a le thorax bistre verdâtre, la femelle a le thorax roussâtre avec un collier prothoracique blanchâtre, tandis que l’abdomen est jaunâtre. Au stade frais, elle pèse 4 g et au stade sec 1,2 g. Les antennes sont brunes jusqu’à la pointe et moins longues alors que la femelle possède des antennes noires, faiblement pectinées et plus longues.

Chenilles comestibles Imbrasia oyemensis (N’Gasse)

Chenilles comestibles Pseudanthera discrepans sur le fruit de son arbre hôte le tiama (N’Gasse)

Pseudauthera disrepans

Cette espèce de chenille a pour plante hôte l’Entandrophragma angolense. Elle est plus grasse que toutes les autres chenilles et de couleur jaunâtre. Elle pèse 8 g au stade frais. La tête et le thorax sont bien développés. Les antennes sont proéminentes. L’abdomen est tacheté de points noirs.

Anaphe spp.

Elle est caractérisée par d’innombrables poils très fins répartis sur tout le corps au stade juvénile. Au stade adulte, les poils sont coriaces. A l’état frais, elle pèse 2,5 g alors qu’au stade séché, elle pèse 0,8 g. Au stade adulte, l’Anaphe spp. émet un liquide qui forme le cocon dans lequel on peut dénombrer environ 100 larves.

2.2.3 Utilisation des chenilles/larves comestibles

D’une manière générale, les chenilles/larves sont substituées à la viande. Elles font aussi l’objet d’une commercialisation sur les marchés nationaux et des pays voisins, en particulier du Tchad, Cameroun, République du Congo, République démocratique du Congo, Soudan, dans certains pays de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), voire dans quelques villes européennes.

Pseudanthera discrepans au stade adulte (N’Gasse)

Techniques de ramassage des chenilles

Trois techniques de ramassage sont généralement utilisées. Il s’agit du ramassage au voisinage du sol, de l’ébranchage et du ramassage des cocons. En prélude du ramassage en forêt, certaines activités préparatoires s’avèrent indispensables: choix et implantation du campement, installation du ménage, etc.

Choix et implantation du campement de cueillette: Cette activité est réalisée deux semaines avant l’arrivée du ménage en forêt. En effet, le chef de famille et quelques adolescents choisissent le site dans le terroir de cueillette de la communauté, à proximité d’un ruisseau. Ils installent un campement constitué de huttes et recouvertes de feuilles de Marantacées. Dans chaque hutte, on peut dénombrer environ deux lits en bois. Une claie est construite devant chaque hutte avec des baguettes sous laquelle un feu pourra être attisé pour le fumage des chenilles. Une fois que le campement est achevé, un des enfants rentre au village et, le lendemain, toute la famille déménage avec les denrées de première nécessité spécifiques (condiments) et le matériel de bivouac pour s’installer au campement. La durée de la collecte varie de deux à trois mois.

Ramassage des chenilles/larves de forêt: Les récolteurs assurent le ramassage des chenilles/larves deux fois par jour, le matin de 5 h 30 à 10 h et l’après-midi, de 14 à 17 h. Compte tenu de la hauteur des arbres hôtes, chaque ramasseur a un nombre déterminé de pieds qu’il parcourt dans la journée. D’une manière générale, l’indicateur de la maturité des chenilles/larves est leur descente le long du fût. Avec une assiette ou un emballage en main, chaque cueilleur sillonne le bas du houppier par arbre hôte et ramasse toutes les chenilles/larves trouvées au sol, celles qui descendent le long du fût ou à hauteur d’homme. C’est ainsi que démarre le ramassage. Quelquefois, les pygmées grimpent sur les arbres hôtes pour les ramasser sur les rameaux défoliés.

Ramassage des chenilles/larves de savane: Les plantes hôtes de chenilles/larves de savane étant de petite taille, les récolteurs grimpent sur les arbres nourriciers pour la collecte au niveau des rameaux. Parfois, les femmes, à l’aide de machettes, coupent les branches basses sur lesquelles se trouvent les chenilles/larves avant de les ramasser.

Ramassage de chenilles/larves d’Anaphe spp.: Lorsque les larves d’Anaphe spp. sont matures, le ramassage a lieu le long du fût, à hauteur d’homme, comme les précédentes. Lorsqu’elle s’enkyste dans un cocon, les ramasseurs sont obligés de grimper dans l’arbre nourricier (Ayous) pour détacher les cocons des rameaux ou le long du fût; en fin de journée, les cocons sont alors déchirés et les larves récupérées avant de les passer à la braise.

Impact des activités d’exploitation forestière sur les chenilles/larves

Jusqu’à ce jour, compte tenu de l’enclavement de la forêt centrafricaine (à 1 500 km de la côte), les sociétés forestières orientent la coupe de bois en majorité sur les méliacées (sapelli, sipo) et les sterculiacées. Les travaux de recherche sur la coévolution de la chenille Imbrasia oyemensis et le sapelli réalisés dans la forêt de Ngotto (en particulier le PEA 169, de 1996 à aujourd’hui) prouvent que les arbres productifs porteurs de cette espèce de chenille sont ceux dont le diamètre minimum est supérieur ou égal à 70 cm. Conformément aux dispositions du Code forestier centrafricain en vigueur, le Diamètre minimum d’exploitabilité (DME) du sapelli est de 80 cm. Il est également prescrit dans cette législation la matérialisation d’au moins un semencier tous les 10 ha. Ces dispositions ne mettent pas en péril les arbres productifs de chenilles/larves. Les sociétés forestières installées dans le sud-ouest de la RCA ne coupent que des essences compétitives (bien conformées et de diamètre supérieur au DME) sur le marché international. Ces activités d’exploitation forestière ont donc un faible impact sur la production annuelle des chenilles/larves de forêt.

Par contre, le fait de ne surexploiter que les espèces hôtes de chenilles/larves représente un danger pour la pérennisation de cette ressource très riche en protéines animales. Dubost, pour la forêt du Gabon, a confirmé qu’au niveau des invertébrés, le prélèvement de chenilles/larves même en supposant qu’on puisse ramasser 90 pour cent des effectifs, affecte très peu le renouvellement annuel de ces animaux car, un seul papillon qui sort de sa chrysalide, pond des centaines d’œufs sur les branches dont le feuillage nourrit les chenilles/larves. En comparaison avec les vertébrés où le prélèvement de 90 pour cent du capital par un chasseur nécessite plusieurs années pour que les animaux se multiplient et reconstituent la biomasse initiale. En réalité, il semble que la quantité de chenilles/larves annuelle est réduite dans les régions où les PEA octroyés sont très vieux (exploités depuis plus de 30 ans). Au contraire, les massifs forestiers octroyés et exploités récemment continuent à produire annuellement et régulièrement des chenilles/larves.

Il faut remarquer que les papillons pondent leurs œufs sur les feuilles des arbres hôtes au début de la saison des pluies (avril-mai) de chaque année. Les larves juvéniles commencent à être observées au courant de juin pour les Pseudanthera discrepans et de juillet pour les autres. Ces chenilles consomment les feuilles ayant la plus faible teneur en tannins. Pendant la période où elles se nourrissent de feuilles, les arbres hôtes sont presque défeuillés et leur croissance est ralentie. Cette période correspond à la saison des pluies et l’on constate quelques semaines après le passage des chenilles, l’apparition de jeunes feuilles qui vont reconstituer le feuillage entier de l’arbre hôte. Si pendant la période de défoliation, la croissance des arbres hôtes est ralentie, quelques semaines après, ils retrouvent progressivement leur feuillage. L’effet des chenilles sur la croissance des arbres hôtes est faible.

Dans un écosystème spécifique, une modification significative de certains éléments du climat (par exemple, une sécheresse très prolongée), la perte de plantes hôtes et une surpopulation des chenilles/larves entraîneraient une disparition de certaines chenilles/larves portant à une rupture du cycle normal de développement de cette ressource.

Impacts socioéconomiques

Les différents écosystèmes de la RCA lui permettent de disposer d’innombrables arbres productifs où les papillons viennent déposer des milliers d’œufs donnant à la saison des pluies, des chenilles/larves très appréciées des populations du Bassin du Congo. Ces diverses chenilles/larves, riches en graisse et en protéines se vendent sur les marchés fraîches, fumées, ou séchées. Elles sont consommées cuites ou mélangées aux brèdes (légumes). Le marché des chenilles/larves contribue non seulement à la réduction de l’insécurité alimentaire mais améliore aussi le revenu des ménages centrafricains.

Consommation des chenilles/larves et équilibre nutritionnel: La plupart des études relatives à la sécurité alimentaire réalisées en RCA ont ignoré, voire minimisé, la part de la viande de brousse dans le PIB et dans l’apport en protéines animales. Une enquête menée en 1998 sur les besoins en protéines animales de Bangui a démontré son importance socioéconomique pour les centrafricains en général, et les habitants de Bangui en particulier. Il ressort de cette enquête que plus de 85 pour cent des centrafricains consomment des chenilles/larves et que la consommation moyenne de viande (toutes protéines animales confondues) s’élève à 14,6 kg/personne/an pour la ville de Bangui. La viande de bœuf occupe la première place, suivie par la viande de brousse et, en troisième position, les chenilles/larves. Chaque année, durant la période de mi-juin à septembre, les besoins en protéines animales par personne sont répartis comme suit:

Origine

Viande de bœuf (kg)

Viande de brousse (kg)

Chenilles/larves(kg)

Poisson(kg)

Autres (kg)

Total(kg)

Besoins

2,50

1,00

7, 60

2,00

1,50

14,60

Source: Ministère du plan: Enquête sur les ménages.

Tableau 15: Répartition des besoins en protéines animales/personne/an à Bangui d’octobre à mi-juin

Origine

Viande de bœuf(kg)

Viande de brousse (kg)

Chenilles/larves(kg)

Poisson(kg)

Autres (kg)

Total(kg)

Besoins

3,50

4,20

2,80

2,00

2,10

14,60

Source: Ministère du plan: Enquête sur les ménages.

Les besoins en chenilles/larves occupent la première place pendant la période de mi-juin à fin septembre alors que répartis sur toute l’année, les besoins en chenilles/larves viennent en troisième position. En effet, la composition en éléments nutritionnels des principales chenilles/larves de la RCA est analogue à celle de la viande d’élevage ou de brousse. Le Tableau 16 suivant le confirme.

Tableau 16: Composition en éléments nutritionnels des chenilles/larves

Eléments

Protéines

Lipides

Eau

Vitamine B2(riboflavine)

Sels minéraux

Pourcentage

45,0

12,5

70,0

Indéterminé

Indéterminé

Source: Ministère de l’agriculture et de l’élevage, Service nutritionnel.

Les chenilles/larves sont des produits rapidement renouvelables à forte valeur nutritionnelle. Leur consommation est plus importante pendant la saison de production (mi-juin à fin septembre) celle-ci ralentissant après cette période. Toutefois, les besoins en chenilles/larves sont omniprésents dans chaque ménage qui en consomme.

Comportement et préférences alimentaires: Environ 95 pour cent des populations riveraines des forêts de production (sud-ouest) et celles de Bangui et des galeries forestières, apprécient les chenilles/larves. Dans les autres zones, 80 pour cent des populations consomment cette ressource. Dans les régions forestières et galeries, la demande en chenilles/larves à l’état frais est très élevée entre mi-juin et mi-septembre de chaque année. Au-delà de cette période, les consommateurs sont obligés de s’alimenter en chenilles/larves séchées ou fumées et d’autres sources de protéines.

Durant la période de forte production, les populations riveraines des forêts et galeries choisissent, par ordre de priorité, les chenilles/larves suivantes: Imbrasia truncata, Imbrasia oyemensis, Imbrasia obscura, etc. Ce choix résulte d’une transmission de génération en génération et reflète les diversités culturelles centrafricaines. Au stade séché ou fumé, les chenilles/larves comestibles communes ne font pas l’objet de choix spécifique.

Conditionnement des chenilles/larves: En dehors du stade frais, trois méthodes de conditionnement sont utilisées, à savoir le fumage, le séchage et l’enfilage.

Séchage des chenilles/larves comestibles (N’Gasse)

Fumage

Il consiste à étaler les chenilles/larves préalablement ébouillantées sur une claie fabriquée à base de baguettes sous laquelle un feu attisé les assèche progressivement. Cette technique est la plus rapide et permet de conserver les chenilles/larves à plus long terme. Cependant, les chenilles ébouillantées perdent un certain pourcentage d’éléments nutritifs et l’excès de fumée modifie leur valeur gustative.

Séchage

Le séchage consiste, en un premier temps, à vider le contenu de l’abdomen de chaque chenille/larve et à les exposer ensuite au soleil, sur une claie. Cette méthode ne modifie en rien les éléments nutritifs mais elle nécessite du soleil en permanence. En l’absence de soleil, le temps de conservation est plus long.

Enfilage

L’enfilage consiste à vider d’abord le contenu de l’abdomen de chaque chenille/larve et à les enfiler ensuite, dans le sens de la largeur, le long d’un support métallique avant de les passer à la braise. Cette technique est spécifique aux chenilles/larves qui sont consommables dans le court terme (maximum deux semaines).

Modes de préparation: Trois modes de préparation sont généralement utilisés. Le premier concerne les chenilles/larves fraîches. Le contenu de l’abdomen une fois vidé, les chenilles/larves sont lavées puis cuites avec des condiments (y compris l’huile, l’huile de palme étant préférée).

Le deuxième concerne les chenilles/larves séchées ou boucanées. Après être lavées, elles sont cuites et mélangées avec des brèdes hachées dans la pâte d’arachide ou d’autres graines oléagineuses.

La troisième technique est spécifique à l’espèce Anaphe spp. qui est velue. Elle est obligatoirement passée à la braise dans un récipient contenant du charbon incandescent jusqu’à ce que tous les poils soient éliminés. Elle est ensuite lavée avant cuisson. Une cuisson longue (environ une heure) est recommandée avant d’y ajouter d’autres ingrédients (pâte d’arachide, huile, légumes, etc.). Le Gnetum africanum ou bucholzianum est fréquemment utilisé.

Economies réalisées: Selon les enquêtes, les consommateurs affirment que pendant la période de mi-juin à septembre de chaque année, lorsque les chenilles/larves inondent les marchés, il est plus économique de s’alimenter avec cette ressource dont le prix est abordable que de viande de bœuf ou de brousse, qui est rare. En effet, pour un ménage constitué de sept personnes, à valeur égale d’ingrédients, il faut 2 500 FCFA de viande bovine, alors qu’avec 1 000 FCFA, le même ménage peut satisfaire ses besoins en se procurant des chenilles/larves pour la journée. Cette comparaison est valable tant en ville qu’en zone de production. Les ménages réalisent des économies en consommant des chenilles/larves plutôt que de la viande de boucherie ou de brousse de la mi-juin à septembre.

2.2.4 Evaluation des flux et organisation des marchés de chenilles/larves

Evaluation des échanges

La zone de production des chenilles/larves est la forêt productive du sud-ouest de la RCA qui couvre une superficie de 3,5 millions d’hectares et celle, non encore exploitable (forêt de Bangassou), répartie sur 1,5 million d’hectares. Certaines galeries et savanes spécifiques en fournissent également. En fin d’activité quotidienne, les ramasseurs de chenilles/larves de forêt, vendent leur production aux grossistes qui les attendent dans les villages. Ces grossistes, en majorité des femmes, se rendent à l’entrée des villes où attendent les intermédiaires qui marchandent le prix en utilisant différents moyens de transport (taxi brousse, poussette, etc.). Les intermédiaires, en majorité des vendeurs, commercialisent les chenilles/larves sur les marchés. Certains commerçants viennent les acheter depuis Bangui pour ravitailler les villes non productrices. En ce qui concerne les chenilles/larves de savane, les récolteurs grossistes et intermédiaires assurent les échanges localement.

Evaluation de la consommation des chenilles/larves

Le suivi de la consommation des chenilles/larves au niveau de 10 ménages de Ngotto, de 1996 à 2002, entre mi-juin et fin septembre, a permis d’estimer les besoins quotidiens par personne et par jour. Sur un laps de temps de 105 jours d’alimentation, les chenilles/larves sont consommées (deux repas par jour) durant 90 jours, soit 84 pour cent du temps. Au-delà de cette période, la consommation de chenilles/larves est hebdomadaire. Les besoins quotidiens par personne et par jour évoluent en fonction de la période.

Du 15 juin au 30 septembre, une personne consomme environ 42 chenilles/larves fraîches par jour. Le poids moyen de la chenille/larve fraîche étant de 3,25 g, une personne consomme ainsi 136,50 g de chenilles/larves fraîches par jour. Au stade sec, la chenille/larve pèse environ 1,7 g et le besoin par personne est de 50 chenilles/larves, ce qui équivaut à 83 g/personne/jour. Au-delà de la période mentionnée, le besoin quotidien par personne et par jour est très réduit en ce qui concerne les chenilles/larves séchées.

Provenance: Les chenilles/larves proviennent en grande partie de la forêt de production située dans le sud-ouest de la RCA, de certaines galeries forestières, et pour une faible quantité, de la forêt non exploitable de Bangassou. Celles de savane proviennent de la ville de Bouar et de certaines savanes arbustives du centre et nord du pays.

Evaluation des exportations: Les chenilles/larves exportées vers certains pays de la CEMAC et de l’Europe sont séchées ou boucanées. La taxe d’exportation en vigueur est de 2 000 FCFA par colis de 20 kg. Cette taxe est perçue par les services phytosanitaires présents à l’aéroport et au niveau des villes frontalières. Le circuit d’exportation des chenilles/larves part des villes frontalières par la route, les voies fluviales et aériennes, pour arriver au niveau des consommateurs. La République du Congo, le Nigéria, le Soudan et le Tchad sont les principaux importateurs de chenilles/larves comestibles centrafricaines. Viennent ensuite la Belgique et la France. Les quantités exportées sont relativement faibles.

Niveau de production: D’après une estimation de la biomasse de chenilles/larves effectuée dans la réserve de biosphère de la Basse-Lobaye par Bahuchet, il y aurait au moins 2 kg de chenilles/larves de forêt récoltables par hectare soit 200 kg par km2. L’étude quantitative de la production des chenilles/larves réalisée sur les layons 5, 4, 14 et 16 du PEA 169 (forêt de Ngotto) entre 1995 à 2001 confirme les résultats ci-dessus. Il faut préciser que la production de chenilles/larves est bonne lorsque la pluie est abondante et répartie régulièrement sur toute l’année.

Organisation du marché et circuit de commercialisation

Organisation du marché

Les chenilles/larves ramassées dans la zone de production ne sont pas toutes destinées à l’autoconsommation. Une grande partie est envoyée sur les marchés intérieurs par des récolteurs et grossistes qui les achètent au voisinage des forêts ou dans les villages riverains. Les récolteurs sont constitués d’hommes, femmes et enfants, alors que les grossistes sont principalement des femmes. Les intermédiaires, constitués de femmes, attendent les grossistes à l’entrée des villes où ils marchandent les prix. Sur les marchés, ce sont les vendeurs, exclusivement des femmes et des jeunes filles (âgées de 10 à 17 ans), qui vendent les chenilles/larves en tas. Les jeunes filles procèdent à une vente ambulante alors que les femmes exposent les chenilles sur les stands. Les jeunes filles sillonnent également les quartiers pour les vendre aux consommateurs. Pour vendre sur un stand, les femmes paient quotidiennement la taxe habituelle de 50 FCFA, moyennant une quittance. Cette taxe est gérée par la commune de Bangui.

Circuit de commercialisation

Après la récolte de chenilles, les pygmées organisent quotidiennement un marché de troc à la lisière des forêts, en fin de journée, en échange de farine de manioc, de sel, savon, alcool de maïs, etc. Les chenilles/larves ainsi troquées arrivent en ville (par le biais des grossistes, intermédiaires et vendeuses) pour la vente. En ce qui concerne les chenilles/larves fraîches, certaines commerçantes s’organisent en groupement. Elles louent quotidiennement des véhicules (sur un rayon de 400 km autour de Bangui) et arrivent à Bangui en début d’après-midi. Sur le marché de Kokoro (situé à 5 km de Bangui), elles en achètent en quantité suffisante, les font ébouillanter dans la soirée, et le lendemain, elles repartent dans leurs villes respectives où les consommateurs les attendent, certains honorant leurs commandes à l’avance.

Le prix des chenilles/larves varie en fonction de la quantité offerte sur le marché, de la période de production et du lieu de vente. Les prix sont très élevés au niveau des villes minières même si celles-ci sont productrices de chenilles/larves. La production de chenilles/larves est concentrée au niveau de la capitale Bangui. Si les prix s’avèrent abordables à Bangui, au fur et à mesure que l’on s’en éloigne, les prix augmentent en fonction du coût de transport, de séjour des commerçantes, etc.

Tableau 17: Evolution du prix de vente des chenilles fraîches dans les principales villes de RCA
(prix au kg en FCFA)

Villes

Distance par rapport à Bangui

 

Début de saison

   

Mi-saison

   

Fin de saison

 
 

(km)

Cueilleurs

Interne

Marché

Cueilleurs

Interne

Marché

Cueilleurs

Interne

Marché

Bangui

100

4 000

5 000

6 000

3 000

4 000

5 000

2 000

3 000

4 000

Mbaiki

------

3 000

4 000

5 000

2 000

2 500

3 000

1 500

2 000

2 500

Boda

60

------

6 000

8 000

------

5 000

6 500

------

4 000

5 000

Mongoumba

------

2 500

3 000

4 000

1 750

2 000

3 500

1 000

1 500

2 000

Nola

------

2 000

3 000

4 500

1 750

2 500

3 500

1 250

2 000

3 500

Bambio

------

1 750

2 000

2 500

1 300

1 800

2 250

1 000

1 500

2 000

Bossembele

260

------

5 000

6 000

------

4 000

5 000

------

3 500

4 000

Yaloke

325

------

5 500

6 500

------

4 500

5 500

------

4 000

5 000

Bouar

650

------

4 000

5 000

------

3 000

4 000

------

2 500

3 000

Bambari

490

------

6 000

7 000

------

5 000

6 000

------

4 000

5 000

Sibut

290

------

4 000

5 000

------

3 000

4 000

-------

2 500

3 000

Kaga-Bandoro

440

------

5 000

6 500

------

4 000

5 000

------

3 500

4 500

Damara

175

------

4 000

5 000

------

3 000

4 000

------

2 500

3 500

Bossangoa

440

------

6 000

7 000

------

5 000

6 000

------

4 000

5 000

Berberati

------

5 000

7 500

9 000

4 000

6 500

8 000

3 500

6 000

7 000

Carnot

100

------

8 000

10 000

------

7 000

9 000

------

6 000

8 000

Mongoumba

------

2 500

3 000

4 500

2 000

2 500

3 000

2 000

2 500

3 000

Ngotto

------

3 000

4 000

5 000

8 500

3 500

4 500

2 000

3 000

4 000

Boganda

130

3 500

4 500

5 500

3 000

4 000

5 000

3 000

4 500

6 000

Source: Travaux de recherches de Georges N’Gasse.

Estimation de la marge bénéficiaire

Le suivi d’une commerçante de chenilles/larves de 1996 à 2002, de la mi-juin à fin septembre, donne les résultats du Tableau 19.

Tableau 18: Evolution des prix des chenilles/larves séchées

Contenance

Poids

Pays

Prix d’achat(FCFA)

Prix de vente en gros (FCFA)

Prix de vente au détail (FCFA)

Pot
(4,3 litres)

1 kg

RCA

1 000

1 500

1 800

       

Cuvette

12 kg

RCA

12 000

16 000

19 000

Rép. du Congo

18 000

28 000

36 000

Source: Résultats de l’enquête de Georges N’Gasse (1996-2002).

Il ressort de l’enquête que la commerçante achète et vend au moins deux cuvettes de chenilles/larves à l’état sec par jour. Elle a l’habitude d’acheter les chenilles/larves sèches à Pissa (70 km de Bangui) ou dans ses environs. Si elle achète et vend deux cuvettes de chenilles/larves séchées quotidiennement, ses dépenses et recettes sont les suivantes.

Tableau 19: Evolution des prix des chenilles/larves séchées (exemple)

Etat des dépenses (FCFA)

Achat de 2 cuvettes: 1 200 FCFA x 2

Transport aller-retour: 1 000 FCFA x 2

Taxe transport: 2 cuvettes x 250 FCFA

Total des dépenses

24 000 FCFA

2 000

500 FCFA

27 350 FCFA

Recettes (FCFA)

Vente de 2 cuvettes: 16 000 FCFA x 2

Estimation de la marge bénéficiaire 32 000-27 350

32 000 FCFA

4 650 FCFA par jour

A l’exception du dimanche où elle se repose, elle exerce son activité pendant 26 jours par mois. La marge bénéficiaire mensuelle est estimée à 4 650 FCFA x 26 jours = 120 900 FCFA. Ce montant (120 900 FCFA) est supérieur au salaire mensuel d’un fonctionnaire (haut cadre) de RCA. Au bout de trois mois, cette commerçante réalise environ 362 700 FCFA de bénéfices, ce qui contribue largement à l’augmentation du revenu de son ménage. Il s’avère que pendant la période de collecte des chenilles/larves, des milliers de femmes s’y adonnent. Le cas de cette commerçante qui abandonne toute activité commerciale durant juin à septembre de chaque année pour ne s’intéresser qu’à l’achat et la vente de chenilles/larves (ceci de 1996 à 2002) est remarquable. Une telle pratique contribue efficacement à l’augmentation du revenu de plusieurs ménages et améliore également le niveau de vie des populations dans la mesure où des milliers de familles s’y intéressent.

2.2.5 Recommandations

Dans les pays du Bassin du Congo, la tendance est d’orienter la conservation des ressources naturelles en tant qu’outil de développement. Dans cette logique, les activités d’écodéveloppement en faveur des communautés riveraines aux aires gérées durablement doivent s’appuyer sur une série d’activités alternatives apportant des revenus et améliorant la sécurité alimentaire. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d’utiliser les connaissances traditionnelles sur l’écosystème forestier et de les intégrer dans les programmes de gestion.

La satisfaction des besoins en protéines animales est lié à l’approvisionnement des villes en gibier qui est difficile, du fait de la surexploitation et du braconnage généralisés de cette ressource. La grande diversité des PFNL sur l’ensemble du territoire constitue donc une ressource alternative. Les chenilles/larves riches en matières grasses et protéines animales, sont très appréciées par les populations et se trouvent d’ailleurs sur tous les marchés du pays au stade frais, séché ou fumé.

Vente des chenilles comestibles par les femmes sur un marché (N’Gasse)

La gestion durable des chenilles/larves nécessite une connaissance scientifique de leur dynamique alors qu’actuellement, les cycles de développement des principales chenilles/larves comestibles de la RCA et la maîtrise de la floraison des arbres nourriciers demeurent mal connus. La non-maîtrise de la dynamique de chaque espèce de chenille/larve issue de la métamorphose du papillon et la surpopulation peuvent entraîner un déséquilibre environnemental.

Les deux principales recommandations afin d’intégrer ces ressources dans le circuit d’activités formelles susceptibles de générer des revenus aux populations et de compléter leurs besoins en protéines animales sont:

La notion de système agroforestier se répand de plus en plus en Afrique. Ce système de gestion permet de constituer des milliers de km2 de jardins forestiers qui apportent à leurs gestionnaires les produits de vente dont les citadins sont amateurs. A terme, l’émergence de nouveaux types d’agroforêts à usages multiples pourrait être vulgarisée dans les zones productrices de chenilles/larves. Le problème de la culture d’arbres parasités une fois résolu, ces agroforêts basées sur les espèces locales (hôtes des chenilles/larves) au voisinage des villes, en utilisant des techniques adaptées aux différentes conditions, ainsi que le Gnetum sp. (dont les produits sont actuellement prélevés en milieu naturel), assureront non seulement le maintien d’un environnement diversifié et renouvelable, mais aussi l’utilisation durable des ressources issues de ces agroforêts.

Les essais et travaux d’aménagement qui ont eu lieu dans le Bassin du Congo, n’ont tenu compte ni des PFNL ni des aspirations des populations riveraines. Pourtant, il ressort clairement que les animaux sauvages (PFNL d’origine animale), en se nourrissant du nectar des fleurs, des arbres fruitiers de ces forêts ou de leurs fruits (PFNL d’origine végétale), entretiennent et maintiennent la dynamique forestière à travers la pollinisation, la frugivore et la dispersion des diaspores. Par conséquent, l’intégration dans tout processus d’aménagement d’un massif forestier des PFNL est un passage obligé en vue de rencontrer l’adhésion des populations riveraines.

Conclusion

Parmi les ressources naturelles qui génèrent des revenus et améliorent la sécurité alimentaire des populations du Bassin du Congo, les PFNL occupent une part très importante mais de manière informelle. Parmi ces PFNL, les chenilles/larves comestibles occupent une place non négligeable, en particulier en RCA. La diversité des écosystèmes de la RCA prédispose ce pays qui possède d’innombrables PFNL à fournir des services de tout genre aux centrafricains.

Les forêts de production de ligneux, les galeries forestières et les différentes savanes réparties au niveau national sont des écosystèmes fournissant gracieusement diverses chenilles/larves riches en graisse et protéines animales. Les chenilles sont omniprésentes sur tous les marchés de la RCA au stade frais, séché ou boucané selon la saison. La période de forte production s’échelonne entre juillet et août de chaque année. Environ 85 pour cent des centrafricains consomment des chenilles/larves au stade frais, séché ou boucané. La demande est normalement très importante en juillet. A la mi-période de production, le prix est bas alors qu’en début et fin de période, le prix est élevé.

Les femmes de RCA sont fortement impliquées dans les activités de ramassage et de vente de cette ressource qui, non seulement améliore leur revenu de manière informelle, mais contribue aussi à satisfaire les besoins de milliers de personnes en protéines animales.

En favorisant la gestion de ces ressources et le développement d’une économie de marché des PFNL en général, et des chenilles/larves en particulier, il est possible, après avoir maîtrisé la coévolution chenilles comestibles/arbres nourriciers, de vulgariser les agroforêts au voisinage des villages comprenant des arbres hôtes d’espèces comestibles dont les produits sont prélevés dans le milieu naturel, tout en assurant le maintien d’un environnement diversifié et renouvelable.

Références bibliographiques de l’étude de cas sur la République centrafricaine

CANOPÉE. 1995. No 4, janvier, pp. 7-8.

CE-FAO. 1998-2001. Résumés techniques du Programme de partenariat et étude prospective du secteur forestier en Afrique.

Hladik, A. 1994. Rapport sur la valorisation des produits de la forêt de Ngotto autres que le bois d’œuvre. p. 10, 12, 15.

Ministère de l’économie et du plan de coopération internationale, RCA. 2003. Plan sectoriel de lutte contre la pauvreté: secteur forêt/environnement (mai 2003). p. 16.

N’Gasse, G. 1998. La chenille/larve comestible Imbrasia oyemensis: un produit forestier non ligneux de la forêt de Ngotto. Co-publication CIFOR.

Plan directeur agricole de la RCA. 2002. Résumé sur les ressources forestières et fauniques. p. 5.

2.3. République démocratique du Congo: Contribution de l’exploitation des chenilles et autres larves comestibles dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté en République démocratique du Congo par Monzambe Mapunzu

Remerciements

Cet ouvrage a été réalisé avec la collaboration de Jean-Jacques Boemu Lipemba, Narcisse Mayitu Katambay et John Muyuku Sanana. Nous remercions sincèrement tous ceux qui ont de près ou de loin contribué à la réalisation de cette étude, en particulier la FAO qui a initié et financé l’étude; les autorités du Ministère de l’environnement, des affaires foncières, de la conservation de la nature, des pêches et forêts, notamment Son Excellence le Ministre et le Secrétaire général à l’environnement et à la conservation de la nature pour la confiance qu’ils ont bien voulu nous témoigner; et enfin, toutes les personnes ressources qui ont fourni des informations.

Résumé

Dans le but d’évaluer la contribution de la récolte des chenilles et larves comestibles aux efforts de lutte contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté en République démocratique du Congo (RDC), une enquête a été réalisée à Kinshasa. Kinshasa est un marché de chenilles et de larves comestibles important puisque 70 pour cent des kinois consomment des insectes, principalement en raison de leur valeur alimentaire (teneur élevée en protéines d’environ 55 pour cent, supérieure au soja, spectre intéressant en acides aminés, teneur élevée en vitamines, sels minéraux, acides gras indispensables, etc.), mais également pour leur goût ou habitudes alimentaires. Le marché de Kinshasa est permanent, les chenilles et autres larves étant commercialisées durant 10 mois par an grâce aux approvisionnements estimés à 13 440 tonnes de chenilles, de l’Equateur (64 %), de Bandundu (24 %) et des autres provinces (12 %).

La diversité ethnique des personnes interrogées associée à l’absence d’une documentation appropriée, n’a pas facilité l’inventaire des nombreuses espèces de chenilles dans les provinces du pays. Ce travail reste donc ouvert aux chercheurs. Bien que cette activité économique ne soit pas organisée et structurée, les grossistes et les détaillants réalisent des bénéfices au détriment des producteurs. Il existe de nombreux intermédiaires entre le producteur et le consommateur.

Un grand nombre de facteurs limitent le développement de ce secteur: crise politico-économique, politique de développement rural inexistante ou inadaptée, manque d’organisation du circuit de commercialisation, difficulté de l’opération de récolte des chenilles.

La récolte des chenilles se fait souvent par abattage des plantes hôtes et la disparition de certaines espèces de chenilles en est une des conséquences négatives. Dans la situation actuelle, l’impact socioéconomique est faible malgré les créneaux potentiels que peuvent permettre le marché et les impératifs de la mondialisation. En conséquence, il a été proposé que l’appui approprié à la gestion durable des chenilles/larves soit apporté dans le cadre général de l’aménagement intégré du territoire en adoptant des approches systémiques et de cogestion.

Introduction

Depuis l’accession de la RDC à l’indépendance en 1960, la recherche de l’autosuffisance alimentaire a toujours été l’objet principal de sa politique agricole. Malheureusement, la détérioration de l’environnement politique concourt défavorablement à la stabilité socioéconomique de la RDC.

En effet, le Rapport mondial sur le développement humain 2002, publié cette année sous le thème «Approfondir la démocratie dans un monde fragmenté» prouve que la RDC est, et demeure, un des pays à faible développement humain. Elle est d’ailleurs classée 155ème sur 173 avec un indicateur de développement humain de 0,431 (2002). Ce rapport précise, en outre, que 64 pour cent des congolais souffrent encore de la malnutrition; 55 pour cent sont privés d’eau; 35 pour cent des enfants nés entre 1995 et 2000 risquent de ne pas atteindre l’âge de 40 ans et enfin, un congolais vit en moyenne avec 400 dollars EU/an.

Concernant le nombre de repas que peuvent prendre les ménages de Kinshasa par exemple, 9 à 11 pour cent des ménages se nourrissent trois fois par jour, 52 à 64 pour cent mangent deux fois par jour, et le reste (25 à 39 %) se nourrit une fois ou pas du tout par jour (Kakonde et Tollen, 2001). La même étude rapporte l’évaluation effectuée par la FAO auprès de 39 centres de santé de Kinshasa bénéficiant de l’aide alimentaire et montre que le nombre d’enfants hospitalisés pour malnutrition aiguë et sévère a triplé entre décembre 1998 et février 1999.

Les études menées avant les différentes guerres en RDC (de 1997 à ce jour) ont montré que la malnutrition aiguë sévère et la malnutrition aiguë modérée s’élèvaient déjà respectivement à 2 pour cent et 6 pour cent dans la ville de Kinshasa pendant la période de 1991 à 1997 (Gossens et al., 1994). De même, on note la résurgence de plusieurs épidémies pratiquement éradiquées ou maîtrisées pendant la même période de 1991 à 1997, telles que l’ébola, rougeole, diarrhée rouge, dysenterie, trypanosomiase, fièvre typhoïde, tuberculose, paludisme, maladies sexuellement transmissibles (Kakonde et Tollens, 2001). Avec les effets néfastes des deux guerres qu’a connue la RDC, la guerre de libération et la rébellion, la situation sociale de la population congolaise s’est empirée.

De toute évidence, le problème de l’insécurité alimentaire est lié aux disponibilités alimentaires, à la stabilité de ces disponibilités et à l’accès aux disponibilités, ainsi qu’à celui de la pauvreté. Ce degré fort avancé de sous-développement, et donc de pauvreté (monétaire et humaine) des congolais, contraste avec l’immensité des ressources naturelles localisées sur leur territoire, à savoir:

Des efforts doivent être fournis pour sortir la RDC de cette crise multiforme. Parmi les solutions plus immédiates, moins chères et culturellement appréciables, la valorisation des produits forestiers non ligneux (PFNL), produits exploités depuis des temps immémoriaux, est de plus en plus évoquée. Une étude récente vient par exemple d’évaluer qu’environ 8 tonnes de chenilles sont exportées en Belgique et en France à partir de la RDC (Tabuna, 2000). En plus de la consommation à Kinshasa et dans les provinces, on peut supposer que cette catégorie de produits est importante.

C’est dans ce contexte que cette enquête, initiée par la FAO, vise à connaître la contribution de l’exploitation des chenilles et autres larves comestibles dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté en RDC. Elle a été effectuée à Kinshasa d’octobre à décembre 2002.

Méthodologie employée pour l’enquête

Elaboration du questionnaire: Les informations recherchées ont été obtenues à partir d’une série d’enquêtes:

Echantillonnage: Pour le questionnaire n° 1, les personnes interrogées ont été choisies par tirage au sort à différents degrés et ce, conformément aux normes en matière d’enquête (échantillonnage aléatoire et représentatif). La ville de Kinshasa étant constituée administrativement de 24 communes, 12 communes (50 %) ont été tirées au hasard dans une urne dans laquelle ont été introduits les noms de toutes les communes de la capitale. Au niveau de chaque commune, les quartiers et les rues ont été choisis selon la même procédure puis 50 personnes ont été interrogées (soit 50 ménages) par commune ce qui représente un total de 600 personnes ou 600 ménages. Pour les questionnaires 2 et 3, 45 grossistes et 300 détaillants ont été interrogés à partir des 5 plus grands marchés de Kinshasa: Grand marché, Rond point Ngaba, Masina, Kingasani, Ports Kingabwa. Le questionnaire ayant été préalablement rédigé en français, la stratégie de l’interview directe entre enquêteur et interviewé a été adoptée afin de tenir compte du faible niveau d’instruction de la population.

Dépouillement de l’enquête et critère d’évaluation: Après l’enquête, les fiches ont été dépouillées pour analyser les différentes réponses obtenues. Le pourcentage, traduisant la catégorisation des réponses, a été retenu comme critère d’évaluation afin de mieux appréhender les données. Les prix ont été évalués en FCFA et convertis en dollars EU avec une parité de 1 $EU = 390 FCFA.

Présentation du site de l’étude: Kinshasa

Situation géographique: La région urbaine de Kinshasa est comprise entre 4° 18’ et 4° 25’ de latitude Sud et 15° 15’ et 15° 22’ de longitude Est. Elle occupe une très grande étendue de plaines bordées de collines (9 963,2 km² de superficie) (Pain, 1979).

Climat: Les températures moyennes mensuelles varient entre 24,5 et 25 °C (21,2 à 23,7 °C au cours de la saison sèche en juillet et 26 à 27 °C vers la fin de la saison des pluies en février ou avril). La moyenne de la hauteur totale des précipitations des 10 dernières années à Kinshasa s’élève à 1 588,3 mm. Au cours de la même période, l’humidité relative moyenne de l’air a été de 78,8 pour cent.

Végétation: La forêt, qui couvrait 70 pour cent de la superficie de Kinshasa en 1954, est passée à 1 pour cent en 1968. Au cours de la même année, la dégradation de la végétation est passée de 8,5 à 15 pour cent. La végétation arbustive a été remplacée par la savane suite à l’action anthropique de l’homme.

Population: La population de Kinshasa est répartie dans 24 communes administratives, avec une population d’environ 8 millions d’habitants. Aujourd’hui, la densité de la population de Kinshasa peut avoisiner 600 habitants/km² compte tenu de l’exode rural continu et de tous ceux qui fuient les guerres de rébellion en RDC. Tous les groupes y sont représentés, avec une prédominance de populations originaires du Bas-Congo et de Bandundu qui ont des facilités pour accéder à Kinshasa à tout moment.

2.3.1 Les chenilles/larves comestibles de la RDC

Identification et inventaire des chenilles et autres larves

Chenilles

Les noms des chenilles et de leurs plantes hôtes (noms vernaculaires et scientifiques) sont présentés en annexe de cette étude de cas, pour chaque province du pays. L’absence d’une documentation appropriée et la grande diversité ethnique (+ 450 ethnies en RDC) n’ont pas permis de préciser les chenilles spécifiques à chaque province.

Autres larves comestibles

L’enquête a révélé l’existence de trois autres larves comestibles en RDC: «Mpose» ou larves de rynchophorus, les «Makokolo» ou larves de Augosoma centurus, et les larves de termites. Ces larves sont quantitativement moins importantes bien que les deux premières soient très appréciées par la population. Cependant, étant nuisibles aux plantes cultivées, leur développement risque d’handicaper la productivité de leurs plantes hôtes.

2.3.2 Description des principales espèces de chenilles commercialisées

Parmi la multitude de chenilles connues et consommées en RDC, les quatre espèces suivantes sont les plus appréciées et commercialisées tant dans l’arrière-pays que dans la capitale Kinshasa: Cirina forda, Imbrasia epimethea, Imbrasia ertli, Imbrasia oyemensis.

Cirina forda Westwood

Il s’agit d’un papillon de la famille des attacidae (ou saturniidae) de l’ordre des lépidoptères. La chenille se reconnaît par la présence de verrues à nombreux poils, une tête non rétractile pourvue d’une capsule céphalique bien distincte, brunâtre, des stigmates noirs sur certains des segments abdominaux, et un corps recouvert de longs poils blancs.

Dans le Bas-Congo, on trouve la chenille parasite Crossopteryx febrifuga (Kigala). A Kavwaya (Bas-Congo), on récolte les chenilles de Cirina forda sur Acacia auriculiformis (plante exotique de reboisement) de novembre à janvier.

Malaise (1997) signale que cette espèce est largement présente en Afrique centrale: elle est consommée en République centrafricaine, en Afrique du Sud et au Zimbabwe. En RDC, la chenille de Cirina forda est connue sous le nom vernaculaire de N’gala (Kikongo du Bas-Congo); Mikwati et mingolo (Bandundu); Ngbanda-ngbanda (Lingala: Ngombe à l’Equateur), Mukoso (Kibemba au Katanga). L’apparition de ces chenilles correspond à la saison des pluies.

Imbrasia epimethea

Cette espèce appartient à la famille des Attacidae. La chenille possède une tête non rétractile, une capsule céphalique rouge brun, un corps pourvu de petites épines rouges, des soies blanches sur le corps et sur les tubercules, des pattes thoraciques noires et des stigmates noirs sur les segments abdominaux. Ses plantes hôtes sont Entadrophragma angolense (Likoy); Erythrophleum guineense (Ngbanda) dans la province de l’Equateur et Erythropheum suaveolsens, E. africanus, Julbernardia paniculata et Afzelia quanzensis au Katanga. Imbrasia epimethea se rencontre donc aussi bien en forêt dense qu’en forêt claire situées respectivement dans les territoires phytogéographiques zambézien et Forestier central (Robyns, 1948).

Imbrasia ertli Rebel

La chenille d’Imbrasia ertli est inerme; corps noir, poils blanc-jaunâtres, tête et écusson anal bruns rougeâtres. Son nom de Mbinzo (ou Sö) en lingala et autres dialectes de la province de l’Equateur (Forestier central) est synonyme de «chenille». Petersianthus macrocarpus est l’unique plante hôte citée.

Dans le Bas-Congo, où elle est connue sous l’appellation de Mvinzu, elle se nourrit de feuilles de Holarrhena floribunda, Petersianthus macrocarpus, Ricinodendron heudelotii, Funtumia africana et Acacia auriculiformis. Dans la savane guinéenne, au Bandundu, elle porte le nom de Misa, Misamisa ou Misati (beaucoup de dialectes locaux) et Miasakelende (en Tshiluba) aux Kasaï.

La présence de Imbrasia ertli n’est pas signalée dans le territoire zambézien (Katanga). Cependant Hladik et al. (1996) signalent la présence de Imbrasia oyemensis et I. epimethea dans la forêt de la Lobaye (en RCA) inféodées à divers arbres caractéristiques des forêts du type semi-caducifolié.

Imbrasia oyemensis Rougeot (syn. Nudaurelia oyemensis)

Cette espèce appartient à la famille des Attacidae. Elle ressemble à Imbrasia epimethea. Le corps est vivement coloré, armé d’épines rouges à poils jaunes et blancs; la tête et l’écusson anal sont rouges.

Dans le Forestier central, la chenille d’Imbrasia oyemensis se nourrit de feuilles de Entandrophragma candollei Harms, de E. cylindricum (Kodondi et al., 1987). Dans le Bas-Congo, ses plantes hôtes sont Pentaclethra macrophylla, Macaranga monandra et quelquefois Acacia auriculiformis. Dans la savane guinéenne, cette chenille est connue sous le nom de Tumpekete (dialecte Tshiluba, Kasaï) et Makangu (dialecte Kiyaka, Kimbala, de Bandundu), tandis qu’à l’Equateur on la nomme Mboyo (ou Mbö en dialecte Ngombe). Sa dénomination de Minsendi dans le Bas-Congo, évoque ses épines et s’applique (avec épithète) à toutes les autres espèces du genre. Ni la littérature ni l’enquête n’ont fourni de renseignements sur la présence de Imbrasia oyemensis sur le territoire zambézien de la RDC.

2.3.3 Utilisation des chenilles/larves comestibles

Techniques de ramassage des chenilles et autres larves comestibles

En forêt, environ 65 pour cent des personnes interrogées ont reconnu que la récolte des chenilles s’effectue surtout par abattage de la plante hôte, ce qui permet de s’assurer de la récolte de la quasi-totalité des chenilles et de procéder à une récolte aisée au sol.

Environ 35 pour cent de cette récolte se fait également par ramassage. Par ailleurs, les chenilles processionnaires (Imbrasia ertli) connues sous l’appellation de Misa-Misa (Bandundu), M’Vinsu (Bas-Congo), Mbinzo (Equateur), Miasakelende (Tshiluba) ont un comportement particulier. Après une défoliation presque totale de l’arbre hôte, ces chenilles migrent collectivement du houppier vers le sol. Au cinquième ou sixième jour de leur migration, il est alors très aisé de les ramasser à hauteur de poitrine sur le tronc. Le Tableau 20 ci-dessous présente les modes de récolte en forêt des chenilles les plus commercialisées et consommées à Kinshasa.

   

Modes de récolte

Noms scientifiques

Noms vernaculaires

Abattage

Ramassage

Imbrasia epimethea

Kinzenze, Misa-Misa, Benkonzo, Mibwabwa, Okadjô

67,1 %

32,8 %

Imbrasia oyemensis

Minsendi, Makangu, Muanzankenlende, Bakango

65,0 %

35,0 %

Imbrasia ertli

Mvinsu, Misa, Mbinzo, Miasakelende

62,8 %

37,16 %

Moyenne

64,96 %

35,04 %

Dans les savanes boisées de Bandundu, la chenille dénommée Mingolo ou Mikuati est principalement récoltée par simple ramassage au sol ou sur Petersianthus macrocarpus. En savane herbeuse, les chenilles telles que les Tunzengelelle et autres sont ramassées sur Hyparrhenia diplandra. Quant aux autres larves comestibles (Makololo et Mpose), dont les plantes hôtes sont respectivement Elaeis guineensis et Raphia sese, leur présence dans le tronc desséché se manifeste par un crépitement. Ces larves fabriquent des cocons dans les troncs d’arbres. Pour les récolter aisément, l’abattage de l’arbre est recommandé. Les Makokolo, Augosoma centaurus sont également présents dans les troncs d’arbres desséchés d’autres espèces différentes d’Elaesis guineensis.

Impact de l’exploitation forestière sur les chenilles/larves comestibles

L’exploitation non rationnelle de la forêt a une influence négative sur la présence des chenilles. Le régime alimentaire des larves est souvent spécialisé. Certaines larves sont phytophages et d’autres sont détritiphages (Auge et Coll., 1960).

Il ressort des enquêtes que certaines espèces de chenilles sont devenues rares ou ont disparues en raison du système d’exploitation: par abattage incontrôlé des arbres (abattage proprement dit pour la récolte des chenilles) et du fait de la déforestation (recherche de la dendro-énergie, agriculture itinérante sur brûlis, recherche de bois d’œuvre, urbanisation, etc.).

Selon Auge et al. (1960), certaines chenilles se développent sur une, deux ou plusieurs espèces de plantes hôtes. Il existe aussi des plantes hôtes qui abritent plusieurs chenilles. Ainsi, dès lors que l’arbre hôte d’une espèce de chenilles est éliminé, cela constitue un handicap nutritionnel pour l’espèce. A titre d’exemple, 23 pour cent des personnes interrogées provenant de la province de Bandundu reconnaissent que les espèces de chenilles Mbual, Nkoupour, Nsangil, Miseka, Mimbimbi et Minko ont disparu ou sont en voie de disparition. Pour les autres provinces, 7,25 pour cent des ressortissants du Bas-Congo reconnaissent la rareté ou la disparition des espèces Ndianga, Mbwenge, Fundi et Sindi; l’espèce Tumpekete pour environ 8,7 pour cent des personnes interrogées ressortissant du Kasaï-Oriental et environ 2,5 pour cent du Maniema pour l’espèce Misaba.

Le Tableau 21 présente les opinions des personnes interrogées sur les raisons qui conduisent à la disparition des chenilles dans certaines provinces du pays.

Tableau 21: Causes de disparition des chenilles dans certaines provinces de la RDC

Il montre que le taux d’abattage des arbres hôtes est élevé dans les provinces de Bandundu (49 %), du Kasaï oriental (15,5 %) et du Bas-Congo (13,5 %). Les conséquences de cet abattage des arbres hôtes se manifestent déjà par la disparition de certaines chenilles, fait que révèlent 23 pour cent des personnes interrogées du Bandundu. Ce mode de récolte doit donc être proscrit pour éviter ces effets néfastes (Pomel et Salomon, 1998; Mercier, 1991).

Impacts socioéconomiques

L’exploitation des chenilles a des répercussions sur l’équilibre nutritionnel, l’environnement, la création d’emploi et sur le plan financier.

Consommation des chenilles et équilibre nutritionnel

Les chenilles contribuent à l’équilibre alimentaire dans la plupart des ménages congolais, suffisamment informés sur leur valeur protéique élevée: 70 pour cent des personnes interrogées reconnaissent manger des chenilles et 65 pour cent les consomment en raison de leur valeur nutritive, 59,2 pour cent pour leur goût et 44 pour cent par simple habitude alimentaire.

 

Argument en faceur de la consommation des chenilles

Catégories

Valeur nutritive

Goût

Habitude alimentaire

 

Personnes interrogées

Taux

Personnes interrogées

Taux

Personnes interrogées

Taux

Hommes/

Femmes

(moyenne)

390

65 %

357

59,5 %

263

43,9 %

Malaisse (1997) a montré que les teneurs protéiques élevées et lipidiques très acceptables font des chenilles un aliment très énergétique. Pour un total de 24 espèces de chenilles analysées, la teneur protéique moyenne s’établit à 63,5 + 9,0 pour cent du poids sec; la moyenne lipidique se situe à 15,7 pour cent + 6,3 pour cent et la valeur énergétique moyenne est de 475 + 32 kcal pour 100 g de matière sèche. Il a démontré que les espèces Buneopsis aurantiaca, Cinabra hyperbius, Gonimbrasia michelmanni et Imbrasia macrothyris ont une teneur moyenne très élevée en protéines et peuvent être recommandées pour la lutte contre la malnutrition protéique.

Mbemba et Remacle (1992) confirment que les chenilles Tunzengelele et Mingolo (Cirina forda), ramassées dans la savane du Kwango-kwilu, contiennent respectivement 51,3 pour cent de protéines en matière sèche et 13,09 pour cent de protéines en matière fraîche. Ils indiquent que les larves Makokolo (Augosoma centaurus) appelées aussi Mafulu (dans le Bandundu), présentent une teneur en protéines équivalente à 14,9 pour cent de matière fraîche, alors que les Maningu (larves des termites) renferment environ 30,33 pour cent de protéines en matière fraîche et peuvent être utilisées dans la lutte contre la malnutrition protéique.

Quant aux vitamines contenues dans les chenilles, la consommation journalière de 50 g de chenilles fumées couvrirait aisément les besoins humains en riboflavine et en acide pantothénique, et environ 30 pour cent de ceux en niacine (Malaisse, 1997). Kodondi et al. (1987) confirment les résultats de Malaisse car, selon les valeurs des besoins journaliers établies par le National Research Council s’appliquant aux adultes pas trop actifs, 50 g d’Imbrasia truncata fumée couvriraient au-delà de 100 pour cent du besoin en riboflavine et en acide pantothénique et 32 pour cent en niacine. Cette quantité de chenilles ne couvre pas le besoin en acide folique, en cyanocobalamine et en rétinol (0,5-5 %).

Kodondi et al. (1987) ont analysé trois espèces de chenilles récoltées dans la province de l’Equateur (Nudaurelia oyemensis, Imbrasia truncata, Imbrassia epimethea) qui contiennent respectivement 56,8 + 1,8 g, 60,0 + 1,0 g et 58,1 + 10 g, soit une moyenne de 58,3 g de protéines dans 100 g de chenilles fumées. Ces résultats ne s’éloignent pas de ceux obtenus par Malaisse, Mbemba et Remacle.

Malaisse (1997) a également démontré la valeur alimentaire des chenilles. Ces dernières contiennent non seulement des acides gras indispensables pour l’homme (acides linoléique et arachidonique), mais les acides aminés indispensables des chenilles dépasse ceux de l’œuf (considérés comme protéines de référence). Les protéines des chenilles ont donc une forte valeur (Cheftel et al., 1983).

Comportement et préférences alimentaires

Les quatre espèces de chenilles les plus vendues et préférées à Kinshasa sont présentées dans le Tableau 23.

Chenilles ou plantes hôtes

Appellations

 

Province de Bas-Congo

Province de Bandundu

Province de l’Equateur

Province duoriental

Province du Kasaïoccidental

1. Imbrasia epimethea

2. Cirina forda

3. Imbrasia ertli

4. Imbrasia oyemensis

Kinzenze

Ngala

Mvinsu

Minsendi

Misa

Mingolo

Mikuati

Mindolo

Misa

Makangu

Mibua

Minsiena

Benkenzo

Mponi

Ngbanda-ngbanda

Benkata

Mbinzo

Bakango

Mboyo

Mibwabwa

Mansamba

Bimayi

Tumpekete

Okadjô

Mansaka

Wédi

Elanga

Aliment médicament

La chenille Sani (Bas-Congo), appelée Mibamba dans le Bandundu, est une espèce appréciée par les diabétiques pour son goût amer. Sa plante hôte est le Caloncoba welwitschii. Cette espèce de chenille peut être considérée comme un médicament.

Prescriptions alimentaires

Les espèces de genre Linocodidae sp. et Tagoropsis flavinata riches en calcium, et Imbrasia epimathea, Imbrasia dione, Antheua insignata, riches en protéines, (Malaisse, 1997) peuvent être recommandées dans l’alimentation des femmes enceintes et qui allaitent. Les espèces Cinabra hyperbius et Imbrasia macrothyris, riches en fer (Malaisse, 1997), peuvent être recommandées aux personnes anémiques et femmes qui allaitent.

Aliment tabou

D’une manière générale, les congolais de l’ethnie Yombe du Bas-Fleuve (Bas-Congo), ne consomment pas les chenilles et les considèrent comme aliment tabou. Certains ont même peur de les toucher. Pendant la période de ramassage des chenilles dans leurs villages, les Bayombe évitent même de se rendre en forêt sous crainte de voir des chenilles en cours de route.

Aliment interdit

Chez les Luba, la chenille Tumpekete est interdite car elle transmet des maladies. Selon la tradition Rega dans le Maniema, une femme enceinte ne peut pas consommer le Misaba, car elle donne aux enfants de grosses dents. Dans la province de l’Equateur, les Batikatike et les Mpofumi sont deux espèces de chenilles interdites respectivement aux enfants et aux femmes.

Influence néfaste des chenilles sur l’environnement

Les chenilles se sont souvent nuisibles à l’environnement forestier. Elles dévorent les feuilles, les fleurs, les fruits et percent des galeries dans le bois. Les Mpose, Rhynchophorus phœnicis et Makokolo, Augosoma centaurus sont respectivement ennemis de Raphia sese et d’Elaesis guineensis (Anonyme, 1980). La présence de chenilles Mpose, Makokolo et leur mode de récolte (la coupe des branches) occasionne donc une exploitation abusive des forêts.

Mode de préparation des chenilles

Bien que les consommateurs préfèrent les chenilles à l’état frais, une bonne partie des chenilles des provinces de l’Equateur et du Bandundu sont vendues à Kinshasa à l’état séché. Environ 70 pour cent des kinois préparent les chenilles comme plat principal et un petit nombre seulement les mélangent aux légumes.

Conditionnement

Les résultats de nos enquêtes révèlent que le conditionnement et la conservation de chenilles dépendent des espèces et des provinces. Pour les Equatoriens, cette conservation est simple: les chenilles sont bouillies dans de l’eau salée pendant 30 à 45 mn, égouttées puis séchées au soleil pendant un à deux jours avant fumigation (séchage par la fumée). Séchées, elles se conservent dans de grands paniers ou écopes. Dans le Bandundu, après leur ramassage, les Mikuati ou Mingolo (Cirina forda) sont immédiatement plongées et remuées sur le feu, la chaleur favorisant l’évacuation de leurs déjections. Après avoir trié la braise, les chenilles sont séchées au soleil pendant 2 à 3 jours, puis conservées dans des paniers.

Impact économique

Les chenilles procurent un bien-être dans la gestion du ménage. Elles peuvent substituer beaucoup d’aliment de valeur nutritive élevée. Le commerce des chenilles offre des possibilités d’emploi aux congolais. Il contribue à l’équilibre économique et par conséquent à la réduction de la pauvreté. Selon notre enquête, la spéculation commerciale a révélé que le commence de chenilles est rentable, les marges commerciales enregistrées étant de plus de 100 pour cent. Le commerce au détail donne les mêmes bénéfices, raisons pour lesquelles le nombre de vendeuses ne fait qu’augmenter. De plus, au niveau national, l’organisation de la commercialisation peut procurer des devises à l’Etat.

Possibilité de domestication

L’agroforesterie est actuellement préconisée pour l’utilisation rationnelle des terres rurales ou pour la reconstitution forestière (Maldague, 2001). Depuis 1980, il existe un Projet de développement intégré (PDI) à Kavwaya, dans la province du Bas-Congo, qui effectue le reboisement à partir d’essences locales en intégration avec l’agriculture et l’apiculture. Plusieurs espèces ont fait l’objet de domestication (une cinquantaine) sur des étendues de plus de 500 ha. Les résultats sont encourageants, malgré les difficultés d’encadrement et de reproduction du matériel végétal. Les plantes hôtes concernées par la domestication sont Acacia auriculiformis, Antidesma membranaceum, Bridelia ripicola, Bridelia micrantha, Hymenocardia ulmoïdes, Milicia excelsa, etc.

2.3.4 Evaluation des flux et organisation des marchés de chenilles/larves comestibles

Evaluation des flux

La distribution des chenilles à Kinshasa, principalement en interaction avec les provinces pourvoyeuses de Kinshasa (Equateur et Bandundu), fait apparaître deux flux de sens contraire. En effet, à toute prestation correspond une contre-prestation. D’un côté, les commerçants de chenilles assurent l’approvisionnement de différents points de vente (parking dépôt et différents quais portuaires de Kinshasa) en empruntant des voies de communication comme les routes et voies fluviales. De l’autre, les grossistes et détaillants qui reçoivent les produits versent l’argent au producteur en règlement des prix obtenus, il y a donc création d’un flux monétaire avec un profit économique.

Evaluation des échanges

Evaluation de la consommation de Kinshasa: Considérant que la population de Kinshasa avoisine 8 millions d’habitants, 5,6 millions consomment les chenilles/larves, (soit 70 % selon les données de l’enquête). La taille des ménages étant de 7 personnes, 800 000 ménages consomment des chenilles à raison d’environ 300 g par ménage et par semaine, ce qui donne: 800 000 ménages x 300 g/ménage/semaine x 4 semaines x 10 mois de disponibilité = 9,6 tonnes consommées à Kinshasa pendant une année (essentiellement approvisionnées à partir des provinces). L’importance de cette activité se confirme par l’existence de 16 entrepôts dans la capitale.

Provenance des chenilles

Les chenilles arrivent à Kinshasa essentiellement par fleuve et routes, et quelques fois par avion. La majorité provient de l’Equateur (64 %) et des Bandundu (24 %) et des autres provinces (12 %). Le tableau ci-dessous présente les quantités fournies par province et leur disponibilité. La phytogéographie de la RDC et les différents climats du pays font que les chenilles sont présentes de manière quasi permanente sur le marché de Kinshasa (juin à mars).

Tableau 24: Périodicité et estimation des quantités offertes par province

Province de production

Période

Quantité (tonnes)

Valeur $EU

Bandundu

Sept., oct., nov., déc.

230

3 916 800

Kasaï-occidental

Juillet, août, sept.

576

979 200

Kasaï-oriental

Juillet, août

336

571 200

Kinshasa

Sept., oct., nov., déc.

48

81 600

Equateur

Juin, juillet, août, sept., oct., nov., déc., janv., fév., mars

6 336

10 771 200

Source: Enquête personnelle.

Evaluation des exportations

Les documents officiels consultés ne comportent aucune donnée sur l’exportation des chenilles/larves. Néanmoins, l’étude de Tabuna (2000) signale que la RDC a exporté 8 tonnes en Belgique et en France pour un montant de 106 000 $EU. A cela, il faut inclure les produits exportés vers les pays africains (République du Congo, RCA, etc.) dont les données ne sont pas disponibles.

Estimation de la production

Il est difficile d’évaluer actuellement la production nationale réelle de chenilles en raison des problèmes conjoncturels: mauvais état des routes de dessertes agricoles, occupation d’une partie du territoire par la rébellion, etc.

Organisation du marché

Le marché des chenilles/larves n’est pas organisé, la méthode de vente est individuelle ce qui permet de tirer le prix maximum possible de ses produits par ses propres moyens. Les producteurs ont plutôt une attitude de vente traditionnelle qui leur confère les avantages de remplir eux-mêmes la fonction commerciale (facteur psychologique important) plutôt que de vendre de manière contractuelle.

Circuit de commercialisation

L’enquête a montré que les chenilles/larves vendues à Kinshasa suivent un circuit commercial long. Les principaux acteurs sont les producteurs, intermédiaires et consommateurs. Les producteurs sont essentiellement constitués de femmes et d’enfants et parfois, d’hommes, tandis que les intermédiaires sont surtout des femmes.

Marge bénéficiaire

Le tableau suivant montre que l’activité procure aux grossistes une marge bénéficiaire de 125 pour cent. Le détaillant réalise un bénéfice de 21 pour cent, mais le turnover lui permet d’accroître son chiffre d’affaire. Il faut signaler que les détaillants vendent soit en tas, soit dans des mesurettes de 300 (Sakombi) ou 600 g (Ekolo). Un Ekolo de 600 g se vend à 1,5 $EU.

Discussion

Importance des PFNL

Habituellement, les PFNL regroupent tous les biens et services, différents du bois d’œuvre et de ses dérivés, fournis par la forêt ou d’autres écosystèmes ayant des fonctions similaires (jardins de case, vergers villageois et autres systèmes agroforestiers) (Tabuna, 2000). C’est pourquoi la FAO définit les PFNL comme étant des produits d’origine biologique provenant des forêts, des espaces boisés et des arbres hors forêts.

L’importance socioéconomique des PFNL remonte à des temps immémoriaux. Contrairement à une idée communément admise, les populations humaines primitives ne fondaient pas leur mode de vie sur la chasse. Il semble bien établi qu’Homo sapiens neanderthalensis n’avait pas une agilité suffisante pour capturer des animaux de taille conséquente. La collecte des fruits et la capture de petits animaux fondaient ainsi la base de sa subsistance. Il a fallu attendre 50 à 100 000 ans avant notre ère pour voir apparaître la pratique de la chasse, et seulement 10 000 ans avant notre ère pour voir les prémices de la domestication des animaux (Barret, 1992).

C’est à partir de la conquête des zones tropicales par les européens que certains PFNL ont été marginalisés. A partir de cette période, les richesses de la forêt ont été diversifiées en deux catégories: celles qui étaient essentielles à l’économie coloniale (le bois et ses dérivés, les produits agricoles de vente, etc.) et celles dont l’utilisation et la consommation étaient limitées aux populations autochtones. Ce fut le début de la méconnaissance des produits de cette deuxième catégorie de ressources forestières qui a conduit, en Afrique, à l’exclusion de leur valeur socioéconomique et à leur marginalisation au profit des richesses minières, des produits de rente et du bois d’œuvre (acajou, ébène, etc.).

A ce jour, la biodiversité des forêts tropicales n’est pas encore entièrement inventoriée et les chenilles comestibles de RDC non pas encore été identifiées de façon systématique. Malgré tout, depuis la Conférence de Rio (Sommet de la terre, 1992), les PFNL sont de plus en plus pris en considération. La pauvreté et les aléas sociopolitiques poussent également les populations à se tourner vers la consommation de ces produits par ailleurs culturellement très appréciés.

Les chenilles/larves dans l’alimentation des congolais

Parmi les PFNL, les insectes occupent une place non négligeable. En effet, les insectes constituent les 4/5 des espèces du régime animal, ils ont une large distribution et renferment 1 383 espèces comestibles dans le monde (38 % en Afrique, 37 % en Amérique, 17 % en Asie, 6 % en Australie et 2 % en Europe). Les insectes peuvent être consommés à différents stades de développement sous forme d’œufs, de larves, nymphes, pupes et adultes), néanmoins 80 pour cent sont consommés au stade immature (Ramos-Emorduy, 1996).

Les enquêtes ont révélé un fort taux de consommation de chenilles (70 %). Il est intéressant de constater qu’environ 65 pour cent savent que les chenilles ont une bonne valeur nutritionnelle, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. C’est donc un aliment qui présente un avenir certain compte tenu de la malnutrition qui atteint un taux exorbitant de 64 pour cent des congolais (Anonyme, 2002). Une éducation nutritionnelle appropriée peut accroître la fréquence de consommation actuelle des chenilles (1 fois par semaine par ménage), si l’offre est disponible. Pour lutter contre la malnutrition infantile (kwashiorkor) on conseille d’associer la farine de chenilles et de soja dans la fabrication des bouillies destinées aux enfants.

L’avenir de l’exploitation des chenilles peut aussi trouver des débouchés dans le surplus d’aliments pour bétail qui, après la maladie de la vache folle, ne peuvent plus contenir de farine animale; or les chenilles possèdent des qualités nutritives intéressantes pour cela.

L’exploitation des chenilles/larves

Le mode de récolte des chenilles/larves varie selon les provinces et la végétation (savane, forêt). Si, en savane, la récolte se fait à 100 pour cent par ramassage, il n’en est pas de même en forêt où l’abattage est plus pratiqué que le ramassage. Dans la province de Bandundu, 49 pour cent des personnes interrogées reconnaissent que la récolte de chenilles se fait par abattage des arbres qui, à la longue, entraîne la disparition des chenilles. Une sensibilisation est nécessaire afin d’éviter ces disparitions qui influent sur l’insécurité alimentaire et la pauvreté.

Le séchage à l’air libre et la fumigation demeurent les principales techniques, encore empiriques, utilisées par les producteurs (paysans) pour la conservation des chenilles. Il est connu que cette fumigation peut, dans certains cas, conduire à la formation de composés cancérigènes. Il est donc nécessaire de mettre au point des méthodes de séchage appropriées dans un proche avenir.

La saisonnalité de la production naturelle de chenilles et la recherche de chenilles dans la nature, selon la densité aléatoire des plantes hôtes, constituent quelques obstacles à l’exploitation des chenilles. Il doit être possible de produire des chenilles hors saison, dans des conditions contrôlées, par exemple, par la maîtrise de l’étape qui va des œufs de papillon à la formation des larves. Cette étude n’existe pas encore à Kinshasa. Par contre, certaines organisations non gouvernementales tentent de domestiquer les plantes hôtes à proximité des villes et villages, non seulement pour raccourcir les distances entre les habitations et les lieux de ramassage des chenilles, mais également pour accroître la population des chenilles en augmentant la densité des plantes hôtes. Cette technique d’agroforesterie aboutit également à reconstituer les écosystèmes forestiers qui conduisent à accroître la fertilité des sols (Maldague, 2001). Malheureusement, les chercheurs ne sont pas associés à ces travaux afin de les optimiser. A part les chenilles, les autres larves n’ont pas encore fait l’objet d’études, bien qu’elles soient très appréciées par les populations.

La commercialisation des chenilles

L’influence de la marginalisation des PFNL en général, et donc des chenilles/larves, initiée depuis le contact avec l’européen, se fait encore sentir de nos jours. Cette marginalisation est heureusement contrebalancée par le poids culturel du comportement alimentaire (Hladlik et al. 1996). En plus de la marginalisation, en régression, la commercialisation des chenilles connaît quelques obstacles:

Il faut organiser la structure et le circuit commercial: on peut penser au regroupement des différents acteurs en coopérative de producteurs et de commerçants:

Perspectives

L’insécurité alimentaire et la pauvreté sévissent en RDC le potentiel en ressources naturelles dont dispose le pays. La production de chenilles pourrait être plus importante, mais elle souffre de plusieurs pesanteurs. Si le grossiste et le détaillant estiment que leur activité est rentable en ville, il n’en est pas de même pour le paysan producteur qui est plongé dans une pauvreté extrême. Or, les difficultés que connaissent actuellement la RDC et la plupart de pays africains résultent, dans une large mesure, d’erreurs d’appréciation qui remontent à la première décennie de développement (suite à la Conférence du Caire, 1961), et qui se sont pratiquement répétées jusqu’a aujourd’hui. Ces erreurs ont longtemps consisté dans la vision sectorielle du développement et la non intégration des aspects environnementaux dans les projets de développement.

Aussi, on ne peut pas isoler la problématique particulière des chenilles/larves de la vision systémique du développement durable qui reste la méthodologie actuellement appropriée pour intégrer l’amélioration des conditions de vie de la population. On doit pratiquer ce qu’on appelle actuellement l’aménagement intégré du territoire défini comme la recherche, dans le cadre géographique d’un pays ou d’un territoire donné, d’une meilleure affectation de l’espace en fonction des ressources naturelles et des activités socioéconomiques (Maldague, 2001).

Il nécessite, au préalable, un diagnostic de l’état de développement du territoire concerné par des actions de développement durable. Ce territoire considéré comme un système rural doit être analysé à partir de six sous-systèmes: l’écosystème plus ses ressources naturelles, l’aménagement du territoire, le système de production, les conditions de vie de la population, les catalyseurs internes et les catalyseurs externes. Ce n’est que dans ce cadre que l’on peut intégrer la problématique des chenilles/larves. En amont de la production des chenilles, on peut envisager la domestication des plantes hôtes et en aval, il y a lieu d’organiser le circuit commercial, le conditionnement, la diversification d’usages, etc.

Conclusion

Une enquête a été réalisée à Kinshasa pour évaluer la contribution des chenilles et larves comestibles aux efforts de lutte contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté en RDC. De cette enquête qui a couvert 12 des 24 communes de Kinshasa et les grossistes, détaillants et consommateurs, on peut retenir:

1) 70 pour cent de la population de Kinshasa consomme des chenilles, soit en raison de leur valeur nutritive (65 %) et/ou de leur goût, soit par habitude alimentaire. C’est donc un marché potentiel très important, qui mérite de recevoir une attention particulière.

2) La récolte des chenilles/larves se fait, malheureusement, très souvent par abattage des plantes hôtes des zones forestières (49 % au Bandundu) ce qui entraîne déjà la disparition de quelques espèces de chenilles. La stratégie d’amélioration de cette activité devra, entre autres, sensibiliser les producteurs afin d’éviter ce mode de récolte qui contribue à la déforestation et la réduction de la fertilité des sols.

3) Le conditionnement et la conservation des chenilles doivent être améliorés.

4) Un grand nombre de chenilles sont consommées dans les différentes provinces de la RDC, à l’exception de la province du Kivu et d’une partie du Bas-Congo. Suite à la marginalisation qui frappe presque tous les PFNL, il n’existe pas une clef de détermination des chenilles. La diversité ethnique des personnes interrogées n’a pas facilité l’identification précise des chenilles à partir des noms vernaculaires. Quant aux autres larves comestibles, l’enquête en a identifié trois dont le volume est très négligeable, bien qu’elles soient appréciés par la population.

5) Ce commerce n’est pas organisé, malgré l’importance du marché. En outre, le circuit de commercialisation comporte de nombreux intermédiaires entre producteur et consommateur. Comme cette activité n’est pas contrôlée, elle procure aux grossistes et détaillants 125 et 20 pour cent de marge bénéficiaire respectivement. Tous les grossistes et détaillants interrogés reconnaissent que c’est une activité rentable, ce qui justifie l’augmentation du nombre d’intervenants dans la filière.

6) Le marché des chenilles/larves est appelé à s’agrandir si on tient compte de ses diverses utilisations: préparation des chenilles, fabrication des farines pour enfants (mal nourris ou bien-portants), prescriptions alimentaires (diabétiques, anémiques, etc.), aliments pour bétail et pour poissons, etc. Avec sa teneur moyenne en protéine (50-60 % sur poids sec), la chenille constitue un véritable concentré protéique qui surpasse le soja, la viande et les œufs de poule.

7) Il est impossible d’évaluer aujourd’hui avec exactitude le niveau de production des chenilles/larves en RDC avec les problèmes conjoncturels: occupation de plus de 1/3 du territoire national par la rébellion, absence de politique nationale et cohérente de développement, mauvais état de routes, etc. Néanmoins, les quantités offertes s’élèveraient à 13 440 tonnes, avec une prédominance des chenilles en provenance des provinces de l’Equateur et de Bandundu.

8) En plus des problèmes conjoncturels signalés au point 7, il existe deux facteurs principaux (déterminants) qui peuvent renforcer la contribution de la récolte des chenilles/larves aux efforts de lutte contre l’insécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté:

9) Le commerce des chenilles à Kinshasa est permanent, car Kinshasa peut recevoir des produits venant de toutes les provinces 10 mois par an. Il y a donc moins de risque de rupture de stock.

Vu la complexité de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté, il est recommandable que l’appui approprié à la gestion durable des chenilles/larves soit apporté dans le cadre de l’aménagement intégré du territoire, par l’approche systémique et la gestion participative des milieux spécifiques. Il est impératif de continuer l’inventaire des chenilles/larves dans les différentes provinces, sur une longue durée comme cela a été réalisé au Katanga par Malaisse (1997), conformément à la méthodologie proposée par Mbolo et Lejeune (2002) pour une meilleure collecte des données sur les PFNL.

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17 La saison de collecte étant passée, il n'a pas été possible de voir ces chenilles à leur état naturel.

 

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