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LECTURES ESSENTIELLES

Simon Anderson (2003)

Conservation des ressources génétiques animales comme soutien aux moyens d'existence

Presque deux milliards de personnes comptent sur l'élevage pour satisfaire une partie de leurs besoins quotidiens. L'élevage représente une composante essentielle des moyens d'existence d'au moins 70 pour cent des pauvres ruraux, y compris des millions de pasteurs et de gardiens, d'agropastoralistes et d'éleveurs sans terre. En Afrique, en Asie et en Amérique latine les pauvres et les sans-terres tirent de l'élevage une partie plus élevée des revenus destinés à leur famille que les ménages plus aisés.

La complexité, la variété, l'exposition aux risques des systèmes de moyens d'existence des pauvres et de ceux qui habitent dans des régions marginales avec des ressources limitées, rendent indispensables des ressources génétiques animales (RGA) qui supportent des conditions difficiles, résistent aux maladies et soient productives et variés.

L'accès des pauvres aux ressources génétiques est souvent limité par différents facteurs sociaux et culturels. L'érosion génétique également, menace les moyens d'existence des pauvres en restreignant leur accès aux RGA appropriées. En prenant en compte une approche durable des moyens d'existence pour évaluer l'importance des RGA pour les pauvres, il est possible d'identifier des points d'entrée et des interventions pour réduire la pauvreté.

L'élevage comme moyen d'existence

Les animaux que les gens utilisent à des fins agricoles - les animaux d'élevage - sont considérés comme des biens relatifs aux moyens d'existence et la surveillance des animaux d'élevage est une activité relative aux moyens d'existence du ménage. Il y a quatre principaux systèmes de surveillance des animaux:

Les femmes gardiennes d'animaux d'élevage font partie des petits gardiens ou des catégories de gardiens sans terre qui dépendent des dotations de terre et du droit d'utilisation au sein du ménage.

L'élevage:

Pour les ménages pauvres, les fonctions non rétribuées de l'activité de gardiennage sont particulièrement importantes. Ces fonctions ou bénéfices comprennent les économies, la régulation et l'assurance. Par exemple, dans le sud-est du Mexique, les cochons gardés dans l'arrière-cour étaient utilisés en tant que biens convertibles, disponible et facilement commercialisable pour effectuer les paiements des soins de santé, de l'école, de la nourriture et des autres nécessités du ménage.

L'amélioration de la productivité est sans doute importante pour certains éleveurs et représente un objectif approprié pour l'amélioration des moyens d'existence de certains ruraux, mais bon nombre de situations requiert un juste équilibre entre l'amélioration de la productivité et le besoin d'assurer des économies et une assurance ainsi que d'autres fonctions des moyens d'existence.

Les ressources génétiques animales et les moyens d'existence des pauvres

L'approche des moyens d'existence durable peut être utilisée pour analyser les objectifs de bien-être auxquels les gens aspirent, les ressources ou les biens auxquels ils ont accès et la façon dont ils utilisent ces biens pour parvenir à leurs objectifs. La clé de cette approche permet de comprendre la façon dont les institutions à la fois formelles (gouvernement, législations, marchés) et informelles (culture, liens de parenté, etc.), façonnent le mode d'accès des gens aux ressources.

Les facteurs qui déterminent l'accomplissement de ces fonctions comprennent:

RGA et contributions de l'élevage aux moyens d'existence des pauvres
ContributionsFacteurs qui varient en fonction des races
Revenus réguliers provenant des animaux ou de leurs produitsLes préférences des consommateurs peuvent favoriser ou écarter les produits de certaines races. Les ventes leurs produits des intermédiaires offrira des prix différents pour des produits ou des animaux de différentes races.
Revenus réguliers provenant de la vente ou de l'utilisation des animauxDes usages permis par des races avec des caractéristiques désirées (taille, poids, docilité) et adaptation à l'environnement (tolérance à la chaleur, capacité de marcher, exigences en eau).
Stocks de sécuritéLa survie est importante; la résistance aux maladies aussi ainsi que la tolérance au climat; le taux de reproduction pour l'accumulation de biens.
Intrants et utilité à l'agricultureCertains services sont mieux rendus par des races avec des caractéristiques spécifiques (taille, poids, docilité) et adaptées à l'environnement (tolérance à la chaleur, capacité de marcher, exigences en eau).
Acquisition de bénéfices dérivant de CPRAdaptés à l'environnement et caractéristiques comportementales (tolérance à la chaleur, capacité à marcher, exigences en eau et en fourrage et capacité à se nourrir).
Transport, combustible, nourriture, fibres pour les gardiensCapacité de production et taux de reproduction. Fonctions culturelles et sociales qui permettent un statut et une identité. Aspect important (peau, couleur, taille des cornes et forme, solidité, etc.).

Bon nombre des ressources génétiques animales fondamentales pour les pauvres, ne dérivent pas des races amélioration, mais des races locales qui ont des caractéristiques d'adaptation à des environnements défavorables et qui sont capables de prospérer avec une gestion dépourvue d'intrants externes.

Biens d'équipement naturels

Les ressources génétiques animales font partie des biens d'équipement naturels des familles rurales pauvres. L'accès à ces ressources est fondamental pour bon nombre des activités de gestion des ressources naturelles, d'où les stratégies relatives aux moyens d'existence. L'accès aux ressources RGA appropriées, dans de nombreux cas, a été influencée négativement par une sélection intense des caractéristiques désirées, des demandes du marché et des politiques.

Les institutions et les relations sociales

Les institutions formelles et informelles fournissent le contexte socioéconomique au sein duquel les activités relatives aux moyens d'existence sont mise en œuvre. Les processus et les structures de ces institutions peuvent largement influencer l'accès et l'utilisation de ressources génétiques animales.

Tendances dans les facteurs externes

Les tendances dans la démographie et la localisation de la population, comme l'urbanisation, de même que des changements technologiques dans les écosystèmes agricoles et de commercialisation, peuvent affecter de façon négative les RGA. Les systèmes de production commerciaux tendent à l'uniformité des intrants, des ressources et des rendements tandis que les systèmes axés sur les moyens d'existence prospèrent avec la diversité.

Les chocs

Les changements de conditions climatiques brusques (sécheresses, inondations), les effets des guerres et des troubles sociaux ainsi que la survenue de nouvelles maladies ou de maladies et d'épidémies sporadiques peuvent signifier la perte des RGA qui sont peu nombreuses. Les familles pauvres sont moins aptes à faire face à ces types de chocs.

Conservation des RGA pour des moyens d'existence durables

Les RGA qui visent à soutenir les moyens d'existence durables nécessitent d'une approche holistique aux attributs des races qui reconnaisse les contributions que les animaux d'élevage apportent aux moyens d'existence et les caractéristiques des races qui y sont associées.

Les races «locales» offrent souvent des avantages parce que, du fait de la sélection pour leurs caractéristiques physiques et d'adaptation, elles remplissent des besoins socioculturels et non monétaires. Les races soumises à une sélection génétique pour leurs caractéristiques de productivité - les races «améliorées» - améliorent généralement leurs prestations avec l'augmentation des niveaux de gestion. Le croisement de races («races locales» avec «races améliorées») peut représenter une combinaison de caractéristiques (adaptation et production) et peut être conforme ou pas aux exigences des populations en ce qui concerne les caractéristiques liées aux fonctions socioculturelles. D'où l'importance des races locales en tant que RGA n'est pas seulement la capacité à remplir les fonctions de moyens d'existence mais également celle d'apporter leur contribution génétique d'adaptation ainsi que d'autres caractéristiques spécifiques aux animaux croisés.

Du point de vue des moyens d'existence, il est important d'identifier et d'affronter les exigences en RGA des éleveurs pauvres. On affronte mieux le problème par le biais d'une gestion des RGA fondés sur les communautés.

Classement des caractéristiques d'expression des races de bétail
Pour prendre des décisions rationnelles qui prennent en compte les fonctions holistiques des moyens d'existence, les races peuvent être comparées en utilisant le classement des caractéristiques d'expression (des meilleures aux plus mauvaises) dans un environnement ordinaire. On peut identifier quatre critères principaux - caractéristiques productives (CP), caractéristiques d'adaptation (CA), caractéristiques socioculturelles (CS) et caractéristiques non monétaires (CNM). Quand la somme des classements CP+CA augmente, l'importance de la conservation génétique pour des utilisations futures dans divers systèmes de production d'élevage, augmente aussi. Quand la somme des classements CS + CNM augmente, l'importance de la conservation génétique pour des raisons socioéconomiques et culturelles augmente. En traceant la somme des classements sur un diagramme en cerf-volant, avec CP et CAsur l'axe vertical et CS et CNM sur l'axe horizontal, on peut comparer la valeur relative des races pour la conservation. Les classements peuvent être obtenus à partir de différents éleveurs qui gardent les races dans des conditions différentes. De cette façon, les exigences de conservation des RGA peuvent être différentiées pour les éleveurs pauvres, pas trop pauvres, et dans une meilleure position financière. Par exemple, les figures ci-dessous représentent une comparaison de trois races de porcs, locales, croisées et améliorées selon le point de vue des éleveurs gardent les porcs pour subvenir à leurs besoins et pour leurs fonctions semi commerciales dans le sud est du Mexique.
Il est important de prendre note que, pour les caractéristiques CP, CA et CNM, la base génétique des mêmes caractéristiques phénotypiques classées sous différents environnements n'est pas nécessairement identique. Par exemple, une augmentation du poids des poulets, une caractéristique CP, dépendra de différentes combinaisons de gènes dans un système où les volatiles se débrouillent pour trouver leur alimentation et dans un système intensif où un régime riche en protéines est fournit. Des comparaisons sont donc possibles uniquement dans les mêmes conditions environnementales. Cependant, les éleveurs ont recours à différentes gestions animales, c'est pourquoi les exigences en RGA sont différentes.

Comparaison de trois types de porcs dans le sud-est du Mexique en utilisant (A)
les fonctions des moyens d'existence et (B) les fonctions semi-commerciales

(A)Caractéristiques de production
(comprenant les rendements indirects)
Boite Keken de races
croisées x améliorées

Race locale

Races améliorées
(B)Caractéristiques d'adaptation (tolérance à la chaleur, capacités digestives, résistance aux maladies)
 Caractéristiques (comprenant les intrants indirects)
Contraintes à l'accès aux RGA pour les pauvres

Contraintes à l'accès aux RGA pour les pauvres

Une approche fondée sur des moyens d'existence à la conservation et la gestion des RGA nécessite de travailler directement avec les pauvres pour comprendre les interactions complexes entre les RGA et la pauvreté et maintenir ou accroître leurs ressources. Ce qui est fondamental pour cette approche c'est la nécessité de comprendre les fonctions des animaux d'élevage en tant que biens du ménage, les finalités qui poussent à investir des ressources dans l'élevage (finalités monétaires, non monétaires et socioculturelles) et les caractéristiques génétiques qui sont importantes pour parvenir à ces finalités. La conservation des RGA du point de vue des moyens d'existence devrait cependant affronter le maintien et l'amélioration des RGA plus convenables pour les moyens d'existence des pauvres afin de leur assurer un accès équitable à ces ressources.

Références

Anderson, S.2003. Animal Genetic Resources and Livelihoods. Ecological Economics, Special Issues on RGA.

Carney, D.1998. Implementing the Sustainable Rural Livelihoods Approach. In: Carney D. (ed). Sustainable Rural Livelihoods: What contribution Can We Make? Department for International Development (DFID), London, pp.3–26

Water Bayer and Bayer. 1992. The Role of Livestock in the Rural Economy. Nomadic Peoples. Vol.31.

Réalisé par CIP-UPWARD,
En partenariat avec GTZ GmgH, IDRC du Canada, IPGRI et SEARICE:
Contribution: Simon Anderson
(Email: [email protected])

Roger Blench (1997)

Espèces négligées, moyens d'existence et biodiversité dans les régions difficiles:
comment le secteur public devrait-il répondre?

Numéro 23, Septembre 1997 - Natural Resources Perspectives
Le matériel qui suit a été fournit par Overseas Development Institute. De récentes recherches sur les espèces animales et végétales négligées laissent entendre qu'il existe une lacune importante entre les priorités des organismes de recherche et de développement et la façon dont les petits agriculteurs, à la fois en Afrique et partout dans le monde, traitent de telles espèces. Ce document affirme que les politiques pour promouvoir les espèces négligées auront des effets positifs sur la biodiversité et les moyens d'existence, surtout dans les régions difficiles où la gestion conjonctive des fonds communs et des ressources privées reste importante.

Conclusions politiques

Introduction

L'étude d'espèces végétales et animales «perdues» ou «mineures» présente de multiples difficultés linguistiques ;ces espèces ne sont pas plus «perdues» ou «mineures» pour les personnes qui les utilisent que les Chutes Victoria avaient été «découvertes» pour ceux qui vivaient près d'elles. La signification habituelle c'est que ces espèces ont été négligées par les recherches occidentales ou qu'elles ne sont pas rapportées par le monde des données statistiques ou, quand elles le sont, leur volume indiqué est très faible par rapport aux autres espèces animales et végétales mieux connues.

Deux analyses récentes (NAS [Académie nationale des sciences], 1996 et Blench, dans la presse) sur les variétés végétales et animales respectivement, suggèrent qu'au moins en ce qui concerne l'Afrique, il y a de vastes disparités du point de vue de la quantité et de la qualité de la recherche sur de nombreuses espèces. En outre, ni leur production économique ni leur contribution à la subsistance des petits agriculteurs ont représenté, jusqu'ici des critères pour le financement de la recherche, en dépit de l'insistance supposée sur la sécurité alimentaire et les moyens d'existence. Le Centre International pour l'élevage en Afrique (ILCA) est bien connu pour avoir découragé la recherche sur les chameaux, les ânes, les porcs, les rongeurs et les aviaires autochtones en Afrique, en dépit de son apparente compétence dans le domaine de l'élevage sur le continent. D'autres publications de la NAS sur l'élevage et le micro-élevage asiatiques négligés, suggèrent un modèle semblable partout dans le monde.

Il est de plus en plus clair que les agriculteurs utilisent une plus vaste gamme de plantes et d'animaux que ceux contenus dans la liste des cultures et des animaux d'élevage et que ceux-ci n'ont pas été inclus dans les manuels scolaires à la mode. De récentes recherches, surtout dans les forêts pluviales australiennes et africaines, ont souligné qu'il n'était pas nécessaire d'être agriculteur pour gérer les plantes. Dans ces deux régions, les ignames sont transplantées et élaguées afin d'améliorer à la fois, leur croissance et leur accessibilité. De la même façon, les pasteurs peuvent gérer des animaux sauvages, notamment les rennes, dans les régions circumpolaires de l'Eurasie. L'adaptation de la recherche et des stratégies de vulgarisation à ces visions plus vastes des systèmes agricoles est un processus qui est à peine commencé.

Le modèle de recherche

En dépit de la croissance des idéologies participatives au cours des dernières décennies, peu d'attention a été accordée aux espèces importantes pour les petits agriculteurs. Il est ironique qu'un bon nombre des travaux descriptifs sur de telles espèces remontent à l'époque coloniale. Au début de cette période, les descriptions avaient origine du domaine d'expérience du fonctionnaire agricole mais, quand l'agronomie professionnelle a pris la relève, les programmes de recherche ont été de plus en plus déterminés par le système scientifique de l'Ouest. Le modèle de recherche sur une large échelle avait tendance à exclure les espèces végétales et animales qui n'avaient pas de valeur économique en dehors de leur région d'origine. Cela a causé d'une part une concentration sur quelques cultures et espèces mieux connues et de l'autre, une insistance sur des questions d'un ordre supérieur dont l'importance pour les problèmes affrontés par les agriculteurs n'est pas toujours claire.

L'Afrique représente une mosaïque élaborée d'espèces et de races végétales et animales réalisées sans avoir recours à des stratégies normatives. Les mauvaises herbes ou les hybrides de mauvaises herbes symbiotiques aux céréales peuvent être acceptés voire même plantés. Des ignames toxiques peuvent être plantées pour décourager les voleurs de produits agricoles. L'élevage «mineur» tels que les ânes, les escargots de terre ou les rats géants peuvent jouer un rôle important dans la vie économique des ménages ruraux. Ils n'ont cependant aucun intérêt pour les organismes donateurs les plus importants et la recherche est souvent restreinte à l'enthousiasme des particuliers. La première édition de Useful Plants ofWest Tropical Africa (1937) établit la liste de nombreuses espèces de cultures de frontières; pour la majorité de ces espèces la bibliographie a été à peine enrichie. Les premiers volumes du journal Economic Botany sont truffés de cultures tropicales «prometteuses» dont les promesses n'ont jamais été réalisées. En dépit de textes encourageant sur les animaux d'élevage non conventionnels (par exemple, NAS, 1991) la quantité de recherche est limitée.

Un sceptique pourrait penser que les espèces non conventionnelles ne se sont pas développées parce qu'elles sont en réalité d'une valeur limitée. Par exemple, elles ne possèdent pas les caractéristiques économiques nécessaires pour se développer sur une large échelle commerciale internationale. Cependant, cela signifierait ignorer d'autres facteurs qui contribuent à ce qu'on les néglige: les difficultés de conserver des fonds pour la recherche, l'inaccessibilité des régions où ces espèces sont produites, le conservatisme culinaire et traditionnel et les puissants intérêts des compagnies de semences et des vétérinaires qui ont activement découragé le maintien de la biodiversité en raison des coûts élevés de l'entretien d'un marché plus répandu.

Domestication, culture et apprivoisement

Le processus de domestication se caractérise par l'adaptation des caractéristiques d'une espèce aux nécessités de la société, un processus souvent nuisible aux capacités de survie de ces espèces dans la nature. A l'exception du porc, les majeures espèces d'animaux domestiques n'ont plus de parents sauvages ni en Europe ni en Amérique et les systèmes modernes de reproduction tendent à assurer que l'introgression génétique d'une telle parenté ne représente pas un facteur significatif dans la variation. Ceci est moins vrai pour les plantes, quoique là où il y a introgression des formes sauvages, cela arrive toujours de façon intentionnelle. Les généticiens utilisent les formes sauvages pour la reproduction de caractéristiques économiques spécifiques plutôt que pour maintenir la diversité inhérente dans le réservoir de gènes.

Les moutons, les chèvres, les poulets et les porcs sont arrivés en Afrique parfaitement domestiqués et bien que des races locales se soient développées il n'y a pas eu d'autres interactions génétiques avec les parents sauvages. En revanche, la domestication reste un processus dynamique pour la faune autochtone africaine, à la fois en terme de croisement avec les populations sauvages et d'expérimentation continue avec de nouvelles espèces. L'âne a presque certainement été domestiqué en Afrique et l'on trouve des témoignages de croisements avec des populations sauvages d'ânes dans une époque lointaine. Ce processus a pris fin avec l'élimination probable des derniers ânes somaliens sauvages. De l'autre côté, la pintade fait partie de la faune aviaire autochtone africaine qui n'a été qu'en partie domestiquée. Dans le centre de l'ouest africain, les pintades sont gardées dans un enclos, grossissent et ne cherchent pas à se sauver, mais en Afrique de l'est et en Afrique du sud elles continuent à vivre à l'état sauvage.

L'apprivoisement, au contraire, implique l'adaptation temporaire des espèces sauvages aux exigences humaines sans en altérer les caractéristiques génétiques. L'évolution d'une niche sociale pour les animaux domestiques est un prélude à la domestication, quoique un certain cachet puisse être attaché à la domestication des animaux sauvages qui fait que le processus de domestication devient une fin en soi. Les témoignages iconographiques de l'ancienne Egypte documentent une capacité remarquable à contrôler les animaux, surtout les oiseaux. Les Romains, dans le nord de l'Afrique, sont montrés utilisant des guépards dressés pour chasser tandis que l'on trouve des hyènes apprivoisées en Afrique musulmane du Sahel, souvent dans un numéro de cirque. L'apprivoisement implique également certaines sélections car certaines espèces animales retournent à des comportements sauvages à l'âge adulte. Des témoignages puisés dans la littérature ethnographique laissent entendre que ce type d'expérience continue en Afrique sub-saharienne et qu'il y a des «nouveaux» animaux sauvages domestiqués qui, au départ, ont été «capturés» tels que le rat géant (Cricetomys), la tondeuse (Thryonomys) et l'escargot de terre africain (Achatina) mais qui maintenant se reproduisent ponctuellement en captivité.

Un processus comparable s'est produit avec de nombreuses plantes qui étaient cultivées avant d'être domestiquées. La «culture» d'une plante est ici définie comme la modification de son emplacement ou de ses habitudes de croissance afin de la rendre plus utile aux être humains. La manière la plus simple est le repiquage. Des forêts d'ignames par exemple, sont déracinées et replantées près des habitations. Les semences des arbres fruitiers tels que le Canarium schweinfurthii sont déposées près des enclos et protégées des incendies. Des semences de céréales sont récoltées dans la nature et disséminées de façon à être plus facilement récoltées l'années suivante. Des palmiers (tels que le palmier Doum, Hyphaene thebaica) sont taillés de façon à récolter les feuilles chaque année. Quoique l'on suppose que ces processus étaient plus fréquents par le passé, quand la densité de population était plus faible, ils se poursuivent aujourd'hui, comme le montrent les traces de la «pseudo culture» du Paspalum scrobiculum en Guinée.

Le nombre de plantes autochtones africaines domestiquées est plus grand que celui des animaux et dans beaucoup de cas leur taxonomie reste problématique. Des genres importants tels que la Dioscoreaceae, qui est à l'origine de nombreuses espèces commerciales d'ignames, ne sont pas claires, en partie en raison de leur interaction continue avec les espèces sauvages.

Le tableau 1 fournit certains exemples de plantes et d'animaux africains autochtones qui ont été cultivés ou apprivoisés contrairement à ceux véritablement domestiqués.

Tableau 1.Culture contre domestication: quelques exemples africains
 Cultivées/apprivoiséesDomestiquées
PlantesDiscorea praehensilis, ignames aériennes (Dioscorea bulifera), le fonio de Futa Jalon(Brachiara deflexa var. sativa),vin de coco, (Gnetum bucholzianum), Olives africaines,(canarium schweinfurthii) huile de Polygala butyraceaSorgho, millet à épi, éleusine cultivée, teff, riz africain, doliques, arachides de Bambera, ignames guinéennes, pommes de terre de Hausa, Solenostremon rotundifolius),rizga (Plectranthus esculentis), palme
AnimauxPintades, oies à éperons ailés, rat géant (Cricetomys), tondeur (Thryonomys), Escargot des sables (Achatina), tortues Marines (Chelonia mydas), abeillesBétail, ânes, pigeons, pintades
N.B. Dans la mesure du possible les noms «français» sont donnés mais beaucoup de ces noms sont des noms locaux mal connus, cependant le nom scientifique est toujours donné.

Espèces et races locales

L'argument concernant les espèces mineures peut être élargi aux principales variétés cultivées et races. Bon nombre de cultigènes économiques mondiaux ont des régions de grande diversité génétique, souvent près du lieu où elles ont été domestiquées. Cette biodiversité agricole a souvent été conservée accidentellement, simplement parce que les petits agriculteurs restent à la limite des l'agriculture commerciale. La diversité des pommes de terre dans les Andes ou d'espèces de bétail dans le sud est de l'Asie sont de bons exemples. Les éleveurs de plantes et d'animaux le reconnaissent de plus en plus et considèrent souvent les régions où l'on maintient la biodiversité agricole comme une ressource génétique libre. La bataille intellectuelle pour conserver cette diversité est maintenant largement gagnée dans le cas des espèces principales en raison de leur importance. Cela ne signifie pas que les méthodes appropriées pour conserver les races locales in situ ont été développées ni que les ressources créées par les stratégies locales de reproduction sont justement récompensées. Mais la conservation de races locales ne peut plus continuer à être cartographiée simplement par rapport au problème plus vaste de la conservation des espèces mineures.

Entre sauvage et domestique: une frontière dynamique

Les spécialistes du développement, les scientifiques et les anthropologues des stations de recherche font tous une distinction considérable entre le sauvage et le domestique. Des domestiques bien établis permettent des spécialisations de la recherche, des projets et des figures de dichotomie favorisées par ce genre de littérature. Des plantes et des animaux qui sont domestiqués dans certaines régions mais pas dans d'autres, et la gestion de plantes et d'animaux sauvages consitituent des catégories confuses et ne se prêtent pas à une génétique bien structurée. C'est pour cette raison que des espèces qui se situent entre le sauvage et l'agricole comme le fonio, Digitaria exilis, ont tendance à être négligées. Là où les plantes de bonne race forment des croisements de mauvaises herbes avec leurs parents sauvages comme dans le cas du millet de l'Afrique de l'ouest, des efforts considérables sont déployés pour éliminer ces mauvaises plantes.

En réalité cette frontière dynamique est intégrée dans les systèmes agricoles et pastoraux dans le monde et sa fluidité est une réponse aux changements des conditions économiques et environnementales. Le tableau 2 dresse la liste de certaines espèces végétales et animales qui illustrent un degré variable de domestication en fonction de la géographie et des types «domestiques» qui sont constamment sujets à des croisements avec leurs parents «sauvages».

Tableau 2:Entre le sauvage et le domestique: quelques exemples
PlantesTubercules:Dioscorea bulbifera, D. dumetorum, D. sansibarensis
Céréales:Brachiaria deflexa, Paspalum scorbiculatum var. polystachyum, Oryza glaberrima
Laîches:Cyperus esculentus (noisettes tigre)
Légumes secs:Macrotyloma geocarpa, Psophocarpus tetragonolobus, Sphenostylis stenocarpa
Herbes potagères:Portulaca oleracea, Bidens pilosa, Amaranthus hybridus
Arbres:Tamarin, palmier à huile, Moringa oleifera, caroube
AnimauxÂnes, chameaux de Bactriane, pintades, autruches, éléphants, oies européennes et chinoises, rennes, yaks et vigognes.

Mauvaises herbes tolérées

Les mauvaises herbes ont généralement mauvaise presse dans la littérature professionnelle. Harlan et De Wet (1965), qui recueillirent des déclarations sur les mauvaises herbes, mirent en contraste celles des agronomes professionnels («des plantes détestables connues comme mauvaises herbes», «un fléau») avec celles des amateurs enthousiastes («une plante dont les vertus n'ont pas encore été découvertes», «des mauvaises herbes …condamnées sans jugement équitable»). Les mauvaises herbes colonisent généralement les habitats perturbés, et les champs cultivés en sont un cas particulier. De récentes recherches suggèrent que la plupart des cultures agricoles importantes ont co-évolué avec les mauvaises herbes et que ces mauvaises herbes sont conservées dans des systèmes agricoles non intensifs et récoltées pour la nourriture ou d'autres usages. Ces mauvaises herbes ont été rebaptisées «cultures intercalaires» ou «anecophytes» afin de refléter ce changement de statut. Les systèmes agricoles africains comprennent bon nombre de ces espèces, surtout des herbes potagères qui apportent une contribution importante au régime alimentaire.

On a déclaré que certaines espèces animales remplissent un créneau correspondant dans la société humaine. Les rats, les pigeons, les moineaux et les lapins (aux Antipodes) ont été présentés comme candidats. L'analogie n'est pas précise depuis qu'ils sont presque tous considérés comme des animaux nuisibles. Cependant, le rat européen a commencé à s'étendre en Afrique à la suite de contacts européens et dans certaines régions on l'encourage en laissant des restes afin qu'il soit disponible comme réserve alimentaire en cas d'urgence.

Est-ce important?

On pourrait dire que si ces différentes espèces mineures ont été éjectées du train de l'histoire, c'est parce qu'elles ne possédaient pas les attributs biologiques nécessaires pour entrer dans le système économique mondial. En d'autres mots, leur importance limitée est justifiée. On peut prendre l'histoire de la domestication pour montrer que les espèces qui ne sont pas conformes aux créneaux sociaux et aux techniques disponibles de leur époque sont éliminées. Une culture d'importance mondiale telle que le maïs a dépendu de générations d'agriculteurs méso-américains inconnus qui travaillaient avec le téosinte. De ce point de vue, le fait que de telles espèces ne rapportent pas de bénéfices dans un bref cycle de recherche serait une raison suffisante pour les rejeter.

C'est un cercle vicieux: depuis que certaines espèces de cultures/d'animaux d'élevage sont définies comme «mineures», les statistiques sur leur fréquence ne sont pas recueillies ou sont d'une utilité douteuse. Cette absence de données devient alors une raison pour proscrire de futures recherches. Un autre découragement peut dériver du fait qu'une description en détail des répertoires de récoltes implique de longues listes de noms scientifiques avec des équivalents anglais dont on se souvient difficilement et pour lesquels on ne trouve pas facilement de traces dans les manuels disponibles. Les travailleurs spécialisés dans le développement rejettent souvent ce type de recherche qu'ils qualifient comme une sorte d'antiquaire.

Néanmoins, en Afrique la recherche a montré que les cultures «mineures» jouent souvent un rôle fondamental dans la nutrition des ménages. Des rapports d'études de Schippers et Budd (1997) ont montré, par exemple, que dans le sud-ouest du Cameroun, les herbes potagères autochtones, représentent jusqu'à 50% de la ration de légumes des ménages et qu'il n'y a, pour l'instant, aucune tendance à les remplacer par des espèces exotiques. Un exercice de classement pour comparer le rôle des légumes autochtones dans l'économie de cinq pays africains, a identifié plusieurs légumes d'importance régionale considérable qui sont si peu connus qu'ils n'ont même pas de nom en anglais.

Dans le même ordre d'idées, on constate que les gouvernements africains, même ceux avec une pauvreté explicitement visible, ne sont pas disposés à favoriser des espèces considérées comme archaïques, ou qui semblent projeter une image qui n'est «pas moderne». La récente critique d'un rapport officiel de l'ANC sur l'utilisation des ânes dans les régions pauvres d'Afrique du Sud laisse entendre que toutes les valeurs du précédent gouvernement n'ont pas été sommairement rejetées. De même, l'habitude de manger les animaux domestiques et ceux que l'on a utilisé pour le travail lorsqu'ils ne sont plus utiles à la fin de leur vie, comme il se passe fréquemment pour les chiens et les ânes, est souvent répugnant aux valeurs «modernes».

Raisons pour promouvoir les espèces et les races mineures

La raison plus importante pour promouvoir les espèces mineures c'est simplement le fait que les populations les utilisent depuis longtemps, ce qui constitue une reconnaissance suffisante de leur valeur pour laisser entendre que les priorités de la recherche devraient être réorientées. Cependant, cet argument peut être renforcé si on l'analyse en termes de sécurité alimentaire et d'économie.

Les cultures mineures sont fortement associées aux environnements marginaux: des régions où la chaleur extrême, la pauvreté des sols et les problèmes d'accès rendent la production à grand échelle des cultures et des animaux d'élevage principaux peu rentables. Elles jouent un rôle fonctionnel disproportionné dans les systèmes de sécurité alimentaire; des plantes qui pousseront sur un sol stérile ou érodé et des animaux d'élevage qui mangeront une végétation dégradée sont souvent fondamentaux pour les stratégies nutritionnelles des ménages. Elles nécessitent souvent un travail réduit, sont résistantes aux maladies et fournissent une diversité nutritionnelle. Ceci est d'autant plus important dans des régions où la dépendance des céréales de base achetées telles que le maïs peuvent mener à des maladies par manque de vitamines.

En même temps, les espèces mineures sont importantes pour maintenir la biodiversité agricole. Les systèmes agricoles traditionnels associent les jardins potagers à une combinaison séquentielle de cultures annuelles et pérennes et d'arbres. Des études à l'ouest de Java, ont trouvé plus de 230 espèces de plantes au sein de tout le système agricoles (Christanty et al., 1986). En outre, ces systèmes comprennent l'élevage, l'aquaculture et les insectes élevés. De plus, ces systèmes encouragent une plus grande diversité d'espèces d'oiseaux que dans les systèmes de monoculture (par exemple, le riz paddy).

Un autre argument strictement économique pour une plus grande attention aux espèces mineures c'est que les populations pauvres ont un avantage comparatif dans leur production. Alors que la production des cultures et des animaux d'élevage principaux devient de plus en plus technologique, le prix à la production ne suit pas le prix des intrants pour les petits agriculteurs (McNeely, 1995 et références à cet égard). Le système mondial réduit constamment leur capacité de compétitivité en tant que particuliers, même si ils pourraient être recrutés par les entreprises agro-industrielles. Ils peuvent cependant, entrer en compétition en produisant des variétés animales et végétales pour des consommateurs spécialisés, à la fois par le biais du commerce éthique et des marchés de produits exotiques. Cette découverte n'est pas limitée au monde en développement: les agriculteurs en Europe et en Amérique se tournent de plus en plus vers des produits spécialisés comme le démontre la récente propagation d'autruches et de quinoa. Les espèces mineures peuvent également aider les agriculteurs pauvres à faire face aux risques et à diversifier leur production en réponse aux fluctuations des cultures principales.

Des cultures merveilleuses et des races magiques
Un aspect contradictoire du développement agricole qui semble à peine avoir changé, c'est la façon dont de rapides vagues d'enthousiasmes se développent en faveur de culture merveilleuses et de races magiques de bétail. La productivité de certains arbres, produits agricoles ou animaux est vue comme donnant des avantages spectaculaires par rapport aux espèces autochtones. L'eucalyptus, la gmelina, la leucène, le vétiver et des races de bétail exotiques sont apparus et ont disparus sans avoir produit le succès initial auquel on s'attendait. Que de telles entités existent semble contraire à l'écologie agricole, qui laisse entendre que la domination d'une culture (dans le sens de la promotion de la monoculture) avivera également une forte attraction de la part des parasites et des maladies. Mais de tels enthousiasmes n'ont pas une origine technique et reflètent plutôt les politiques internes des organismes de développement constamment sous pression de suggérer des solutions avant le prochain rapport annuel. Les agriculteurs ont trop de bon sens pour déraciner les cultures existantes en faveur de celles à la mode, et en plantent juste assez pour les tester et, d'un point de vue sceptique, pour s'assurer que les fonds des promoteurs continuent à affluer. L'encouragement à l'adoption de races exotiques de bétail provoque probablement plus de dégâts. Bien qu'impressionnant au départ, ces animaux s'avèrent avoir des coûts vétérinaires inacceptables ou bien ils meurent, entraînant quelquefois le troupeau avec eux.

Résumé

De récentes recherches sur les espèces animales et végétales négligées laissent entendre qu'il existe une lacune importante entre les priorités des organismes de recherche et de développement et la façon dont les petits agriculteurs, à la fois en Afrique et partout dans le monde, traitent de telles espèces. Les aspects plus importants de ce phénomène sont les suivants:

La conséquence de cette situation, est que souvent les principaux promoteurs d'espèces négligées sont des particuliers ou des amateurs enthousiastes, ce qui a souvent un effet dissuasif pour les organismes les plus importants.

On trouve presque toujours des espèces négligées dans des régions «difficiles» avec des sols pauvres, une pluviosité incertaine, une topographie accidentée, et une végétation dégradée. Une forte proportion de pauvres vit dans ces régions et les espèces négligées sont souvent les seules capables de faire face à ces conditions et par conséquent de contribuer à leurs moyens d'existence.

On a l'impression que la réduction des systèmes diversifiés représente une version de la «tragédie des peuples» en toutes lettres. Dans les systèmes de gestion des ressources bio-diverses, les communautés gèrent les ressources communes et privées de façon intégrée durant une longue période. Les systèmes d'espèces uniques qui nécessitent de puissants intrants peuvent produire plus par zone unitaire et par marché spécifique durant une courte période de temps et c'est souvent dans l'intérêt des particuliers de les produire. Mais en procédant de cette façon ils peuvent affaiblir les systèmes de gestion communs en s'en retirant ou pire, en tentant de privatiser certaines parties de ces ressources.

Références

Blench, R.M (in press) «Minor livestock species in Africa .» In: Blench, R.M. and MacDonald, K.C (eds), The origin and development of African livestock. London: University College Press.

Christanty, L. Abdoellah, O.S., Marten, G.G. and Iskandar, J. (1986) “Traditional agroforestry in West Java: The Perangkan (homegarden) and the Kebun-Talun (Annual-perennial rotation) cropping systems.” In Marten, G.G (ed.) Traditional agriculture in Southeast Asia: a human ecology perspective. 132–158. Boulder and London: Westview Press.

Chupin, D. (ed) (1995) “Rearing unconventional livestock specie: a flourishing activity.” World Animal Review [Special Issues], 83 (2). Rome: Food and Agriculture Organisation of the United Nations.

Harlan, J.R. and Wet, J.M.J. (1965) “Some thoughts about weeds” Economic Botany, 19(1)16–24.

McNeely, J.A. (1995) “How traditional agro-ecosystems can contribute to conserving biodiversity”. I Halalday, P. and Gilmour, D.A.(eds) Conversing biodiversity outside protected areas.pp.20–40. Gland and Cambridge:IUNC.

NAS. (1991) Microlivestock: little-known small animal with a promising economic future. Washington: National Academy: National Academy Press.

NAS. (1996) Lost crops of Africa. Volume I: Grains. Washington: National Academy Press.

Schippers, R. and Budd, L. (1997) African indigenous vegetables. Kenya and Chatham: IPGRI and NRI.

Les Natural Resources Perspectives présentent des informations accessibles sur d'importants problèmes de développement. On encourage les lecteurs à utiliser des citations ou les copier pour leurs collègues mais, en tant que détenteur des droits d'auteur, l'ODI demande d'être reconnu comme source. Les commentaires des lecteurs sur cette collection sont les bienvenus pour l'Éditeur.

Editeur administratif: Alison Saxby
Editeur de la collection: John Farrington
ISSN: 1356-9228
Copyright: Overseas Development Institute 1997
Overseas Development Institute
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London SW1E 5 DP, UK
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Fax+ 44 (0) 171 393 1699
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FAO (1999)

Les femmes comme utilisatrices, conservatrices et gestionnaires de la biodiversite agricole

PROFIL GÉNÉRAL

À la veille du 21e siècle, les femmes rurales des pays en développement détiennent la clé de l'avenir des systèmes agricoles de la planète et de la sécurité alimentaire et de subsistance, grâce aux rôles qu'elles jouent dans la sélection des semences, la gestion du petit bétail et la conservation et l'utilisation durable de la diversité végétale et animale. Le rôle clé des femmes en tant que productrices et pourvoyeuses d'aliments les associe directement à la gestion des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, et leur a donné des connaissances précieuses sur les espèces locales, les écosystèmes et leur utilisation, connaissances acquises au cours de siècles d'expérience pratique.

Les collectivités rurales les plus pauvres sont celles vivant dans des milieux marginaux et hétérogènes qui ont le moins bénéficié des variétés végétales modernes à haut rendement. Jusqu'à 90% des plantes de ces agriculteurs pourraient provenir de semences et de matériel génétique produits, améliorés et conservés par leurs propres soins.

Ces cultivateurs vivant d'une agriculture de subsistance ne peuvent se permettre l'achat de facteurs de production extérieurs tels qu'engrais, pesticides, produits vétérinaires, fourrage de qualité élevée et combustible pour la cuisson et le chauffage. Ils subsistent en maintenant une grande diversité d'espèces cultivées, de plantes sauvages, de souches et de races animales adaptées à l'environnement local afin de se prémunir contre les mauvaises récoltes, la maladie ou la mort des animaux, pour assurer un approvisionnement alimentaire continu et varié et pour se protéger contre la faim et la malnutrition. Dans de nombreuses régions, la majorité des petits exploitants sont des femmes.

Quelques tendances et chiffres relatifs a la diversite agrobiologique
  • 30% des ressources génétiques animales au stade de la reproduction sont caractérisées comme étant à haut risque de perte.
  • Des 250 à 300 000 espèces végétales connues, 4% sont comestibles, mais seulement 15 à 200 sont exploitées par les humains.
  • Trois espèces végétales (riz, maïs et blé) produisent près de 60% des calories et protéines végétales consommées par l'homme.
  • Les ruraux pauvres dépendent des ressources biologiques pour environ 90 pour cent de leurs besoins.

POLITIQUES, ACCORDS ET APPUI TENANT COMPTE DE LA SPÉCIFICITÉ DE CHAQUE SEXE

Des politiques et des accords juridiques internationaux reconnaissent l'importance du rôle que jouent les femmes, notamment dans les pays en développement, dans la gestion et l'utilisation des ressources biologiques. Malgré cette reconnaissance accrue au plan international, très peu a été accompli pour préciser la nature du lien qui relie la diversité agrobiologique aux activités, responsabilités et droits des hommes et des femmes. En fait, les principaux rôles et pratiques de gestion des femmes vis-à-vis de la conservation et de l'amélioration des ressources zoogénétiques et phytogénétiques, et leur profonde connaissance des plantes et des animaux, demeurent “invisibles” aux agronomes, forestiers et écologistes ainsi qu'aux planificateurs et aux décideurs.

Le manque de reconnaissance, au niveau technique et institutionnel, fait que leurs intérêts et exigences ne reçoivent guère d'attention. En outre, la participation des femmes aux efforts structurés de conservation de la diversité biologique reste faible en raison de leur manque de représentation aux niveaux de l'élaboration des politiques et des prises de décision.

La recherche et le développement moderne et l'amélioration génétique centralisée ont ignoré et miné les capacités d'innovation et de sélection des collectivités rurales locales en matière de variétés végétales. Dans ce domaine que les femmes ont traditionnellement maîtrisé, du fait des technologies et perceptions modernes, elles se sont vues forcées de céder aux hommes une grande partie de leur influence et de contrôle sur la production et de leur accès aux ressources. Ces derniers bénéficient des services de vulgarisation et ont les moyens d'acheter les semences, les engrais et le matériel technique nécessaire.

SAVOIR DIFFÉRENCIER LES HOMMES ET LES FEMMES

Grâce à leurs différentes activités et pratiques de gestion des ressources, les hommes et les femmes ont acquis des compétences et connaissances différentes concernant l'environnement local, les espèces animales et végétales, leurs produits et l'utilisation de ces derniers. Ces systèmes locaux de savoir différencié par sexe jouent un rôle déterminant dans la conservation in situ (dans l'habitat/écosystème naturel), la gestion et l'amélioration des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, car la décision concernant ce qu'il faut conserver dépend du savoir et de la perception de ce qui est le plus utile au ménage et à la collectivité locale.

La connaissance spécialisée qu'ont les hommes et les femmes de la valeur et des divers usages des espèces et variétés domestiquées s'étend aux plantes sauvages qui servent d'aliments en période de pénurie ou pour répondre à des besoins de santé ou de subsistance. Le savoir traditionnel est hautement sophistiqué et se transmet en général d'une génération à l'autre. Au travers de l'expérience, de l'innovation et de l'expérimentation, des pratiques durables sont mises au point pour protéger le sol, l'eau et la végétation naturelle, y compris la diversité biologique. Ce fait a des répercussions importantes pour la conservation des ressources phytogénétiques.

LES FEMMES COMME 'SCIENTIFIQUES' ET DÉCIDEURS DANS L'AMÉLIORATION GÉNÉTIQUE ET LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE

Dans la petite agriculture, les agricultrices ont été largement responsables de la sélection, de l'amélioration et de l'adaptation des variétés végétales. L'amélioration génétique de certaines variétés est un processus complexe et multiforme qui dépend du choix de certaines caractéristiques que l'on souhaite reproduire (par exemple, la résistance aux ravageurs et aux maladies, l'adaptabilité aux sol et aux conditions agroclimatiques; l'apport nutritionnel, le goût, les propriétés culinaires; la transformation et le stockage). Dans de nombreuses régions, les femmes sont aussi responsables de la gestion, y compris la reproduction du petit bétail.

Comme pour les plantes, dans l'amélioration zoogénétique, le choix des caractéristiques comprend des adaptations aux conditions locales telles que la disponibilité en fourrage et la résistance aux maladies. Le fait que les plantes et les animaux sont souvent produits pour une multitude d'usages accroît encore la complexité du processus d'amélioration génétique car on recherche un grand nombre de traits. C'est ainsi que le sorgho peut être cultivé autant pour ses graines que pour ses tiges, les patates douces pour leurs feuilles aussi bien que pour leur racine, et les moutons peuvent être produits pour leur lait, leur laine et leur viande. En outre, pour créer un micro-environnement favorable et mieux exploiter l'espace et le temps, plusieurs espèces végétales qui se complètent réciproquement sont souvent plantées en intercalaire, et on pratique dans bien des cas l'agriculture mixte (agriculture, élevage et agroforesterie).

Reconnaître ce processus sophistiqué de prise de décision incite les généticiens et les chercheurs à reconnaître que, lorsqu'une collectivité adopte des semences nouvelles et améliorées de cultures vivrières ou des races animales, c'est que les agriculteurs hommes et femmes les ont mises à l'essai et les ont adoptées.

LES RESPONSABILITÉS ET DROITS DES FEMMES ET LE CONCEPT DE DROITS DES AGRICULTEURS

Du fait de leurs activités journalières, de leurs expériences et de leur savoir, les femmes ont grand intérêt à protéger la diversité biologique. Cependant, aux niveaux national et local, les femmes rurales n'ont encore, aujourd'hui, que des droits limités aux ressources dont elles dépendent pour satisfaire leurs besoins. En général, leur droit d'accès aux ressources locales et leur contrôle sur ces dernières, de même que les politiques nationales qui les réglementent, ne vont pas de pair avec leurs responsabilités croissantes vis-à-vis de la production de vivres et de la gestion des ressources naturelles.

LA DIVERSITÉ AGROBIOLOGIQUE ET SES GESTIONNAIRES

La promotion d'une stratégie à long terme de conservation, utilisation, amélioration et gestion de la diversité des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture impose:

Le défi qui incombe à la génération à venir est la sauvegarde de la diversité agrobiologique moyennant une attention accrue accordée aux systèmes agricoles divers et intégrés, notamment ceux gérés par les femmes qui assurent la sécurité alimentaire et celle de la subsistance. La conservation de la diversité végétale et animale permettra aux agriculteurs et aux agricultrices de s'adapter aux changements, de réduire les risques, de maintenir et renforcer la production agricole et animale, la productivité et l'agriculture durable.

Bibliographie

Balakrishan, R. 1997. Gender and biodiversity. Paper presented at the FARM Programme Regional Trainingcum-workshop on Application of Biotechnologies to Rainfed Farming System, including Bio-indexing ParticipatoryApproach at community Level.

Bunning, S. & Hill, C.1996.Farmers' rights in the conservation and use of plant genetic resources. A gender perspective. Paper presented at a seminar during the second Extraordinary Session of the FAO Commission on Genetic resources for Food and Agriculture. Rome.

FAO. 1989. Conference resolution 5789. 25th Session of the FAO Conference, Rome, 11–29 November.

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IBPGR. 1991. Geneflow. A publication about the earth's plant genetic resources. Rome, International Board for Plant Genetic Resources.

UNCED 1992. Agenda 21. United Nations Conference on Environment and Development, Rio de Janeiro, June 1992.

UNEP. 1993. Convention on Biological Diversity.Nairobi. I/X2560E/1/9.99/2000

Glossaire

Conservation ex situ: Littéralement «hors contexte» pas dans l'environnement original ou naturel, par exemple, les semences stockées dans une banque de gènes.

Banque de gènes: installation où les matériaux génétiques sont stockés sous forme de semences, de pollen ou de culture de tissu.

Conservation in situ: littéralement «dans le lieu d'origine de la plante».

Nitya Ghotge e Sagari Ramdas (2003)

Élevage et moyens d'existence

Pendant des années, de nombreuses races animales (par exemple, des chevaux, des cochons, du bétail, des chèvres, des chameaux, des éléphants, des lamas, des alpagas, des vigognes, des rennes, etc.) ont été domestiquées dans les régions du monde pour des raisons différentes. On estime que les premières domestications eurent lieu il y a plus de 14 000 ans et que le premier animal à être domestiqué fut le chien, essentiellement en tant qu'animal de compagnie.

Certaines espèces animales sont passées de leurs centres originaux de domestication à d'autres lieux. Elles se sont adaptées aux conditions et aux besoins des populations. Le bétail tout comme les chevaux, les moutons, les chèvres, les volailles, les porcs, les poulets et les canards tiennent lieu d'exemples. Dans le cas de certaines espèces, on croit que la domestication a pu s'effectuer plusieurs fois dans des lieux différents. C'est ce que l'on pense du Bos Taurus (bovin sans bosse), qui aurait été domestiqué à Aurochs, une région du côté de la Turquie, et en Afrique du Nord.

Les populations du désert, d'un autre côté, ont domestiqué les chameaux pour s'en servir comme moyen de transport. De même, les chameaux fournissent du lait, de la viande, des poils, du cuir et du fumier. En outre, ce sont des symboles de richesse et de statut social et ils peuvent être échangés avec d'autres biens.

Races de bétail

Les races de bétail se sont développées lentement au cours d'un processus qui a pris des centaines d'années par le biais d'un processus de sélection à la fois naturel et orienté en fonction des exigences humaines. Par le biais du processus naturel, seules les espèces qui pouvaient résister dans des zones agro-écologiques particulières survivaient. De même, les humains ont soigneusement sélectionné les espèces sur la base de leurs caractéristiques physiques et de production afin de mieux affronter leurs exigences et leurs besoins. Cependant, les exigences d'un agriculteur dans les froids herbages des steppes russes étaient quelques peu différentes de celles des agriculteurs des steppes indiennes ou pakistanaises. Aujourd'hui, on connaît 6 à 7 000 races d'animaux domestiques dans le monde entier. Le processus raffiné de la sélection de différentes caractéristiques est largement responsable de la différence des performances et des apparences de l'animal par rapport à ses parents sauvages aussi bien que par rapport à d'autres animaux de la même espèce.

Systèmes des moyens d'existence des animaux sauvages

Certains modèles spécifiques d'élevages agricoles résultent de la région de domestication, des exigences et des nécessités spécifiques des communautés locales.

Les races sélectionnées par ces gardiens de troupeaux étaient essentiellement des races qui pouvaient supporter le stress de la migration, les sécheresses et la nourriture périodique ainsi que les pénuries nutritionnelles.

Les systèmes pastoraux

Un grand nombre d'animaux a été domestiqué dans les herbages de l'Asie centrale et occidentale. Il s'agit en particulier d'espèces herbivores qui mangeaient de l'herbe (par exemple, des moutons, des chèvres, du bétail, des chevaux et des chameaux). Dans ces régions, la production agricole était à risque et présentait de multiples incertitudes tandis que le bétail représentait une alternative valable. Les premiers gardiens de bétail, de moutons et de chèvres migraient souvent. Ils déplaçaient leurs animaux d'un lieu à un autre, à la recherche de pâturages. Quand la pression sur les pâturages devenait excessive ils se déplaçaient vers de nouveaux territoires à la recherche de nouveaux pâturages.

Comme leur vie et leurs moyens d'existence dépendaient des animaux et de leur élevage, ces gardiens ont gardé les meilleures races pendant des générations. De nos jours encore, on estime que 15 pour cent du bétail dans les pays en développement sont gardés par des pasteurs surtout dans les régions semi arides de l'Afrique, de l'Inde et du Pakistan.

Systèmes fondés sur les forêts

Les communautés qui vivent dans des régions de forêts ont d'abord domestiqué les arbres. Sous les Tropiques, des animaux comme les éléphants, les buffles d'Asie, les cochons et les poulets étaient domestiqués pour la nourriture, le fumier, le labourage et le sport. Cependant, toutes les espèces sauvages des forêts n'étaient pas bonnes pour la domestication et de nombreuses espèces étaient dans un état de semi domestication. En cas d'absence de soins humains, ils retournaient à l'état sauvage.

La race de moutons Mithun par exemple, a été domestiquée par des communautés qui vivent dans des régions de forêts du nord est de l'Inde. La forêt impose des défis spécifiques et seuls les animaux qui y résistaient pouvaient être domestiqués avec succès. L'un des principaux défis comporte la résistance aux attaques des prédateurs naturels, la capacité de faire face aux pénuries alimentaires et la résistance aux maladies. Le mouton Mithun représente un statut, une richesse et sert de capital et d'argent liquide pour les personnes de ces communautés. Cependant, les Mithun ne sont pas vraiment gardés de la même façon intensive que le bétail dans les autres régions développées du monde.

Des préférences religieuses et des tabous sociaux déterminent également la sélection des espèces et des races animales. En Inde, les races de bétail ne sont pas sélectionnées pour la viande dans la mesure où il y a une interdiction religieuse de consommer du bœuf. D'un autre côté, des races très semblables (Ongole et Kanhrej ou Gujerat) sont élevées en Australie et aux Amériques comme animaux de boucherie dans les systèmes des ranchs.

Systèmes d'élevage de bétail fondés sur les cultures

La plus grande révolution dans l'agriculture du bétail s'est produite il y a des milliers d'années, quand les systèmes de production animale et végétale furent unifiés pour devenir des systèmes mixtes. Dans ces systèmes les sous produits de l'agriculture (résidus de récoltes et paille) étaient utilisés pour nourrir les animaux. En échange, les animaux devaient travailler la terre. Leurs déchets (excréments) étaient utilisés comme engrais. C'est cette grande révolution qui a porté aux excédents alimentaires et qui a aidé les sociétés à aller au-delà du niveau de la simple subsistance.

De très intéressants modèles de systèmes mixtes ont évolué dans différents pays dans le monde. Ces modèles répondaient aux exigences naissantes et aux changements environnementaux. Grâce à ce processus, de nombreuses races intéressantes se sont développées.

Systèmes modernes d'élevage

Les animaux d'élevage ont évolué et migré dans le monde entier. Les élevages d'animaux étaient maintenus dans les herbages des Amériques et de l'Australie où la production d'animaux s'est intensifiée sous le systèmes des ranchs. Le développement du chemin de fer, les systèmes de conservation par le froid et les bateaux réfrigérés ont accéléré le développement de ce type d'élevage d'animaux, qui a porté à des conséquences sociales et environnementales indésirables (par exemple, de vastes étendues de forêts ont été transformées en pâturages).

Systèmes agricoles modernes

L'intensification de la production animale a compté sur l'uniformité de la composition génétique des animaux. Par exemple, presque tous les porcs élevés dans des systèmes agricoles commerciaux en Europe et en Amérique du Nord appartiennent à deux ou trois races. Quatre-vingt-dix pour cent du bétail laitier de l'Amérique du Nord et 60 pour cent de tout le bétail européen appartient à une seule race, la race Holstein. En outre, on estime que d'ici 2015, la diversité génétique au sein de cette race viendra de 66 animaux particuliers seulement. De même, l'élevage de volailles dans le monde compte sur quelques compagnies multinationales qui ont développé une poignée de races pour leurs réserves.

Le besoin de biodiversité agricole

Une base génétique limitée comme celle développée par les systèmes agricoles commerciaux, comporte de nombreux dangers. Cette base soigneusement sélectionnée pour une caractéristique particulière, pourrait être totalement inappropriée face aux problèmes qui peuvent apparaître dans le futur, comme les maladies et l'augmentation de la demande de produits d'élevage diversifiés. Avec une vaste base génétique il serait possible de mettre en œuvre un système d'élevage productif dans diverses conditions.

La plupart des pauvres du monde vivent dans des régions marginalisées où il n'est pas possible de gérer l'élevage agricole dans des conditions intensives. Les animaux d'élevage sont élevés pour satisfaire un certain nombre de besoins et d'exigences personnels.

Les modèles d'élevage sont intimement liés dans un équilibre précaire aux autres systèmes de la région. Des espèces et des races spécifiques sont associées et identifiées en fonction de leur place socioculturelle dans la société. Par conséquent, l'introduction d'un programme ou de nouvelles races ou espèces animales tendent à renverser l'équilibre qui a évolué lentement au cours des années. Une vaste diversité génétique permet à ces personnes d'avoir une vie socialement, culturellement et économiquement indépendante, ainsi qu'une dignité.

Références

Groombridge, B. (ed). 1992. Global Biodiversity: Status of the Earth's Living Resources. Compiled by World Conservation Monitoring Centre. Chapman and Hall, London.

Sahai R. and R.K. Vijh (eds). 2000. Domestic Animal Diversity Conservation and Sustainable Development, SI Publications, Karnal (Haryana) 132001, India.

Scherf B. (ed). 2000. World Watchlist for Domestic Animal diversity, 3rdedition, FAO, Rome, Italy.

Sourcebook produced by CIP-UPWARD,
In partnership with GTZ GmbH, IDRC of
Canada, IPGRI and SEARICE.
Contributed by: Nitya Ghotge and Sagari Ramdas
(Email:[email protected])

GRAIN (2004)

De bonnes idées mal appliquées?
Un glossaire pour une terminologie correcte

Bon nombre d'entre nous doivent souvent se battre avec les mots et les concepts qui sont utilisés comme s'ils avaient une seule et simple signification tandis qu'en réalité ils masquent de forts préjugés et des visions du monde très spécifiques. Il n'est pas surprenant qu'il y ait toujours un penchant en faveur de visions du monde de ceux qui sont au pouvoir. Il y a aussi des mots et des concepts pleins de bonnes intentions quand ils sont inventés mais qui ont été corrompus dans le temps par un usage inapproprié, prenant de cette façon des connotations et des implications plus compliquées. Quand nous utilisons ces mots, nous sommes souvent involontairement mais inévitablement piégés dans des structures politiques et philosophiques qui entravent notre capacité à compéter contre le pouvoir qui corrobore ces vues.

Dans les pages suivantes, GRAIN jette un regard critique à certains concepts clé en relation avec le savoir, la biodiversité et les droits de propriété intellectuelle. Bon nombre de ces mots ou de ces phrases semblent plutôt innocents au premier coup d'œil, mais si on les examine un peu plus en profondeur, on peut se rendre compte de combien ils ont été déformés, manipulés, usurpés, dévalués et/ou dénaturés. Certain sont utilisés pour nous contraindre ou nous enfermer dans une certaine façon de penser et d'autres sont utilisés contre nous. Ceci n'est pas un exercice qui a pour but de tirer des conclusions finales, mais une invitation à déconstruire certaines définitions et à commencer la recherche d'une nouvelles technologie et de nouvelles façons de penser qui peuvent nous aider à éclaircir certains pièges conceptuels dans lesquels nous sommes enfermés.

Comme les lecteurs le verront, il manque un concept important comme celui des droits. Après quelques discussions, nous avons conclu que ce concept est trop central pour les débats actuels, trop chargé de valeur implicites et si profondément enraciné dans nos esprits que des considérations plus longues et plus attentives sont nécessaires avant que nous puissions entreprendre une discussion utile sur le sujet. Nous espérons inclure plus tard une discussion sur les «droits», dans une autre publication sur les Semences. En attendant vos suggestions sont les bienvenues.

ACCÈS

Le terme accès signifie simplement le droit d'utilisation ou de visite. Dans le contexte de la biodiversité, il se réfère aussi bien au droit d'entrer dans les régions bio -riches pour prospecter qu'à la permission d'utiliser de telles ressources ou au savoir traditionnel qui leur est associé pour la recherche, les applications industrielles et/ou l'exploitation commerciale. Au début il était présenté comme une sauvegarde contre la piraterie biologique, l'objectif étant de maintenir, grâce à des normes et des règlements, le contrôle des ressources biologiques et le savoir qui se trouve dans les mains des communautés. Toute décision concernant l'accès aurait nécessité un consentement préalablement informé de la part des communautés en question. Mais l'accès à ces régimes s'est transformé en de simples instruments de négociation entre les gouvernements et les intérêts commerciaux. La valeur potentielle (le marché) de la biodiversité et de son savoir associé au développement de nouveaux médicaments, cultures et cosmétiques a transformé cet accès en une lutte acharnée entre les pays. C'est ainsi que l'accès est devenu synonyme de commerce biologique.

Il convient de prendre en considération la façon dont l'accès a été discuté au sein du Groupe de travail intersessions Ad Hoc CDB sur l'Accès et le partage des avantages. Les gouvernements doivent maintenant répondre à l'appel du Rio+10 pour négocier un régime international sur l'accès et le partage des avantages sur la base des Directives de Bonn (volontaires) adoptées par les parties à la Convention en avril 2002. La CDB ne définit pas «l'accès» mais envisage plusieurs portées à celles-ci:

Triste mais prévisible, la préoccupation est seulement en faveur de la première dimension, sans attention partagée/pondérée aux deux autres. En outre, avec la CDB, les pays sont liés à des «accès «facilités», non restreints. L'accès au matériel génétique végétal subit le même sort dans le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture de la FAO.

Ce qui est pénible dans toutes ces discussions, c'est l'approche en faveur du DPI (Droits de propriété intellectuelle). Dans de nombreux cas, les accès aux négociations sont contraints de s'accommoder des régimes légaux internationaux sur les DPI comme recommandé par l'OMC, l'accord ADPIC et l'OMPI. Ceci est inacceptable.

PARTAGER LES BÉNÉFICES

Le partage des bénéfices était à l'origine vue comme une façon d'apporter l'équilibre et la justice dans un monde où les pays industrialisés et leurs corporations transnationales ont longtemps pillé la biodiversité et le savoir traditionnel des communautés du sud. Au début des années 1990, il était devenu l'un des trois piliers centraux de la CDB qui réclamait « un partage juste et équitable des bénéfices provenant de l'utilisation des ressources génétiques». Dernièrement, les groupes de la CDB ont développé un manuel sur comment y parvenir et une formulation similaire a été intégrée dans le Traité international sur les ressources phytogénétiques. Le partage des bénéfices, était-il affirmé, aurait arrêté le biopiratage et les protecteurs de la biodiversité - les communautés locales - auraient eu un meilleur marché et voix au chapitre sur la gestion de ces ressources.

Plus de dix ans plus tard, il semble que la discussion sur le partage des bénéfices se déplace presque dans la direction opposée. Les gouvernements et les corporations d'avocats négocient des accords sur le partage des bénéfices tandis que les communautés locales sont sur la touche. L'argent domine le programme et les multiples bénéfices de la biodiversité au niveau local sont oubliés. En dépit de certaines discussions sur les capacités de renforcement et la responsabilisation, de nombreuses approches concernant le partage des bénéfices sont dominées par le résultat financier: «pas de brevet pas de bénéfices». Au lieu d'aider les formes collectives d'innovations qui soutiennent le savoir et les pratiques des communautés locales ainsi que la biodiversité qu'ils produisent et maintiennent, le partage des bénéfices est en train de devenir de plus en plus un instrument pour appuyer les DPI, encourager le commerce biologique et transformer la biodiversité en un autre produit de base à vendre (voir encadré).

Il est temps de revenir à l'essentiel: l'objectif principal est de renforcer le contrôle des communautés locales sur la biodiversité qu'ils nourrissent (et qui les nourrit) afin d'améliorer les bénéfices qu'ils en tirent pour leurs systèmes d'existence. Tout modèle de bénéfices partagé qui ne prend pas ça comme un élément principal est destiné à contribuer au problème plus qu'à fournir une solution.

LES DROITS DES AGRICULTEURS

Les Droits des agriculteurs dépendent en grande partie à qui l'on parle. Une organisation d'agriculteurs des Philippines définit les Droits des agriculteurs comme une question de contrôle sur leurs semences, leurs terres, leur savoir et leurs moyens d'existence tandis qu'un article dans l'Hindu Business Line les décrit comme les droits des agriculteurs d'avoir accès aux cultures transgéniques. La Fédération internationale des semences a peu de respect pour le concept. Elle affirme que: «Les Droits des agriculteurs ont été introduits de façon plutôt émotionnelle, sans considération attentive (…) et ont porté à des discussions sans fin.» Le Service d'informations des Droits des agriculteurs établit par la Fondation de recherche Swaminathan explique que son existence est fondée sur le fait que des groupes autochtones et des agriculteurs ont besoin de toucher une récompense économique pour leur exploitation de la biodiversité de même que des intérêts commerciaux.

La définition officielle établit dans l'Article 9 du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture de la FAO ne nous aide pas davantage. Il est relaté que les pays devraient protéger et encourager les Droits des agriculteurs en leur permettant un partage équitable des bénéfices et en les laissant participer aux prises de décisions. Mais ces «droits» sont limités en fonction des «exigences et des priorités» des pays et sont «sujets à la législation nationale». Même les droits séculaires des agriculteurs à mettre de côté et à échanger les semences agricoles mises de côté ne sont pas clairement garantis et sont sujets à la «législation nationale et aux mesures appropriées».

Par le passé, pendant plus d'une décennie, les Droits des agriculteurs ont représenté une bataille essentielle pour de nombreuses ONG et organisations d'agriculteurs, y compris le GRAIN. L'objectif principal était - et continue à être - l'assurance du contrôle d'un accès à la biodiversité agricole par les communautés locales afin qu'elles puissent continuer à développer et améliorer leurs systèmes agricoles. Plus qu'un simple mécanisme financier de compensation, nous insistons pour que les Droits des agriculteurs soient des droits socioéconomiques comprenant le droit à la nourriture, à la terre, à des moyens d'existence décents et à la protection des systèmes de savoir. Peu de choses ont été réalisées au niveau international entre les gouvernements. Mais il s'agit d'une bataille qui continue pour de nombreuses communautés agricoles au niveau local.

HÉRITAGE

L'héritage est un legs historique d'une nation ou d'un peuple qui est jugé digne de protection. Le patrimoine c'est quelque chose qui passe d'une génération à la suivante en laissant entendre que cet héritage est hors de la sphère de l'achat ou de la vente. C'est ce que la FAO avait à l'esprit quand le concept d'«héritage commun de l'humanité» a été développé pour les ressources phytogénétiques. En reconnaissant le statut d'«héritage» aux semences et aux plantes, l'idée était de les préserver dans le domaine public, libres de tous droits de propriétés exclusifs et restrictifs. Mais le concept à ensuite était revu pour accommoder le principe de «souveraineté» garanti dans la CDB, dont la signification est de donner à l'héritage un prix élevé. Le caractère sacré des semences dans les cultures agricoles en tant qu'inaliénable et qui doit être partagé a longtemps été violé par des privatisations croissantes, surtout par le biais d'abus de brevets et de droits des éleveurs de plantes. C'est une situation ironique dans laquelle le système DPI rêvait de cet héritage et il en sonne le glas. A travers la planète des gens se battent pour garder cet héritage et tout ce que l'on peut faire pour le garder en vie. L'organisation internationale des agriculteurs, Via Campesina, a lancé une campagne pour défendre les semences en tant qu'héritage des peuples pour le service de l'humanité. Cette campagne mondiale a été lancée par le Forum social mondial de Porto Alegre, au Brésil en 2003, où des milliers de participants se sont réunis pour défendre les semences comme un héritage collectif, la base des cultures et la fondation de l'agriculture et de la souveraineté de la nourriture.

DPI

Il y a de nombreuses façons d'encourager l'innovation et il y a de nombreuses façons pour les populations de se protéger contre les abus de leurs travaux créatifs. Mais dans le courant des siècles passés, ces fonctions ont fait partie de plus en plus du domaine des tribunaux et des différents systèmes légaux qui les gouvernent tels que les droits d'auteur, les brevets, les marques de fabrique, les droits des éleveurs de plantes, les indications géophysiques et la création industrielle. On suppose que ces lois protégent au maximum les intérêts publics: des sociétés ont accès à des travaux créatifs et des inventeurs/auteurs sont récompensés de leurs efforts et de leurs investissements sous la forme de monopole temporaire des droits. On a admis que chaque pays devait être capable de limiter la portée des lois et des droits qu'il s'était permis d'accorder en fonction de ses conditions particulières et de ses intérêts. Mais récemment, les tribunaux dans certains pays ont de plus en plus embrouillé leurs systèmes légaux avec la loi sur la propriété et la portée et le monopole des droits accordés ont échappé à tout contrôle. Quoi de pire, certains gouvernements conduits par les Etats-Unis et attirés par le gros business sont en train d'appuyer pour que cette situation devienne la règle dans le monde entier. Ils insistent également pour avoir un système mondial de brevet fondé sur ce modèle déformé.

L'utilisation croissante du terme «droits de propriété intellectuelle» (DPI) représente une partie de ce problème. Les DPI sont apparus sur la scène en 1967 quand l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) s'est constituée pour réunir les différents systèmes juridiques sous une seule égide. Le concept de DPI est rattaché à une vision néolibérale qui affirme que tout ce qui est dans le monde - biens matériels, travaux créatifs, même l'ADN, peut et devrait être privatisé: partagé, possédé et gouverné par un groupe de monopoles des droits juridiques. Si les gens ne possèdent rien et sont incapables d'accumuler plus de possessions, il ne peut pas y avoir de progrès; des processus communs et collectifs ne portent à rien sauf à une tragédie et minent le fonctionnement efficace des marchés «libres». Mais en pratique, nous voyons que les droits de propriété servent uniquement les intérêts de quelques uns. Ils facilitent la concentration de richesses en étendant le contrôle des propriétaires de droits et en dévaluant et en dépossédant les population d'une richesse «non réclamée» telles que les terres des autochtones, ou les variétés de plantes traditionnelles.

Les DPI comme ils existent aujourd'hui, favorisent également une nouvelle forme d'innovation très particulière - celle de privatiser la paternité individualisée qui est généralement contrôlée par les grosses industries et qui adaptent les exigences commerciales de la production de masse. Les DPI minent les processus d'innovation collectifs les plus importants qui sont au cœur de la biodiversité agricole, la culture, la science et la communauté. Par exemple, alors que les brevets et les variétés de plantes récompensent l'industrie des semences pour leur modifications subtiles sur les variétés de plantes existantes, ils entravent les formes collectives de croisements de plantes que des générations d'agriculteurs ont utilisé pour produire la vaste biodiversité agricole de la terre. Nous en sommes maintenant au point où les systèmes juridiques désignés pour mettre en valeur l'innovation, sont en train de faire précisément le contraire: museler l'innovation, bloquer les idées et escroquer les populations.

Heureusement, il y a un mouvement mondial croissant de résistance contre cette tendance. Les agriculteurs sont en train de se battre contre la criminalisation de la mise de côté des semences et la réalisation d'un brevet sur la vie. Des innovateurs numériques se battent pour préserver et étendre l'espace de la création libre et l'utilisation de logiciels. Des activistes et des scientifiques se battent contre des brevets pharmaceutiques indécents et cherchent des alternatives, des modèles de recherche complètement «ouverts» qui permettent des brevets.

PROTECTION

Le dictionnaire anglais définit le mot «protéger» comme se mettre à l'abri d'une attaque, des mauvais traitements, d'un danger; abri, défendre et mise en garde garde. Mais l'interprétation du mot protection peut également impliquer la détention, la coercition, la contrainte, la répression, la limitation, la restriction, le monopole et l'interdiction. Donc le mot protection ne peut pas être compris sans référence à ce que l'on veut défendre, en faveur de qui et aux dépens de qui. Sans cela, nous pouvons facilement détruire ce que nous voulons protéger, comme c'est le cas pour les DPI. On suppose qu'ils sont utilisés comme bouclier pour protéger le savoir mais ce sont en fait des instruments pour tirer profit pour une soit disant recherche «scientifique». L'horizon économique représente son unité de mesure: rien d'autre. On ne protège rien d'autre que le portefeuille de quelqu'un.

Une part du problème c'est que la protection signifie de nombreuses choses différentes selon la loi sur la propriété intellectuelle et dans son utilisation courante. Dans le sens de la propriété intellectuelle, la protection signifie protéger la propriété de quelque chose d'une façon très particulière mais dans un usage courant cela a une signification beaucoup plus large. A ce sujet, les discussions sur la protection du savoir traditionnel de l'OMPI (voir page 13) ont été particulièrement problématiques. Quand le savoir humain est transformé en d'avantageux DPI miniatures sous forme d'octets, il sort du cadre de la permission ordinaire des droits sociaux non protégés. Pour protéger vraiment le savoir humain - scientifique, traditionnel, autochtone, ou autre - il faut réunir certaines conditions. Tout d'abord nous devons lui attribuer une plus grande valeur et créer les conditions pour que ce savoir fleurisse comme en préservant la diversité culturelle et ses manifestations et conserver la diversité des écosystèmes. En deuxième lieu, le savoir doit circuler librement, sans limitations, monopoles ou interdictions. Le dernier mais pas des moindres, cette liberté doit s'appliquer à tous les types de savoirs ce qui signifie aucune DPI sous aucune forme que ce soit.

SOUVERAINETÉ

La souveraineté implique l'autonomie. La loi internationale affirme que la souveraineté signifie que chaque pays a le «contrôle suprême sur ses affaires internes». En 1958, l'Assemblée générale des Nations Unies a établi une Commission sur la Permanent Sovereignity over Natural Resources suivie en 1962 par une résolution en huit points. Mais la souveraineté n'est pas devenue un concept important par rapport à la biodiversité jusqu'au brouillon de la CDB. Dans les années 80, des discussions à la FAO sur les politiques des ressources phytogénétiques se sont concentrées sur le principe qu'il y avait «un héritage commun de l'humanité». On disait que le changement dramatique dans la perception de la possession de la biodiversité introduit par la CDB servait à permettre aux états et à leurs populations constituantes de prendre des décisions sur la façon dont les ressources biologiques au sein de leur juridiction devaient être utilisées, conservées, échangées et partagées. La modification conceptuelle du côté de la souveraineté était supposée reconnaître les contributions de la population (surtout dans le sud) au développement de la biodiversité et de les inclure dans des arrêts sur le moyen de gérer et de partager les bénéfices des fruits de leur labeur.

Plus d'une décennie plus tard, comment la souveraineté a-t-elle été exercée? Dans les pays du monde entier riches en biodiversité ce sont les gouvernements et les organismes d'état qui exercent le pouvoir. Ils semblent avoir détourné le concept. L'état souverain ne représente ni un droit absolu ni l'accorde de quelque possession que ce soit sur les ressources génétiques pour les autorités gouvernementales. Donner du temps à la souveraineté entraîne nécessairement la responsabilisation et l'affranchissement des communautés. Des groupes d'agriculteurs ont entrepris de le faire en encourageant le concept de «nourriture souveraine» qui implique le droit des populations de chaque pays à déterminer ce qu'elles mangent.

SUIGENERIS

En latin, sui generis signifie «de sa propre marque» quelque chose d'unique, quelque chose de spécial. En espagnol surtout, cela implique quelque chose d'exceptionnel, quelque chose d'étrange. Le concept sur la législation sui generis a d'abord été introduit dans les négociations sur la propriété intellectuelle, au sein de l'accord du GATT, en tant que moyen de concéder la propriété intellectuelle sur les plantes à la place de brevets qui doivent affronter un fort rejet mondial généralisé. Quoiqu'au départ la législation sui generis avait été réalisée exclusivement pour les variétés de plantes, le concept a été graduellement étendu à la couverture de la revendication du savoir traditionnel et des autres expressions culturelles.

Il existe de nombreuses déformations historiques et conceptuelles derrière l'idée d'une législation sui generis. La première déformation et la plus importante s'est produite dès le début dans l'accord ADPIC de l'OMC. En affirmant que l'exclusion des brevets était sui generis (unique, différent), cela implique que les brevets sur la vie représentaient la norme, en dépit du fait que c'est l'exact contraire qui est vrai. Une deuxième déformation était représentée parla définition de l'ADPIC selon laquelle sui generis est vraiment un mirage: les seules «alternatives» permises étaient encore un brevet comme les DPI, a peine modifiés pour les adapter aux plantes. En dépit de ces imperfections de base, l'idée de sui generis a été incontestée pendant une décennie, et pendant ce temps nous avons été témoins ou nous nous sommes empêtrés dans de nombreuses contradictions qui faisaient partie des nombreuses et courageuses recherches mais sans espoir pour un «meilleur» système de DPI Ce fut le cas pour de nombreux groupes qui se battaient contre la propriété intellectuelle au sein de l'OMPI, un organisme qui avait été spécialement et exclusivement créé pour défendre la propriété intellectuelle. Après de nombreuses batailles stériles, nous devrions peut-être prendre le contre-pied. Le fait est que les DPI sont un cas extrême de législation sui generis. En tant que tels, ils devraient être rédigés, appliquées et l'interprétés sous le sévère et rigoureux examen et les sévères limitations établies par les sociétés et non sur les normes sui generis. De ce point de vue, la conclusion accablante est que la propriété intellectuelle ne devrait pas s'exercer sur la vie ou le savoir.

LE SAVOIR

N'avez-vous jamais remarqué que presque tous les concepts ou conseils constamment liés à un adjectif se dégradent ou se dévaluent? Comme agriculture organique, développement durable, sélection génétique participative, technologie alternative, démocratie protégée, économie de marché. Le savoir traditionnel ne fait pas exception à la règle.

Le savoir traditionnel est un savoir, exactement comme les mathématiques, la biologie ou la sociologie. Ce qui les rend différents c'est qu'ils ont été soigneusement et patiemment créés, construits, nourris, diffusés et encouragés par des gens ordinaires, sans pouvoir: des petits agriculteurs, des pêcheurs, des personnes vivant de chasse et de cueillette, des guérisseurs traditionnels, des sages-femmes, des artisans, des poètes traditionnels et bien d'autres encore. Parce que la majorité de ces personnes appartient aux cultures rurales, ou ont des liens étroits avec elles, un tel savoir est intimement lié à la compréhension des processus naturels. C'est une forme de savoir en évolution constante, qui intègre le nouveau savoir dans un riche fond commun qui a été testé et enrichi au cours des siècles.

Nous ne nous promenons pas en parlant de «savoir mathématique» ou de «savoir sociologique». La raison pour laquelle nous entendons toujours parler de «savoir traditionnel» c'est que de cette façon nous pouvons amoindrir une forme de savoir qui pourrait devenir subversive, en raison de sa nature collective et de son autonomie par rapport aux sphères du pouvoir. L'étiquetage permet également aux mêmes cercles de pouvoir s'excuser de ne pas comprendre un type de savoir dont le parcours est trop sophistiqué pour correspondre aux modèles courants. Bien plus, il transmet le message que le savoir traditionnel est fixe, momifié et indigne des temps modernes. Une fois, on a représenté le savoir traditionnel comme un savoir de deuxième ordre, cela devient ainsi plus facile et moins dispendieux de le transformer en un produit de base.

C'est ce à quoi nous assistons de nos jours. Le résultat de siècles de créativité humaine est maintenant vendu en pièces détachées avec la participation active de l'OMPI et de l'OMC. Mais comme vous ne pouvez ni acheter ni vendre le numéro cinq, vous ne pouvez pas acheter le savoir des populations sur les plantes ou sur la nature ou tout autre savoir. Ce qui a vraiment été fait c'est que l'on a écrasé, ou violé le droit des populations dans le monde pour les empêcher de continuer librement à créer, promouvoir, protéger, échanger et jouir du savoir. Pouvez-vous imaginer un monde où personne, à l'exception de quelques corporations, ne puisse utiliser le numéro cinq?

FIDÉICOMMIS

Le Fidéicommis se réfère à la responsabilité légale de diriger ou d'administrer certaines sortes de propriétés ou de biens - comme dans un fonds en fidéicommis - sur faveur de quelqu'un. Cela vient de la tradition anglo-saxonne légale. Ce terme a été introduit dans le débat politique sur les ressources phytogénétiques au début des années 1990 comme un moyen de protéger de la destruction physique et du détournement légal, les stocks mondiaux de recueils de matériel génétique ex situ. La façon dont cela s'est déroulé signifiait que les centres agricoles internationaux du GCRAI avaient la responsabilité de maintenir l'ensemble des semences gardées dans leur banque de gènes «en confiance» pour le bénéfice de la communauté internationale. Cette responsabilité leur était accordée par les membres de la Commission des ressources phytogénétiques de la FAO - c'est-à-dire, les gouvernements nationaux. L'accord de confiance, signé à l'origine en 1994, servait à s'affranchir des doutes concernant les propriétaires des matériaux qui se trouvaient dans la banque de gènes du GCRAI. Il instruisait formellement les centres afin de préserver leurs collections de matériel génétique à perpétuité et de les rendre libres face aux DPI. En apparence cela semble un noble effort. Les collections institutionnelles de diversité génétique les plus importantes du monde pour un certain nombre de cultures sont, soit disant, gardées saines et sauves (congelées) et disponibles pour l'utilisation (des scientifiques), pour le bien public. Le mot clé important est «public». Les collections de semences gardées en fidéicommis sont considérées «comme des biens publics internationaux» qui ne devraient pas être privatisés et devraient bénéficier à tous. Mais le système dans son entier - à partir du texte de l'accord FAO - GCRAI jusqu'à la façon dont il a été mis en œuvre - a un certain nombre de faiblesses cachées. Ni les centres du GCRAI ni le GCRAI lui-même ont la capacité légale d'empêcher les gens d'obtenir des brevets ou d'autres formes de propriétés intellectuelles sur le matériel en fidéicommis. Les centres distribuent des échantillons de semences mais ils ne peuvent pas contrôler ce qu'ils deviennent, ni dans les laboratoires ni dans les tribunaux. Ni la FAO ni le GCRAI peuvent empêcher les chercheurs d'obtenir des DPI sur les composantes ou les dérivés de ces matériaux. Quelquefois les sensibilités sont exaspérées.

En 2000, les cultivateurs de riz Thaï, les ONG et les politiciens se sont mis en colère quand ils ont appris que des échantillons de riz Jasmin avait été envoyés par l'Institut international de la recherche du riz (un centre GCRAI) aux scientifiques des États-Unis sans demander l'accord préalable de transfert de matériel déclarant que les DPI étaient interdites. En 2001, des scientifiques péruviens, on fait une esclandre sur la façon dont le Centre international de la pomme de terre (un autre institut GCRAI) avait manipulé l'accord fidéicommis quand il avait transporté des échantillons de yacon du Pérou au Japon. Mais le plus important c'est qu'on ne consulte jamais toutes les personnes qui fournissent ces différents matériaux composés de plantes uniques dans le fonds fidéicommis - les communautés d'agriculteurs locaux et les autochtones dans les pays en développement - pour savoir s'ils veulent que les semences soient mises dans le système, s'ils ont confiance dans les centres du GCRAI et à qui ils pensent que tout cela devrait bénéficier, s'ils considèrent que les semences font partie des biens publics internationaux et s'ils veulent jouer un rôle dans tout le processus.

Il n'y a pas de raison de douter des bonnes intentions derrière le système. Mais la réalité politique de tout cela est que l'autorité qui prend les décisions a été abrogée par les agriculteurs qui contribuent les premiers aux semences.Voilà ce qui ne va pas et qui doit être résolu. (Est-ce que quelqu'un a dit quelque chose au sujet des droits des agriculteurs?)

Jargon
CDB - La Convention sur la biodiversité représente le résultat de pressions internationales prolongées pour répondre à la destruction et à la piraterie de la biodiversité de l'hémisphère sud. Après des années de discussions, la Convention a été acceptée en 1992 et est entrée en vigueur en 1993. Aujourd'hui, 188 nations y ont adhéré, la CDB a été saluée comme un important tournant décisif en ce qui concerne les efforts internationaux pour encourager la conservation de la biodiversité et elle a été applaudie pour avoir offert une reconnaissance formelle aux communautés autochtones et indigènes pour le rôle fondamental qu'elles ont joué dans la conservation de la biodiversité. Dix ans après, bon nombre d'espoirs se sont évaporés.
GCRAI - le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale - un groupe de doneurs a fondé le GCRAI au début des années 1970 pour financer la recherche agricole dans le monde. Cela a eu lieu par le biais de 16 centres Internationaux de recherche agricoles qui s'appellent maintenant des centres de «Récoltes futures» et comprennent plus de 8.500 scientifiques et aident une équipe qui travaille dans plus de 100 pays.
FAO - l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Le seul forum international de négociations qui a toujours sérieusement entrepris de se charger de la question des Droits des agriculteurs - du moins elle l'a fait pendant un certain temps. Elle est également le siège du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture qui a été établi pour protéger les produits agricoles des agriculteurs et assurer leur conservation, leur échange et leur utilisation durable. Mais ses provisions essentielles sur l'accès et les bénéfices partagés s'appliquent seulement à une petite liste spécifique de produits agricoles mais leur valeur n'est toujours pas claire pour les agriculteurs.
GATT - l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, voir ci-dessous OMC.
ADPIC - Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Article 27), les pays sont obligés de fournir une protection à la propriété intellectuelle pour les variétés de plantes au niveau national soit par le biais de brevets ou «d'un système sui generis efficace» ou les deux. Les négociations ADPIC ont été en perte de vitesse pendant un certain temps et de nombreux pays développés négocient des closes qui, au contraire, ont affaire avec les gouvernements du sud. Ces ADPIC-plus mettent en place des conditions plus importantes pour les DPI que l'ADPIC lui-même, ils ont été introduits par le biais d'une gamme d'accords bilatéraux, régionaux et sous - régionaux. Ils sont en train de faire de gros progrès si bien que l'ADPIC sera bientôt dépassé.
OMPI - l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle - Une star montante sur la scène des négociations internationales. Les États-Unis comme d'autres pays qui réclament des brevets, le considèrent comme l'organisme qui établit un régime de brevets mondiaux (voir Seedling, octobre 2003, p.11)
OMC - Établie en 1995, l'Organisation mondiale du commerce est une agence mondiale qui a transformé le GATT en un organisme imposant doté du pouvoir de définir les règles du commerce mondial, de les renforcer et de punir les rebelles. Dans son centre on trouve toute une série d'accords OMC qui vont de l'agriculture à l'investissement, négocié et signé par la majeure partie des nations commerçantes de la planète et ratifié par leurs parlements. L'OMC est l'une des forces majeures de la globalisation commune.


Partager quelques miettes avec le San
Pendant des milliers d'années, les Bochimans de San ont mangé le cactus Hoodia (gauche) pour tromper la faim et la soif durant leurs longues excursions de chasse. Mais en 2002, le Hoodia est devenu le centre d'une dispute de biopiraterie. Une compagnie du Royaume Uni, la Phytopharm, a breveté P57, l'ingrédient du Hoodia qui supprime l'appétit, revendiquant d'avoir «découvert» un remède potentiel contre l'obésité. Elle a ensuite vendu les droits de commercialisation du produit pour 21 millions de dollars à la Pfizer, le géant de l'industrie pharmaceutique américain, qui espère avoir un traitement sous forme de pilules prêt pour 2005. Mais tandis que la compagnie pharmaceutique était occupée à séduire les médias, leurs actionnaires et leurs financiers tout émerveillés par leur nouveau médicament, avaient oublié de demander aux Bochimans quels savoirs ils avaient utilisés et breveté.
L'excuse de Phytopharm se basait sur le fait qu'elle croyait que les tribus qui utilisaient le cactus Hoodia avaient disparu. Richard Dixey, le chef exécutif de la société a déclaré: «Nous faisons tout ce que nous pouvons pour rembourser, mais il s'agit vraiment d'un problème difficile-surtout parce que les personnes qui ont découvert cette plante ont disparu». S'étant réveillé face au fait que les San étaient bel et bien en vie et ayant organisé une campagne de compensation, Dixey fit rapidement marche arrière et un accord de partage des bénéfices fut établi entre Phytopharm et le Conseil d'Afrique du sud pour la recherche industrielle et scientifique (CSIR) qui était chargé de mener la société Phytopharm jusqu'à la plante de Hoodia (et de détromper la compagnie au sujet de l'extinction des habitants de San). Ironiquement, la rencontre ratée du CSIR avec les San au début du développement commercial de l'Hoodia a renforcé considérablement les relations de marchandage et l'influence politique des San, entraînant un cas très discuté suivi dans le monde entier. Mais même dans ce «meilleur cas», de scénario des bénéfices partagés, les San ne recevront qu'une partie du pourcentage - moins de 0.003% - des ventes nettes. L'argent des San proviendra du partage de CSIR, tandis que les bénéfices reçus par la Phytopharm et la Pfizer resteront inchangés. Non seulement la Pfizer et la Phytopharm sont exemptes de partager leurs pourcentages faramineux mais elles sont également protégées par un accord contre toute requête financière supplémentaire de la part des San.
Il y a également d'autres inquiétudes. Le premier d'entre eux est représenté par l'accord confiné presque exclusivement aux bénéfices monétaires qui dépendent des ventes du produit et d'une commercialisation couronnée de succès. La commercialisation est encore loin d'être certaine, soulignant la nécessité d'une approche plus compréhensive et plus holistique face au partage des bénéfices qui ne sont pas exclusivement financiers et qui ne dépendent pas du développement du médicament couronné de succès qui fournit immédiatement des bénéfices tangibles pour les San. Les inquiétudes supplémentaires comprennent des questions multiples comme l'administration des fonds, les bénéficiaires, les bénéfices spécifiques dans les limites géographiques et au sein des différentes communautés, la minimisation des impacts sociaux et économiques ainsi que les conflits qui pourraient se développer avec l'arrivée d'une grosse somme d'argent dans des communautés appauvries. Un dilemme moral critique touche le brevetage et la privatisation du savoir. Dans des communautés comme celle de San, le partage du savoir appartient à la culture et représente l'élément de base de leur façon de vivre.
Sources: Antony Barnett, «In Africa the Hoodia cactus keeps men alive. Now its secret is stolen to make us thin». The Observer, (London) 17 June 2001; Rachel Wynberg(2002), Sharing the Crumbs with the San.

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