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6.2 DISCUSSION ET CONCLUSIONS TIRÉES DES ÉTUDES DE CAS BIOLOGIQUES


Sur la base de ces études de cas, il apparaît clairement que les exploitants traditionnels extensifs peuvent s'attendre à des gains de productivité avec les méthodes d’agriculture biologique. Cependant, l’augmentation des rendements est habituellement accompagnée d'une augmentation des coûts de production, essentiellement sous la forme d’un accroissement de la demande de travail. En particulier, l’introduction de nouvelles méthodes de conservation des sols, telles que le terrassement et la préparation d’engrais biologiques, étaient souvent mentionnées comme accroissant la demande totale de travail. Si les sols ont été épuisés sous l’ancienne gestion de l’utilisation des terres, on peut s’attendre à ce que ces exigences en travail soient plus élevées.

La prime biologique perçue couvre habituellement ces coûts de production et de certification plus élevés, et il en résulte un accroissement du profit net. Dans les situations précédentes d’agriculture extensive, l’accroissement de la productivité pourrait en soi compenser des coûts de production plus élevés, sans qu'il soit nécessaire d’accéder aux marchés à prix élevés par le biais de la certification.

Il faut noter que dans de nombreuses études de cas citées les périodes de conversion habituelles de trois ans ont été raccourcies ou complètement écartées, parce que l’organisme de certification se satisfaisait de la preuve de l’utilisation faible ou nulle d’intrants chimiques par le passé. Ceci constitue un avantage important, conduisant à des retours plus rapides sur les investissements et à un risque moindre que les primes de prix aient baissé au moment où la certification est obtenue. Cependant, Kidd, Tulip et Walaga (2001) ont observé une tendance croissante dans la certification pour les marchés à l’exportation à appliquer les mêmes normes qu’en Europe, avec moins de flexibilité pour réduire ou déroger à la période de conversion.

Dans les quelques cas cités de conversion de systèmes de production intensive, des déclins du rendement initial ont été observés, remontant habituellement à des niveaux légèrement au-dessous des rendements conventionnels d’origine, et parfois au-dessus des niveaux d’origine. Les effets sur les coûts de production par hectare ont été divers (inférieurs, similaires et supérieurs). Dans ces cas, étant donnés les coûts d’investissement initial et la baisse des rendements, l’accès aux marchés à prix élevés est essentiel - ce qui requiert habituellement la certification.

Dans tous les cas, les retours sur investissements dans l’agriculture biologique ne se produisent que sur le long terme, en particulier dans les méthodes de conservation des sols et dans la conversion à partir de situations d’agriculture intensive. Il est peu probable que les locataires et les métayers fassent cet investissement sans une garantie d’accès permanent aux terres. Un exploitant interrogé par Damiani (2001a) réfléchissait sur les investissements à faire à long terme:

Il m’aurait été impossible de cultiver des légumes biologiques si je n’étais pas propriétaire des terres. Tout le monde peut louer une parcelle de terre pour cultiver des choux ou des tomates avec des engrais et des pesticides pour une seule année, mais il faut attendre des années avant de voir les fruits de la mise en route de cultures biologiques. Vous travaillez beaucoup avec peu de retour la première année, mais le sol se bonifie année après année grâce aux engrais biologiques et à la rotation des cultures, et la productivité continue d’augmenter. Vous ne pouvez pas faire tous ces efforts une année et ensuite laisser d’autres récolter les fruits de vos efforts.

Une autre caractéristique importante de bon nombre d’études de cas est le recours à la certification de groupe impliquant un système de contrôle interne. Il a été observé par de nombreux auteurs que cela était important pour réduire les coûts de la certification. Cette certification de groupe a été accomplie de deux façons distinctes. D’abord, par le biais des associations d’exploitants, les exploitants participant activement à la prise de décision et au suivi, auxquels cas l'association est détentrice du certificat. Dans beaucoup de ces exemples, les coûts de certification étaient subventionnés par des organismes donateurs, les subventions diminuant habituellement après les premières années. Le second système est illustré par l’Ouganda, où l’exportateur organise et paye la certification. Kidd, Tulip et Walaga (2001) expliquent que malgré l’inconvénient pour les exploitants de n’être pas autorisés à vendre à d’autres acheteurs biologiques (mais ils le sont pour n’importe quel acheteur conventionnel), cette option est préférable lorsque les organisations de producteurs n'existent pas ou qu'elles ont peu de poids. En général, étant donnée l’importance de la certification de groupe pour les petits producteurs, le statut incertain de cette certification au regard de la réglementation UE (et éventuellement aussi NOP et JAS) est considéré comme un obstacle à la poursuite du développement des exportations biologiques des petits producteurs.

Il a souvent été observé que les exigences de qualité du nouveau marché biologique étaient plus élevées que celles de l’ancien marché conventionnel. Cela peut se comprendre facilement pour les études de cas dans lesquelles le statut biologique a permis des ventes plus importantes sur le marché à haute valeur ajoutée, à l’écart des marchés locaux de vente en gros ou des agents intermédiaires (par ex. les légumes en El Salvador et le café au Brésil et au Guatemala). Le cas inverse a été observé pour les mangues du Pérou, où le passage à l’agriculture biologique a permis des ventes à l’usine de production de pulpe, qui est moins exigeante en termes de qualité. Dans le cas du sucre d’Argentine, le transformateur biologique a exigé un produit «plus propre». En République dominicaine, les primes de prix n’étaient apparemment pas suffisantes pour justifier les investissements nécessaires pour améliorer de manière significative la qualité des bananes biologiques cultivées par de petits producteurs, et il leur est de plus en plus difficile d’être concurrentiels sur le marché biologique international aujourd’hui plus exigeant.


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